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ufage de Talun , il eft sûr qu’il fe trouve toujours
dans la liqueur du vitriol de potaffe , Sc dès qu’on
ne peut éviter la préfence de ce f e l , le plus ou le
moins ne me paroît pas devoir influer beaucoup
fur le choix du procédé.
Les lavages ne doivent pas être négligés pour
débarraflèr le bleu de Prujfe de tous les fiels que l’on
peut enlever, & qui ne peuvent qu’altérer fa qualité
; fi l’on en croit M, Weber, le degré de chaleur
que l’on donne à cette matière en la léchant
contribue à lui procurer la belle nuance que l’on
recherche.
A l’occafion de ces lavages, je rapporterai ici
une obfervation qui me parole devoir intéreffer également
le fabriquant & le Chymifte.
Voulant faire quelques expériences fu r ie bleu
de Prujfe , je commençai par lie faire bouillir dans
l ’eau diflillée, pour le purifier de toutes matières
folubles , dont celui du commerce eft rarement
exempt ; l’eau qui avoir fervi à cette édulcoration
ayant été abandonnée quelque temps à l’air libre,
avoit laiffé fur les parois du vaiffeau un fel grimpant
fans figure déterminée, blanc pour la plus
grande partie, & feulement taché en quelques endroits
de jaune tirant au verd; au fond étoit un
groupe de cryftaux trànfparens, blancs , tiranttrès-
foiblement au jaune, parfaitement figurés en rectangles
ou tables quarrées très-minces qui empié-
toient les unes fur les autres. Je jugeai d’abord
que c’étoic un fel étranger à la matière colorante,
mais je ne fus pas peu furpris lorfqu’en ayant fait
ffiffoudre quelques grains dans l’eau , cette liqueur
précipita toutes les diffolutions de fer en beau
bleu, même fans addition d’acide , comme la meilleur
liqueur d’épreuve.
Ce phénomène me rendit plus curieux de eon-
Kjoî're la nature de ce fe l; j’en pris Une partie
fur laquelle je verlai de l’acide vitriolique , dont
l a concentration étoit 1,845 > P J occaflonna furie
champ un précipité d’un beau blanc, qui fub-
Ma pendant 24 heures dans le même état ; mais
y ayant ajouté Je lendemain de l’eaù diftillée, tout
le mélange paffa fubitement au bleu , & l’ayant
laiffé à Tair libre 9 je trouvai au bout de quelques
jours , fur les parois de la capfule, des cryftaux en
prifmes applaris, tranfparens , feulement tachés par
fa fécule bleue, '& au fond un eryftal plus gros,
qui paroiffoic formé de la réunion de plufieurs de
ces prifmes.
Cela fuffifoit déjà pour prouver que le f e l , obtenu
par l’elixàrion de ce bleu âe Prujfe, n’étoit-
pas Amplement du vitriol de potaflè; ce n’étoit
pas du vitriol de mars , puifque l’addition d’une
bonneflelhve colorai t, n’y produilit pas le moindre
atonie' de bleu ; ce n’étoir pas non plus de l’alun ,
j ’en eus la preuve en ce que le méphite de potaffe
n’occafionna aucun précipité dans fa diffolution .5
à la vérité, cette diffolurion fut troublée fur-le-
champ par le muriate barotique ; mais on fait que
le barote eft précipite par l ’acide colorant comme
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les terrés métalliques;'enfin la diflblurion de ce fel
étoit précipitée par l’efprit-de-vin, comme les
diffolutions des vitriols alkalins, alumineux
martial; mais j’avois obfervé que tous les pruflîtes
a voient la même propriété» Il devenoit donc a fies
évident que ce fel étoit un vrai fel pruffique fc-
luble, à la faveur duquel le pruflite martial étoit
lui-même tenu en diffolution»
Je foupçonnai d’abord que ce pouvait être du
pruflite de cuivre qui y avoit été porté par du
vitriol de mars impur, d’autant plus qu’à une fécondé
cryftallifation ce fel avoit pris une teinte jaunâtre
plus marquée , mais il ne me fut pas poflible
d’y découvrir ce métal par aucun des moyens connus
& appropriés à la nature du mélange. •
Je crus aufli reconnokre le pruflice de manga-
nèfe, parce que je remarquai que lorfque j’ajou-
tois dans la diffolution, de ce fel du vitriol de mars
par excès, le précipité bleu avoir un coup-d’çeil
fiée & pulvérulent, au lieu que quand il n’y avoit
pas affez de vitriol de mars pour s’approprier tout
l’acide colorant, il n’étoit plus poflible de féparer
le précipité par le filtre, même quadruple, & la
liqueur paffoit colorée. Cependant, il étoit difficile
d’imaginer qu’il put fie trouver, dans les matières
employées à cette fabrication , aflez de man—
ganèfe pour produire ce fel aufli abondamment..
