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fer qu’on y met cémenter. Celui de la planche peut
contenir de ce métal environ 120 quintaux, & consomme
à peu près vingt-cinq cordes de bois de 8
pieds de long, quatre de haut, & les bûches de deux
pieds & demi, ce qui fait 8© pieds cubes pour chaque
corde, & les vingt-cinq cordes font 200 pieds
cubiques. Pour faire une fournée d’acier, d’environ
25 milliers, l’on confomme en Angleterre à peu
près 322 quintaux de charbon de terre, ce qui fe-
roit proportionnellement, pour une opération dans le'
fourneau que j’ai fait conftruire, 16.1 quintaux;d’après
cet expofé, l’on pourra comparer la dépenfe
de ces deux combuftibles, lorfque l’on faura, dans
chaque Province, leurs différens prix, & ceux des
tranfports; mais tout ceci eft affaire de calcul, &
fournis au jugement des Entrepreneurs de pareils
établiffemens qui ne doivent pas fe faire fans fpé-
culation.
Je commencerai par décrire le procédé anglois pour
convertir le fer en acier, c’eft d’après ce procédé
que feu M. Jars, de l’Académie, mon confrère de
voyages, a rapporté d’Angleterre, que j’ai corapofé
& fait conftruire le fourneau, pour être chauffé avec
le bois.
Avant de traiter du procédé de la converfion du
fer en acier , il convient de faire connoitre les
qualités que le fer doit avoir pour y être fournis.
Les Anglois ne fabriquant en général, chez eux,
que des fers défe&ueux, ont été obligés de s’en procurer
du meilleur de la Suède pour le convertir en
acier; ils ont reconnu par un très-grand nombre
d’expériences, que l’on ne peut obtenir de bon aeijsr
qu’avec du fer de la meilleure qualité, St qu’il faut
que ce fer joigne à la malléabilité un peu de roideur
ou de dureté, celui de Suède réunit parfaitement
ces deux données.
L’on peut faire de l’acier avec toute efpèce de
fer, même avec les plus défe&ueux, qui font caflans
à froid & à chaud, & cet acier a le grain fin &
affez de dureté, mais il participe de la mauvaife qua- j
lité du fer, en ce qu’il eft intraitable, qu’il fuit au
marteau ; qu’il ne peut être foudé, ni avec le fe r ,
ni fur lui-même ; que les outils que l’on eft parvenu
à fabriquer avec cet adèr, caftent ou fe gerfent fou-
vent à la trempe; que‘ l’outil qui en eft conftruit,
éclate au moindre eiforMfqu’il éprouve, e’eft ce que
les artiftes appellent acier qui n’a point de corps,
dénomination qui lui convient aflez, puifque fes parties
conftituantes ne paroiftent que très-peu adhérer
les unes aux autres ; fans, doute qu’elles tiennent des
parties hétérogènes interpofées, qui en empêchent
runiofi' intime.
J’ai converti en acier un grand nombre d’efpèces '
de fers de France, de Suède & d’Efpagne, en numérotant
les'barres, & en les mettant dans la caifle
ou creufet de mon fourneau, & environnés du même
cémeijt; chaque efpèce de fer me donnoit dans ces
eftais un acier de qualité différente, les uns fi
dçfeélueux, qu’en les étirant au martinet à une
chaleur qui ne paffoit pas la couleur de cerife, ils
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éclatoient en morceaux, ou au moins fe réinpllflbîent
de gerfures fur les angles; & lorfqu’on étoit parvenu
à en forger un bout de barre de quelques pieds
on le laifloit refroidir, on chauffoit l’autre bout qui
11’avoit point encore été forgé, & on le portoit au
marteau, dont les premiers coups faifoient cafter
dans les mains du martineur, le bout déjà étiré cet
acier eft tres-défeéfrieux; de la même fournée,, j’en
trouvois qui fouffroit aflez paflablement la percuflion
du martinet fans fe brifer, mais qui avoit encore des
gerfures, d’autre qui fans gerfures étoit très-pailleux•
celui-ci, qui provient d’un fer doux & très-mou
n’eft pas à beaucoup- près aufli mauvais que les précédons
, il fe foude, • foit avec lui-même, foit avec
le fer, mais les pailles lui font tort, i°. en ce que
ces pailles, fur-tout celles qui font minces, ne peuvent
pas s’unir intimement à la pâte de l’acier ; 20.
