
procédés qu'emploient les diftillateurs d’eaux-fortes .
pour préparer èn grand cet acide , ainfi que la def- <
criprion de leurs atceliers, fourneaux & uftenfiles.
Je ne m’occuperai ici que des opérations que le
Chymifte doit connoître & exécuter lui-même pour
adiirer fes expériences, & des obfervations qui in- ;
terreffent la théorie.
On diftingue dans le commerce Y acide nitreux
-obtenu du falpêtre par l’argille, fous le nom d eau-
forte) celui qui eft retiré du nitre diftillé.avec le
vitriol de mars, fous le nom d'efprit de nitre) ce lui
qui eft dégagé par l ’acide vitriolique, fous le nom
d'efprit de nitre fumant) celui dont on a féparé les
acides vitriolique &. muriatique par la diftillation
nitreufe d’argent, fous le nom d'eau-forte précipitée,
ou eau forte de départ ; celui qui eft très-délayé &
impur, fous le nom d'eau fécondé,
Il fuffit aux Chymiftes de diftinguer Vacide nitreux
pur} c’eft celui dont il fera principalement queftion
dans cet article, & l’acide NITREUX PHLOGIS-
TIQUÉ dont je m’occuperai dans un autre article.
Les noms d'eau-forte.de Meyer 9 d'eau forte de Schéele,
que je donne quelquefois à l'acide nitreux reétifié à
la manière de ces Chymiftes, peuvent être utiles pour
fuppléer des détails, de préparation d’expériences,
quand ces circonftançes doivent influer fenfiblement
furies réfultats; mais ils H’expriment toujours qu’un
acide dont ces procédés garantiflent le degré de
pureté. Quant à la concentration , fes degrés font
trop variables pour qu’on puifle leur appliquer des
dénominations particulières , qui ne difpenferoient
pas d?une expreflion plus exaéle, loffqu’ils font une
condition du phénomène.
Le nitre eft un des fels neutres dont on fépare
le plus facilement la bafe alkaline ; mais les procédés
dans lefquels on emploie le phlogiftiquè n’o-
pèrent cette féparadon qu’en détruifant, ou , pour
parler plus exactement, en décompofant réellement
fon acide : or, il s’agit ici de le recueillir tout entier.
On fe fert d’argille dans la diftillation de l'acide
nitreux y comme dans la diftillation de l’acide muriatique
; mais les Chymiftes ne font point d’accord
de la manière d’agir de cet intermède pour la dé-
compofition du nitre & du fel commun ; les uns
foutenant avec M. Venel, que les terres n’agifient
que méchaniquement dans ces opérations, pourquoi
il les appelle des intermèdes inefficaces ; les
autres penfant avec M- Baume, que les argilles
tiennent de l’acide vitriolique qui s’unit à la bafe
alkaline de ces fels pendant la diftillation; d’autres
enfin rejettant cette hypothèfe, appuyés de l'auto*-
torité des Schéele & des Macquer.
Pour prendre une jufte idée de la queftion, il
faut d’abord diftinguer la décompofition du nitre de
celle du fel commun, puifqu’il eft bien certain que
la première fe fait beaucoup plus facilement, & a
lieu dans tous les cas où le fel commun refte tout
entier. On fait, par.exemple, que le fel commun
n’eft point décômpofé par le fable pur, c’eft-à-dire
par h terre guartzeufe, même su çreufet, tandis
qu’elle décompofe le nitre au feu de diftillation. M.
Macquer cite a ce fujet les expériences très-exaéles
de M. le Veillard, détaillées dans un mémoire qu’il
a communiqué à l’académie des fciences : après cela
il rie f l pas étonnant, comme le dit M. Macquer, que
la porcelaine des Indes broyée, mêlée 6* diflillée avec le
nitre, occafioime la décompofition de ce fel, Cette dif-
tinélion établie, je renvoie à Y article ACIDE MÜRIA-
TIQUE ce qui concerne la décompofition du fel
commun , & je ne m’occuperai ici que de la décompofition
du nitre.
