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fable. La grande affinité de cette matière avec ces ;
dçux fluides fi universellement répandus , eft caufe !
que nous ne pouvons la faifir dans Ton état de \
pureté; elle eft donc toujours unie ou à l’air vital
ou au phlogiftique, ou à l’un ou à l’autre en même
temps, dans certaines proportions. Avec l’air vital
ou principe acidifiant commun , c’eft un acide dans
toute la rigueur de l ’acception ; avec le principe
métallifant commun , c’eft un métal complet ; retenant
partie de ,l’un & prenant partie de l’autre,
c ’eft une chaux métallique : il y a même lieu de
croire qu’il n’eft pas néceflaire que la privation de
phlogiftique Soit abfohie pour produire l’aeide.
Cette théorie eft à préfent trop bien prouvée,
pour qu’on puiiTe la regarder comme une fimpîe
hypothèfé. Non-feulement elle embrafle toutes les
vues que le favant Suédois développe à ce fujet
fur l ’acide radical des métaux ; mais elle les géné-
râlife encore, en établiflaut une analogie entre tous
les métaux & tous les acides. Tous ces êtres ne
font dans l’origine que des bafes difpofées à fubir
les mêmes changemens par des affinités femblables ;
les métaux font des foufres moins inflammables &
plus duéh'les , les foufres font des métaux moins
duélibles & plus inflammables ; ainfi après avoir
marché long-temps de conjectures en conjectures f
l ’homme eft parvenu à lever Une partie du voile ,
& il commence à reconnoîtrè la marche de la nature
à fa fimplicité. J ’étois loin de prévoir une auffi'
grande révolution dans le fyftême de la partie la
plus ancienne de la Chymie , lorfque j ’écrivois en
1776 que l’air vital étoit l’élément acide de celui
qu’on retïroitdü foufre de Stahl, comme M. La»
vôifier avoit démontré qu’il étoit partie conftitua'nte
eflentielie de l’acide nitreux. Voye\ Acide & Acide
MÉPHITIQUE, §. III.
C ’eft aux* Chymiffes à diriger maintenait leurs
recherches dans cette nouvelle carrière.. Ils ne
doivent pas défefpérer, dit M. Bergman, de dé»-’
couvrir encore de nouveaux exemples de cette
admirable tranfmutation , c ’eft-à-dire de retirer
l’acide de quelqu’autre fubftance métallique ; iïre -
bommande fur-tout à leur examen les chaux métalliques
blanches , celle de zinc , qui paroît éprouver
quelqu’aélion de la part des déphlogiftiquâns,
puifqu’eHe noircit dans Y'acide muriatique déphlo-
giftiqué, & qui s’unit aux alkalis; celle d’antimoine,
qui, indépendamment de cette propriété , montre
encore une apparence de diflolubilité ; en,u-n mot
toutes celles dont les alkalis fe chargent facilement.
Il eft bien cerrain que ce caractère , comme l’a
déjà obfervé M. Lavoifier , les rapproche fihguîiè-
rement des acides , & je ne doute' pas que quand
cette partie de la Chymie aura été un peu plus
approfondie d’après ces vues nouvelles, toutes ces"
combinaifons , que nous confidérions comme des
diflolutions de chaux métalliques par des alkalis ,
ne foient rangées parmi les diflolutions opérées par
des acides métalliques plus ou moins déphlogiftiqués,
c’eft-à-dire plus ou moins avancés à l’état d’acide,
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& pourtant agiflant déjà fur les alkalis comme
bafes.
Après les demi-métaux que je viens de nommer,
le cuivre & l’étain me paroiflent, parmi les métaux
imparfaits, ceux que l’on peut foumettre avec
plus de confiance à des eflais de décompofition*
La chaux de cuivre forme, avecl’alkali volatil, un fel
très-voifin de l’état de fel neütre 7!’étain abandonne
fi facilement fon phlogiftique à la première aCtion
de l’acide nitreux qu’il ne lui en refte pas afleZ
pour être, tenu en diflolution ; & peut-être qu’ere
traitant quatre fois Cette chaux avec cinq parties
de nouvel acide nitreux, & l’évaporant à ficcité,
comme on le pratique pour la molybdène, on
apperCevroit quelque progrès de déphlogifticatiop,
Je fêtai voir à l’article POURPRE MINERAL que la
précipitation de l’or par l’étain ne peut être expliquée
qu’en confidérant l’étain comme faifant fonction
d’acide au moyen de la déphlogiftication qu’il
a fubi dans l ’eau regale , & que l’or lui - même
achevé. /
Par rapport aux métaux parfaits , cette déphlogiftication
fera fans doute bien plus difficile , puifque
c’eft précifément leur affinité avec le phlogiftique
qui conftitue leur caractère différentiel. 11 y
aura cependant même probabilité qu’ils font auffi
formés d’une terre particulière qui petit s’unir au
principe acidifiant, en pérdant de fon phlogiftique,
puifque nous les mettons en état de chaux. Voye% Chaüx métalliques & Métaux.