que les outils qui en font fabriqués, ne peuvent pas
recevoir un poli parfait, car dans les endroits où ces
pailles fe trouvent, elles y paroiftent comme des
veines & taches noire ; ; 30. les pailles font très-préjudiciables
à la folidité d’un outil, fur-tout des outils
fins, comme rafoirs , couteaux, : cifeaux , &c.
car, lorfqu’elles fe rencontrent dans le tranchant, elle
le rendent moins coupant & facile à s’ébrecher, &
lorfqu’elles font plus avancées dans l’intérieur de la
lame ou de l’outil, fi elles font difpofées tranfverfà-
lement, elles en occafionnent la rupture. Enfin, de
la même fournée, j’ai obtenu de l’acier qui n’avoit
aucun des défauts cb-deflùs, &.qui avoit toutes les
qualités qui caraéférifent l’acier le plus parfait; & ,
ainfi que les Anglois, je me fuis apperçu que le fer
de Suède me donnoit de meilleur acier que beaucoup
d’autres efpèces de fer, mais j’en ai effayé qui in’en
ont fourni d’aufli bon. Parmi ceux de France, les
meilleurs que j’aie trouvé pour être convertis en acier,
font ceux qui fe fabriquent à la, catalane (voye^ ce
procédé, au mot Forge). Dans le pays de Foix, en
Rouflillon &,en Languedoc, ces fers font généralement
bons, ainfi que tous ceux des Pyrénées, &
lorfqu’ils font fabriqués avec foin, je les préférerais
à ceux de la Suède pour en faire de l’acier, auflt
font-ils lians & nerveux fans être mous.
Les fers du Périgord, du Berry & de l’Angoumois
tiennent le fécond rang, j’en ai cependant fait d’ex-
ceUent acier, qui a fubi les épreuves les plus rigou-
reufes dans les ports du Roi, & en préfence des
Commiflàires de l’Académie Royale des Sciences,
par les plus habiles artiftes de Paris ; qui a été trouvé
aüfli parfait que le meilleur acier d’Angleterre, qui
fervoit de terme de comparaifon, & même plus facile
à employer, & en général fupérieur à cêùx de
Styrie & de. Carinthie, qui font les me Heurs qui
nous viennent d’Allemagne. Mais, pour cet effet,
j’avois foin de choifir le fer fans défaut, & fi je lui
en connoiflois en le fàifant fabriquer aux affineries,
je faifois refondre la loupe une fécondé fois, lorf-
qu’elle avoit été formée; de cette manière, j’étois
afliiré que les crudités, ou parties étrangères qui
étoient reftées dans la loupe à la première, opéraa
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tion, & qui le vicioient, étoient détruites dans la
fécondé. J’avois ainfi d’excellent fer & très-propre à
me donner de bon acier. L’on imagine bien que cette
fécondé opération rend le fer plus coûteux, 1 °. en
ce qu’if éprouve un nouveau déchet ; 20. en ce
qu’il confomme plus de t charbon ; 30. en ce qu’il
coûte plus de main-d’oeuvre; mais, je le répète,
fans cette précaution & l’attention qu’il faut avoir
en outre dans le choix des gueufes, l’on ne parviendra
pas à avoir du fer fuiceptible de donner de
bon acier de cémentation , fingulièrement lorfque
le fer provient des minerais, qui, d’eux- mêmes ,
ne donnent que du fer d’une qualité médiocre. Les
mines de fer blanches fpathiques font celles qui
m’ont donné le meilleur fer pour acier cémenté-; !
ce font aufli celles qui font le plus parfait par la
fonte, en Styrie, en Carinthie & en Tyrol. L’acier
du Dauphiné eft le réfultat des minerais fpathiques;
le bon fer des Pyrénées provient, pour la majeure
partie , des minerais de cette efpèce ; aufli % comme
on peut le voir au mot forges catalanes, y obtient-
on de l’acier de la première & unique fonte de ces
minerais, qui fe trouve dans le maflet ou loupe.
De tout ce que dèfliis il réfulte que , pour faire,
par le procédé de la cémentation, de l’àcier fans
défauts & qu’il foit favorablement reçu dans le commerce
, il faut choifir du fer -qui approche le plus
de l’état de perfeéfion ; je dis qui en approche le
plus, car nous ne fommes pas encore parvenus à
donner à ce métal la pureté dont il eft fufceptible.
Voye%_ le mot Fer.
Après avoir défigné les fers les plus propres à
l’acier, & expliqué la manière de les fabriquer,
nous aUons traiter dé leur converfion en acier par
Voie de cémentation.
