6 o i A F f II. L’acide vitriolique a plus d’affinité avec la potaffe
qu’avec la chaux ; c’efl un fait dès long-temps
conflaté par des expériences direéles, & que Geoffroy
a configné dans fa Table : cependant, fi on
verfe dans la difTolution- de vitriol de potaffe de la
difTolution de muriate calcaire, l’acide vitriolique
quitte l’alkali pour s’unir à la chaux, & il fe forme
de la félçnite ou vitriol calcaire. Nous ne devons
pas être étonnés fi les premiers qui ont obfervé ce
phénomène ont penfé qu’il dérogeoit à l’ordre établi ;
mais nous favons aujourd’hui que toutes les fois qu’il
y a plus de trois fubflances en activité, ce n’efl pas
l’affinité plus puiffante qui décide, mais la fomme
des affinités qui concourent à changer ou à confer-
ver la compofition aéluelle ; je n’ai rien à ajouter à
ce que j’ai dit a ce Sujet, en traitant des affinités
doubles ou par concours , n. IV de la I re, Seélion de
ce paragraphe : ce feroit fermer volontairement les
yeux à la lumière, que de contefler encore fur ce
fondement la confiance de l’ordre des affinités, puif-
que les explications de ces prétendues exceptions fe
déduifent des' mêmes rapports qu’indiquent les cas
qui pàroiffent oppofés.
Les irrégularités apparentes qui naiffent des affinités
par concours fon^£mtrès-grand nombre mais il
n’y a aucune diffi^té à les ramener à la mefure
- invariable des affimtésTimples, lorfqu’on a une pleine
connoiffance dé toutes les matières qui agiffent fi-
multanément, comme dans l’exemple que je viens
de citer. Il en efl tout autrement, quand on n’a
qu’une connoiffance imparfaite du nombre & de la
qualité de ces matières ; on ne peut alors que foup-
çonner une quatrième puiffàhce, fans avoir de bafe I
fixe pour lui affigner une valeur ; ou bien on rifque
d’attribuer à une fimple attraélion éleélive entre trois I
corps ce qui n’efl que l’effet de plufxeurs forces ‘
réunies ; & , comme le dit Bergman, les plus grands
Maîtres y font fouvent trompés. On doit donc mettre
toute fon application à déterminer d’abord avec pré-
cifion ce qui fe paffe dans cës opérations, à rechercher
enfuite quelle efl la fubflance dont l’affinité
connue ajoute ce qui manque aux autres puiffances j
pour produire les phénomènes obfervés. De cette
manière, on parviendra à faire difparoître les anomalies,
& la néceffité de cette conciliation deviendra
une preuve de la préfence des matières qui par leur
nature fe dérobent à nos fens.
C ’efl ainfi que Macquer, Bergman, M. Kirwan ]
& la plupart des Chymifltes ont expliqué jufqu’à j
préfent la précipitation de l’argent revivifié , dans fa j
difTolution nitreufe, par le cuivre en état de métal;
tandis que le cuivre calciné. n’y occafionne aucun j
changement Le phlogiflique, ont-ils dit, forme la i
quatrième fubflance dont l’affinité décide la décom-
pofition ; ce principe paffant du cuivre à l’argent qui
l’attire plus fortement, le premier de ces métaux j
fe trouve feul dans la condition nécefïàire pour s’u- )
nir à l’acide ; & réciproquement, la réalité dé ce ;
principe fe démontre par l’influence de. fes affinités. ’
M» Lavoifier , & ceux qui Suivent avec lui la j
A F F
do&ritie antî-phlohiflique, recotinoiffent aufli TimÜ
pofîibilité de concilier tous les faits, fans admettre j
dans tous les cas analogues, la préfence d’un quatrième
corps ; mais au lieu du principe inflammable,
c’e flà l’air vital, principe acidifiant, qu’ils attribuent
cette fonélion ; cette théorie fatisfait donc également
à la condition-d’une double affinité, elle a encore
l’avantage de défigner pour ce 4e. agent un être
moins hypothétique , qui augmente fenfiblement le
poids des métaux, & qui montre véritablement dans
un grand nombre de circonflances une plus grande
difpofition à s’unir avec les uns qu’avec les autres.
Voy. a ir v it a l .
