
III. On a vu que la diffolution de la mature
offeufe pouvoit fe faire direélement par l’acide vi-
triolique fans employer l’acide nitreux : M. Nicolas
fuit en cela le procédé des Académiciens de Dijon;
mais MM. Crell & Rouelle emploient d’abord l’acide
nitreux , à l’exemple de M. Schéele , & ne fe
fervent de l’acide vitriolique que pour précipiter
la terre calcaire. Il faut avouer que fi c’eft une
dépenfe de plus , cette pratique offre en compen-
fation de grands avantages : le nitre calcaire étant
plus foluble que la félénite , on n’a pas à craindre
que le fel qui fe forme arrête l’aétion du diffolvant ;
& comme on n’a plus à ajouter l’acide vitriolique
que pour décompofer un fel en liqueur, on eft
bien fur de n’en pas excéder la mefure, ce qui
eft un des articles les plus importans, attendu que
cet acide retient en diffolution de la félénite, &
que tous les Chymiftes.s’ccordent à dire , que plus
il refte de félénite dans la liqueur, & moins on
obtient de phofphtire.
IV. C’eft'encore une très-bonne pratique Réprouver
la liqueur lorfqu’elle a été filtrée & réduite,
ainfi que le confeille M. Rouelle, en y verfant.
fucceffivement quelques gouttes d’acide vitriolique
& de diffolution nitreufe de terre des os. Le premier
trouble la liqueur s’il y a encore du nitre calcaire
non décompofé ; la fécondé fert à faire re-
connoître s’il y a excès d’acide vitriolique. On a
remarqué que la diffolution nitreufe des os rou-
gifloit le fyrop de violette , tandis que le nitre
calcaire le verdit : on ne fera plus étonné de cette
différence, quand on fera attention que l’acide ni-x
treux , en s’emparant de la bafe calcaire des os ,
rend libre l’acide phofpkorique , & qu’il refte dans
la liqueur.
V. Les Chymiftes qui fuivent exactement le
procédé de M. Schéele, c’eft-à-dire qui font d’abord
diffoudre les os dans l’acide nitreux, mettent
la liqueur dans une cornue pour difliller cet acide,
lorfqu’elle a été précipitée par l’acide vitriolique.
M. Crell remarque , à cette occafion, que quand
les os ont été calcinés , la matière fe bourfoufHe
beaucoup moins, que la cornue & le récipient fe
rempliffent tout de fuite de vapeurs rouges, &
que le réfidu eft moins chargé de noir. Sur la fin
de cette diftillation, la cornue eft agitée de fou-
brefauts queM. Rouelle attribue «à la réaétion de
Y acide phofpkorique fur la terre de la félénite dont
l ’acide vitriolique eft en même-temps dégagé.
VI. En pouffant la dijlillation jufqu'à ce qu'il ne
pajfe plus rien, on obtient Yacidephofphorique fous
■ la forme d’une belle maffe folide, vitreufe, demi-
tranfparente, graffe au toucher, un peu déliquef-
cente , entourée d’une croûte félénitenfe blanche.
Ce réfultat ,.que M. Champy fit voir en 1777 aux
cours de l’Académie de Dijon , me paroît 1 état le
plus avantageux pour la préparation du phofphore,
en pulvérifant cette maffe tout de fuite,& la mêlant
à la pouffière de charbon avant toute déliquefcence.
En effet, il eft évident qu’à ce degré de chaleur
l’acide vitriolique furabondant fe dégage, que la
félénite fe précipite & fe fëpare avant que Vacide-
phofphorique commence à l’attaquer par la voie
sèche ; enfin , que cet acide eft au point le plus
convenable de pureté & de ûccité pour favorifer la
combinaifon phlogiftique.
VII. M. Margraff a obferyé ope Y acide phofpho-
' rique eft infoluble dans Vefprit-de-vin ; cette obfer-
vation a été confirmée par M. Wenzel, & M.
Rouelle a cru que l’on pouvoit tirer parti de cette
propriété pour purifier Yacide phofphorique ; il veut
en conféquence qu’on caffe en morceaux le réfidu
vitreux entré deux papiers , qu’on le réduife en
bouillie par l’addition d’un peu d’eau; que quand
le mélange s’eft éclairci, on décante pour féparer
les portions de croûte terreufe , & que l’on verfe
fur la liqueur environ douze parties d’efprit-de-vin..