Compojîtion de la matière du cément*
Lorfqu’on veut faire une fournée d’acier , l’on fait
pulvérifer des charbons de bois en quantité proportionnée
à la grandeur du fourneau ; ce charbon
pulvérifé doit être enfuité tamifé ou paffé à un crible,
dont les maiHes ou trous ne foient pas trop petits ;
la meiUeure grandeur de ces trous doit être telle que
des pois puiflent y paffer. L’on rie crible le charbon
que pour en ôter les plus gros qui reftent fur le crible,
& qui empêcheraient l’arrangement des barres de fer
dans la caifle du fourneau. J’ai employé féparément
toutes les efpèces de charbons, je n’ai pas trouvé
de différence ferifible dans l’acier auquel ils ont fervi
de cément, & à la fin je les prenois tels qu’ils étoient
ou fe trouvoient ; j’y ai même employé les fraifils
ou charbonnaille qui refte au fond des magafins ou
halles où l’on dépofe ce combuftible pour lé garantir
de la plùie & des injutes de l’air ; ce charbon
en pouflière, qui eft perdu pour là majeure
partie , trouve ici fon emploi, & n’exige que le criblage.
Lorfque le charbon a été criblé, on l’etend
fur un plancher uni, l’on en fait une couche de 4
a 5 pouces d’épaiffeur, l’on y jette de l’eau en fuf-
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fifarite quantité, afin qu’après avoir mêlé cette charbonnaille
avec une pelle, eUe puifle fe peloter dans
la main fans s’y attacher.
Voilà le feul & unique cément que les Anglois
emploient dans la converfion du fer en acier, qui
eft certainement le meilleur pour lui donner le phlo-
giftique convenable ; cependant l’on confeille d’y
, ajouter un quart jufqu’à un tiers de cendres de
bois, fur-tout lorfque le fer que l’on aura à cémenter,
ne fera pas d’une'aflez bonne qualité pour
donner de l ’acier qui ait du corps en même temps
que de la dureté ; cette cendre, que j’ai employée
avec fuccès, empêche que le phlogiftique des charbons
ne s’infinue aufli promptement dans le fer &
procure de la douceur à l’acier fans lui ôter fa dureté
, & on remarquera qu’en y employant la cendre,
les bourfoufilures ou ampoules qui fe forment fur
les barres, feront plus petites & en plus grand
nombre ; j’ai aufli eflàyé d’y mettre du fel marin,
environ 50. livres fuffifent pour une fournée d’acier
de 12 milliers ; on fait pulvérifer ce f e l , & on le
fème fur les barres de fe r , en les plaçant dans la
caifle du fourneau ; je me fuis apperçu que ce fel
contribue aufli à donner ’ du corps à l’acier ; au lieu
de fel qui coûte cher dans certaines Provinces, l’on
peut y employer ce qu’on appeHe pierre de fel.
Lorfque la matière de cément a été préparée ainfi
que je viens de l’indiquer, un homme entre dans
le fournéau par une des portes ménagées à cet effet
, il fe place dans là caifle ou creufet, un autre
lui porte, dans une petite caifle de bois, du cément
qu’il étend bien uniment fur le fond du creufet
; il faut faire enforte que cette couche foit d’un
pouce d’épaifleur.
La première couche de cément ainfi préparée,
l’on donne à celui qui eft dans le fourneau les deux
barreaux de fer qui doivent fervir à s’aflurer lorfque
le fer eft fuffifamment converti en acier, il les
place aux extrémités de la caifle, de manière qu’il
y en ait environ 10 pouces dans fon intérieur & 6
pouces hors de la même caifle , afin que, paflànt par
les petites ouvertures ménagées aux deux extrémités
de la caifle , elles puiflent entrer d’un ou deux
pouces dans les trous correfpondans ménagés à cet
effet dans les murs des extrémités du fourneau par
où on les faifit avec une tenaille, lorfqu’on juge
que le fer eft à peu près aflez cémenté : nous nommons
éprouvettes ces deux barreaux. La coupe en
long du fourneau fait connoitre toutes ces petites
ouvertures ( voyeç l’explication). Il eft à propos d’avertir
que les barreaux de fer dont on vient de parler
, doivent au moins avoir l’épaifleur des plus fortes
barres que l’ori a à convertir ; enforte que fi les
autres ont 7 lignes d’épaifleur, il faut que les éprouvettes
en aient au moins autant, & même une demi
ligne dé plus , car on courrait le rifque qu’en-
core que ces éprouvettes fùffent converties entièrement
, les autres barres ne le feraient pas jufqu’au
milieu où il relierait du fe r , ce qui ferait un incon->
vénient & porterait préjudice à l’acier..
Mmm fj