
fur le filtre une vraie terre calcaire accidentellement
mêlée d’un peu d’argile , de chaux martiale,
& peut- être, d'une portion de fluor qui a échappé
à la décompofition. On n’eft pas étonné que M.
Monnet n’ait pas réuffi en n’employant que partie
-égale d’alkaü bien pur ; mais on ne peut s’empêcher
de l’être, qu’il fe foit permis de nier le re-
fultat d’une expérience avant que de l’avoir répétée
comme elle étoit décrite. M. Schéele avoit précisément
averti, dans fou premier mémoire , que
le fluor fe fondoit fans aucun changement avec
l'alkali cauffique , qu’il' falloit 4 parties d’alkali, &
d’un alkali cryflallyfi, ' pour operer cette décompofition.
Gette expérience a été répétée plufieurs
fois publiquement dans les Séances du cours de Chy-
mie de l’académie de Dijon , fur le fpat fluor verd,
d’A uvergne, & le réfultat a toujours été tel. que
M. Schéele l’avoit annoncé, parce que je me con-
formois exactement à fes dotes & à fon, procédé.
Il n’y a donc plus lieu de douter que Xacide
fluorique ne foit un acide particulier de fon genre,
& qu’il n’exifte dans le fluor minéral combiné avec
le calce. Mais une analyfe n’eft sûre qu’autant
qu’on en connoîtbien tous les produits; nous avons
vu ici une croûte terreufe fe former à la furface
de l’eau du récipient, cette croûte fe montre quelque
foit l’acide décompofant ; on a propofé des hy-
pothèfes très - diverfes pour l’explication de ce phénomène
, M. Achard a même cherché à établir
dans les mémoires de l’académie de Berlin de
« H , que cette croûte n’étoit que la terre particulière
du fluor minéral unie à l’acide vitriolique ;
il eil indifpenfable de fixer à cet égard les opinions
, l’état aéluel de nos connoiffances me fournit
heureüfèment la folutioncompletteduproblème.
I I . Quelle efi la nature & l’origine de la croûte
terreufe, qui couvre Veau du récipient dans Vanalyfe
du fluor ? Il femble que cette queftion devoit être
décidée par les premières expériences de M.Schéele,
puiiqu’il reconnut, i° . que cette terre blanche étoit
infoluble dans l’eau , iufoluble dans les acides •
qu’elle formoit avec la potaffe la liqueur des cailloux,
& qu’elle- préfentoit, enfin, tous les caractères
du quartz ; 20. que le fluor régénéré ou produit
artificiellement par Xacide fluorique faturé d’eau
de chaux, fourni doit la même croûte terreufe lors
de fa diftillation; 3-«.. que le verre étoit toujours
fortement attaqué. Les circonftances ihdiquoient
affez que cette croûte étoit formée de la propre
fubftancé des vaiffeaux ; mais c’eft une particula-
rtté bien digne de remarque, qu’un Chymifte aufli
uabile , ait été déterminé à abandonner cette idée,
precifément par la même expérience qui en a fourni
depuis la démonftration. M. Schéele imagina
d’employer des vaiffeaux de métal, il mit le fluor
pulvérifé, avec l’acide vitriolique, dans un cylindre
de laiton , garni de fon couvercle ; il fufpendit
en même temps au-de'ffus du mélange, une cheville
de fe r , & un charbon de bois ; il n’apperçut ati* •
cuo changement au bout de deux heures ; mais
fies ayant trempés dans l’eau , il'trouva deux lien-'
res apres un peu de pouffière blanche quartzeufe
a leur furface, qui avoit fans doute été portée
dans le mélangé par le fluor minéral * & qui lui per-
fuada qu’elle n’étoit pas feulement un produit de la
fubftancé du verre , quoiqu’il fût toujours attaqué.
M. Macquer, à qui M. Bergman avoit envoyé
une petite quantité de cette terre, reconnut qu’elle
■ ne fr°it Pas comme l’argile , qu’elleufoit l’acier,
qu’elle fondoit en verre avec l’alkali , & qu’elle
leftoit fixe & infufible au feu du miroir ardent
d ou il conclut que c’étoit véritablement du quartz.'
