
changer les réfultats dans des expériences délicates ;
c ’eft ce qu’a très-bien vu M. Meyer, qui recommande
en conféqiience de rediftiller l’eau-forte ainfi
précipitée pour la débarrafler de ces fels ' ( EJfais
fur la chaux, &c. tom. / , chap. 2. ). Je lui donné
volontiers le nom d3 eau-forte reétifiée à la manière
14e Meyer, parce qu’il eft fouvent néceflaire de déterminer
le degré de pureté de l ’acide qu’on a employé,
& que le nom de ce Chymifte peu* fup-
pléer commodément à la deferiprion de ce procédé.
II. h 3acide nitreux , reélifié par la méthode que
je viens d’indiquer, peut être regardé comme pur
dans beaucoup d’opérations & même'd’expérieiices ;
cependant il n’eft encore exempt que d’acides &
de fels étrangers ; il relie uni à une portion de p'hlo-
giftique qui ne lui eft pas elfentielle, que l’on peut
lui enlever, & qui fe rend très-fenfible dans quelques
produits. Il ell donc néceflaire de le priver
de cette fubftance toutes les fois que l’on veut
réduire fes effets à l’aélion qui lui eft propre, &
©bferver exactement les phénomènes qu’il préfente
lorfqu’il ell dans l’état le plus fimple. C ’ell à M.
Schéele que l’on doit la manière de l’amener à ce
dernier degré de pureté.
L 3 acide nitreux, pour être-dans cette condition,
’doit être abfolument fans couleur : on prend donc
cet acide déjà reélifié, comme je l’ai dit plus haut,
fuivant la méthode de Meyer, mais d’ailleurs le-
plus concentré qu’il ell polhble; on lédiftille très-
lentement, jufqu a c e que ce qui relie dans la cornue
foit fans couleur comme de l’eau, & donne, au moyen
de la chaleur , des vapeurs blanches ( Mém. de
thymie de M. Schéele , édit. franç. pag. 43. ). Ce
Chymifte recommande, ainfi que M.'Bergman, de
conferver cet acide dans des flacons dont les bouchons
foientufés à l'émeri & placés à l’ombre ; les
rayons du foleil fuifiroiènt pour le jaunir , & il ne
tarderoit pas à exhaler des vapeurs rouffes.
La théorie de cette nouvelle rectification eft facile
à faifir; à J ’aide*d’une très-douce chaleur la
partie phlogiftiquée s'élève Ta première en vapeur ,
tandis que l’autre eft un peu plus fixé : il relie donc
à la fin une portion d’acide entièrement privé de
phlogiftique, & par conféquent pur dans le fens que
je viens d’indiquer. Je lui donnerai le nom &3eau-
forte de Schéele lorfqu’il fera queftion de quelques
phénomènes que 1*acide nitreux ne peut produire
qu’en cet état.
Ê, y , jPç la nature & des propriétés de l3acide
nitreux.
I. Les anciens Chymiftes perffoient que l’atmof-
phère étoit le magafin de Y acide nitreux, qu’il fe
dépofoit de l’air dans les terres calcaires & autres
matières alkalines qu’il trouvoit à fa portée ; ils
fe fondoient principalement fur çe qu’on ne trou-
voie point de falpêtre dans les terres & pierres,
à moins qu’elles n’euifent éprouvé pendant longtemps
l’aClion & le contaCl d’un air tranquille *
mais, comme le remarquoient les favans rédaCleurs
du programme de l’académie en 1775 , les mêmes
terres & pierres qui fe falpêtrent abondamment
dans les habitations des hommes & des animaux
ne produifent point du tout de falpêtre dans leurs
carrières, lors même qu’elles s’y trouvent placées
de manière qu’elles foiènt acceliibles à l’a ir, pré-
cifément comme dans les maifons & autres lieux
habités. L ’air contribue fans doute à la produClion
de cet acide , mais il n’eft point le réceptacle ni
le véhicule de Y acide nitreux tout formé.