« Au bout de vingt-quatre heures on trouve (dit-
» il ) Y acide phofphorique précipité en confiftanee-
s- de réfine de jalap nouvellement préparée, & fe
v on le met dans un creufet, qu’on le chauffe
•s> d’abord doucement pour diffiper l’humidité &■
» un peu d’acide vitriolique qui fe dégage eneoie
y d’un refie de félénite, qu’on le faffe enfui te rougir
s promptement, on obtient un verre tranfparent
» comme du cryftal ». Je ne fais fi ce célèbre Chy-,
mifte s’eft bien rendu compte de ce qui^ fe paffoie
dans cette opération. Il eft certain que l’efprit-de-
. vin ne diffout pas plus la félénite que Y acide phof-
phorique, qu’il n’attaque pas non plus le fel ouré-
tique: tout l’eftèt de cette purification difpendieufe
fe borne donc à enlever l’acide vitriolique libre
qui s’y trouve ; St comme il fe volatilife à un certain
degré de chaleur, ce n’eft fûrement pas lui
qui nuit ni à la beauté du verre x ni à la combinaifon
du phofphore.
VIII. Lorfqu’on n’a point d’autre objet que de
préparer l’acide pour le phofphore, on peut, comme
je l’ai dit, fe difpenfer de le pouffer à h vitrification
au creufet, puifque le mélange avec le charbon
achève de rendre la matière affez fèche pour
être bien pulvérifée; mais il importe deconnoître
les changemens quelle éprouve à ce degré de feu,
Plufieurs ont penfé que Y acide phofphorique y de-
venoit plus pur, c’eft une erreur à laquelle ils ont
été conduits par la belle tranfparence qu’il y acquiert;
mais elle prouve feulement que le verre
phofphorique, quand il eft en certaine proportion ,
détruit la couleur laiteufe du verre ourétique, &
' même du phofphate calcaire ; on ne peut douter
en effet que ces fubftances n’y demeurent, puif-
qu’elles font auffi fixes que lui. Ce , dernier degré
de vitrification ne fert donc qu’à décompofer encore
une portion de félénite dont la bafe terreufe
refte pour fors en état de combinaifon avec Y acide
phofphorique.
Ce verre phofphorique eft indiffoluble dans l’eau ,
fa faveur ne rougtffant pas le papier bleu lorfqu’on
le pofe deffus, ne faifant point d’effervëfcence avec
les acides > affez dur pour rayer le venc ordinaire.
M. Crell a obfervé que fa pefantettr fpécifique étoit
à celle de l’eau :: 3 : 1 , c’eft -;à - dire moindre
que celle du diamant,qui eft communément : 135:10,
& parconféquent moindre que celle du flint-glaff,
qui eft encore plus grande qtie celle du diamant.
M. Crell a effayé de rapprocher en effet le. verre
phofphorique & le diamant par des propriétés communes;
mais la propriété cpmbuftible du dernier
écarte toute comparaifon*
M. Wïegleb a publié, dans le journal de M. Crell,
un examen du verre phofphorique dont M. Prouft
a donné la traduéïion dans lè journal de phyfique
(ïom. X X , pag. 50/.). Ce favant Chymifte fe fer-
vit de l’acide muriatique pour la diffolution des os,
le regardant comme plus avantageux pour la précipitation
de la félénite ; cependant il reconnoît
qu’il en refte après la première diftillation de la
liqueur , &.on conçoit en effet que le muriate calcaire
doit être plus fixe que le nitre calcaire. Après
avoir féparé , autant qu’il étoit poffible , la félénite
par les procédés ordinaires, il précipita encore fa
liqueur par Yalkali volatil ; il diftilla dans une cornue
de verre cette liqueur précipitée , qu’il nomme
fe l phofphorique ammoniacal ; il obtint d’abord de
l ’alkali volatil cauftique dans le récipient, une portion
de fel ammoniac au col de la cornue ;il trouva
au fond de la cornue Vacide phofphorique qui avoit
attaqué & dépoli le verre ; il le fit diffoudre dans
l’eau chaude, il évaprra la diffolution à ficcité, il
fit fondre enfin le réfidu au creufet, & coula fur
une plaque une matière qui n’étoit point un verre ,
qui n’en avoit que l’apparence, qui étoit très-acide,
& qui s’humëéloit à l’air : de forte qu’il promet,
Ïiar ce procédé , un acide phofphorique' très-pur, fur
e fondement que ce n’eft qu’à caufe des terres qui
y reftent que cet acide paffe réellement à l’état de
verre.
