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affinités. Je fais que les acides vitriolique & muriatique
s’emparent de l’argent diflous dans l’acide nitreux
, & forment avec ce métal un fel prefqu’in-
foluble ; je fais encore que l’argent ne le diflout
dans l’acide nitreux, que parce qu’il y pafle d’abord
à l’état de chaux par l’affinité qu’il exerce fur une
portion de l’air vital acidifiant qui exifte dans l’acide ;
que pour le féparer en état de métal, il fuffira de
porter dans le mélange une fubftance qui ait plus
d’affinité que lui avec ce principe, & que le cuivre
le trouve dans cette condition. C’eft tout ce dont
j ’ai befoin pour combiner mon procédé.
Je prends 'donc une certaine quantité d’eau-forte
du.commerce, dans laquelle je jette un morceau
d’argent allié ; à mefure que la diflolution fe fait,
je vois fe précipiter, fous forme de caillé blanc, les
fels formés des acides étrangers: quand il ne s’en forme
plus, je filtre, & il paflfe une liqueur qui n’eft plus
que de l’acide nitreux, tenant, fi l’on v e u t, un peu
d’argent & de cuivre, ce qui eft indifférent pour
mon objet.
. Dans cette liqueur, j’ajoute maintenant une nouvelle
quantité de mon argent allié ; quand «lie en
eft faturée, j’y porte une pièce de cuivre , qui, en
peu • de temps, précipite tout l’argent en forme de
petits globules métalliques. J’emploie un peu de
cet argent, bien lavé dans plufieurs eaux , à purifier
une autre portion d’eau-forte, dans laquelle je fais
enfin diffoudre le furplus ; & j’obtiens de cette ma- j
nière une diflolution nitreufe d’argent claire & limpide,
qui n’a plus rien de la couleur de cuivre, &
qui peut fervir à la plupart des ufages ordinaires.
I I . Le muriate ammoniacal, ou fel ammoniac, eft
répandu par-tout pour le befoin journalier de quelques
Arts méchaniques ; l’ammoniac, ou alkali volatil,
ne fe trouve pas aufli communément, on le cher-
cheroit vainement, même dans les Pharmacies des
petites Villes ; voulez-vous y fuppléer pour l’inf-
tant ? les Tables d’affinités vous apprendront qu’en
mêlant le fel ammoniac avec la potaffe ou avec la
chaux, vous dégagerez abondamment l’odeur propre
à l’alkali volatil ; qu’en mêlant à la diflolution du fel
ammoniac dans l’eau une diflolution de potafle, ou
tout Amplement de la leflive de cendres de bois,
vous produirez une liqueur qui reffemblera abfo-
lument celle que vous auriez formée, en ajoutant
de la diflolution de muriate de potafle à de l’alkali
volatil pur, où ce dernier principe jouira par con-
féquent de toutes fes propriétés, prefque comme s’il
étoit feul, puifqu’il n’eft plus neutralifé , & qui
pourra fervir dans toutes les occafions, encore afîez
nombreufes, où la préfence d’un autre fel parfaitement
neutre n’aurait aucun inconvénient.
III. Quand il y a du fer difleminé, même en parties
infenfibles, dans d’autres matières , la Phyfique nous
enfeigne à le tirer de ce cahos, à le recueillir fépa-
rément par le moyen de l’aimant : en Chymie, toute
matière ? fon aimant, ou, pour mieux dire, toute.
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matière eft un aimant pour une autre matière 8clet'
Tables d’affinités ne font que le réfultat des obferva-
tions d’après lefquelles ces aimans ont été clafles dans
un ordre qui indique leur efficacité & la mefure des
degrés divers de leur puiflance. Ainfi, l’on y voit
que le mercure eft un puiflànt aimant pour l’o r , que
l’eau fépare les fels des terres, que l’alcohol fépare
l’eau des fels, que les alkalis féparent les acides dos
métaux, &c. &c. Il me feroit facile de faire ici une
longue énumération y mais elle ne diroit rien de
plus à ceux qui pourroient être encore étonnés de ces
phénomènes devenus fi communs, & les autres m’en
difpenferont volontiers.