Stahl a propofé un autre fyftême : n’admettant ,
avec Beccher, qu’un feul acide primitif, principe
de tous les autres, favoir l’acide vitriolique, il a
cru que Y acide nitreux n’étoit que ce même acide
univerfel tranfmué par fon union intime avec un
principe inflammable qui fe féparoit des fubftances
végétales & animales, & même de .l’alkali volatil,
dans la décompofidon que la putréfaéliôn leur
faifoit éprouver. Ce grand Chymifte a encore avancé
dans plufieurs endroits de fes ouvrages que l ’acide
du fel commun pouvoit aufli fe tranfmuer en acide
nitreux dans certaines circonftances. M .. Schéele
foupçonne, avec aflëz de vraifemblance , qu’il a pu
être trompé par l’odeur d’eau régale qu’exhale l’acide
muriatique déphlogiftiqué ( Mém. fur la man-
ganèfe'). Au refte,facide muriatique n’étant lui-
même dans les principes de Stahl que fon acide-
vitriolique primitif, il n’èftpas furprenant qu’il ait
admis facilement qu’un acide formé de l’acide vitriolique
pouvoit fournir cet élément à une nouvelle
compofition acide.
En 17 17, Lemery le fils entreprit de prouver,
dans deux mémoires imprimés dans le recueil de
l’académie, que le nitre étoit un produit de la végétation
, qu’il fe fiormoît habituellement dans les
plantes vivantes , d’où il paflbit-dans les animaux ,
& que fi ce nitre ne fe manifeftoit point,, finon en
très-petite quantité dans les analyfes ordinaires des
fubftances végétales & animales, c’eft qu’il étoit
embarraflé & mafqué par les autres principes de
cès mixtes , ou détruit par Taélion du feu, mais
que la putréfaéliôn étoit le moyen que la nature
employoit pour le développer & le féparer. Il ne
manque jî>as de fe prévaloir de l’obfervation de M.
Reflbns , qu’une grande quantité de plantes conte—
noit du nitre tout formé qui fufoitfur les charbons,
& fe manifeftoit de cette manière avant la putré-
faélion, & même avant toute analyfe. 11 établit
donc deux fources productives du nitre , l’une dans
le règne animal, où il n’avoit guèreà pour bafe que
l ’alkali ' volatil, & qui ne fe féparoit des parties
huileufes que par la fermentation infenfibîe que
l ’air y excitoit, l’autre dans le règne végétal, où
il prenoit_tout de fuite la bafe alkaline fixe, & qui
la fournifloit abondamment, même dans les lieux
éloignés de l’habitation des animaux comme dans
l’Inde.
M. Pietfch, dans une diflertation qui remporta
te prix de l'académie de Berlin en 1749 fur la génération
du nitre , fe déclara en faveur, du fyfteme
de Stahl ; mais quoiqu’il eut annoncé qu il navan-
ceroit rien qui ne fût prouve par des expériences,
celles qu’il rapporte ne prouvent que le peu de
fond que l’on doit faire fur la manière d’opérer de
ce temps-là. Il crut avoir formé un vrai baume
de foufre avec Tefprit de nitre & l’huile de thé- j
rébentine ; l’efprit de foufre obtenu d’un mélange
de nitre crud avec- l ’acide vitriolique
lui paroît démontrer la préfence de l’acide vitric-
lique dans le nitre ; de l’exiftence d’un felurineux
dans le nitre crud ( reconnu par l’altération du
cuivre en bleu ) , il conclut que le principe inflammable
eft une des parties conftitutives de l’acide
du nitre ; il afluroit enfin avoir retiré du véritable
nitre d’un mélange d'efprit de vitriol &■ de terre calcaire
, placé dans un vafe arrofé d’urine & de toute
autre matière capable de fournir du fe l volatil par la
putréfaéliôn, & regardoit cette expérience infaillible
comme une démonftration de fon fyftème ,
c’eft-à-dire de la converfionde l’acide vitriolique en
acide nitreux.
M. de Vannes , dans un mémoire couronné en
1766 par l’académie de Befançon, chercha à concilier
les- principes de Stahl , de Glauber & de
Lemery. 11 établit que Y acide nitreux étoit l’ouvrage
de la végétation , que l’acide vitriolique , en paffant
par les filières des-végétaux, s’y combinoit avec
Je phlogiftique , &. prenoit le caraélère de 13acide
nitreux. Il donna en preuve l’obfervation que quelques
plantes, telles aâë) les topinambous, les bu-
glofes , & fur-tout lë grand foleil, tenoient abondamment
du nitre tout formé ; il prétendit meme
que toutes les plantes en contenoient en plus ou
moins grande quantité, que Ton pouvoit y découvrir
en les jetant fèches fur les charbons ou en
en cryftallifant le fuc clarifié avec addition de po-
tafle. Le nitre, fuivant cet auteur, ne fe trouve
dans le règne animal, que parce qu’il y eft porté
par les alimens végétaux ; les fels natifs de l’urine
ne font que du nitre déguifé, & cependant il con-
feilloit d’ajouter du vitriol de mars avec l’urine
dans les terres deftinées à la production du falpêtre.