Quoique l ’on ne puifle dire que le quartz pur
fafle dans cette opération la fonélion d’un acide
plus puiflant pour dégager Y acide nitreux, il ne feroit
pas moins contre les principes de le regarder comme
un pur agent méchanique, & à plus forte raifon de
lui conferv.er le nom d'intermède inefficace. Il y a réellement
une affinité entre le quartz & la potaffe qui
fait la bafe du nitre : cette affinité étant moindre que
celle de Y acide nitreux avec cette bafe, elle ne peut
produire aucun effet fenfible tant qu’elle eft réduite
à fa propre énergie, c’eft le cas de l'affinité fimple ;
mais fi -cefte tendance qui s’exerce au moment du
contaél, qui fubfifte quoique impuiffante , vient à
être aidée par la tendance fimultanée d’un nouveau
principe à s’approprier l’autre partie compofante,
il eu- réfulte une force cqmpofée des deux attractions
qui confpirent pour rompre ou pour maintenir
l'union ; c’eft lé cas de l’affinité double dont on a
déjà tant vu d’exemplés, dont il y en a un bien
frappant dans le paragraphe précédent,. '
Nous favons ici que l'acide nitreux attire très**
puiflament le phlogiftiquè ; nous favons qu’il peut
en recevoir de la chaleur, au point d’en être dé-
compofé comme par le contaél des matières char-
bonneufes ; que long-temps avant cette deftruélion,
fon adhérence à fa bafe peut être afTez diminuée
pour qu’il la cède à un autre acide même végétal; nous
ne devons pas être étonnés que dans ces. cirçonf-
tanpes, l ’affinité du quartz reprenne la fupériorité
& décide la féparation d’autant plus facilement,
qu’indépendammentdu phlogiftiquè communiqué par
la chaleur, on doit encore faire état de la matière
I même de la chaleur qui , par l’aétion différente
qu’elle exerce fur deux principes unis, augmente la
volatilité de l’un dans une proportion bien plus con-
fidérable que celle de l’autre , & porte ainfi un
nouvel élément dans le calcul de forces attractives.
Voyez Affinité 6» Calorifique.
Pour ce qui eft de Yargille, il eft tout fimple qu'elle
ferve auffi à dégager Y acide nitreux à la diftillation,
1 puifque M. Bergman aflure qu’il y a toujours trouvé
une portion confidérable de quartz, & fouvent au-
delà de moitié. Mais l'alumine, ou terre pure de
l’alun, décompofe auffi le nitre, & même, comme
on lé verra, le fel commun, ce qui eft encore môins
équivoque: or, fon affinité avec les bafes alkàlines
étant fûrement beaucoup plus foible que celle du
quartz, il femble que, même à l’égard du nitre *
cette affinité ne peut fuffire à expliquer la décompofition.
Cette explication eft facile dans le fyftême de
M. Baume. Suivant ce Chymifte, l’argille tient efîen-
tiellement de l’acide vitriolique , elle n’eft réellement
qu’un alun furfaturé de fa terre, & les réfidus
de la diftillation du nitre & du fel commun avec
l ’argille la plus pure, fourniffent toujours par l’é-
lixation des vitriols à bafe alkaline. La dernière
circonftance formeroit feule une preuve décifive ,
fi la quantité de vitriol alkalin que l’on retire de
ces réfidus étoit toujours à peu près égale , fi elle
avoit quelque proportion avec la quantité du nitre
décompofé ; on auroit du moins un fort argument
en favepr de cette hypothèfe, fi la terre qui a fervi
à ces diftillations fe trouvoit en effet avoir perdu
quelques-unes de fes propriétés; mais toutes ces
preuves manquent, comme le remarque très-bien
M. Macquer : le vitriol de potaffe que l’on obtient
varie fuivant les argilles, il eft toujours en très-
petite quantité;
A ces réflexions très - concluantes d’un grand
Chymifte, ajoutons les expériences du célèbre
Schéele, par lefquelles il s’eft afluré que l’argille
pure traitée de toutes les manières avec l’alkali ne
donnoit pas un atome de vitriol de potaffe ( Collection
de fes mémoires, édit, franc, art. V.) ; &, on
regardera comme fuffifamment prouvé, que l’alumine
no tient point d’acide vitriolique : cependant
mes expériences particulières me forcent encore à
fufpendre mon jugement.
J ’ai cherché à découvrir des traces de cet acide ,
par le moyen de la terre barotique que M. Schéele
lui-même nous a fait connoître, qu’il donne, ainfi
que l’illuftre Bergman , pour le réaélif le plus fûr ,
lorfqu’il s’agit de rendre fenfible l’acide vitriolique,
a quelque bafe qu’il foit uni ; toutes les diflblutions
de terre barotique ont conftafhmerit troublé les Ief-
fives.des réfidus de toutes les diftillations des acides '
nitreux &. muriatiqué par l ’argille, lors même que
cette opération étoit répétée fur la même argille
ou avec la terre bafe de l’alun. Voyez ACIDE MURIATIQUE.