IV . Un procédé ingénieux de M. Hermftadt va
nous fournir un exemple des avantages que l’on peut
retirer de la connoiflance des affinités par de nouvelles
applications. Ce Chymifte avôit foupçonné que
l’acide vitriolique obtenu du foufre, tel que celui
qui fie fabrique aujourd’hui en Angleterre & en
France, tenoit toujours un peu d’acide muriatique,
& que c’étoit à fa préfence qu’il devoit attribuer
quelques différences qui jettoient de l’incertitude fur
les réfultats de fes expériences. Le fait étoit aflez vrai-
femblable, attendu qu’on n’emploie dans cette fabrication
que du nitre qu’on appelle de première cuite, &
qui eft néceflàirement chargé d’une certaine quantité
de fels muriatiques ( voy. a c id e v it r io l iq u e , §. II,
n. 3 ) : mais il s’agifloit d’en avoir la preuve, il l’eût
vainement cherchée en donnant une bafe à ces acides,
pour obferver enfuite la forme des cryftaux des fels
qu’ils auroient produits, parce qu’une petite quantité
d’un fel difperfée dans une maffe de cryftaux d’une
autre figure, fe dérobe facilement à l’oeil le plus
exercé ; il fe rappella pour-lors que l’acide muriatique
s’uniffoit par affinité avec l’air vital, il fit donc
digérer le mélange acide fur la chaux noire de man-
ganèfe, & la produ&ion du gas acide muriatique
déphlogiftiqué devint bientôt un indice non équivoque
de la vérité de fa conje&ure. ( Crell, Chem.
annal. 1786, part. / , pag. 47').
V . C ’eft fur-tout dans lescombiriaifons des doubles
affinités que l’on peut efpérer de trouver des r.ef-
fources pour rendre les procédés tout à la fois plus
expéditifs , moins compliqués & plus économiques.
Les Recueils décorés du titre fàftueux de Secrets des
Arts, les Livres de Pharmacie eux-mêines, font remplis
de recettes qui prefcrivent dix opérations où il
n’en faudrait qu?une le plus fouvent pour arriver au
même but ; qui emploient des matières peu communes,
fans néceffité , fans rien ajouter au produit
que le prix qu’y met une imbécille crédulité : tout
cela, parce que les Auteurs ont opéré à l’aveugle,
parce qu’ils n’ont connu ni les affinités des fubftances
qu’ils trairaient, ni les affinités de celles qu’ils auroient
eu intérêt d’y fubftituer, ni la poflîbilité de
les rendre efficaces par le concours. A u moyen de ces
connoiflances , 1e Chymifte appréciera tout d’un coup
; tous ces procédés, il faura les réduire à ce que l’objet
d em a n d e ïî fera maître de les varier à fon gré &
d’en créer au befoin de nouveaux.
Ces vérités feront rendues plus fenfibles par un
exemple. Je propoferai donc, avec M. Wenzel,
cette queftion : quelle ejl la méthode la plus facile, la
moins coûteufe, de préparer Vac'ete ammoniacal ou efprit
de mendererus ? ^
Pour en trouver la fblution (dit cet Auteur) il faut
d’abord examiner s’il y a des fubftances à bas prix, qui
contiennent les parties conftituantes du fel que l’on de-
fire ,.& l’on trouve qu’il n’y en a point à meilleur
marché que le muriate ammoniacal & l’acète de plomb,
vulgairement appellé fucre de fàturne. Mais on fait
que l’ammoniac eft retenu par l’acide muriatique avec
une force que l’acide acéteux ne peut vaincre ; il eft
également connu que l’acide muriatique ne quitte
point l’ammoniac pour s’unir au plomb : fera-1-on
arrêté par ces confidérations ? Non fans doute. En
même temps que l’obfervation nous a convaincus que
les loix d’amnité une fois reconnues étoient immuables
dans tous les cas femblables, elle nous a appris que
ces forces demeurant les mêmes, produifoient, par I
le concours, des effets différens ; que toutes les fois j
qu’il y avoit plus de trois fubftances en a&ivité, il
falloir fe repréfenter toutes les tendances à toutes
les combinaifons poffibles, & comparer entr’elles non
plus les quantités relatives d’affinité de chaque corps,
mais les femmes de ces quantités qui confpirent au
même effet.