Quel eft cette terre, élément propre à chaque
métal ? C’eft ce qui nous eft encore abfoîument inconnu
; mais les adeptes qui s’en occupent exclu-
fivement^ne devroient-ils pas reconnoître ici toute
l’illufipn de leur cabale myflérieufe , puifque c’eft
à la Chymie exaCte qu’ils doivent le premier rayon
de lumière fur la compofition de çes mêmes métaux
, qu’ils ont vainement tourmentés pendant tant
de fiècîés..
Acide minéral , eft proprement un acide tiré
d’une des fubftances qui appartiennent au règne
minéral. La Chymie.- en compte actuellement dix,
fans diftinguer les diflerens états que quelques-uns
prennent,. fuivant qu’ils font plus ou moins pourvus
de phlogiftique, & fans y comprendre .1acide
méphitique qui appartient aux trois règnes. Ce font
les acides arfenical, boracin , flüorique, karabique ,
molybdique , muriatique , nitreux, fydéritique ,
tung'ftiqùfi & vitriolique.
Quelques obfervations annoncent que l’acide
phofphqrique, '& même YaÆie pruflique, peuvent
le rencontrer dans des matières foffiles ; mais il eft
probable qu’ils y ont été portés tout formés , & par
conféquent qu’ils ne cefl'ent pas pour cela d’être
d’origine animale. .ƒ
Lorfqu’on parle de l’un des trois acides minéraux s
cette expreflïon ne- doit s’entendre que des acides
vitriolique , nitreux"& muriatique. On efi: porté à
cfoire que les acides tirés du règne minéral font
a c 1
les pluspuiflans; cela peut être vrai, fous quelques
rapports , fur-tout pour les trois que l’on défigne
plus particuliérement fous ce nom , qui en effet
font moins huileux, & conféquemment moins fu-
jèts à être détruits par 1 aélion de ls chaleur, mais
il faut bien fe garder d’en faire une- règle générale
d’affinité ; -les acides faccharin , gallique , &c. enlèvent
des bafes, même à l’acide vitriolique.
A cid"e MOLYBDIQUE. Je nomme ainfi l’acide
que l’on retire de la molybdène, ,
Avant le travail du célèbre Sshéele, les natu-
raliftês , & même les, Chymiftes confondoient ab-
folument des fubftances très-différentes fous les
noms de plomb de mer, mine de plomb noir, plomb
minéral, galène jlèrile & plombagine. .
Pott remarque avec raifon que la molybdène, qui
en grec lignifie plomb , & le plumbago. des latins,
qui exprime une forte de rouille d.e plomb , n’ont
point été employés par les anciens pour défigner
ce minéral donc on fe fert pour faire les crayons
noirs, Diofcoride en donne une defeription qui ne
peut convenir qu’à une préparation de plomb, ou
même à la litharge, & ce que Pline en dit, défigne
également la feorie des fourneaux , où on traite le
plomb & l’argent ., & une chaux jaune de plomb
' ou maflicot natif, friable & médiocrement pefant.
Les noms de molybdène & de /plombagine ont
été appropriés par les modernes à un minéral friable
, léger, peu dur, s’entamant facilement au couteau
, d’un gris cendré, gras au toucher, & même :
tachant les doigts. Mais ils ne foupçonnoient même \
pas que fous ces apparences , il pût y avoir réellé-r
ment deux fubftances d’une nature tout à fait
différente ; & leurs expériences n’ayant pas été
aflez heüreufement dirigées pour découvrir leurs
principes conftituans , il eft quelquefois difficile de -
reconnoître laquelle des deux en faifoit le fujet.'
