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Le même Chymifte eft parvenu à retenir également
la chaux fufpendue dans la liqueur d’où elle eft précipitée
par l’alkali cauftique, en délayant d’abord là
difîblution de 50 fois fon poids d’eau, & y verfant
enfuite l’alkali goutte à goutte jufqu’à ce qu’il commence
à altérer le papier coloré par le fernamfcouc.
V . La furcompofition produit un grand nombre
d’anomalies apparentes, ol devient même en quelques,
occafions un obftacle à ce qu’on puifle juger
furement l’ordre d’affinité de plufteurs fubftances
entre elles.
On unit l’or à l’argent par la fufion, & on y
ajoute enfuite du cuivre, ou bien c’eft un alliage
de cuivre & d’or que l’on met au creufet avec de
l’argent ; dans tous les cas, on ne trouve, après
J’opération, qu’une feule malle formée des trois métaux
: cela ne prouve nullement qu’ils aient tous ;
une égale affinité l’un avec l’autre ; on doit au _con- |
traire regarder comme certain qu’il y a d’abord \
combinailon des deux qui s’attirent le plus fortement
, & que celui dont l’affinité eft inférieure a dû
être déplacé au même inftant, s’il faifoit partie du
premier alliage ; mais à meftire que fe forme cette
union des deux métaux , dont l’affinité eft plus puif-
fantè , elle fe furcompofe avec le troisième, & ù
ne refie aucune trace de ce qui s’eft pafîe.
La même chofo a lieu dans la vitrification des
terres l’une par l’autre, ou avec des fondans folins.
Gette furcompofition n’eft pas moins manifefte dans-
plufieurs difiolutions acides.
Le muriate mercuriel corrofîf donne, avec l’ammoniac
, un fel triple, dont la chaux de mercure
ne fe fépare, ni par la cryftallifation, ni par la fu-
plimatiori.
La magnéfie & l’ammoniac demeurent unis à l’acide
vitriolique, en certaines proportions. Il en eft
de même de la magnéfie & dè la chaux de fer.
Quelquefois ces furcompofitions s’opèrent entre
quatre fiibftances à la fois , comme quand on mêle
lès difiblutions de tartre acidulé & de borax, le fel
commun avec le vitriol calcaire, ou avec le vitriol
de magnéfie.
Un autre cas qui pourroit être encore plus em-
barraflànt, fi l’on n’en étoit prévenir, eft celui où
lfe mélange de deux fels neutres formés du même
a'Cide donne une apparence de précipité ; c’eft ce
qui arrive quand on verfe de la difîblution faturée
de nitre calcaire dans une difîblution faturée de nitre
dè magnéfie : ce précipité n’eft autre chofé qu’un
tel à trois parties, compofé de l’acide & des deux
bafes réunies ; ce furcompofé prend inftantanément la
forme concrète, parce qu’il exige pour fa difîblution
une plus grande quantité d’eau que chacun des deux
fels féparés. On a la preuve de cette étiologie, en
ajoutant de l’eau qui rediflbut tout le précipité.
Nous devons enfin à l’exaâitude du célèbre
Scheele l’obfervation d’une autre efpèce de. furcompofition
qui mérite d’autant mieux de trouver place ici,
qu’elle préfente une anomalie à laquelle on ne fe
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feroit point attendu. On fait que l’eau de chaux dé-
compofe l’alun ; on jugeroit d’après cela que l’alumine
étant précipitée, l’eau doit refter chargée de toute
la portion de vitriol calcaire qu’elle peut difloudre •
c’eft ce . qui fe trouve en effet quand on n’a employé
que la quantité d’eau de chaux néceffaire, & pour-
lors on obtient une terre alumineufe tranfparente
comme de l’amidon cuit ; mais fi on excède un peu
cette jufte proportion d’eau de chaux ( fans en mettre
pourtant une trop grande furabondance ) , le précipité
n’eft plus tranfparent ; il eft formé d’alumine, de
vitriol cafcaire & de chaux , & la liqueur n’eft plus
que de l’eau pure. On obtient réciproquement le
même précipité, en ajoutant d’abord de l’eau de
chaux , puis de l’alumine dans une difîblution de vitriol
calcaire (Mén. de Scheele, tom. /, pag. /<?ƒ),
Ces phénomènes ne détruifent point l’ordre établi
pour les affinités de la chaux & de l’alumine avec
l’acide vitriolique , ils indiquent feulement une affinité
entre ces deux bafes, au moyen de laquelle,
pour me fervir des termes de Scheele, elles forment
une efpèce de terre particulière.
