
c’eft ce que vient de faire M. de l’Ifle dans la nouvelle
édition, de fa cryftallographie.
Les Chymiftes ( dit M, Wiegleb ) ne font nulle
part en état de travailler ce fel au même prix
pour lequel le commerce le leur apporte, parce
qu’il y a très-peu d’endroits où l’ofeille fe trouve
a fiez abondamment, & que fuivant, les expériences
de M. Savary, cinquante livres de cette plante , qui
fournirent par expreflion vingt-cinq livres de fuc ,
ne donnent pas plus de deux onces & demie de
fel pur. .
L e fel d’ofeiUe qui fe fait en Suiffe a fur tous
les autres l’avantage d’être parfaitement blanc, en
cryftaux affez gros & très-beaux; celui qui vient
des forêts de Thuringe eft jaunâtre & en plus
petits cryftaux. M. Wiegleb les a fournis à des
expériences comparées, & il réfulte de fes obfer-
va rions :
I e. Qu’un gros dé fe l de Suijfe ne peut être
diflous que dans fix gros d’eau bouillante, & que
malgré l’addition de fix gros d’eau, il fe cryftallife
de nouveau par le refroidifiément.
2,°. Qu’un gros de fel de Thuringe exigea
douze gros d’eau bouillante pour fa diffolution
complette, & qu’il s’en recryftallifa une moitié par
le refroidi ffement.
3®. Que deux gros de chacun de ces fels dif-
fous à l’aide de la chaleur dans deux onces d’acide
vitriolique , & îaiffés dans un lieu frais , donnèrent
des cryftaux minces avec de longues pointes:f
8c qui avoient une faveur extrêmement acide.
4°. Que l ’un 8c l’autre fel diflous en pareille
quantité dans l’acide nitreux délayé, à l’aide de
la chaleur, donnèrent en même-temps des cryftaux
différent; le fe l de Suijfe en petits cryftaux feuilletés,
le fe l de Thuringe en cryftaux prifmatiques
affez gros,"mais au furplus de la même nature,
c’eft-à-dire fans qu’il y eût encore du vrai nitre.
5°. Que quatre gros de fe l de Suijfe exigèrent
pour leur faturation quatre gros d’alkali fixe ou
méphite de potaffe ; 8c quatre gros de fe l de Thuringe
ne prirent que trois gros | du même alkali,
ce qui annonçoit que le dernier contenoit réellement
moins d’acide.
Il n’eft pas étonnant que la forme de ce fel varie
à un certain point, fuivant le degré de pureté, &
suffi fuivant les procédés de la fabrication ; mais
fa cryftallifation régulière n’a pas encore été bien
déterminée , quoiqu’elle ait été dès long-temps
gravée d’après les obfervations microfcopiques de
Capeller & de Ledermuller. M. Savary repréfentc
fes cryftaux comme des colonnes minces, longues
de deux lignes, réunies par une de leurs extrémités
, & préfentant à l’autre extrémité une furface
plus large. Suivant M. Wiegleb,ce-font des rhombes
allongés, feuilletés & pofës les uns fur les autres.
Ces lames ont paru à M. de l ’ifle des paratlelipipldes
fort allongés. On peut en effet rapporter à ce type
les figures que j’ai le plus conftamment obfervées
dans le fel d’ofeille blanc que j’ai pris chez les
droguiftes, 8c fa cryfiallifation fpontanée dans fe£
diflblutions étoit exactement, comme le dit M.
Savary, un faifceau de prifmes, ou plutôt de feuillets
.longs & minces, affemblés par un bout & s’écartant
de l ’autre bout.
L e fel d’ofeille eft plus foluble que l’acidule
tartareux ou crème de tartre, & il a une faveur
acide bien plus marquée.
A cés caractères il eft déjà facile de diftinguer
le vrai fel d’ofeille, nous en indiquerons d’autres
en examinant fes propriétés comme diffolvant acidulé;
mais avant de terminer ce paragraphe, il ne
fera pas inutile de donner une méthode prompte
& commode, pour ne pas être dupe des fraudes
du commerce. Cette méthode confifte à faire
difloudre dans l’eau un peu de ce fe l, & de verfer
la diffolution dans l’eau félétineufe; fi elle ne la
trouble pas en décompofant le vitriol calcaire ,
ce n’eft point du vrai fel d’ofeille ; fi elle la troublé,
on eft lûr de n’être pas trompé,'car il n’y a que
les acides oxalin 8c facchatin qui enlèvent le calce
à l’acide vitriolique, 8c il nty à pas a craindre que
l’on vende de l’acide du lucre pour du fel d’ofeille,
puifque le premier .eft encore, beaucoup,
plus cher. - *
Éj. II. De Vacide oxalin.