Le crayon noir, fuivant Pott, donne à la diftil-
lationun peu d’acide vitriolique , & colore çfa jaune
les acides nitreux & muriatique ; l’alkali précipite
de ces diflolutions un peu de fer; il décompofe à
la diftillation le fel commun ; il détonne fur la fin
avec le nitre , & la maffe reliante n’eft pas altérée.;
le fel ammoniac en emporte à la fublimation quelques
parties martiales.; mais le réfidu conferve fon
onéluofité &. fa couleur; d’où ce Chymifte conclut
quefes parties conftituantes font une terre talqueufe
que le jeu ni les dijfolvans n attaquent point, un peu
de terre martiale , & encore moins d’acide vitriolique.
Nous verrons bientôt>q.u,e ces expériences indiquent
.& excluent tour-à-toûr la molybdène . & la plombagine
; de forte qu’on éft fondé à préfumer que
les morceaux qui ont fervi à fës eflais n’àpparte-
uoient pas à la même efpèce.
L ’illuftre Macquer a fait mention , dans la fecortde
édition de fon dictionnaire, de plufieurs expériences
fur la Molybdène communiquées à l’académie par
M. de l’ifle ; en voici les principaux réfultats :
A C I i i .7
i° . La molybdène diflillée dans nne cornue , k
laquelle étoit adapté un récipient contenant un peu
de potaffe en liqueur , n’a pas perdu fenfiblement
de fon poids ; mais l’alkali crÿftallifé en cubes a.
annoncé qu’il s’étoit dégage un acide volatil & probablement
l’acide gafeux.
20. Expofée à un feu très-violent dans un creufee
pendant deux heures, fon poids n’a pas diminué
fenfiblement ; mife en poudre fur le fond-d’une
mouflle chauffée à blanc, elle n’a laifle qu’une poudre
d’un brun rougeâtre attirablè à l’aimant. Le déchet
a été de pour la molybdène tendre , de pour
la molybdène dure.
Les réfidus de çes torréfaélions ont fourni, par
la réduction , pour le quintal de molybdène tendre ,
deux livres quatre onces de fer très-attirable à l’aimant
, & pour le quintal de molybdène dure, trois
livres cinq onces d’un fer qui n’étoit pas bien fen-
fible à, l’action de l’aimant.
30. Deux parties d’acide vitriolique diftillées fur
une partie de molybdène, ont donné des vapeurs .
blanches & de l’acide vitriolique phlogiftiqué très-
fumant; après vingt-quatre cohobations , l ’acide a
pris ennir une belle couleur verte ; il a fourni par
l ’évaporation un précipité ochreux, comme toutes
les diflolutions de vitriol martial, puis une félé-
nite feuilletée & brillante , & enfin des cryftaux
d’alun. La molybdène, après tant de cohobations ,
s’eft encore trouvée noire & onélueufe.
40. Parties égales de molybdène & de fel ammoniac
, ont donné à la fublimation des fleurs décidément
martiales ; en réitérant ces fublimations
fur la même molybdène, la couleur des fleurs ammoniacales'
s’eft affoiblie à chaque fois , & à la fin
étoient toutes blanches. La molybdènq n’avoit reçu
aucune altération dans fa couleur ni dans fa texture
; feulement le fond des vaiffeaux étoit fenli-
blement irifé.
50. Lé nitre mêlé à parties égales avec ce minéral
, a détonné fans que le réfidu ait perdu fa
couleur noire. Le même mêlange-traité à la cornue,
a fouriii d’abord des vapeurs d’acide nitreux'; mais
quand le fond de la cornue a commencé à rougir ,
il s’eft fait une détonnation qui a brifé les V ai fléaux
avec explofion.
Telles font les expériences que M. Macquer a
tirées du mémoire de M. de l’Ifle. J ’obferverai en
paffant , que çe n’eft pas M. de Romé de l’Ifle,
auteur de la cryftallographie ; celui-ci , dans fa dernière
édition , place dans le genre des pierres argii-
Jeufes la plombagine ou molybdène, comme une
même fubftance , comme le réfultat d’une combi-
naifonfalino-pierreufe, identique, qui la détermine,
âînfi quelle mica & la fléatite , à cryflallifer en
- feuillets minces héxagones.
Je penfe ; comme M. Scopoli dans fes notes fur
le diétionnaire de M. Macquer, que la molybdène
de M. de 1’Ifle étoit une plombagine; plufieurs de