III. Quand une fubflance éprouve quelque changement
, il efl tout fimple qu’elle ne conferve pas
la même aélion, le même degré d’affinité avec tel
ou tel autre corps qui lui étoient propres avant ce
changement. '
Le changement dont il efl ici queflion doit être
bien diflingué de celui qui réfulte des affinités de ces
fubflances dans le cours ordinaire des chofes, Iorf-
qu’elîes forment par leur union un compofé nouveau
; il s’agit au contraire de celui qui donne lieu
à une combinaifon inattendue, ou qui empêche celle
que de voit produire le mélange'; & c’efl là preci-
fément ce qui fonde le foupçon d’une anomalie.
L’acide acéteux e f l, comme l’on fait, bien plus
foible que l’acide nitreux, & par conféquent incapable
de lui enlever la bafe alkaline ; cependant, fi
on tient au feu dans un creufet le nitre de potaffe,
pendant une ou deux heures, & que l’on verfe
enfuite deffus -de l’acide acéteux, il déplace l’acide
nitreux. Dans l’hypothèfe de Stahl, on rend raifon
de ce phénomène , en difant que l’acide nitreux a
paffé à l’état d’acide phlogifliqué ; fùivant les principes
de M. Lavoifier, une partie de cet acide a été
privée de fon air vital par l’aélion de la chaleur, &
l’autre portion Saturée de gas nitreux n’efl plus fut
ceptible de contrader une union auffi intime avec
la potaffe: explication qui fe,fonde fur ce point de
foit bien avéré , que quand on expofe le nitre à la
même chaleur dans les vaiffeaux appareillés pour le
gas, on recueille en effet de l’air vital.
Le changement efl bien manifefle dans la décoffl-
pofition du nitre par la chaux d’arfenic, à la cornue;
car ce n’efl point une chaux métallique qui refie
combinée, c’efl un véritable acide qui s’efl formé
d’abord en s’appropriant l’air vital acidifiant de l’acide
nitreux (voy. a c id e ARSENICAL.) , & ce nouvel
acide étant de fa nature plus fix e, on ne doit
pas être étonné qu’il ait l’avantage fur ce qui peut
refier de l’autre acide.
On voit par-là que ces changemens peuvent résulter
ou delà décompofition, ou de la compofition
d’une des fubflances, & que l’effet én efl le même
par rapport aux affinités, dont le produit devient né-
ceffairement différent, quand , au lieu de s’unir l’un
à l’autre dans leur état aéluel, les corps mis en
çontaé perdent.ou acquièrent quelque principe. L’eau
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afte l’oil â trôp long-temps regardé comnté une fimple
véhicule, dans un grand nombre d’opérations, fourn
i elle-même quelquefois par fa décompofition la
matière qui'furcompofe ; on ne peut guere douter
maintenant que cela n’ait lieu dans toutes celles oùi
fl fe produit en quantité du gas inflammable & où
un métal paffe à l’état de chaux fans qu’il puiffe recevoir
de l’acide même le principe acidifiant. Voy.
a ir v it a l & e a u .
Tous les cas que l’on a fait Servir de preuves aux
affinités prétendues réciproques, rentrent facilement
dans cette claffe d’anomalies apparentes, quand on
obferve avec foin les changemens que fubiffent les
matières dans l’une des opérations alternatives : j’en
ai donné affez d’exemples dans la I re. Seélion de ce
paragraphe ( n. V ) ,
IV . Lorfqu’il fe forme urt précipité dans un mélange
, ou même lorfque la liqueur fe trouble, on
juge qu’il y a décompofition de l’une des fubflances
ou échange de quelque principe, & cette conséquence
efl généralement fondée ; car, n’y eût-il que
la précipitation d’un fel neutre tenu précédemment
en difTolution par l’eau, il efl vrai de dire que cette
difTolution efl décompofée. Mais lé fel ainfi recryf-
tallifé inflantanément, a été pris quelquefois pour un
précipité d’une autre nature ; d’autre part , 'cette habitude
de reconnoître la décompofition à^ ces lignes
vifibles, a induit à penfer qu’il n’y en avoit point
quand les nouveaux produits fe trouvoient affez Solubles
pour relier dans la liqueur ; parce qu’on n’a
pas fait attention que fi la Séparation d’une matière
moins foluble annonçoit néceffairement un changement
, il ne s’enfuivroit pas que tout changement
dût produire un nouveau compofé de cette efpèce.
Il n’y a rien là qui mérite le nom d’anomalies même
apparentes, ce font tout Simplement des méprifes,
mais contre lefquelles il faut être continuellement
en garde : à l’exemple de Bergman, j’en citerai quelques
unes pour faire connoître la manière de s’en
garantir.
