d’alcohol fournirent en brûlant jufqu’à 18 \ onces
d’eau très-pure, fur quoi il convient de déduire la
portion que l’air qui eft entré dans cette compofi-
tion a dû y ajouter; car, malgré l’attention de ne
pas refroidir le ferpentin au deffous de la température
aétuelle, l’air qui ne fort pas fous forme d’air
ne peut remporter ce qu’il tenoit en cet état. Au
relie, cette portion fera toujours fort éloignée de
compenfer l’augmentation de poids. Pour s’en convaincre
, il n’y a qu’à examiner quelle eft la quantité
d’air qui fe combine avec l’hydrogène contenu
dans 16 onces d’alcohol ; le calcul établi fur les
proportions connues de la compolition de l’eau , fur
la correfpondance en poids de tous les produits de
la combuftion de l’alcohol, & fur les réfültats des
expériences en vaiffeaux clos, prouve que cette
quantité ne peut excéder 4 ,76 pieds cubes d’air pur.
Or nous avons vu ci-devant ( Expér. V") que dans
les circonftances les plus favorables, la quantité d’eau
portée par ce volume d’air ne peut être évaluée à plus
de 60 ou 70 grains. Il fera prouvé d’ailleurs que
l’autre portion d’air qui eft employée ici à la formation
du gas acide carbonique, & qui fe diflipe à
la fortie du bec du ferpentin, remporte tout au moins
une quantité d’eau égale à celle dont il étoit chargé.
Dans cet appareil, ce ne font plus des grains
d’eau que l’on obtient, on multiplie à volonté les
produits de cette compofition, en rempliffant la lampe
de nouvel alcohol, toujours exactement pefé, à mesure
qu’il fe confirme ; mais on ne peut recueillir le
gas acide carbonique , & il faut fe contenter d’efti-
mer au lieu de mefurer rigoureufement l’air qui devient
partie conftituante de l’eau : c?eft ce qui a engagé
M. Lavoifier à de nouvelles recherches ( Mém.
de-VAcad. roy. des Sc. ann. 1784, p. fpf') , & il eft
parvenu à mettre les réfültats de l’expérience à l’abri
de toute objection, en opérant de la manière fuivante.
E x p é r i e n c e X L I I .
On établit fur la table de la cuve hydrargiro-
pneumatique une cloche de verre de 7 à 800 pouces
cubes de capacité, & qui foit affez forte pour foutenir
le poids du mercure qui doit s’y élever. Cette cloche
étant remplie d’air commun , on y introduit une
petite lampe à efprit-de-vin, dont le poids eft exactement
déterminé, & qui repofe à la furfàce du
mercure. La mèche de cette lampe porte ^ grain de
phofphore , qui fort à l’allumer par le fer rouge ,
de la manière précédemment indiquée. On élève enfin
le mercure dans la cloche par la fuccion de l’air ,
envi rem jufqu’à la moitié de fa hauteur.
D ’autre part, on difpofe tout près de la cave à
mercure une cuve hydro - pneumatique, dont la
table porte un autre grand récipient garni d’un robinet
à la tubulure & d’un long fiphon de verre
recourbé, qui vient plonger dans la cuve à mercure,
& fe relève dans l’intérieur de la cloche jusqu'aux
deux tiers environ de fa hauteur où il fe termine.
M. Lavoifier remplit te fécond récipient d’air
A I R
vital, ce qui liii donne la facilité d'entretenir bien
plus long-temps la combuftion.
Tout étant préparé de cette manière, on marque
fur les récipiens la hauteur des colonnes d’eau 8c de
mercure au deflùs du niveau des cuves , pour mefu*
rer & réduire les volumes d’air qui y font renfermés
,,8c on porte à travers le mercure un fer rouge
fur le fragment de phofphore : la mèche ne tarde
pas à s’allumer ; quand elle commence à être moins
; v iv e , on ouvre le robinet du récipient rempli d’air
vital, que jufqiîes-là on avoit tenu fermé ; aufti-tôt
une portion de cet air paffe du récipient fous la
cloche, le mercure baiffe dans celle-ci, & l’eau monte
dans le premier, jufqu’à ce que la hauteur de ces
deux fluides foit en raifon inverfe de leur pefan-
teur fpécifique; la flamme fe ranime alors & même
; devient plus brillante. Quand cet air eft confumé *
on en introduit de nouveau de la même manière,
ce qui peut avoir lieu deux ou trois fois avant que
la quantité de gas acide carbonique foit aftez accumulée
pour arrêter la combuftion.