L'acide oxalin fe tire du fel d’ofeille en îé
féparant de la portion de potaffe, à laquelle il fe
trouve naturellement uni.
M. Margraff avoit très-bien vu qu’en traitant le
fel d’ofeille avec l’acide nitreux, on obtenoit du
vrai nitre, & que par conféquent on en féparoit
de l’alkali végétal ; mais ce célèbre Chymifte
avoit reconnu en même temps que le fel d’ofeille
fe laifloit décompofer bien plus difficilement que
l’acidule tartareux ou crème de tartre ; qu’en le
traitant avec partie égale d’acide nitreux, la première
cryftallifation ne donnoir encore que du fel
d’ofeille non décompofé; que ce n’étoit qu’à la
fécondé cryftallifation qu’on obtenoit du vrai nitre,
& en fort petite quantité; enfin qu’il falloit employer
jufqu’à fix parties d’acide nitreux pour avoir
une décompofition un peu plus marquée. Ainfi,
dans cette opération, Y acide oxalin n’eft pas complettement
mis à nu; quand on y parviendroit,
cet acide refteroit mêlé avec l ’acide nitreux fura-
bondant: elle ne peut donc fervir qu’a démontrer
l’exiftence de l’alkali tout formé dans le fel d’ofeille.
La décompofition de ce fel par les autres acides
a de même l’inconvénient de laiffer Y acide oxalin
mêlé avec ces acides, dont il eft enfuite très-
difficile de le débarraffer’ complettement.
La terre calcaire ayant plus d’affinité avec cet
acide que les alkalis, elle peut être employée
pour eu féparer la potaffe, comme on le pratique
pour le tartre, iqo parties de craie décompofent
parfaitement cent, trente-fept.parties de fel d’o*
ifeiïle en s’emparant tant de l’acide uni à la bafe
alkaline que de l’acide furabondant; il fe forme
un précipité d’oxalte calcaire qui , après avoir été
lavé & fèché, pèfe cent foixante-quinze, & la liqueur
qui fumage tient trente-deux de méphite de
potaffe , c ’eft-à-dire à peu-près autant qu’on en
obtient par la décompofition du fel par le feu.
Mais M. Bergman remarque très-bien que ce
procédé ne peut fervir à retirer Pacide libre comme
Four le tartre, parce qu’il y a cette différence que
acide vitriolique ne peut reprendre la bafe calcaire
a cet acide.
MM. Savary & Wiegleb ont effayé d’obtenir
l’acide pur en traitant le fel d’ofeille à la diftillation,
foit feul, foit avec un acide capable de rétenir
fa bafe.
Une once ( 480 grains ) de fel d’ofeille blanc
ayant été diftillée à feu nu dans une petite cornue,
avec l’attention d’augmenter le feu par degrés,
il s’eft élevé en vapeurs très-fubtiles une liqueur
claire comme de l’eau, qui avoit un goût plus fort
que celui de l’acide acéteux, mais dont l’odeur
n’avoit cependant rien d’acide, & qui pefoit 150
grains, il n’y eut aucune trace d’huile. On trouva
wn réfidu d’un gris clair , du poids de 160 grains,
qui s’échauffa confidérablement avec l’eau diftillée,
qui , pendant fa diffolution, laiffa précipiter deux
grains de terre brune, & qui fournit par l’évaporation
156 grains d’alkali. Pendant l ’opération, il
fe fublima au col de la cornue environ quatre
grains d’un fel concret fort acide qui y forma comme j
des .cercles.
Le produit de cette diftillation eft de Yacide
oxalin pur ; mais M. Wiegleb vit bien que la quantité
de ce produit ne répondoit pas à la quantité de ■
cet acide contenue dans le fel d’ofeille, puifqu’il
y avoit fur les poids un déchet de 166 grains,
malgré toute l’attention qu’il avoit apportée pour :
qu’il ne pût rien fe diffiper. Au lieu d’en conclure
comme M. Savary, que l ’acide qui manquoit avoit
été converti en alkali, il jugea « que l’acide qui
© avoit paffé à la diftillation ne venoit que de la
s> portion qui étoit dans le fel au-delà du point
y de faturation de l’alkali ; & que la quantité qui
» fervoit proprement à cette faturation, 8c qui
» étoit fans doute la plus confidérable, n’avoit pu.
