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dénomination plus conforme à la fèvéfité qui convient
à la Langue d’une fcience exafte. Je n’ai garde
de m’écarter d’un plan auffi fage , ni même de révoquer
en doute que ce que les Chymiftes ont nommé
affinité, ne foit un effet qui procède immédiatement
de la propriété qu’ont les corps de s’attirer réciproquement
; mais il y a toujours attraction entre toutes
matières, & nous verrons bientôt qu’il n’y a pas
toujours affinité : nous avons donc befoin d’un ligne
particulier qui fpécifie cette intenfité du pouvoir at-
traftifdont dépendent les phénomènes chyiniques;
c'en eft affez pour lui conlèrver le nom d affinité,
dont l’appropriation eft conlàcree par une longue
poffeffion , & qui exprime la même chofe en moins
de mots, que celui d’attraélion éleélive , que l’on
pourra employer comme fynonyme. Le premier aura
encore l’avantage d’être moins fignificatif pour les
Chymiftes , s’il y en a , à qui l’identité d e l’attraâion
& de l’affinité ne paroiffe pas encore bien démontrée.
Je donnerai d’abord dans cet article l’hiftoire des
progrès de nos connoiftànces dans la doétrine des
affinités. ; _
J’expoferai enfuite les principes phyüques des affinités.
, , , ,
Les différentes manières de les cônfiderer, feront
le fujet du 3'. paragraphe.
Je traiterai, en quatrième ordre, des anomalies
apparentes qu’elles préfentent. _
Je ferai connoître, en cinquième lieu , leur utilité
6c leur application à la pratique de la Chymie.
Je propoferai enfin les moyens d’en rendre le
fyftême plus complet, me réfervant de donner a
l’article R a p p o r t s , l’explication des tables d’affinité
, lefquelles n’indiquant en effet que des quantités
ipcoîev \pXt]M ttpof to ifiotov , fimile venit ad
fimile ( de Mort. liv. IF. ) , que ce pere de la Médecine
relatives d’une même puiflance, méritent de confer-
ver ce nom.
<j. I. D e la découv erte d es A ffin ité s , & des
p ro g rès de n o s con n o iffia n ccs d a n s cette p a rtie
d e la C h ym ie.
Il eft bien certain que, dès que l’on a commencé
à s’occuper des opérations de la Chymie, on a du
remarquer que tous les corps n’avoient pas une égalé
difpofition à s’unir. Pour expliquer cette divçrfité
d’aéfions , on emprunta cette penfée d’Hippocrate :
avoit appliquée au triage des fucs de la terre
par les végétaux, & à la nutrition des animaux y
qui depuis avoit fervi de fondement à la fameufe
hypothèfe des Homotomeries d’Héraclite. L’ancienne
Ecole en tira cet axiome que l’on retrouve encore
dans Beccher : que les corps falfiffent plus volontiers
leurs femblables, & on fuppofa en confcquence qu’il
y avoit un principe femblable caché dans toutes les
fubftances fufceptibles de combinaifon. D ’autres imaginèrent
, dans les diffolvans, des pointes plus ou
moins fines, plus ou moins roides, & ainfi mécha-
niquement prédifpofées à s’engaîner dans les pores de
certains corps , & à tenir par-là leurs molécules fuf-
pendues ; c’eft ce que foutenoit encore Lemery.
Bohnius avoit parlé avant lui de la conformation ref-
peéiive des parties d’une manière plus vague, & qui
auroit pu s’entendre dans un fens plus e x a â , s’il
n’avoit pas admis en même temps un principe de
mouvement imaginaire. On trouve bien dans les Ouvrages
de Stahl quelques explications dans lefquelles
ce Chymifte rejetant l’hypothèfe des pures forces
méchaniques, attribue la puiflance des menftrues au
contait, à la cohéfton'ihtime (1) ; il fit un premier
pas & bien important, .lorfqu’il confidéra dans les
mixtes les fubftances différentes qui donnent prife à
différens diffolvans , ces lattis par lefquels tel ou tel |
corps pouvoit être attaqué , pour me fervir de fon
expreffion, que nous avons long-temps empruntée,
fans ofer la traduire ; on peut recueillir enfin de fes
expériences grand nombre d’obfervations qui ten-
doient déjà à établir qu’une union formée ne pou-
voit être.rompue que par une union plus intime;
mais l’idée de raffembler ces faits, de les compléter
pour fixer la inefure de ces degrés d’union çour
préparer des réglés d’analyfe & de compofition, étoit
réfervée à Geoffroy l’aîné.