Il ne feroit pas prudent de remplir d’abord d’air
vital la cloche où eft la lampe-, la combuftion oc-
j cafionneroit bientôt aftez de chaleur pour volatilifer
! l’alcohol, qui s’élève en vapeurs à 66 degrés ; &
dans cet état il s’enflammeroit fubîtement avec ex-
plofion. Malgré les précautions indiquées, il arrive
encore aftez fouvent que la voûte de la cloche fe
fend par la chaleur ; c’eft pourquoi il faut employer
des cloches très - elevées 8c, s’il eft poflible, fans
bouton. J’ai obfervé que les grandes cucurbites, quand
on peut s’en procurer de large ouverture & d’un
verre fuflifamment fort, étoient bien moins fujettes
à cet accident, parce que le verre diftribué plus
également dans leur fond fe prête plus facilement à
une dilatation progreffive. On conçoit au furplus que
l’on peut gouverner le robinet de manière à ne laif-
fer paffer à la fois dans la cloche que la quantité
d’air vital fuffifante pour entretenir la flamme, fans
lui donner trop d’a&ivité, & cette manipulation ne
contribue pas peu à affurer le fuccès de l'expérience.
Tel eft l’appareil dont M. Lavoifier s’eft fervi
pour déterminer la quantité d’eau produite par la
combuftion non-feulement de l’alcohol, mais encore
de l’huile d’olives &, de la cire, autres combuftibles
également compofés de carbone & d’hydrogène, &
qui n’étant pas à beaucoup près aufîi difpofés à fe
réduire en vapeurs, fe prêtent bien plus facilement
à cette expérience. Voici les réfültats moyens de
plufieurs opérations faites fuivant cette méthode.
93,50 grains d'alcohol ont confommé en brûlant
220,28 pouces cubes d’air ou 110, 32 grains.
De ces 203,82 grains de matières qui ont dif-
paru, il ne s’eft retrouvé que du gas acide carbonique
& de l’eau qui nageoit en gouttes à la furface
du mercure. Le gas acide que l’on a fait abforber
par la diffolution de potaffepefoit 93,8 grains;donc
refte pour le poids de l’eau 106,2 grains ; donc excès
fur le poids de Valcohol brûlé */i , 7 grains* D ’où l’on
conclut la compofition fuivante de l’alcohol, en fup-
pofant, comme ci-devant, que 100 grains d’air pur
prennent en poids 38,88 de carbone & feulement
17 ,6 4 d’hydrogène.
C omp os i t i on
de l’alcohol.
Carbone...................2.8 » 5 3
Hydrogène.............. 7 ,8 7
Eau toute formée. . 63,6
100
19 ,2 5 grains d'huile d’olives ont confommé, en
brûlant de la même manière, 62 grains d’air ; il ne
s’eft trouvé de gas acide carbonique produit que
54,25 grains : donc la portion des fubftances converties
en eau'a été de 27 grains ; donc excès de poids
de Veau produite fur celui de Vhuile brûlée 7 ,7 S grains,
d’où l’on tire :
C omp o s i t i o n C C a r b o n e ..............78^96
de l’huile d’olives. \ Hydrogène..............21,04
100
Un lampion de cire blanche ayant été fubftitué à
la lampe, a perdu pendant la combuftion 2 1 ,9
grains; il a difparu 66, 5*5 grains d’air; il ne s’eft
formé de gas acide carbonique que 62,58 grains;
donc le furplus, qui n’eft repréfenté que par de l’eau,
eft de 25 ,87 grains ; donc excès de poids de Veau produite
fur celui de la cire confommée ,3 ,9 7 grains. Le
réfultàt moyen de deux expériences a donné, comme
il fuit, les parties conftituantes de ce combuftible.
