
j ’ai préparé une eau régale avec deux parties
d’acide nitreux reélifié à la manière de M ey er,
& une partie d’acide muriatique redifiillé fur du
fel commun ; la pefanteur fpécifiqué du premier étoit
de i , s 09, celle du fécond de 1 , 126 , le thermomètre
étant à 15 degré dans ces liqueurs.. Je iri’at-
tendois bien qu’il n’y auroit pas diminution de chaleur
comme quand on dilfout, par exemple , du
fel commun dans l ’acide nitreux , mais l’augmentation
de chaleur pendant le mélange fut moins con-
lidérable que j-e l ’aurois imaginé, elle n’alla pas à
3 degrés. La pefanteur fpécifiqué du compofé de-
voit être par le calcul de 1 , 1813 , elle fe trouva
par expérience de 1, 1795 > c’eft-à-dire, qu’il n y
eut de différence que de 0 ,0 0 1 8 , qui ne pouvoir
être attribuée qu’à la raréfaélion ocCàfionnée
par la chaleur. Ainfi il n’y eût point d’augmentation
de denhté, ni par conféquent de pénétration
des deux acides, quoique la réaéh’on fe fût mani-
tfeftée affez fenfiblement par le changement de couleur
: ces deux acides qui, féparés, étoient limpides
comme l ’eau , prirent au bout de quelques mi-
jnutes la nuance jaune ordinaire de Veau régale.
Par imprégnation.
Cette méthode a été annoncée par le célèbre
Prieflley , comme devant être d’une grande utilité,
en ce qu’elle donne une eau régale incomparablement
plus forte pourdiffoudre l’orque Veau régale
ordinaire. ( Expér. &c. tome IV> pag. 22g.) '
Elle diffère des précédentes^ en ce que l’on y
emploie un des acides en état de gas, mais il n’eft
pas indifférent d’imprégner l’acide muriatique de
;gas acide nitreux, ou l ’acide nitreux de gas acide
muriatique ; le premier procédé eft le feul qui réuf-
ffffe. M. Prieflley dit avoir mis en ufage tous les
moyens qu’il a pu imaginer pour parvenir à imprégner
à fon tour l’efprit-de-nitre par le gas acide
muriatique, & il lui a été imposable d’obtenir une
liqueur capable de diffoudre l’or , ou qui fût à
.quelques égards différente de l’acide nitreux ordinaire.
Pour compofer cette eau régale, M. Prieflley fait
diffoudre du bifmuth dans de l’acide nitreux, &
reçoit le gas, qu’il appelle vapeur nitreufe, dans des
flacons de verre fecs , communiquans à la manière
de M. Woulfe. ( Voye^jig. 14 des appareils
pour les gas). On peut remplir d’abord les flacons
ce cette vapeur, & on y introduit enfuite l’acide
muriatique qui doit l’abforber, ou on met un peu
de cet acide dans la partie inférieure du flacon fur
laquelle oh fait après cela paffer la vapeur nitreufe.
Cette vapeur, qui eft toujours rouge, n’eft pas de
l ’acide nitreux aériforme abfolument pur , puif-
qu’elle porte avec elle beaucoup de gas isitreux,
qu’elle fe mêle à l’air des vaiffeaux ( voyey Gas
a CIDE NITREUX); mais comme elle eft plus pelante
, elle forme la plus grande partie de ce qui
refte en contaél avec l’acide muriatique,
Dans cette opération, dit M. Prieflley, l’acide
riiuriatique de couleur de paille devient auffi-tôt de
couleur orangée beaucoup plus foncée que celle
que peut jamais prendre l’acide nitreux lui-même ;
la vapeur qu’il exhale eft finguliérement piquante;
il 11e paroîc pas augmenter beaucoup de volume,
ce qui eft d’autant plus remarquable que l’acide nitreux
fait le principal volume de l'eau régale ordinaire.
Quand ibeft faturé de cette vapeur , il donne
de l’a it, dont une partie eft abforbée par l’eau, dont
le furplus eft du gas nitreux ; pour peu -qu’il foie
chargé de cette vapeur, il diffout l’or, même k
froid , avec la plus grande rapidité; il attaque auffi
l’ârgent & produit du gas-nitreux ; il diffout le zinc
& il s’en dégage* du gas , qui ne diffère du gas inflammable
ordinaire,qu’en ce qu’il brûle avec flamme
verte, ce que M. Prieflley attribué à un léger mélange
de gas nitreux.