V I . La fixième & dernière caufe d’anomalies apparentes
, & l’une de celles qu’il importe le plus de
connoître , eft la furcompofition de quelques fels par
un de leurs principes en excès. Cette furcompofition
diffère effestiellement de celle dont il vient d’être
queftion, en ce que celle-là, comme on a pu le
remarquer, fe forme feulement dans les opérations
par lefquelles on cherche à déterminer l’ordre d’affinités
, au lieu que celle-ci préexifte ; de forte que
fi l’on n’en étoit averti, cette ignorance de la vraie
nature des matières employées ne pourroit manquer
d’entraîner de faux jugemens , ou du moins de faire
naître des difficultés inextricables..
Tous les Chymiftes ne paroiffent pas convaincus
de la réalité de cette furcompofition , & j’avouerai
fans peine qu’elle me p^rut d’abord peu conciliable
avec l’idée que je m’étois formée de la néceffité d’un
; point abfolu de faturation, déterminé par la nature
' même des forces qui produifent les combinaifons;
mais les faits qui répugnent le plus font ceux qui
fe trouvent à la fin le mieux démontrés par la diligence
que l’on apporte à en multiplier & à en examiner
rigoureufement les preuves. Une partie de la Ire.
Seélion de ce paragraphe a été confacrée à établir
celui-ci, que je regarde comme une clef de la doctrine
des affinités ; on y a vu comment on pouvoit
le mettre d’accord avec les règles de la faturation;
|on y a vu des exemples multipliés de fels cryftallifés, .
foit avec excès d’acide, foit avec excès de bafe,
même formés avec excès? de bafe dans l’excès de.
leur acide : il devient donc inutile de répéter ici
toutes ces obfervations, d’autant plus que la IIIe»
loi d’aflihité que j’en ai déduite fuffira pour mettre
en gardé contre les fauffes explications que l’on a
données jufqu’à préfent des effets qui procèdent de
cette caufe. Ainfi, pour en foire l’application à l’un
des cas les plus fimples, lorfqu’on verra l’acide ta*-
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«areux faturé de potaffe , céder à l’acide acètenx une
portion de cette bafe , & former avec l’autre le fel
beaucoup moins foluble que j ’ai appellé tartre acidulé
de potaffe ( voye{ a c id e t a r t a r e u x ) , on ne
fera plus tenté dven conclure ni que l’acide acéteux
eft plus fort que l’acide tartareux, ni que l’affinité
de ces deux acides avec les alkalis eft réciproque;
on comprendra facilement que plus le fel neutre
attire fortement une portion d’acide en excès, moins
il fout ajouter à cette puiffance pour rompre l’équilibre
& féparer la portion de bafe qui eft étrangère
à la furcompofition acidulé , & que de là vient que
l’acide acéteux peut s’approprier cette portion de potaffe
; quoique, dans tous les cas d’attraâions électives
fimples, il cède conftamment les alkalis à l’acide
tartareux.
Voilà jufqu’à préfent les feules efpèces d’anomalies
qui aient été bien obfervées, on doit s’attendre à
en rencontrer de nouvelles, à mefure que l ’on multipliera
les expériences ; mais quand on ne parvien-
droit pas à en trouver tout de fuite la folution, je
n’imagine pas qu’après avoir vu celles-ci ramenées
à l’ordre par l’examen de leurs vraies circonftançes,
on veuille encore élever des doutes fur la vérité
d’un fyftême aufti utile , auffi folidement établi, par
la feule raifon qu’on n’auroit pas cormoiflance de
quelque caufe particulière qui modifie accidentellement
l’effet de la caufe générale.
§» V . De Vufage des affinités dans la pratique de la
Chymie.
