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fuffit qu’ils s'unifient tout entiers fans abandonner
un de leurs principes;, pour que ce foit l’affinité du
compofé lui-même, & non celle de fes élémens, qui
détermine l’union. Mais il arrive fréquemment que
trois corps auparavant réparés, fe rencontrant dans
Tétât fluide , ne forment plus qu’une feule maffe qui
a tous les cara&èfes d’un compofé homogène, &
qui les conferve jufqu’à ce que l’union foit rompue
par des moyens, chyiniques : tel eft, par exemple,
l’alliage de l’or , de l’argent & du cuivre. L’affinité
qui produit cette çombinaifon à trois parties, a reçu
les noms d'affinité compofée, d'affinité compliquée. Or
il me paroît que ces expreflions ne fervent guère qu’à
diftraire l’efprit des vrais phénomènes qu’il doit con-
fidérer dans ces circonftances. En effet, pour fuivrê )
l’exemple que je viens de donner, ce n’eft pas i
l’aétion fimultânée & réciproque des trois métaux '
les uns fur les autres, qui forme la condition éffen- ,
tielle de l’opération ; ce concours n’efl; nullement.,
néceffaire, on . en a la preuve en ce qu’elle réuffit \
également, en.ce qu’elle donne abfolument le même i
produit, foit que l’or ait été d’avance allié à l’argent j
ou au cuivre, ou le cuivre à l’argent.. Il y a donc j
toujours deux inftans , lors même que l’on emploie j
les trois métaux fèparés : le premier où une molé- i
cnle d’un des métaux arrive au contaél d’une molécule
d’un autre métal ; le fécond où cette molécule
compofée attire une molécule du troifième métal,
avec la force qui eft propre à fon état de compofition.
On voit par-là que ces deux forces font auffi
Amples que dans toute autre circonftance, qu’elles
ne compliquent rien, 6c qu’elles ne doivent être
diflinguées que^ par la fucceffion des temps. Si l’on
ne devoit regarder comme affinité fimple que celle
qui uniroit deux corps Amples, il faudrait dire que
toutes les affinités feroient compofées, car nous con-
noiflons bien peu de matières Amples, & il n’y en
a d’ailleurs aucune qui fubiffe la loi de cette attraction
, A elle n’y eft difpofée par une première com-
la pratique des opérations : ‘c’eft. ce qui m’engage à'
faire encore :ici une mention particulière de l’affinité
difpofée & de l’affinité par concours-.
J’entends par affinité difpofée, celle qui réfulte du
changement d’état de compofition d’une des fubftances
que l’on veut unir , & qui produit une çombinaifon
qui n’aurait pas eu lieu. Tans ce changement. Par
exemple : on tenterait vainement l’union dire&e du
mercure avec l’acide acéteux ; imais a-t-on calciné
le mercure , c’eft-à-dire, l’a-t-on fait paffer à l’état
de chaux métallique en Tuniffant à une certaine
quantité d’air v ita l, principe acidifiant, il fe trouve
difpofé à s’unir encore à l’acide acéteux, & il y a
diflolution. On fait également que l’açide muriatique
n’attaque pas l’or ; qu’on'furcharge cet acide d’air
vital, & l’or cédera à l’aâipn de ,ce diffolvant compofé.
pofttion avec l’élément fluide ou la matière de la
chaleur. En un mot, ou l’un des trois métaux refte
feul, &.nous difons qu’il n’a point d’affinité avec la
maffe compofée des deux .autres, où ils forment tous
les trois une feule maffe , comme dans notre exemple,
& c’eft le réfultat de la fucceffion plus o.u moins
rapide de divers a&es d’une feule & même puif-
fance , l’affinité de compofition.