Suivant ce principe, il peut donc arriver que
réellement la femme des affinités de l’acide acéteux
avèc l’ammOniac, & de l’acide muriatique avec le
plomb, l’emporte fur la femme des affinités de l’acide
muriatique avec l’ammoniac, & de l’acide acé- (
teux avec le plomb. Cette poflîbilité reconnue, on j
imagine facilement les moyens d’en chercher la con- j
formation par l’expérience : en traitant à la diftillation
un mélange d’acète de plomb & de muriate ammoniacal
, on s’apperçoit bientôt que le plomb refte dans
la cornue uni à l’acide muriatique, tandis qu’il pafle
dans le récipient de l’acète ammoniacal fluide. Ainfi,
la queftion eft réfolue.
Quand les Chymiftes auront encore fait quelques
progrès dans la fcience dés affinités, ce ne fera plus feulement
la poflîbilité , mais le fait même qu’ils feront
en état de juger d’avance & d’annoncer avec certitude.
Il fuffira pour cela de conftruire la figure ou J
le fymbole du concours de toutes les affinités, dans
la forme que j’ai décrite, & d’y porter les expref-
fions numériques de ces puiflances.
Pour que l’on puifle juger tous les avantages de
cette méthode, eflayons de conftruire le fymbole
du cas qui Vient d’être prapofé.
On voit déjà par la Table que j’ai donnée, que l’afi-
ffiiité de l’ammoniac avec l’acide muriatique peut erre
^préfentée par le nombre 2 1 , celle de la même bafe
avec l’acide acéteux par le nombre 20 ; de manière
que jufqu’à préfent ces rapports s’accordent avec
toutes les obfervations -'connues. Oh fait d’autre
part que fe plomb a plus d’affinité avec l’acide mu-
' riatiquê qu’avec l’acide acéteux ; il faudra donc donner
à celle-ci une moindre valeur. Enfin, il eft également
certain que les affinités de ce métal avec les
acides, font inférieures à celle de l’alumine , & dès-
lors nous ne pouvons les repréfenter que par des
chiffres inférieurs à ceux que nous avons pris pour
l’expreflion de l’affinité de la terre alumineufe avec
les mêmes acides. Toutes ces conditions fe trouveront
rigoureufement obfervées dans le fymbole
fuivant, & cependant il annonce la décompofition
des deux fels.
Echange de bafes entre le muriate ammoniacal & Vacétt
de plomb, par la voie humide.
Acète ammoniacal
Ammoniac 20 Acide
aoé^eyx .
ï i + ï 126 1 Acète
Acide /d e plomli
muriatique 8 Plomb
28
Muriate
ammoniacal
Muriate de plomb
Suppofons encore que l’on demande : quel feroit le
procédé le plus avantageux pour former Vacète de cuivre
avec les matières qui fe trouvent au moindre prix dans
le commerce ? Je jette d’abord^les yeux fur le vitriol
de cuivre & l’acète de plom^ ; pour juger fi l’échange
des bafes eft poffible, je cherche des nombres qui
repréfentent les quatre affinités, en gardant tous les
rapports obfervés ; & les difpofànt de même , à la
manière de Bergman, pour pouvoir faifir d’un coup
d’oeil les femmes des forces quiefeentes & divellentes
& leur différence, je trouve la réfolution de la queftion
dans ce fymbole.
Echange de bafes entre le vitriol de, cuivre & l’acèté
de plomb, par la voie numide.
Acète de cuivre
Vitriol
de
cuivre
Cuivre
7
Acide
vitriolique
4
-h
Acide
acéteux
5]l2
Plomb
Acète
de
cuivrç
Vitriol de plomb
Il y aura donc décompofition des deux fels Si