Pour lever mes doutes , j ’eus recours à la calcination
: ce fel, expqfié à l’aétion du feu,, ne décrépira
pas, & ne le fondit pas ; fa couleur s’altéra,
infenliblentent, & il laifî’a à la fin une poudre d’un
brun rouge , donc l’elixation me donna une liqueur
très-feniiblement alkaline. La portion inloluble fe
trouva être une chaux de fer qui ne tenait pas
même aflez de manganèfe, pour donner la teinte
violette au globule de phofphate ammoniacal, au
feu du chalumeau»
Il ne me fut pas difficile,. après cela, de reconnokre
la vraie nature de ce fiel, & de me rendre
raifon de tous les phénomènes qu’il m’avoit pré-
fentés : c’étoit un prujjite alkalin fur chargé de bleu:
de Prujfe , il tenoit aufli un peu de terre alumi-
neufe que je reconnus au précipité blanc, léger^
floconneux, que le méphite de potaffe occafionna
dans la“ liqueur provenant du mélange de ce fel
avec l’alkali vitriolique pur. Il n’étoit plus étciï-
nant que la diffolution de ce fel eût été précipitée
en blanc par l’acide vitriolique concentré, il dé-
cidoit fubitement fa cryftallifation \ quand on dé-
layoit cet acide, on favorifoit le jeu des affinités ,
il décompofoit le pruflite alkalin , & la fécule bleue
fe féparoit fur-le-chàmp ; il étoit tout Ample, en-
un mot, que la diffolution de ce fel précipitât le
fer en bleu, comme la meilleure leflive colorante»
On verra, dans la feétion fuivante, les confé-
quences intéreffantes que l ’on peut tirer de ces
faits dans la pratique de la Chymie ; je me bornerai
à en conclure ic i , par rapporta la fabrication ,
que l’on doit obferver de mettre plutôt plus que
moins de vitriol de mars dans, le mélange peur la
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précipitation ; que fans cela on s’expofe à perdre
une portion de matière colorante qui s’en va dans
les lavages , une portion même de bleu de Prujfe tout
•formé dont elle fe charge ; enfin , que le produit
qui refte a le défaut d’être en partie foluble dans
l ’eau , & d’autant plus affoibli de couleur, qu’il
tient plus de ce fel blanc.
L e bleu de Prujfe de la meilleure qualité eft
celui qui eft léger, qui n’eft pas trop pâle, qui
n’eft pas dur, ni luifant dans la caffure, mais qui
reffemble à de la craie douce , & laiffe aufli facilement
des traces fur le papier»
Je terminerai cette feélion par le précis de la
defeription que donne M» Weber de la méthode
que l’on fuit en Allemagne, & qui n’a pas encore
été publiée en françois.
On prend des cornes, des ongles & autres matières
animales, & on les calcine dans une chaudière
de fer fondu jufqu’à ce qu’elles foient réduites
en charbon ; on pulvérife ce charbon, & on
le paffe par un crible peu ferré»
On a une autre plus grande chaudière, aufli de
fer coulé,. qui eft placée dans une efpèce de fourneau
de réverbère , pour pouvoir lui donner lin feu
affez vif. On jette dans cette chaudière cent livres
de vedaffe ou potaffe du commerce ; quand elle eft
bien fondue, on y ajoute, en trois fois, foixante-
quinze livres de pouffière de charbon animal-, en
obfervant, à chaque fois, de remuer avec une verge
de fer, & de donner environ une demi-heure
d’intervalle , pour que tout le mélange fe remette
en fufion. 11 s’élève une. flamme à la furface , &
tant qu’elle fubfifte , on entretient le feu pour brûler
complètement l’huile qui refte dans la matière
charbonneufe. Lorfque cette grande flamme a ceffé,-
& qu’il n’y a plus qu’une petite flamme bleue, on
arrête le feu, & on jette tout de fuite la maffe
rouge dans un grand cuvier rempli d’eau bouillante..