11 feroit donc poifible qu’il exiftât dans l ’argille
la plus pure, ainfi que dans l’alumine, une portion
d acide vitriolique dans un tel état de combinaifon
& de faturation, que le fel qui en réfuiteroit fût
jnfoluble ; que l’alkali n’y trouvât pas prife pour
exercer fon affinité & précipiter la terre ; que cet
acidé'fervît néanmoins à dégager l’acide du nitre,
& fur-tout du mariate ; qu’après la diftillation, le
vitriol alkalin qui fe feroit formé fut tellement enveloppé
, que l’eau bouillante ne pût l’en féparer
que difficilement, que fucceffivement, qu’à la faveur
d’un excès d’alkali , comme M. Baumé l’a
confeillé ; enfin que le barote en diffolution , par
un acide- quelconque , eût la propriété de manifefter
ces fels jufques dans les dernieres leffives de çes
réfidus. Je ne diffimule point que voilà bien des I
conditions ; mais fi on Ce rappelle un fait trèi-ana- *
I logue, obfervé par’M. Schéele, que la terre de
l’alun reprend à l’eau le vitriol calcaire ( Voyez
Alumine ) ; fi l’on fait attention que nous avons
befoin d’un principe pour donner une explication
fatisfaifante de la manière d’agir de l’argille dans
ces diftillations , on ne fe preffera pas de rejetter
ces probabilités ;' on s’en tiendra au moins à la
conclufion que cette matière exige de nouvelles
recherches.
On explique plus facilement l’aétion des autres
fubftances qui peuvent fervir à la décompofition du
nitre.
L ’acide vitriolique lui prend fa bafe, parce qu’il
l’attire plus puiffammenr.
Dans le vitriol de mars calc in é ,‘ une partie
du même acide eft à nu, celle qui eft encore engagée
force Y acide nitreux à l’échange de bafe, &.
le peu de philogiftique que retient la terre du fer
concourt à cette double féparation , d’un côté , en
relâchant la combinaifon de Y acide nitreux avec
l’alkali, de l’autre , en laiffant le fer dans un état
de déphlogiftication qui le rend infoluble ; de là vient
que cette diftillation réuffit très-bien avec le vitriol
de mars calciné , à la différence de la diftillation
de l’acide muriatique qui, étant naturellement phlo-
giftiqué, adhère beaucoup plus à la chaux de fer :
M. Macquer a été obligé d’employer un feu de la
dernière violence , & n’a obtenu, par cet intermède
, qu’une très-foible quantité d acide muriatique.
Il eft aifé de juger par-là que quand le vitriol
de mars ne feroit pas le moins cher & le plus
commun , il feroit encore le plus avantageux pour
cette opération. Le vitriol de zinc & les autres
vitriols métalliques ne laiffent pas aller auffi facilement
le phlogiftiquè , à la faveur duquel ils retiennent
la terre métallique.
Sthal & Kunckel ont parlé d’une eau-forte très-
pénétrante, de couleur bleue ,. obtenue par la diftal-
lation du nitre avec l’arfénic : le premier employoit
l ’arfénic feu l, le fécond un compofé à parties égales
d’arfénic, d’antimoine & de foufre , que l’on a
nommé lapis pirmifon , ou lapis de tribus ; mais l’ar-
fénic étoit toujours le principal agent, parce qu’en
cédant fon phlogiftiquè à Y acide nitreux , fon acide
propre devient capable de retenir la bafe alkaline
( Voyez Acide arsénical) , ou même de décom-
pofer le nitre par la voie flèche, à raifon de fa fixité,
ainfi que les acides boracin , phofphorique & ou-
rétique.
Nous verrons bientôt ^que le nitre calcaire décompofe
le vitriol calcaire & le vitriol magnéfîen ;
c’en eft affez pour faire juger que ces fels ne font
pas de bons intermèdes pour la diftillation de Va»
eide nitreux, qu'ils ne peuvent agir fur le nitre que
par la voie flèche , & quand le phlogiftiquè a diminué
l’adhérence de Yacide nitreux à fa bafe. Cependant
un Chymifte allemand, M. Web e r , recommande
l’ufage du fel d’Epfom ou vitriol ma-
gnéfien ; mais en donnant le même coafeil pour la