Il eft aifé de Voir que de tous ces fyftêmes, de
tous les travaux de ces Chymiftes pour les établir,
il relie à peine aujourd’hui quelques obfervations
exaéles qui tendent à prouver que quoique Y acide
nitreux ne fe forme réellement que dans une matrice
minérale, c’eft-à-dire de terre ou de pierre,,
cependant il tire quelque principe eflentiel de la
putréfaéliôn , &. que les plantes qui croiflent dans
les terres falpétrées peuvent s’en charger à un certain
point fans le décompofer. Les travaux des modernes
qu’il me relie à faire connoître fur ce fujet
ont été plus heureux.
II. L 3acide nitreux contient , comme partie
conftituante , une quantité d’air très-confidérable ;
c’eft un des faits les mieux prouvés, une des bafe«
les plus importantes de la Chymie-phylique, puif-
que c’eft là Ce qui nous a conduit à reconnoître-
1,’air vital comme principe acidifiant commun à
tous les acides. Je vais tracer en peu de mots,
l’hilloire des progrès de cette grande découverte.
L e célèbre Haies ayant retiré par la chaleur 90
pouces cubiques d’air d’un demi-pouce cubique
de nitre, en conclut que le poids de l'air dans une
quantité quelconque de nitre étoit environ une huitième
partie, & que cet air contribuait plus que tout le
refie à fa force explofive. Mais il n’alla pas plus loin
& ne foupçonna pas que cet air pût différer en
quelque chofe de l’air atmofphërique. Ce phyficien
.obferva un autre phénomène qui fembloit devoir
l’approcher encore plus de la décompofition de
Y acide nitreux : en faifant des expériences fur la
pyrite de Walton, il vit que ce minéral, avec autant
d3efprit de nitre que <£eau, produifoit de l'air
qui avoit la qualité d’abforber Pair frais qu'on faifoit
entrer dans le vaijfeau. ( Statique , expér. 96 9
append. expér. 3.}
M. Priellley ne diffimule pas que ce fut la del-
^ cription de ce phénomène qui l’engagea en 1772 *
^ à faire les expériences qui l’ont conduit à la dé->
couverte de Yair nitreux \ \\ n’efpéroit pas d’abord
qu’il fût poflible de le reproduire fans .employer 11
même pyrite; mais il eflaya, par le confeil de
M. Cavendish , de faire fervir à fa place les métaux
qui fe diffblvent dans Y acide n i t r e u x &• il obtint
{ ce fluide aériforme qui a la propriété d’abforber
‘ l’air pur de l’air àthmofphérique. ( Voyeç G à S
N IT R EU X ).
La découverte tout aufli importante que fit le
même favant en 1774 de Y air déphlogïfiiqué que
nous nommons préfentement air vital , donna
bientôt dë nouvelles lumières fur la portion d’air
; atmofphérique qui étoit abforbée par le gas nitreux*
D’autre part, M. Lavoifier avoit obfervé qu’une
quantité d’air non-renouvellé ne pouvoit fervir qu’à
la combuftion d’une quantité limitée de phofphore ,
Sc. que par l’effet de cette combuftion, il y avoit
conftamment une abforption d’un cinquième de
l ’air, & une augmentation correfpondante dans le
poids de l’acide phofphorique. Armé de ces con-
noiffances, ce grand Chymifte crut entrevoir que
tous les acides étoient compofés en grande partie d'air,
de la portion la plus pure de l'air, il dirigèa fes
j expériences dans la vue de vérifier cette conjecture,
& publia en 1776 fa belle analyfe de Y acide
nitreux.
M. Lavoifier ayant mis dans un matras deux onces
d'acide nitreux lur dix-fept gros de mercure, Sc
reçu l’air qui fe dégageoit pendant la diflolution
dans un appareil pneumatique, il obtint cent foi-
xante-douze pouces cubiques de gas nitreux. En
continuant l’opération, après avoir changé de réci-
! pient , le : fel mercuriel qui, s’étoit formé donna
' quelques vapeurs rouges réfultant de la combinaifon
I d’un peu dé gas nitreux qui s’élevoit encore avec
* l’air vital qui commençoit à fe dégager, dont il