Ce que nous difons ici de l’alliage de trois métaux
doit s’appliquer à; tous les furcompofttiops chy-
miques, quelques foient la nature & le nombre de
leurs 'parties connues,
III. Quoiqu’un examen un peu réfléchi nous découvre
ainfi l’erreur ou l’inutilité de la plupart des divi-
Àons ordinaires des affinités, & ne nous laiffe en •
quelque forte appercevoir qu’une feule affinité, qui
eft l’affinité de compofition que l’on retrouve toujours
en dernière analyfe,. on ne doit cependant pas
négliger les. diftinéfions fondées fur d’autres rapports
,.qui peuvent éclairer la théorie & guider dans
Les métaux qui ont fubi une calcination trop
complette, refufent de s’ unir aux acides les plus
puiifans ; c’eft ce qui arrive fur-tout aux chaux de
fe r , de. manganèfe, &c. &e. Que l’on dépouille
ces chaux de la portion du principe acidifiant qui
s’y trouve par excès, & elles redeviennent fuf-
ceptibles. de la çombinaifon acide. Enfin, perforine
n’ignore que l’eau.& l’huile ne'is’uniffent pas, on
a même, dit pendant long-temps, mais fans aucun
fondement, qu’il y avoir fépuifion entre ces deux
fluides ; veut-on les faire entrer dans la même com-
binaifon ? il fuffit de former d’abord un compofé
d’huile & d’alkali ; l’huile eft alors rendue mifcible
à l’eau, ou , A l’on veut s’exprimer dupe manière
plus conforme aux vrais principes, qu’aux préjugés
de l’ancienne école, l’huile, par fa compofition avec
l’alkali, acquiert la propriété qu’elle n’a point feule
de contraâer une véritable union avec l’eau.
Ces exemples annoncent que l’affinité difpofée fe
produit également & par l’addition d’une matière
convenable à l’objet qu’on fe propofe, & par la fé-
paration do celles qui fe trouvent faire obftacle à
l’union. L’affinité produite dans le premier de ces
cas a été appelle affinité d'intermède , ou affinité par
interrnède ; l’expreffion que je lui fùbftittie a tout à
la fois l’avantage de comporter un fens plus rigou-
reufement- exact, & celui de s’appliquer à un grand
nombre' de phénomènes j qui , quoique détermines
par des moyens différens-, ou même contraires, fe
trouvent néanmoins dans un ordre tout-à-fait analogue.
On n’a jamais d it, on n’oferoit- pas dire encore
que deux métaux qui s’allient par la fuAon, ne
s’unifient qu’en vertu de l’amnité d’intermède produite
par la matière de la chaleur ; on ne fe croirait
pas mieux fondé à appeller affinité d’intermède celle
qui unit un acide & un alkali concrets, parce quil
faut qu’il y ait au moins une de ces deux fubftances
difloutes dans l’eau, pour les difpofer à la combinai-
fon ; il eft pourtant bien évident que le feu & l’eau
font exa&ement dans ces circonftances ce que fait
l’alkali pour rendre l’huile mif cible à l’eau ; c’elt-à-dire,
qu’ils mettent ces corps «dans un état de compofition»
fans lequel -ils ne pourraient exercer une affinité allez
puiifame, Là cawfe prochaine de cette ^ttraétion emçace
étant la même dans tous ces cas, j’ai penfé
qu’il étoit plus corivenable de les clafîer dans une
divifion commune.
' IV. L'affinité par concours eft un des points les plus
importans de la Chymie moderne ; elle fuppofe toujours
le concours aétuel & fimultané de quatre
fubftances aU moins j fouvent d’un plus grand nombre
y elle fupppfe encore que ces fubftances ne font
pas ifolées, mais qu’il y a au contraire compofition
préexiftante ; elle produit des combinaifons, qui,
dans les circonftances données, n’auroient pas lieu
fans ce concours. Cette affinité eft la même que celle
que les Chymiftes appellent affinité double, & ce nom
lui convient très-bien, quand il n’y a réellement
que quatre fubftances ; mais il peut y eh avoir cinq,
fix & même ; plus ; la nouvelle çombinaifon peut
être le réfultat d’un plus grand nombre d’échanges
entre les différens compofés ; on peut dire en un
mot. que les cas où il n’y a que quatre fubftances
en jeu font très-rares, & que nos connoiflances nè
font pas aflez avancées pour l'affirmer : voilà ce qui
me détermine à généralifer cette divifion, eh nom-r
mant affinité par concours cette tendance à’ l’union,
qui ne devient efficace que par le fecours* de plu-
fieurs forces.confpirantes. Eclairciflohs maintenant fà
définition par quelques exemples.
Si l’on verfe de l ’acide nitreux fur du vitriol de po-
tafle parfaitement neutre, il n’y a aucun changement,
l’acide nitreux refte libre , l’acide vitriolique & la
potafie reftent combinés, & fi on fait cryftallifer la
liqueur, oh retrouve le fel neutre comme avant fa
diflolution ; d’où l’on conclut aveç raifon que l’acide
nitreux pe décompofe pas le vitriol de potafie , ou,
ce qui eft la même chofe, que l’affinité de; l’acide
vitriolique avec la potafie, eft plus grande que celle
de l’acide nitreux avec la potafie.
