
les mêmes. Je ne ferois point éloigné de penfer
que l’acide vitriolique peut produire ces effets, foit
en s’appropriant l’eau trop abondante, foit en
changeant par le fimple mélange le fyftême d’équi-
pondérance du fluide, foit en mettant l’acide muriatique
, par fou union avec lui , en état de rélifter
un peu plus à lavolatilifation parla chaleur de l’ébullition
foit à la faveur d’une double affinité ; mais on
peut le confidérer encore comme agiffant d’une autre
manière. L acide muriatique déphlogijliqué, Amplement
condenfé dans le fluide aqueux, ne peut-être expofé
un inftantau contaélde l’air qu’ilne fe diflipe avec lui,
ou qu’il ne lui dérobe affez de phlogiftique pour fe
régénérer en acide muriatique ordinaire ; & voilà
pourquoi M. Schéele recommande de le tenir dans
de petits flacons que l ’on n’ouvre que pour employer
fur le champ ce qu’ils contiennent : or il
eft poffible que l’acide vitriolique le défende plus
efficacement que l’eau de ce contaét de l’air. Au
refte , quelque foit la caufe de ce phénomène, il
offre à la Chymie un moyen de plus pour manier
ce diffolvant puiffant, & l’objet de M. Tillet fe
trouve rempli..
Uargent, ou plutôt lachaHX de ce métal, a ,
comme je l’ai dit, une très-grande affinité avec
l ’acide muriatique ; mais lorfqu’ils font'tous les deux
faturés de phlogiftique , ils n’exercent aucune action
l’un fur l’autre, &. il n’y a pas de di Ablution ;
elle s’opère très-facilement, même*à froid, dès
que l’un ou l’autre ont perdu une portion de ce
principe ; ainfi Y acide muriatique déphlogifliqué attaque
l’argent en état de métal complet. M. Schéele
-a obfervé que lorfqu’on faifoit digérer à froid de
l ’argent précipité de fa diffolution nitreufe par lé
cuivre-(c’eft-à-dire en état de m é ta l) , dans un
mélange d’acide muriatique ordinaire f & d’acide
arfénical, on trou voit au bout de quelques jours
du muriate d’argent. Comme l ’acide arfénical feul
n’attaque pas plus l’argent que l’acide muriatique
ordinaire , on pourroit être tenté de croire que
l ’acide muriatique eft d’abord privé de fon phlogiftique
par. l’acide arfénical, d’autant plus que ii
on traite à la diftillation la liqueur , il s’élève une
chaux blanche arfénicale régénérée mais nous
Terrons bientôt que l’acide muriatique prend le
phlogiftique qui lui manque à l ’acide arfénical, au
lieu de le lui céder. Le célèbre Chymifte fuédois
donne de ce phénomène une explication bien plus
fatisfaifante, fondée fur le jeu des doubles affinités
: les deux avions fimultanées dé l’acide arfénical
fur le phlogiftique de l’argent, & de l’acide
muriatique fur la terre métallique, par elles-mêmes
féparément impuiffantes, forment une fortune d’at-
traélion fupérîeure à celle qui unit la chaux d’argent
au phlogiftique , & ce métal eft décompofé.
Non-feulement Y acide muriatique déphlogijliqué
attaque le mercure coulant ; mais il prend fa terre
àu foufre & décompofé le cinabre ; ce que ni l’acidé
vitriolique 2 ni l’acide nitreux ne peuvent faire. Au
lieu d'appliquer l’acide déphlôgiftiqué en état de
gas , M. Bergman confeille dé faire bouillir Amplement
l’acide muriatique ordinaire fur le cinabre,
en y ajoutant un dixième de fon poids de chaux
noire de manganèfe. La même décompofition ayant
lieu dans l’eau régale , on a ici une nouvelle preuve
bien fenfible de l’identité d’effet que produifént fur
l’acide muriatique ces deux préparations fi différentes.
La même théorie fe trouve confirmée par l’action
de notre acide fur une autre combinaifou
mercurielle: il ne caufe (dit M. Schéele) aucune
altération au muriate mercuriel corrofif, parce
qu’il ne peut lui reprendre du phlogiftique : mais
fi on traite avec lu i, à la diftillation, le muriate
mercuriel doux, celui-ci fe fublime en état de
muriate mercuriel corrofif, parce que notre acide
le dépouille de la portion de phlogiftique , qui
neutralifoit fon principe cauftique ; & en effet on
ne trouve dans le récipient, que de l’acide muriatique
ordinaire.