V être féparée de la même manière, 8c par confé-
» quent avoit été détruite par le feu, comme il
y arrive à tout acide végétal uni à une bafe alka-
5» line ».
Pour s’en affiirer, M. Wiegleb effaya de dégager
cette portion d’acide par un acide plus puif-
fant; il verfa 120 grains d’acide vitriolique fur
480 grains de fel d’ofeille, & il diftilla à feu nu
dans une cornue bien luttée avec fon récipient;
il n’obtint cependant encore que 260 grains de
liqueur, à la vérité plus chargée d’acide que le
produit de la précédente diftillation, & «dans laquelle
il affure n’avoir pu découvrir aucune trace
d acide ijkriolique. Il répéta l’opération en doubladt
la dofe d’acide vitriolique, 8c le produit fie fut pas
plus confidérable, au même degré de feu ; eh
l’augmentant fur la fin, il recueillit encore trente
grains de liqueur, mais pour lors très-chargée
d’acide vitriolique ; le réfidu de ces diftillations
étoit du vitriol de potaffe.
Il paroît que M. Wiegleb n’a jugé de la pureté
des premiers produits de ces opérations que parce
que le précipité qu’il -occafionnoit dans les diffo-
lutions de plomb étoit foluble dans l’acide nitreux,
& en fuppofant que le vitriol de plomb eft in-
foluble dans cet acide; mais M. Bergman qui, le
premier, a indiqué cette épreuve, a depuis averti
qu’elle n’étoit pas fûre. Il n’y aura plus d'incertitude
quand cette liqueur aura été effàyée par
une diffolution dé terre barotique , qui eft le réactif
le plus infaillible pour découvrir l’acide vitriolique.
On pourroit même, fi on le vouloit , dépouiller
complettement les produits de ces diftillations de
tout acide vitriolique, fans y porter aucune fubftance
étrangère, en les précipitant par une. diffolution
d’oxalte barotique par excès d’acide.
Voilà donc déjà des procédés pour obtenir Yacidi
oxalin libre & pur, mais il me refte à en faire
connoître un autre qui eft dûau célèbre Schéele,
qui eft encore plus expéditif, & dans lequel il
paroît qu’il doit y avoir moins de perte.
Il confifte à faturer l’acide furabondant du fel
d’ofeille par l’alkali volatil, 8c à verfer dans la
liqueur une diffolution de nitre barotique ; il fe
fait fur-le-champ échange de bafes par le moyen
d’une double affinité ; l ’acide nitreux s’empare des
deux alkalis, 8c là terre barotique forme avec Yacide
oxalin un fel peu foluble qui fe précipite au fond
de la liqueur. Cet oxalte barotique eft à fon tour
décompofé par l’acide vitriolique en vertu de
l’affinité plus puiffante qu’il exerce fur cette bafe«
8c comme il régénère avec elle le vitriol barotique,
ou fpat pefant, abfolument infoîuble, on trouve
dans la liqueur l’acide pur, que l’on fépare du
précipité par décantation. On doit feulement avoir
l’attention de ne pas mettre plus d’acide vitriolique
qu’il n’en faut, & .’fi cela étoit arrivé, de le
reprendre, en ajoutant de l’oxalte barotique diffous
dans l’eau bouillante, ou même en état concret.
Cet acide pur, dit M. Bergman , n’a pas encore
été fuffifamment examiné, il paroît s’approcher
d’avantage de celui du fucre que de celui du tartre;
il eft cependant différent de l’un 8c de l’autre ,
car l’oxalte de potaffe décrépite au feu, s’y fond,
noircit peu, & fe Jaiffe décompofer par le méphite
de potaffe, ce qui ne convient pas au tartre de
potaffe ; 8c le faccharte de potaffe ne reffembîe
nullement aux fels formés de l’union des acides
tartareux 8c oxalin avec cet alkali.
Cela n’a pas empêché quelques Chymiftes, & en
particulier M. Weftrumb, de regarder l ’acide du
fucre comme le principe acide identique du tartre,
du fel d’ofeille &c. Nous examinerons ailleurs les