Il n’y a de même aucune décompofition du v itriol
de potafie, lorfqu’on met dans la diflolution
de ce fel du mercure, foit. en état de métal, foit en
état de chaux. M. de Foureroy a bien obfervé
( Mém. de Chymie, pag. 246) que le mercure S;’é -
teignoit par la trituration avec le vitriol de potafie;
mais il a vérifié en même temps que ce fel neutre
n’éprouvoit aucune altération, que par la diflolution
dans l’eau, & l’évaporation, on le retrouvoit très-pur
& prefque fans déchet : on- peut donc dire encore
que le mercure n’a pas aflez d’affinité avec l’acide
Vitriolique pour l’enlever à la potafie.
Cependant, fi Ton mêle la diflolution de mercure
dans l’acide nitreux à la diflolution de vitriol de
potafie, ce dernier fel eft décompofé * les , deux acides
font fùr-le-champ échange de leurs bafes, & l’on
obtient par la cryftallifation deux compofés nouveaux;
d’un côté, du vitriol de mercure ; de l’autre, du
nitre de potafie. Ainfi , l’ordre des affinités ordinaires
de compofition paroît changé, & ce réfultat
a pas connu la théorie, quoique Jimcker afiùre
qu’il n’a pas eu le temps de la publier ; on a découvert
eft le produit du concours de plufieurs affinités.
, . Cette décompofition du vitriol de potafie avoit l
ote obfervée par Stahl ; mais il eft certain qu’il n’en j
depuis un très - grand nombre de phénomènes
analogues, les expériences du célèbre Mac-
qiîer fur la formation du Bleu de Prufle , n’ont pas
peu contribué à établir .ce fait général, en ce qu’elle
, fournit, comme il le remarque, un des exemples
les plus frappans dé l’effet des affinités réunies ( V.
A c id e pru s s iq u e & Bleu de Prusse ) ; & il eft
probable que beaucoup de. produits que nous attribuons
encore aujourd’hui à l’affinité ordinaire de
'■ compofition, feront reportés à la clafle des affinités
par concours , quand nous connoîtrons mieux ce qui
fe pafie dans les opérations, & l’aétion de toutes
lès fubftances qui y jouent un rôle.
Cependant, il ne faut pas croire qu’il y a toujours
affinité double ou par concours, toutes les
fois qu’on obtient deux nouveaux compofés dans
la même opération ; ce ferait s’écarter des termes
de la définition , dans laquelle j’ai exprimé, à defiein ,
la condition que la décompofition ne puifle s’opérer
que par le moyen des forces confpirantes ; & M.
de Foureroy dit très-bien à ce fujet, qu’on ne doit
compter pour véritables affinités doubles, que celles
dans lefquelles un compofé. de deux. corps , dont
l’union n’eft pas rompue par deux autres fubftances
ifolées, éprouve cette décompofition par l ’aétion des
deux mêmes fubftances réunies. Ainfi , quand deux
matières , q u i, dans leur état de liberté , ont Tune
ou l’aütre le pouvoir d’en feparer deux autres réunies
, les féparent encore quand elles font combinées,
ce n’eft pas une affinité doublé ; il' y a bien alors
deux décompofitions ... & deux combinaifons nouvelles,
mais cela n’arrive que par occafion parce
que les deux principes qui font mis à la fois en liberté
par l’affinité Ample de compofition , ne peuvent
fe rencontrer fans obéir à leurs affinités particulières;
en un mot, la condition du concours des quatre
fubftances n’eft plus néceffaire , & c’eft la néceffité
de cette condition, qui conftitue efîentiellement ce
que nous appelions affinité double. Lors donc que
l’on décompofe le nitre mercuriel par le tartre de
potaffe , ce n’eft pas proprement une affinité double ,
parce que la potafie feule auroit précipité le mercure»
Il en eft de même quand on mêle la diflblutionr
acéteufe d’argent avec la diflolution de muriate
magnéfien, puifque le premier de ces fols, feroit
également décompofé par l’une ou l’autre des parties
compofantes du dernier.
On pourra être furpris, après cela, de trouver;
précifément ces deux exemples d’une double décompofition
dans la Table Symbolique des affinités
doubles de Bergman ; mais on auroit tort d’en conclure
que ce grand Chymifte ait ignoré que l’affinité
plus puiflante d’une des fubftances compofantes
auroit fuffi pour faire cefler funion du métal avec
l’acide» On n’eft pas même en droit de lui reprocher
d’avoir confondu dans cette Table des cas
entre kfquels nous croyons devoir établir des di-
vifions : ces divifions,, je ne finnois trop le répéter,