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à ces -merveilles par la multiplicité des témoignages
& répandirent le nouvel art de 'manipuler des fluides
invifibles , qui devenoit la clef de cette fcience ;
d’autres s’attachèrent à traiter en particulier quelques-
uns de ces gas, à étendre le fyftême de leurs propriétés
; plufieurs effayèrent déjà d’heureufes applications
des premiers apperçus. Je n’entreprendrai
pas .de donner la lifte nombreufe de tous les coopérateurs
; il ne s’agit plus ici d’opinions qu’il fufl-
fife de rappeller avec leurs époques & les noms
de leurs inventeurs ; ce font des phénomènes qu’il
faut préfenter avec toutes leurs circonftances, des
vérités qu’il faut expofer avec toutes leurs preuves,
& qui me fourniront affez d’occafions de faire con-
noître les travaux des Sa vans de tous les pays, en
m’appuyant de leurs obfervations. Je dois dire feulement
, avant de terminer cette notice hiftorique, !
que dès l’année qui fuivit la publication des obfervations
de M. Prieftley fur différentes elpèces d’air,
JV1. ' favotfier ; armé des mêmes inftrumens, pofa les
premières bafes ( i ) , fur lefquellesil a depuis élevé
cette do&rine qui renverfe le fyftême de Stahl &
montre dans les affinités même de l’air les vraies caufes
des plus grands effets chymiques.
S e c o n d e S e c t i o n .
Analyfe de. Voir athmofphérique,.
Ce n’eft pas fans raifon que Haies a donné le
titre d’Analyfe de l’air à cette partie de fon ouvrage
dans laquelle il a raflemblé quelques preuves de fon
abforption par diverfes fubftances (2). Il fuffiroit à
la gloire de ce .Phyficien d’avoir annoncé la pofli-
Ibilité de cette analyfe dans un temps où il pou voit
à peine' faire entendre les réfultats de fes belles expériences
; mais il ne feroit plus permis d’y réunir
à fon exemple- les expériences dans lefquelles il y a
production de nouvel air & qui appartiennent plutôt
à la fynthèfe ; la matière mieux éclaircie me fait un
devoir d’abréger la route en fuivant un ordre plus
didaâique.
I c i , comme dans toute autre analyfe, les vrais
inftrumens font les fubftances qui , à raifon de leur
aâion & de leurs affinités avec quelques-uns des
principes conftituansdu fujet à analyfer, peuvent faire
ceffer fa compofition, ifoler ces principes ,* ou les
faire entrer dans une combinaifon differente, &
procurer ainfi les moyens d’en déterminer la nature
& la quantité ; mais c’eft toujours un point important
defe mettre en garde contre l’acceflion de toute
matière étrangère , & l’air qui n’a point été dofé
pour fervir à l’opération devient étranger à fes ré-
A I R fultats; cette condition eft donc bien plus difficile à
remplir , puifque l’air qui nous environne de toute
part remplace inftantanément celui qui perd l’état
élaftique , puifqu’il abforbe 8c confond dans fa malle
avec la même rapidité, tous les produits aériformes»
On ne peut douter que ce ne foient ces circonftances
qui nous ont fi longrtemffè dérobé la connoiffancc
de ces phénomènes. Il convient donc , pour faciliter
l’intelligence des expériences que j’ai à décrire, de
donner d’abord la ëlefcription des appareils induf-
trieux par lefquels on a fu fe rendre maître de ces
obftacles. 1
§. I. Idée générale des appareils pour manoeuvrer Pair
& les gas, & de la manière de s’en fervir.
Si l’on eût demandé , il y a à peine quinze ans (3)
même à un Phyficien, d’aller prendre de l’air dans
un lieu indiqué 8c de le tranfporter fans mélange,
il auroit tout de fuite penfé à fa machine pneumatique
, à une pompe garnie de robinets, ou du
moins à des veflies exprimées , puis remplies à l’aide
d’un foufflet ; & , à défaut de ces inftrumens, il fe
feroit trouvé fort embarraffé. Aujourd’hui le dernier
garçon de laboratoire prendra la première bouteille
qui fe trouvera fous fa main, il la remplira d’eau,
de mercure ou de tel autre fluide capable de déplacer
le plus complètement l’air contenu dans ce vaif-
feau, il le portera dans le lieu indiqué ; là il le
renverfera pour faire fortir ce fluide; 8c quand l’air
aura pris fa place, il plongera l’orifice du vaifleau
dans lin autre dont le fond fera couvert d’une portion
d’eau ou de mercure, & pour-lors il pourra
le porter où il jugera à propos, fans craindre que
fa quantité varie ou que fa qualité s’altère. Si l’on
veut en rendre le tranfport encore plus commode,
on bouche la bouteille, en obfervant d’y laiffer une
portion d’eau ou de mercure fuffifante pour empê-
I cher que l’air ne foit en contaél avec le bouchon,
& en tenant toujours ces vaiffeaux renverfés ; c’eft-
à-dire, l’orifice en bas, on peut y conferver affez
long-temps l’air & la plupart des gas fans altération.