M. Prieflley indique encore une autre manière
de faire cette eau régale J i efficace ; il fuffit pour
cela de décompofer du gas nitreux par l’air commun,
ou encore mieux par l’air vital, enintrodui-
fant ces deux fluides éïaftiques dans un vaiffeau
contenant une certaine quantité d’acide muriatique
qui en abforbe le produit.
II. Les proportions des deux acides varient ordinairement
dans Veau régale , fuivant l’ufage qu’on
en veut faire, parce qu’on a obfervé que la compo-
fltion qui convenoit le mieux à la diffolution d’un
métal ne réuffiffoit pas également avec un autre
métal, 8c que chacun de ceux que l’on traite par
ce diffolvant exigeoit, en quelque forte, qu’il lui
fût approprié ; il importe dpnc de connoître les
dofes de ces différentes préparations.
Pour Vor, l’expérience a appris que Veau régale
compofée de quatre parties d’acide nitreux tenant
en diffolution une partie de fel ammoniac, le dif-
folvoit mieux & en plus grande quantité. Une eau
régale’ faite par le mélange de deux parties d’acide
nitreux & d’une partie d’acide muriatique peut
prendre à-peu-près le huitième de fop poids de çç
métal.
M. Brandt a propofé, dansées mémoires de l’académie
royale des fciences de Stockolm ( ann. Z 7 5 2 ) ,
de faire chauffer d’abord l’acide nitreux fur l’o r ,
& d’ajouter enfuite du fel commun peu-à-peu, &
pour ranimer la diffolution lorfqu’elle s’affoiblit : il
affure qu’elle fe fait de cette manière avec bien
plus de vivacité que dans une eau régale préparée
d’avance,
■ Pour la platine, les meilleures proportions font
parties._égales d’acide nitreux & d’acide muriatique ;
ilen faut environ feize parties pour une partie de
platine , même en fe fervant d’uné cornue au lieu
d’un marras, pour pouvoir recueillir Sc recohober
l’acide qui s’élève par la chaleur de l’ébullition.
Pour Vétain, M. Macquer recommande une çau
régale plus chargée d’acide muriatique, comme
étant moins fujette à calciner ce métal. Celle qui
èft
«ft compofée de deux parties d’acide nitreux & '
ff’une partie de fel ammoniac ou d’acide muriatique
concentré , peut tenir , fuivant ce chymifte , en
diffolutique claire à-peu-près fon poids égal d’étain
, fans qu’il s’y forme de propriété , fi ce
n’eft dans un long efpace de teins , pourvu que la
diffolution ait été faite lentement & fans chaleur.
MM. 'Bayen & Charlard , dans leurs belles expériences
fur le départ de l’arfenic allié à l’érain ,
le font fervi d’une eau régale préparée avec un acide
retiré du nitre par l’intermède de l’argllié
feâifié à la manière de Meyer ; dont la pefan-
i^eur fpécifiqué étoit 1,3158 , en y ajoutant par
once 36 grains ~ de fel ammoniac bien pur ,
& étendant enfuite cet acide régalin de deux ou
même de trois parties d’eau , lorfqu’ils vouloient
que l’arfenic fût féparé en poudre noire , & fans
être attaqué. .
Pour /’antimoine, on compofe Veau régale de*4 parties
d’acide nitreux, & de 1 partie feulement d’acide
muriatique ordinaire non concentré. On parvient à
faire prendre le 16e de fon poids de ce demi-métal
, en obfervant de ne le jetter qu’en petits morceaux
, de ne les jetter que fuccemvement, quand
les premiers font diffous, & de n’employer qu’une
très-douce chaleur.
Telles font les principales compofttions d'eau
régale ; quelques différences moins effenrielles
qu’exigent des cas particuliers ne méritent pas
.de nous occuper ici , & feront mieux placées
en traitant des matières, auxquelles on applique
ce diffolvant. On voit que dans toutes ces préparations
, c’eft toujours la préfence des deux
acides qui en fait le cara&ère principal, & à vrai
dire , unique. Il n’eft pas aufti facile de rendre rai-
fon de l’efficacité des diverfes proportions dans lef-
quelles on les combine fuivant les circonftances;
en général, ôn s’eft bornéjufqu’àpréfent à recueillir
les faits qui indiquoient les meilleures proportions
fans chercher à en pénétrer les caufes , même
fans s’attacher à former de ces obfervations une
Jbafe sûre , en déterminant à chaque fois .la pefan-
fanteur fpécifiqué des acides employés; mais avant
que d’effayer la réfolution de cette queftion, il faut
.connoître la nature de V eaurégale, c’eft-à-dire , du
profuit de la combinaifon des deux acides ou de
l’altération de l’un par l’autre.