La nature de cette terre étant ainfi bien conf-
tatee , M. Bergman s’appliqua à rechercher fon
origine, & publia en 1779, line differtation dans
laquelle il admit, comme très - probable , qu’elle .
etoit le produit de la coagulation des vapeurs de
- , fluorique, avec les élémens folides de Peau,
d’ou il réfultoit que le quartz étoit un compofé de
la nature des fels.
MM. Wiegleb & Buccholz, ont fait depuis plusieurs
expériences , très-bien ordonnées, pour
prouver que cette terre venoit du verre des vaiffeaux.
Le-premier a diftillé fur 2 onces-( ou 966
grains ) de fluor calciné , 2. onces & demie d’acide
vitriolique concentré ; il avoit eu la précaution de
prendre le poids exaél de la cornue, qui étoit de
1260 grains, & celui du récipient , qui étoit de
1 1 10 grains , & dans lequel il avoit ajouté 2 onces
d’eau.
Apres la diftillationla cornue avec ce qui y
etoit refté ne pefoit plus que 5 onces 330 grains,
elle avoit donc perdu 1 once 210 grains.
Le récipient avec le contenu pefa 5 onces 180
grains, il s’en falloit donc 180 grains, que l’augmentation
dans le récipient ne répondît à ce que
la cornue avoit perdu ; il conclut avec raifbn, que
cet excédent étoit la portion qui s’étoit échappée,
en vapeurs, ......r r
Mais la circonftance effentielle , c’eft qu’après
avoir cafte la cornue , & retiré avec foin , i° . la
terre blanche, adhérente aux parois intérieurs , du
poids de 180 grains , 20, le réfidu du poids de 3
onces 160 grains, tous les morceaux de la cornue
exaéfement raflemblés né pefèrent plus que 950
-grains , de forte qu’il y avoit diminution réelle.
de fon poids de 310 grains.
Enfin, ayant réuni toutes- les portions de terre ,
c’eft-à-dire , celle-qui étoit dans le col de la cornue
de 180 grains , celle qui furnageoit la li-
queur du récipient, de 57 grains , & celle qui étoit"
en diflolution dans Y acide fluorique, & qui après
avoir été précipitée par l’alkali volatil , pefoit
120 grains ; elles donnèrent toutes enfemble le
poids de 357 grains, qui èxcédoit par%conféquent
de 47 grains , ce qui avoit été enlevé à la cornue ; .
mais cet excédent n’étoit dû qu’à un peu d humidité,
ou peut* être à un refte d acide, M. Wiegleb
en eut la preuve , en ce que ces terres ,
après avoir été expofées dans un creufet 3 à une
douce chaleur^ ne pefoient plus que 292 grains;
& comme il les avoit mifes dans cîes creufets différons
, il obferva que la croûte du récipient avoit
perdu-elle feule 36 grains, c’eft-à-dire, près des
deux tiers de fon poids, tandis que le fublimé de
la cornue n’avoit perdu que 2-4 grains, & le précipité
< grains feulement.
Il manquoit alors 18 grains pour retrouver tout
ce qui avoit été enlevé à la cornue; mais , comme
le dit ce Chymifte, il eft très - probable que cette
petite quantité avoit été emportée par les vapeurs
pendant l’opération.
M. Buccholz a répété cette expérience, fur des
quantités quadruples ; il remarqua que le récipient
.avoit été attaqué dans l’endroit où tomboient les
gouttes de l’acide ; mais au furplus fes réfultats
furent les mêmes, ^e me bornerai à empréfenter
\ ici le tableau.
Avant Vopération.
Poids de la cornue onces, g
vuide. . . . 12 é
Fluor calciné &
pulvérifé. . . 8
Acide vitriolique. 8
Poids du récipient
vuide. . . . 26
Eau. . . . 2
TOTÀL. : ;
Après la diflillation.