La chaux de mercure fe révivifie pendant la
digeftion de l’acide muriatique ordinaire , & il
femble d’abord que cela s’explique tout naturellement
par la déphlogifticadon de l’acide ; mais,
comme le remarque l’illuftre Bergman , il eft bien
difficile de croire que la réduction s’opère de cette
manière , lorfqu’on voit d’autre part que l’acide qui
a 'été auparavant déphlôgiftiqué par la manganèfe ,
reprend lui-même le phlogiftique au mercure coulant.
Cependant plus ces faits paroiffent inconci7
liables , plus il devient intéreffant de vérifier fi
réellement l’acide eft déphlôgiftiqué après la réduction
du mercure, pour chercher enfuitela vraie caufe
de cette anomalie apparente. Si l ’acide ne fort pas
déphlôgiftiqué de cette opération , il n’y a plus
d’embarras pour l’ordre des affinités; mais on aura
acquis la preuve d’un autre phénomène auffi important
, je veux dire, la révivification de la chaux de
mercure par la chaleur de la fimple digeftion dans
un fluide ; car il feroit impoffible d’indiquer une
autre caufe.
J ’ai penfé que pour développer ces principes
encore peu connus, il convenoit d’infifter principalement
fur les diffolutions dés métaux parfaits 9
qui ne .fe laiffent point attaquer par l’acide muriatique
ordinaire ; je pafferai plus rapidement fur les
diffolutions des métaux imparfaits & demi métaux,
par cet acide déphlôgiftiqué ; ou pour mieux dire,
je ne ferai qu’indiquer les phénomènes particuliers
que présentent ces combinaifons.
Nous avons vu que les muriates terreux ou al-
kalins qui réfultent de l’union de notre acide avec
ces baies , ne différoient pas des feul s neutres formés
avec les mêmes bafes & l’acide muriatique
ordinaire ; on fera encore moins étonné de cettë
reffemblance âbfolue par rapport aux muriates métalliques
formés de l’un ou de l’autrê acide ; puifquo
ces bafes , même en état de chaux , retiennent
toujours une portion de phlogiftique » &•
ainfi bien plus facile de concevoir comment 1 aciÿe
muriatique déphlogijliqué a recouvré . ce principe ,
pour fe régénérer en acide muriatique ordinaire.
La chaux jaune de plomb fe diffout bien dans
I* acide muriatique déphlogijliqué , ainfi que d$ns les
acides non-phlogiftiqués^tels que l’acide nitreux pur
& l’acide vitriolique , mais la chaux rouge ou minium
ne s’y diffout qu’en partie ; il refte une poudre
noire infoluble dansffes acides non-phlogiftiques ,
à moins qu’on n’y ajoute un peu de fucre. Cette
poudre noire eft donc dans le même état de de-
phlogiftication que la chaux noire de manganèfe ,
elle fe diffout dans l’acide muriatique ordinaire , .
lui donne l’odeur d’eau régale , en un mot le met j
en état d’acide muriatique déphlogijliqué„ !
M. Schéele ayant expofé , fuivant fa^ méthode ,
de la limaille ie fer k l’aélion de Y acide muriatique
déphlogijliqué, elle a été dj flou te £ il a fait évaporer
la diffolution à ficcité, & a traité le réfidu , à
la diftillation , avec l’acide vitriolique , pour effayer
d’en dégager Yacide muriatique déphlogijliqué ; mais
la liqueur qui a paffé dans le récipient n’étoit que
de l’acide muriatique ordinaire , qui n a eu aucune
^61 ion fur l’or.
L 'acide muriatique déphlogijliqué n attaque pas
feulement Yarféiùc en état de régule , ou même en
état de chaux, pour fe combiner avec elle g il la
décompofé réellement, en lui prenant fon phlogiftique
, & lui laiffant en échange une portion
d’air vital principe acidifiant ; d’où il réfulte un
nouvel acide fix e , qui a pour . bafe acidifiée la
terre propre d e l’arfénic. Cette découverte ouvre
à la Chymie une nouvelle route'pour pénétrer dans
la connoiffance plus intime des métaux. Voyeç Acide métallique & Acide arsénical.