- § . II. De la nature 6* des propriétés de /’acide
régalin.
Veau régale a des propriétés fort différentes des
. deux acides avec lefquels on la eqmpôfe,elîe‘diffout
Mes corps que ces deux acides féparés ne peuvent
attaquer; elle ne peut manjfefter ces propriétés-
nouvelles qu’autant qu’il y a eu combinaifon,ou des
. .deux acides fans décompofition , ou de quelques
parties conftituantes de l’un ou de l’autre, enfuite
.d’une affinité qui a décidé la décompofition. Ce
p’çft donc pas Amplement un acide mixte , Sç cette
Çhymie. fome ƒ,
expreflîon , que l’on a prife fi long-temps pour une
explication fuffifante, ne fatisfait nullement à ce
que l’on eft dans le cas de defirer fur cette matière
dans les principes de la cHymie moderne.
Dès que le célèbre Schéele eut découvert que
l’acide muriatique diftillé fur la chaux noire de
manganèfe diffolvoit l’or , M. Bergman en fit l’application
à Veau régale ; il fuppofa en conféquence
que l’acide nitreux ne fervoit ici que comme la
chaux de manganèfe , c’eft-à-dire , à enlever à
l’acide muriatique le phlogiftique qui lui étoit naturellement
uni, & dont la préfence diminuoit fes.
propriétés aéffves. Cette hypothèfe fe préfentoit
avec d’autant plus de probabilité, que l’on favoit
déjà que l’acide nitreux étoit fort avide de phlogiftique
, & que l’on a voit obfervé dans le mélange
des deux acides les mêmes phénomènes que
produit conftamment l’acide nitreux, toutes les
fois qu’il eft mis en contaél avec des matières
phlogiftiques, & qu’il ne produit qu’avec elles.
Cette explication, que j’ai annoncée à l’article
acide muriatique déphlogifliqué, n’exigeroit d’autre
développement que celui que j’ai eu occafion d’appliquer
à tous les cas où une fubftance perd de fon
phlogiftique, c’eft-à-dire, qu’elle reçoit néceffaire-
ment en échange une portion d’air vital, principe
acidifiant ; voyes^ A cide nitreux , A cide arsenic
a l . &c. après cela cette explication ne feroit pas
fufceptible de difficulté fi l’exiftence même du ph’o-
giftique n’étoit aujourd’hui révoquée en doute par
quelques-uns des plus célèbres Chymiftes; mais,
puifqu’ils croient pouvoir fe paffer de ce principe ,
il faut qu’ils rendent raifon d’une autre manière
des nouvelles propriétés de Vacide régalin. Voyons
donc ce qu’ils mettent à la place de ce fyftêmë.
J’ai ici l’avantage de trouver toutes leurs obje&ions
réunies, appliquées dire&ement à la marière qui
nous occupe , dans un mémoire très-intéreffant de
M. Berthollet, lu à la rentrée publique de l’aca-
; démie royale des/ciences le 6 avril 1785, dont
les expériences ont ete prefque toutes répétées
dans le laboratoire de l’académie de Dijon, d’après
la communication que ce favant 1!*bien voulu me
donner de fon manuferit, & qui vient d’être imprimé
dans le journal phyfique, /. X X V I , p. q2t,
M. Weftrumb avoit bien publié, dans un des recueils
périodiques de M. Crell ( Nevefl. Entdeeb.
part. 7 & 8 ) , des expériences lur la vertu de la
manganèfe, de déphlogiftiquer l’acide muriatique;
mais fon travail avoit pour objet principal l’examen
de la manière dont elle difpefe les acides à
s’unir à l’efprit-de-vin ( Foye{ A lcoh ol MURIATIQUE
& Ether ). Pour conferver l’ordre des dates
, j’en extrairai feulement les obfervations fui-
vantes.
M. Weftrumb a effayé de rediftiller l’acide mu -
riatique déphlogifliqué fur la chaux de manganèfe,
& il a reconnu qu’il n’en diffolvoit plus , que fes
propriétés acides s’affoibliffoient de plus en plus.
■ Il a obfervé que l’acide Yitriolique diftillé fur