Cette leflive eft enfuite filtrée fur une toile, fur
laquelle on la rejette pour féparer, par une fécondé
filtration , quelques parties charbonneufes
qui ont paffé dans le commencement , & on y
réunit les eaux de lavage du réfidu charbonneux»
On prépare , d’un autre côté , une diffolution
de deux cents livres d’alun &. de trente livres de
vitriol de mars d’Angleterre, on la jette fur une
toile, d’où elle coule dans la leflive colorante ; on
laifle dépofer la couleur^quieft alors d’un bleu pâle ;
on décante la liqueur claire, & on arrofe la fécule
d'une grande quantité d’eau chaude pour dif-
foudre tous les fiels.
Le précipité ainfi édulcoré eft mis à égoutter
fur une. toile, puis porté fous une preffe de bois 1
enfin expofé en morceaux à l’air & au foleil : en le
faifant léchera l’étuve , on augmente confidérable-
ment l’intenfité de là couleur»
On voit qu’il n’eft pas queftion d-’aviver par les
acides, cette opération ne fe fait que dans le cas
©ù l oa veut avoir un bleu très - foncé. De là on
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peut conclure que le Ueu de Prujfe fles fabriques
d’Allemagne eft très-clair ; & ce qui paroît prouver
que certe méthode y eft affez généralement fui-
vie,- c’eft qu’au rapport du même auteur , M. W e ber
, on y diftingue fous le nom de bleu de Paris
( Parifer4 lau) celui qui eft d’un bleu plus foncé;
il le croit préparé fans alun, avec une leflive fa-
turée par l’acide vitriolique»
Le bleu de Prujfe, dont parle M. Bergman qui
lui donna à l’analyie foixante-dix-fept livres de terre
alumineufe au quintal , & feulement vingt - trois
livres de matière colorante, vencit fans doute des
fabriques d’Allemagne»
I I . La liqueur d'épreuve poiür les précîpïfû métal*
tiques'., dont il me refte à parler, n’eft dans Je fond
qu’une leflive colorante de même nature que celle
dont il a été fait mention dans la feélion précédente;
mais elle exige bien d’autres précautions r
i l fuffit que cette-dernière donné abondamment
du Ueu de Prujfe avec les diffolutions de fer; la
qualité que l’on cherche dans la première , & qu’il
eft le plus difficile d’obtenir, efl qu’<?//e ne porte
point avec elle i'e bleu tout formé qui, en fe iéparant
dans les mélanges , y ja ie foupçonher du fèr
qui n’y^ exiftoit pas, & changé la couleur propre
des précipités des divers métaux»
C ’eft: pour n’avoir pas employé une liqueur âe
cette qualité, ou du moins pour n’avoir pas terni
compte de la différence des phénomènes qui en
dévoient réfui ter, que MM» Martin, Weftendçrfi,
Baunaeh, &c» ont foutenu que tous le s métaux
étoient précipités en bleu par'la leflive pruffiquè,
que les au très, font fi peu d'accord fur les vraies
couleurs de ces précipités-.
Les plus grands Chymiftes cependant fe font
appliqués à perfectionner la préparation de cette
liqueur , dont l ’ufage dévoie être fi précieux daris
lès analyfes, par la propriété de ne précipiter que
les*fubftanees métalliques, fans toucher aux fels
ni aux terres; mais il paroît que faute d’en eon-
nokre la vraie nature, ils ont dirigé leurs travaux
vers un but qu?il n’étoit pas poflible d’atteindre
ou propofé des reétifieations fujettes à d’autres in-
convéniens.
Je ne rapporterai pas ici toutes les tentative»
qui ont été faites, toutes les obfervatiens auxquellés
elles ont donné lieu ; mais l’importance du fu je tr
& fur-tout les difficultés qu’il préfente, exigent
que je m’arrête du moins à celles qui ont obtenu-
quelque confiance»-- -
MM. Macquer & Baumé recommandent de pu-r
rifier la liqueur d’épreuve par le vinaigre diflillé r-
cet acide ( difent-rls ) , qui n’y porte point de fer
précipite t-ouq le bleu qu’elle recèle , à l’aide d’une
digeftion de quelques jours à une douce chaleur -
on amène enfuite cette liqueur à une neütraliüé
parfaite , en faturant par une fuffifante quantité
d’alkali fixe-le petit excès d’acide acétêux qu’el.'fe
peut a v o i r & alors elle ne fe colçrc plus a-yte