Il faut, à ce qu’il me femble , commencer paru
écarter cette conféquence, puifqu’il eft certain que
Y acide phofphorique, même retiré par déliquefcence
du phofphore , paffe à l ’état de verre , &. que, vu
fon peu d’aélion fur les terres quartzeufes & -alu-
mineufes , il n’y a pas d’apparence que ce foit la
terre des creufets qui lui reftitue cette bafe par
une diffolution capable de rendre homogène la maffe
entière que l’on y pouffe à la fufion. /
S’il étoit vrai que Yalkali volatil précipitât réellement
touté la terre calcaire de la diffolution des
os, ce feroit un moyen bien avantageux, malgré
l’augmentation de dépenfe , pour avoir , foit le phofphate
ammoniacal pur, foit Yacide phofphorique pur
& libre', foit même pour la préparation du phofphore
par les os , où , à caufe de cette terre , on
éprouve , comme je l’ai déjà dit,toujours une perte
considérable. Je ne puis douter que l’alkali volatil,
même cauftique, n’occafionne dans la diffolution des
os un précipité très-abondant, puifque je l’ai moi-
même vérifié fur une liqueur épuifée de félénite ,
autant.qu’il eft poffible par les évaporations , épuifée
d’acide vitriolique furabondant par l’addition de
la diffolution nitreufe des os , & qui n’attend oie
plus enfin que la déficcation pour être employée
à l’opération du phofphore ; mais je ne crois pas
pour cela devoir adopter l’opinion de M. XViegleb,
parce qu’il n’a pas fait attention que dans cette
liqueur, ce font les acides libres qui tiennent en
diffolution le phofphate calcaire , &. même la plus
grande partie de la félénite, qui font desfelspeu
folubles ; que dès-lors l’alkali volatil , incapable de
décompofer ces fels par affinité fimpîe, ne fait
autre chofe que de reprendre les acides libres qui
leur fervoient de diffolvans, c’eft-à-dire Y acide phofphorique
, & l’acide vitriolique qui peut encore s’y
trouver. Aufli M. Prouft a-t-il remarqué dans une
note , que le magma du précipité devait tenir de
l ’acide phofphorique auffi ai-je obfervé que ce précipité
, que M. Wiegleb a regardé comme une pure
terre calcaire , donnoit un globule vitreux fur le
charbon , tout auffi bien que la liqueur furnageante ;
& fi M. Wiegleb a réuffi à en féparer une portion
de vraie terre calcaire , c’eft qu’il a employé pour
cela de nouvel acide vitriolique, dont il n’auroit
pas eu befoin fi le précipité eût été une terre
libre.
Ajoutons que M. Wiegleb n’a point fait état de
la matière ourétique découverte & démontrée par
les expériences de M. Prouft, qui exifte certainement
dans les os comme dans les urines , qui m’a
même donné, dans quelques petits effais , des
traces de l ’efllorefcence fpontanée qui lui eft
propre.
On peut conclure de ces obfervations, que la
méthode de M. Wiegleb n’eft point exaéle dans le
fens qu’il la préfente, & même qu’elle ne peut fer-
vir à augmenter le produit dans l’opération du phofphore
; mais je crois pouvoir annoncer, d’après ma
propre expérience, qu’elle fervira déformais très-
utilement pour la préparatiori du phofphate ammoniacal;
les Chymiftes faifiront facilement la théorie
& les avantages de ce procédé.
Que l’on faffe diffoudre des os calcinés dans l’acide
vitriolique délayé , que l’on obferve cette fois
de mettre moins d’acide qu’il n’en faut pour décompofer
toute la matière offeufe, & qu’on évapore
pour féparer la félénite : il eft fur qu’il reftera très-
peu de ce fel dans la liqueur; que fi on a bien
opéré , elle ne contiendra pas un atome d’acide
vitriolique libre ; on peut l’effayer, en y biffant
tomber quelques gouttes de diffolution nitreufe des
os , qui ne la troublera pas fi elle eft dans la condition
preferite. Si l’on y verfe alors de l’alkali volatil
, même cauftique, jufqu’au point de faturation
de l’acide , elle formera fur-le-champ un magma
prefque folide qu’il faudra étendre avec de l’eau
pour filtrer, & la liqueur qui paffera par le filtre
fera une vraie diffolution de phofphate ammoniacal
qu’il fuffira d’expofer à l’évaporation fpontanée ,
pour avoir en beaux cryftaux très-nets ce fel qu’oa
a jufqu’à préfent cherché fi bberieufernent clans
l’urine j il ne fera mêlé que de cette fubfiance qui