Ce fut en 1718 que Geoffroy préfenta à l’Académie
royale des Sciences de Paris , la première 'Table
des degrés d’affinité , ou, comme il l’appelloit, des
différens rapports obfervés en Chymie entre différente/
fubftances, en prenant ce terme rapport comme l’équivalent
de convenance , de difpofition a s unir, qu il
lui fubftitue quelquefois, c’eft-à-dire, dans le même
fens que nous empruntons aujourd’hui celui d’affi-
nité.
[ Cette Tab le, que je me fais un devoir de conilg
a ü
une caufe dont on n’avoit encore aucune idee claire. .. . ■ * r__t re<: termes Svecim. Bccchtr.
(1) Combinations quafcumque non aliter fieri quàm ver arBam.appofitionem & c . ce K | uMm
ffik ‘ , „ p, c » mi’il ainute ( N ° io. 1 eft encore plus précis : non per modum cu ne i, neque per modum incursus
Çarticùlam feparandam , fe d p o tià s ’per modum apprehenfionis Jeu arB.cz a pplications & c , . .
confentanenm, q u id effectue talcs potiùs arcliori unions fa lr en lis cum folvente c o n t r a n t , quàm nuitl & fimpUci formal J
méntali diyifionc» ' ' - ■ x* {éïV&t
fetver dans cef Ouvrage, comme le tjxpe de toutes
celles qui ont paru depuis, ne contenoit encore que
dix-neuf colonnes, toutes remplies fort imparfaitement,
& préfentant des règles qui, pour la plupart,
ont été changées ou modifiées ; mais ces imperfections
prouvent qu’au lieu de raffembler Amplement
les matériaux que fon fiècle lui avoit préparés, Geoffroy
penfa à préparer lui-même une bafe'aux matériaux
que les fièçles à venir pourroient acquérir,
ce qui eft bien plus glorieux. L’illuftre Hiftorien de
l’Académie jugeoit bien l’influence de cette penféé,
lorfqu’il dit : plus la Chymie fe perfectionnera , plus la
Table de M. Geoffroy fe perfectionnera auffi ; fi nous
fommes encore loin du b u t, nous avons du moins
fait nffez de progrès pour regarder cette opinion
comme déjà vérifiée par l’événement.
Avant cette époque,la Chymie n’étoit guère que
la tradition de quelques recettes: dont le fuccès aé-
pendoit d’une imitation fervile , ou l’art de quelques
procédés de routine pour tenter lé hafard d’un produit
nouveau ; le premier âge de la fcience eft celui
où on a commencé à foupçonner la poffibilite de
remonter, aux caufes , & d’en déduire des effets que
l’expérience n’avoit pas encore révélés : ces caufes 1
font les différens degrés d’affinité ; il eft donc jufte
de faire ici mention de tous ceux qui ont travaillé
avec fuccès, ou à enrichir les Tables des rapports de
quelques obfervations importantes,' ou à répandre
quelques lumières fur la caufe immédiate de l’affinité.
I. On trouve dans un Recueil de Differtations ,
publié par M, de Machy,en 1774, une Table d’affinités
en,dix-neuf colonnes, que cet Auteur attribue
à M. Groffe,8t qu’il place à l’époque de 1730;
on y remarque déjà quelques réformes & des additions.
En 1730, le célèbre Profeffeur de Freyberg, M.
Geilen, donna , dans fa Chymie métallurgique,, une
nouvelle Table de rapports , portée à vingt-huit colonnes
, où il renverfa, on ne fait pour quelle rai-
fqn, l’ordre ■ naturel fuivi par Geoffroy., en plaçant
le plus près les fubftances qui. ont le moins d’affinité
& éloignant celles qui ont le plus de tendance à
s’unir. 11 fit une addition utile, en indiquant au bas
de chaque colonne les corps qu’il avoit reconnu non
folubles par la fubftance nommée en tête de cette
colonne.