C o m po s it io n | Carbone...................82,45
de la cire. (_ Hydrogène............ 17,55
100
•Cette produ&ion de l’eau par la combuftion de
l’huile & de la cire mérite d’autant plus d’attention ,
que ces fubftances n’en recèlent pas de toute formée
comme l’alcohol, & qu’étant bien moins difpofées à
fe volatilifer, on diftingue plus sûrement les vrais produits
de leur décompofition.
Il ne me paroît pas que l’on puiffe faire aucune
obje&ion folide contre la méthode fui vie par M. Lavoifier
de conclure dans ces circonftances le poids
de l’eau de celui des matières employées ; mais
je ne penfe pas, avec ce Savant, qu’il foit impof-
fible de raffembler l’eau qui tapiffe les parois de j
la cloche ou qui nage à la furfàce du mercure; 8c
f i quelqu’un étoit tenté de prendre droit fur l’aveu
qu’il fait qu’il feroit plus fatisfàifant de recueillir
& de pefer exaéteiirent ce produit, je puis lui en
indiquer le moyen que j’ai éprouvé- avec fuccès.
E x p é r i e n c e L X I I I .
L’huile ou la cire ayant brûlé j comme dans la
précédente expérience, & les vaiffeaux refroidis, au
lieu de porter fous la cloche la liqueur alkaline pour
abforber le gas acide carbonique, on y introduit à
travers le mercure la boîte portée par la coulifte à
obturateur ( Voyeç ci-devant Expér. X I& la ftg. 3 4 ),
dans laquelle on a placé une petite capfule de métal
contenant environ 200 grains de potaffe bien
calcinée ( 1 ) ; on lève l’obturateur en faifant gliffer
une des branches , & on làiffe le tout en repos pendant
24 heures. Au bout de ce temps, on retire l’infi-
trument bien fermé ; on enlève la capfule que lbu
pêfe fur-le-champ, & on trouve une augmentation
de poids qui repréfente : i°. la quantité de gas acide
carbonique qui correfpond au nombre de pouces
cubes abforbés, & que l’on a eu foin de mefurer;
2°. toute l’eau difperfée dans l’intérieur de la cloche
& que les fluides aériformes ont fucceflivement re-
diffoute pour la rendre à la potaffe. On abrège beau-
boup l’opération , 8c même on en affure le réfultàt
en renouvellant deux ou trois fois le fel calciné ;
quelques heures fuffifent alors pour rendre les parois
de la cloche 8c la furface du mercure parfaitement
fèches.
Si la hauteur du mercure dans la cloche s’oppofoit
à ce que la potaffe fût portée jufques dans le fluide
gafeux , on remédieroit à cet inconvénient en y faifant
paffer une certaine quantité d’air, qui ne peut
apporter aucun changement : rien n’empêchant de
déterminer encore par une expérience féparée ce
qu’un pareil volume de même air peut abandonner
d’humidité dans les mêmes conditions, pour en faire
déduélion ; des quantités connues ajoutées à des quantités
connues, tout refte également connu.
Tout fe paffant ainfi en vaiffeaux fermés, tout
étant déterminé par la balance & par le calcul, il
faut bien reconnoître enfin que l’air concourt ici matériellement
à la produélion de l’eau , fi l’on ne
veut fuppofer contre toute évidence qu’un corps
fenfiblement pefànt peut traverfer le v erre, ou abandonner
ces principes fur lefquels repofent toutes
nos connoiffances en Chymie, que la matière ne fe
détruit pas, que de deux matières mifes en contaéè
& qui ont une tendance réciproque à la combinai-
fon , celle qui en changeant de forme prend une
augmentation de poids correfpondante au déchet de
l’autre, la reçoit infailliblement de celle-ci, & que
le nouvel être eft un compofé des deux fubftances.
Remarques. On voit que ce n’eft pas feulement le
gas hydrogène qui décompofe l’air, mais aufîi d’autres
fubftances qui recèlent abondamment le prin-
(1) Je me fers, dans c e s circonftances , d’un petit vafe de pur platine , qui ne pefe que 122,25 gritns , & qui contient
o ,302.pouce cube. Ce vaiffeau , étant inaltérable, n’éprouve aucune variation dans ion poids, ôt il eft imperméable
à toute liqueur, quoiqu’affez léger pour fur nager l’eau chargé de 48 grains de matière quelconque.