On ne peut avoir que deux objets dans les opérations
de la Chymie ; ou d’ajouter à la maffe de
fes connoiffances , ou de fe fervir de celles qui
font acquifes pour obtenir , par la voie la plus
fimple & la plus fïire, des produits utiles à la Médecine
, aux Arts & à l’Economie : o r , la compa-
raifon des divers degrés d’affinité eft l’unique bouffole
qui puifle nous guider dans ces travaux ; & celui qui
voudroit s’y livrer, fans s’être d’abord armé de cet
infiniment , ne retirerait que bien peu de fruit de
la plus longue expérience ; il feroit fans ceffe expofé
à prendre pour des prodiges les chofes les plus ordinaires
, il pourroit rencontrer de grands effets & ne
fournit pas en apprécier les conféquences ; fi par ha-
fard il atteignoit une fois le but, il ne feroit pas en
état de retrouver la route pour y revenir ; il ne
mériterait enfin pas plus le nom de Chymifte , que
ne mérite le titre de Mathématicien l’Artifan qui
copie fervilement le modèle qui lui eft donné, ou
l’infenfé qui entreprend de quarrer le cercle fans
avoir les premières.notions de la Géométrie!
Pour juftifier ce premier coup d’oeil fur la pratique
de la Chymie , prenons - en , dans fes détails, une
idée encore plus étendue. Tantôt le Chymifte s’occupe
à analyfer les corps pour en découvrir les
parues conftituantes ; tantôt il cherche à créer, en
quelque forte, de nouvelles propriétés par des com-
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1 portions que la nature ne lui offre point ; il fout
qu il travaille incefîamment ou à féparer des matières
dont la préfence nuit à fon deffein , ou à en recueillir
de précieufes qui refteroient fans valeur, ou à
en trouver de communes qui lui tiennent lieu des
plus rares ; il fout qu’il affigne à chaque fubftance
les caraéteres qui la diftinguent, qu’il la retrouve
bc la reconnoiffe a travers tous les déguifomens que
peut inventer la cupidité ; il fout qu’il fâche réunir
ce qu’il a divifé, recompofer ce qu’il a détruit, qu’il
cherche le plus fouvent à fuppléer la durée des
caufes naturelles par l’induftrie des manipulations ;
il doit enfin aujourd’hui, pour n’être pas au deffous
des lumières de fon fiècle, fuivre continuellement
laétion de ces fluides fubtils, qui n’ont point de
forme qui tombe fous les fens, qui font préfens
prefque par-tout, & ne fe dévoilent jamais que par
les réfultats de leurs combinaifons. Quel eft le procédé
le plus fu r , le plus avantageux, pour arriver
à la fin propofée? Voilà le problème qu’il aura à
réfoudre à chaque inftant, & dont la folution nô
peut être établie que fur la connoifîfance des affinités.
.
Le* preuves de cette vérité font nécefîâirement
familières a tous ceux qui ont mis la main à l’oeuvre,
Quand ils ont voulu rompre l’union de deux fübf-
tances pour en obtenir une p ure, ils ont fenti là
néceffité. de porter dans le mélange un troifièmô
corps qui n’eût que peu ou point d’affinité avec
celle-ci, & qui en eût au contraire beaucoup avec
celle qu’il folloit féparer. Sont-ils incertains de la
vraie nature de quelque matière? ils l’effaient, ils
la reconnoiffent par fes affinités & par les produits
de fes affinités. S’agit-il de former quelque compos
e 11 nouvelle? ils confultent auffi -tôt les TableS
d affinités fur la pofîlbilité de cette corabinaifon, fur
les moyens de la foire réuftir. Jufques dans le
choix des vaiffeaux qu’ils emploient, ils font obligés
de prévoir ce qui réfultera de leurs affinités avec
les matières qu ils ont a traiter. C’eft donc bien moins
pour^ prouver que pour expliquer, que je donnerai
ic i, a 1 exemple du célèbre Wenzel, l’expofition de
quelques procédés déterminés d’après la do&rine des
affinités, afin de diriger, dans fon application à la:
pratique des opérations, ceux qui n’en feroient pas
encore inftruits par leur propre expérience.
I. Je veux avoir fur-le-champ, & fons grande
opération , une difîblution nitreufe d’argent ; il fout
pour cela de l’acide nitreux pur & de l’argent pur;
& je n’ai que de l’eau-forte du commerce, toujours
chargée d’acide vitriolique & d’acide muriatique;
je n ai que de l’argent de vieux oeuvre ou de vaif-
felle, toujours allie de cuivre. Quand je reélifierois-
cette eaü-forte fur du nitre , je retiendrais bien
l’acide vitriolique en état de vitriol de potaffe, mais
1 acide muriatique pafferoit encore dans le récipient ; •
d’autre part, je n’ai pas fous la main les inftrumens
necefiaires pour purifier l’argent à la coupelle : n’im-
porte, j atteindrai mon but par la connoifîance de«