Que l’on verfe une certaine quantité d’acide vitriolique
bien concentré dans les diffolutions Saturées
de vitriol de potaffe, d’alun ou de muriate mercuriel
corrofif, il y aura fur-le-champ un précipité, S que
Ton fera d’autant plus tenté de regarder comme un
nouveau produit, qu’il aura la forme pulvérulente ;
cependant l’acide ajouté n’a fait que s’emparer de
l’eau de difîblution , & occafionner par-là une cryf-
tallifation Subite & confufe, comme celle que détermine
auffi l’alcohol dans les mêmes circonflances.
La difîblution de potaffe mêlée à la difîblution
d’un fel qui a pour bafe. la Soude, n’y occafionne
aucun changement, & cette circonflance a été la
caufe que l’on a long-temps ignoré que l’alkali végétal
eut une affinité fupérieure avec les acides. La
vérité efl qu’il déplace l’alkali minéral, & Ton peut
aifément s’en convaincre , èn faifant évaporer le mê-
lange pour en obtenir les cryflaux ; mais l’alkali de-
yenu fibre, & le nouveau fel neutre qui s’efl fofiné ,
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était Yun & l’autre Solubles, iL n*y a point de raifon
pour que la tranfparence de la liqueur foit troublée.
On parvient cependant à rendre fur-le-champ la décompofition
fenfible, en employant une difTolution
de vitriol de Soude bien concentrée, & y verfant
de la difTolution de potaffe par déliquefcence fpon-
tanee, car le vitriol de potaffe, un peu moins -fo-
; lubie, fe Sépare en cryflaux au bout de quelques
minutes : c’efl le procédé que Scheele indique dans
fes notes fur le Traité des affinités de M. Wenzel
( Crell, Chemifches Journal, &c. 1780, part. 4 , pag.
80).
Le muriate de magnéfie efl décompofé fur-le-champ
| par l’acide vitriolique ; cependant rien n’annonce cette
décompofition , parce que le vitriol de magnéfie refie
dans la liqueur.
L’alumine , & quelques chaux métalliques, peuvent
être tenues en difTolution par les alkalis ; de là
vient que, quand ils ont féparé une de ces fubflances
de fon diffolvant acide, fi on en ajoute par excès,
ils reprennent le précipité qui s’étoit d’abord formé.
On obferve la même chofe dans la précipitation de
quelques métaux par l’acide pruffique ; mais dans tous
ces cas, le figne non équivoque de la décompofitioit
a précédé le phénomène qui pourroit induire en
erreur.
Enfiir, une matière peut être Séparée de fon diffolvant
dans un fi grand état de divifion qu’elle refie
fufpendue dans la liqueur, quoique non véritablement
diflbute, de forte que rien n’annonce la décompofition
; c’efl ce que Bergman a nommé folu~
bilité apparente. On n’en connoît encore d’exemple
bien cara&érifé , que dans la précipitation de la liqueur
des cailloux ou de la terre filiceufe tenue en
| difTolution par la potaffe ; encore fout-il y porter à
deffein une grande quantité d’eau , car fi la liqueur
efl un peu concentrée , les premières gouttes d’acide
que l’on y verfe y occafionnent un précipité fi abondant,
qu’il n’a pas le temps de fe raffembler, ni de
fe féparer du fel neutre, qui tend lui-même à fe
cryflallifer, & que le tout prend une confiflance
gélatineufe. Au contraire, fi la liqueur efl étendue
de plus de 24 fois fon.poids d’eau , elle ne fe trouble
plus ; lors même qu’on ajoute de l’acide par excès;
ce n’efl pas qu’il ne s’empare toujours du diffolvant,
& que par conféquent la difTolution de la terre ne
Soit décompofée ; on ne peut pas même fbtipçonner,
comme le dit Bergman, qu’elle foit rediffoute ni par
l’èau, ni par le fel neutre, puifque cette terre fe
Sépare quand on expofe le mélange à la chaleur de
Tébitllition, qui, dans cette fuppofition, ne pourroit
que favorifer l’effet contraire. Il n’y a donc ici qu’une
fufpenfion des molécules trop écartées pour former
une maffe capable de furmonter la réfiflance du frottement
; mais il n’efl pas moins évident, ainfi que
je l’ai obfervé dans mes notes fur la XIIIe. Difîer-
tation de Bergman, que cette réfiflance efl augmentée
par l’adhérence des molécules terreufes aux molécules
Salines, quoique cette force attraélive ne foïty pas
au degré néceffaire pour produire affinité & diffolutioa,1
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