Ces manipulations, qu’il eft prefque minutieux de
décrire , .tant elles font devenues familières , doivent
néanmoins être -confidérées comme les premières
conditions eflentielles au fuccès des expériences ; c’eft
par elles que l’on a été conduit à imaginer des ‘machines
plus compliquées; elles donnent en quelque
forte la clef générale de leurs ufàges.
I. Lorfque Haies voulut recueillir l’air qui feroit
produit par quelque mélange, fans le fecours delà
chaleur, ou déterminer la quantité de ce fluide qui
(?) Opufcules phyfiaues & chymiques, &c. préfentés à l ’Académie en 1773.
(2) Statique des végétaux , chap. VI.
(3) P* Moitrel d’Elcinent, Ingénieur françois , avoit bien annoncé , dans une Feuille imprimée à Paris en 1719 , qu’il
avoit trouvé, par le fecours de l’eau, la manière d’emprifonner l’ait, de le mefurér & tranfvafer. comme une liqueur';
mais il n’avoit pas dirigé ces expériences vers des objets capables d’exciter une grande attention.; elles étoient abfolu-
ment tombées en oubli»
AI R (émit abforbée , 11 opéra de la manière fuivante. 1
. Il mit le mélange dans le matras à long col :
( Voy. la fig. prêrhière des appareils pour les gas ) ; il |
introduifit le col du matras dans un grand bocal cy lindrique
A Y , & les ayant inclinés tous les deux
prefque horizontalement dans un grand vaifleau plein
d’eau, de manière qu’elle remplît le bocal, autant qiul
étoit pofïible, fans entrer dans le matras , il redrefla
le matras, ainfi couvert du bocal renverfe, 8c avant
de le tirer du grand vaifleau, le plaça dans un plus
petit X X , en obfervant de tenir toujours l’orifice du
bocal plongé dans l’eau; il marqua pour-lors à fextérieur
du bocal, par èxemple, en Z , le point où l’eau
s’arrêtoit, 8c fon abbàiffement comme en Y , où fon
élévation comme en n , lui annonçoit s’il y avoit eu
dégagement ou abforption & fervoit a en déterminer
les quantités. - . . .
Pour recevoir les gas des diftiilations , Je même
Phyficien employa les vaiffeaux repréfentés- par la
fig. 2. R eft une retorte ou cornue de fer dont lë
: col eft prolongé par un fiphon de plomb r ; le reci
pient a b ayant été fufpendu plein d’eau dans la
cuvette x x , il introclnifoit le bout du fiphon dans
le récipient. Ainfi tous les1 fluides aeriformès que
la chaleur dégageait des fubftances renfermées dans
la cornue-, étoient reçus dans la partie fuperï’euré
de ce récipient d’où ils déplaçoient l’eau.
Ces appareils, qui feroiènt encore d’ufage dans bien
des circonftances , ont fervi de type à tous ceux qui
ont été depuis perfeéiionnés ou rnod.fies’ dans des
vues particulières. Je me bornerai à faire connoître
les plus effentiels. ;
II. Pour manoeuvrer commodément les gas ; il' faut
fe procurer ce qu’on a très-bien nommé la Cuve
pneumatique, repréfentée par la figure iS. C’eft une
grande caiffe A B C D portée fur les quatre pieds
GHIK , pour donner la facilité d’dpefër fans fe
baiffer. A l’un des bouts A B eft fixée une table E F
un peu au deffous des bords fupérieurs.’ Cette table
qui ne doit occuper qu’environ: le tiers de la longueur
de là caiffe eft percée en' a'8c b de trous ronds
de 3" à 4 lignes de diamètre, évâfés; j>af en bas en
forme d’entonnoir; elle porte de plus en e d e f des
ouvertures de 4 à 5 lig. de largeur & de 2 à 3 po.
de longueur. Enfin vis-à-vis cès ouvertures font placés
fur les parois extérieures de la caiffe des collets
dans lefquels entrent des tiges qui portent les tablettes
L L L , que l’on peut élever 8c baiffer à volonté, 8c
qui fe fixent par le moyen d’une vis de prefiion.