Il parut à peu près dans le même temps une autre
Table dans la traduflion de la Pharmacopée de Quin-
cy, par M. Claufier; celle-ci eft encore plus étendue,
mais .fi ma! ordonnée, que M. de Machy n’a pas daigné
lui donner une place dans le Mémoire où il s’é-
toit propofé de les toutes réunir.
A. Rüdiger inféra dans fon Inftruélion fyftématique
fur la Chymie, imprimée à Leipfick en 1756, une
Table réduite k quinze colonnes, où les lignes de
l’aikali fixe & de la chaux font placés à côté l’un
de l’autre fous le figne des acides, & avant celui
de l’àlkali volatil ; il indiqua avec affez d’exa&itude ,
dans une petite Table particulière, les fubftances qui
ne fe combinoient pas, du moins fans intermède.
L’Académie de Rouen avoit propofé pour fujet
de fon prix, en 1758, de déterminer les affinités
qui fe trouvent entre les principaux mixtes, ainfi
que Geoffroy l’avoit -commencé, & de trouver un
fyffême phyfico-méchanique de ces affinités. Deux
Differtations furent couronnées ; l’une, qui eft celle
de J. Ph. de Limbourg, comme ayant le mieux rempli
la première condition du concours ; l’autre, de M.
Lefage de Genève, comme ayant traité fupérieure-
ment en Géomètre & en Phyficien le méchanifine
des affinités dont M. de Limbourg ne croyoit pas
même la découverte poffible : on verra bientôt lequel
de ces deux Auteurs s’approchoit le plus de la vérité
, ou de M. de Limbourg qui fe bornoit à indiquer
clairement l’attraâion comme la caufe des affinités
, ou de M. Lefage, qui, cherchant à expliquer la
caufe même de l’attraâion par la force impulfive des
corpufcules ultramondains , fe trou voit obligé , pour
en modifier les effets dans l’affinité, de recourir à
la difpofition, à la figure, à la grandeur des pores,
comme capables de rendre plus ou moins facile le
paffage des corpufcules. Au furplus , la Table' de
M. de Limbourg, compofée de trente-trois colonnes ,
étoit fans contredit à cette époque l’une des plus
complettes & des plus exa&es ; il avoit très-bien vu
que le zinc devôit être placé avant toutes les fiib-
ftances métalliques dans la colonne des acides, qu’il
les précipitoit toutes , même par la- voie feche ; il
n’avoit pas héfité de prononcer que la chaux & les
alkalis cauftiques agifloient par affinité fur les matières
animales ; il avoit eu foin d’indiquer quelques-
uns des cas où l’ordre des affinités change par l’intervention
de la chaleur, ou par la volatilité de
l’une des fubftances. Il eft jufte d’obferver que, lorsque
M. de Limbourg raffembloit ces obfervations fur
! les affinités , le travail de M. Gellert ne lui étoit pas
I connu (1) ; & fi la Table: de ce dernier a été plus
généralement répandue, pliis fouvent citée , on ne
peut guère l’attribuer qu’à la célébrité qu’il avoit
donnée à fon école, & qui étoit bien propre à fixer
l’attention des Chymiftes.
. On .a juftement reproché aux Auteurs de la. partie
chymique de la première Encyclopédie, de n’avoir
foit aucun ufoge ni de la Table de M. Gellert, ni
de celle de M. de Limbourg, dont ils ont parlé comme
étant déjà publiée ; ils fe contentèrent-d’introduire
dans celle de Geoffroy la divifion des métaux en
métaux folaires & métaux lunaires., d’ajouter le vinaigre
, le tartre & le foufre dans les colonnes des
terres & des alkalis, & de former de nouvelles
(0 La Traduftion françoife de la Chymie métallurgique de M» Gellert, par M, le Baton d’Holbach, eft de 175?#
Chymie, Tome I, Y y y