Les morceaux raf- .
femblés de la onces,
cornue. . ' . 9
Le réfidu dans la
cornue. . . 1 4
Le fublimé au col
de la cornue. . 1
Le récipient avec ce qu’il contenoit. 29 6
Total. . . . 56
A in fi, il y avoit fur le tout une diminution de
6 gros , qui avoient paffé en vapeurs , & la cornue
avoit perdu de fon propre poids 2 onces 7 gros.
Ces expériences répandoient, fans doute, un aflez
grand jour fur la véritable origine de cette croûte terreufe
; mais M. Meyer a fourni le complément de
la démonftration, en fiibftituant des vaiftauxde métal
aux vaiffeaux de verre, comme M. Schéele l’avoit
d’abord imaginé; voici le procédé de M. Meyer,
tel qu’il m’a été communiqué par M. Bergman
lui-même, pour l’inférer dans la tradu&Ion de fa
differtation lur la terre quartzeufe, & en m’annonçant
avec la candeur d’un vrai philofophe, ami
de la vérité , qu’il abandonnoit abfolument l’hy-
pbthefe fur laquelle il avoit fondé l’explication de
ce phénomène.
M. Meyer a’ pris trois vaiffeaux cylindriques
détain , d’égale capacité ; il a mis dans chacun un
mélange de 3 onces d’acide vitriolique & d’une
once de fluor minéral, qu’il avoit eu l’attention
de pulvérifer dans un mortier de métal il a
ajouté dans premier àè ces mélanges, une once de
verre pulvérifé , dans le fécond, une once de quartz
en poudre ; il n’a rien ajouté dans le troifième.
Il a fupendu une éponge imbibée d’eau , au-
deflus de chacun de ces mélanges , & ayant fermé
ces vaiffeaux de leurs couvercles ; il les a expofés à
une chaleur tempérée.
Une demie heure après, l’éponge du cylindre
qui contenoit le premier mélange, fe trouva couverte
d’une croûte quartzeufe, le mélange étoit lui-
même. confidérablement gonflé ; il n’y avoit aucun
changement dans les deux autres vaiffeaux.
Douze heures après, l’éponge fufpendue au-deftùs
du fécond mélange, étoit aufli chargée d’une pouf-
ftêre blanche ; celle du troisième ne montra pas la
plus légère trace de quartz, même au bout de
plufieurs jours.
A in fi, la croûte quartzeufe produite dans ces
opérations, eft une portion du verre qui eft attaquée
& véritablement diffoute par les vapeurs
acides, qui fe précipite en partie, lorsqu’elle viennent
à rencontrer l’eau du récipient, parce que l’acide
délayé ne peut teni#en diflolution la même quantité
que l’acide en état de gas.
Il feroit fuperflu, après cela, d’examiner 1 :s expériences
multipliées defquelles M. Achard a cm
pouvoir conclure que cette terre, qu’il appelle fpa-
thique eft de toutes les fubftances connues, celle
qui poffède au plus haut degré , la propriété de
mettre en fufion ou de vitrifier les terres & les
chaux métalliques ; cette propriété étant directement
oppofée à celle du quartz, & cette terre étant bien
démontrée de nature quartzeufe , foit par fon origine
, foit par les témoignages univoques "des
plus célèbres Chymiftes de Suède, de France &
d’Allemagne , il faut bien que le favant académicien
de Berlin, ait été induit en erreur, par fini-
pureté des matières qu’il aura employées ou par
quelque autre circonftance de fes opérations.
Maintenant que nous connoiffons Y acide fluorï-
que pour un acide particulier, il eft intéreffant de
déterminer fes propriétés pour en faire enfuite
d’utiles applications.
Comme il attaque le verre & le retient en
diflolution , il eft très - difficile de l’obtenir pur
& privé de toute matière quartzeufe. M. Scheele
l’a diftillé jufqu’à trois fois pour le re&ifier, & quoiqu’il
l’eût filtré à chaque fois, il trouva toujours
de la terre quartzeufe dans le récipient & dans
la'cornue. Non - feulement Fefprit-de - vin le plus
re&ifié ne précipite pas cette terre ; mais même
lorfqu’on en met au lieu d’eau dans le récipient.,
il ne s’y forme plus de croûte terreufe, i’efprit
H a
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