L ’acide muriatique qui refte uni a la manganefe
forme un muriate de manganèfe , qui, d après ce
que nous avons dit précédemment, me doit pas différer
de la même combinaifon faite avec l’acide
phlogiftique ou avec la chaux blanche de ce demi-
métal,; cependant comme il n’y a ici que la dofe
de phlogiftique néceffaire à la diffolution , que cette
portion eft fournie à la bafe aux dépends de l’acide,
& que cette bafe l’attire plus fortement, il paroît
qu’en dégageant l’acide muriatique de cette combinaifon
par l’acide vitriolique pur, on doit obtenir
s’approprier' le phlogiftique dé l’acide muriatique,
& ne .trouvant pas ailleurs cet intermède népeffaire
d’union.
Les expériences de M. Tillet femblent faites pour
confirmer cette conjecture ; non-feulement parce
qu’il n’a obtenu, par l’addition de l’acide vitriolique
dans la cornue , qu’une liqueur qui avoit. peu d’action
de Yacide .muriatique déphlogijliqué ;.tout de même
que M. Schéele a obfervé que l’acide vitriolique
dégageoit de l’acide nitreux fimple, non coloré,
d’un nitre de manganèfe préparé avec de l’acide
nitreux phlogiftiqué. Mais je me garderai bien de
conclure la vérité du fa it, d'après cette feule analogie,
parce que l’affinité plus puiffante de l’acide
muriatique fur le phlogiftique qu’il a perdu, peut
apporter une grande, différence dans les réfultats;
de .forte,qu’il peut arriver que l’acide vitriolique
refte prefque fans aêtion fur le fel déjà formé, ou
du moins qu’il ne diffolve de la chaux de manganèfe
que ce qu’il en aurait pris fe u l, faute de pouvoir
fur l’or; mais, ce qui eft encore plus décifif,
parce qu’il a trouvé dans le produit de l’acide vitriolique.
Comme il eft bien certain que cet acide
n’a pu s’élever qu’à la faveur d’un peu de phlogiftique
, il n’eft pas étonnant que l’acide muriatique
qui a paffé avec lui ait été auffi phlogiftiqué,
puifqu’il eft en état de reprendre ce principe à l’acide
vitriolique , à moins que ce dernier ne foit privé de
tout air vital, comme dans le foufre.
M. Kirwan d it, à la vérité, que fi l’on diffout
de la manganèfe dans l’acide muriatique ordinaire
qui eft phlogiftiqué, & qu’enfui te on l’en dégage
par l’acide vitriolique , on le trouvera déphlogifti*
qué ( Journ, phyfique , tom. X X V , pag. 2y.) Mais
ce célèbre phyficien n’en parle pas comme d’une
obfervation qu’il ait lui-même vérifiée; il ne s’ea
occupe que pour établir une parité d’après une
analogie, qui eft en effet poffible & même probable
; mais qui jufqu’à l’événement doit demeure*
dans les termes d’une fimple probabilité.
Il importe donc .de vérifier ce fait par des expériences
exaéles ; mais pour cela il faut préparer
d’abord du muriate de manganefe tr'es-pur, féparé
de toute chaux non diffoute , & le traiter à la diftillation
avec l ’acide vitriolique concentré à uni
chaleur très-douce. Sans ces deux conditions le ré-*
fultat pourroit encore être équiyoque ; car on fait
i ° . que la chaux noire de manganèfe fournit elle-
même aux acides une portion de phlogiftique qui
.les met en état d’en diffoudre une partie ; 2.°. que
par le moyen d’une chaleur violente l’acide vitriolique
diffout toute une quantité donnée de chaux
noire de manganèfe ; ce qui ne peut arriver , que
parce quelle reçoit du phlogiftique de la matière
même de la chaleur, ,
M. Wiegleb , en rapportant les expériences du
célèbre Schéele, dans fon manuel de Chymie,
832 , paroît difpofé à croire que l’acide muriatique
diÎHllé fur la manganèfe eft plutôt phlogiftiqué
que déphlôgiftiqué ; pour écarter ce doute ,, je ne
rappellerai pas tous les faits qui démontrent la
déphlogiftication par analyfe & par fynthèfe , je
n’ajouterai qu’une feule obfervation qui me paroît
décifive; fi pendant la diftillation de l’acide fur
la chaux noire de manganèfe, on jette dans la
cornue du fucre-, du miel, de la gomme, ou autre
madère capable de fournir du phlogiftique , on
n’obtient plus d’acide déphlôgiftiqué. Réciproquement
, le fucre que l’on emploie, par exemple,
pour favorifer la diffolution de la chaux noire de
manganèfe par un acide non phlogiftiqué, ne paffe
plus à l’état charbonneux après cette opération : ii
y a donc laiffé fon phlogiftique.