Cette cuve étant remplie d’eau jufqu’à environ un
pouce au deffus dii niveau de la table , on pofe fur cette
table les vaiffeaux dans lefquels ôn vêtît recueillir ou
tranfvafer les gas. Ces vaiffeaux font des cloches de
verre ou récipiens dé diverfe grandeur, les uns
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On commence par vuider ces récipiens d’air commun
, ou , ce qui eft la même choiepar les rem-
ce qui s’exécute facilement en les enfonçant
dans la cuve Forifice en haut, les retournant
lorfqu’ils font pleins fk. les faifant gliffer fur la
able EF , après les avoir élevés à la hauteur de fon
liveau. Pour ce qui eft des récipiens à robinet, il
fuffit de les defeendre dans la cuve, le robinet ouvert,
pourvu toutefois qu’elle foit affez profonde;
l’air étant totalement expulfé, on ferme le robinet
8c on élève le. récipient fur la table.
Les bouteilles ' bu flacons ont cette commodité
qu’ils fe bouchent facilement avec un bouchon ordinaire
, ou même avec le doigt, 8c que par ce
moyen ils.peu vent être remplis hors de la cuve, Sc
portés fur la tablé ou employés de la même manière
dans un vaifleau qui' en tiendroit lieu & qui auroit
beaucoup moins . de profondeur. On conçoit que ,
dans ce cas, l’eau doit feulement être affez haute
pour qu’il foit pôfîible de déboucher les vaiffeaux,
ën tenant toujours leur orifice au deffous du niveau
de l’eau & fans y laiffer rentrer l’air.
Au refte, on fe procure le même avantage avec
les cylindrés de verre , & même avec les plus
grandes cloches ou récipiens, en dreflant leurs-bords
inférieurs, comme pour Tufage de la machine pneumatique,
& préparant des ■ difquesJou morceaux de
glace taillés en fond1 d’un diàmètré un peu plus grand
que celui de l’ouverture du récipient, 8c que l’on
nomme Obturateurs. Us fervent rion-ieulement a remplir
d’eau les récipiens hors de la cuve, fans en avoir
befoin , mais encore à les déplacer, à les tranfporter
d’un ;appàreil dans un autre , fans craindre le
mélangé deTairatfecdëgàs, fi l’obturateur & les bords
du ré'cipièqt font exaftement dréffés ; ce qui eft nécef-
faire dans quelqirés occafions 8c qui fupplée fouvent à
des manipulations tout autrement embarraffantes.
Lés récipiens ainfi’ établis fur la table de la cuve,
veut^dn y faire paffer une quantité d’air ou d’un
gas quelconque , on amène le récipient fur l’un dei
trous on entonnoirs a b, on plonge dans la cuve le
Vaifleau dont on veut tirer l’air, toujours l’orifice en
bas, & le redreffant peu'à peu avec l’attention de le
diriger fous le trou percé en entonnoir ; & l’on
tranfvafe ainfi. commodément tous les fluides aéri-
formes, fans en laiffer échapper une bulle. De même,
fi l’on a intention dé recueillir' le gas produit par
quelque mélange, on place un récipient rempli d’eau,
comme il a été dit précédemment, fur l’une des ouvertures
e d e f pratiquées dans la table; la tablette L
qui fe trouve dans la meme ligne à rextérieür fert
à porter le flacon qui contient le mélange; & comme
cette tablette peut s’élever & s’abaiffer à volonté, il
eft facile de difpofer les chofes de' manière que le fiphon
de verre, qui eft fixé dans le bouchon du flacon,
portant un (impie bouton, les autres furmontés d’un j porte fon extrémité recourbée dans l’ouverture fous
robinet, des cylindres de verre ( V o y e^ les figures le récipient. Enfin;, foit que Ion veuille faire divers
j g & zy ) , & quelquefois des flacons ou bouteilles J mélanges de flufdés aèriformés ou éprouver leur ac-
dont le goulot renverfé e f t affez large pour leur I tion fur d’autres fubftances, cet appareil eft également
•donner une affiette folide. 1 de fervice pour faciliter la manipulation.