
§. X X I I . Du molybdène.
Le molybdène exifte dans le fein de la terre à
l ’état de fulfure , qu'on appeloit anciennement
mine de molybdène, Ôç qu'on a quelquefois, avant
Scheele, confondue avec la plombagine , & l'état
d'acide combiné avec le plomb que l'on nommoit,
avant-que fa nature, fût connue, plomb jaune de'
Carinthie.
Le fulfure de molybdène a une couleur grife,
un éclat métallique & une grande douceur au
toucher : il eft formé de lames flexibles & très- \
difficiles à réduire en poudre.Sa gangue eft prefque j
toujours quartzeufe. On en trouve en Angleterre, ,
en Allemagne & en Suifle.
Pour en faire l'effai, on le pulvérife à l'aide.du ‘
fulfate de potafle, qui, par fa dureté, déchire les
petites lames dont cette fubftance eft formée, & ’
les empêche de glifler fous le pilon : on enlève
enfuite ce fel par des lavages à l ’eau bouillante.
La matière ainfi pulvérifée & lavée doit être
traitée avec quatre parties d'acide nitrique à trente
degrés , jufqu'à ce qu’elle foit réduite en un
magma blanc. L'acide, nitrique évaporé, on dif-
fiout la matière blanche par l'ammoniaque pure,
de manière que la gangue, le fer, & c. fe trouvent
féparés.
Pour avoir enfin l’acide molybdique formé par
l'acide nitrique-, on mêle dans fa diffolütion alcaline
de- l'acide muriatique, jufqu'à ce qu'il ne
forme plus de précipité 5 on raflemble celui-ci,
& on le lave avec de petites quantités d'eau
froide, j*
11 faut fe donner de'garde de laver à trop grande
«au ou avec de l'eau bouillante, car l’acide molybdique
finiroit par fe dilfoudre en totalité. Il
retient toujours, par ce procédé i une petite quantité
d’ammoniaque , avec laquelle il forme un fel
acidulé j mais il eft aifé de féparer. cet alcali par
une chaleur modérée, 8r c’eft: pour cette raifon
qu’il vaut mieux employer l'ammoniaque que la
potafle ou la foude. ,
Le foufre qui étpit combiné au molybdène dans
cette mine , ,eft brûlé dans cêtte ; opération par
l ’acide nitrique , & n'eft point féparé dans fon
état naturel comme dans plufieurs autres mines,
fulfureufes ; mais on peut en trouver la quantité
par celle de l'acide fulfurique qui refte dans les 1
«aux de lavages, & qu’on précipite :par un fel de-
jba y te.
Le molybdate de plomb a une couleur jaune !
plus ou moins foncée, une pefanteur affezconfi- ;
dérable, & fouvent criftalli.fé en petites lames qui
paroiffent carrées. . j •'
L ’effai de ce. minéral fe fait par l’acide fulfurique
affoibli qui s’unit^au plomb , avec lequel i l ;
forme un fel infoluble, &,dont le poids, comme
on l’a vu plus haut , fait connaître celui du;
plomb.
L’acide molybdique .refte en difîplution dan§Jà-i
liqueur où il eft toujours mêlé avec un peu d’a-
ciae fulfurique furabondant j mais on peut l'en débarra
(Ter en faifant évaporer la liqueur à ficcité
dans une capfule : il prend toujours une couleur
bleue par cette évaporation.
On peut obtenir le plomb à l'état métallique
de ce minéral, en le fondant dans un creufet avec
trois parties de flux noir : l’acide molybdique pur
refte combiné à l'alcali qui recouvre le plomb.
Le caractère le plus diftinCtif du molybdène,
quand il eft à l'état d’acide diffous dans l’eau, eft
de prendre une couleur bleue très-belle, par une
lame de zinc, une lame d’étain, ou l’addition de
quelques gouttes de muriate d^étain au minimum.
Sa diffolütion dans un alcali donne auffi un
très-beau précipité bleu au moyen du muriate
d'étain.
La chaleur & la lumière feules fuffifent pour le
faire palier au bleu 3 ce que prouve un papier imbibé
de cet acide chauffé un peu fo rt, ou expofé
pendant quelques heures aux rayons du foleil.
Au refte , la plupart des corps combuftibles lui
font éprouver ce changement, qui eft évidemment
dû à la perte d’une portion de fon oxigène. En
formant une pâte avec cet acide à l’état concret,
de l’huile de lin & un peu de noir de fumée , &
en le chauffant fortement, on le réduit fans difficulté
à l’état métallique j mais il ne fe fond pas,
il fe volatilife plutôt : en fe volatilifant il fe brûle,
& fournit un oxide blanc qui, en fe condenfant
fur les corps froids , prend la forme de petites aiguilles
blanches & brillantes.
§. X X 11 I. Du chrome,
Ce métal, ainfi nommé à caufe des belles &
nombreufes couleurs qu'il communique à fes combinaifons,
a été découvert pour la première fois
dans lè plomb rouge.de Sibérie, enfuite dans l’é-
meràudê , le rubis fpinel , le diallage , les ferpen-
tines, &c. 5 enfin on le trouve uni à l'oxide de
ie r , . avec lequel il forme une efpèce de mine
qu’on iavoit prife , d’après fes apparences extérieures
, pour de la blende ou fulfure de zinc.
Ce métal exifte à l'état d’acide avec le plomb
rouge de Sibérie, dans le rubis 3 à l'état d'oxide
dans l'émeraude, le diallage & les ferpentines.
On ne fait.pas encore exactement en quel état, il
fe trouve avec le fer : on avoit penfé qu'il y étoit
acidifié , niais des expériences récentes femblent
prouver au contraire que c’eft à l ’état imétallique
ou,du moi 13s d'oxide.
La méthode la plus fimple pour faire l’effai du
-chromate de plomb, c'eft de; le faire bouillir
pendant long-tems avec du carbonate de potafle
pur: l’acide chromique s'unit à l'alcali, Sc le
plomb à l’açide carbonique. Lorfque la ;diffo-
: lotion- a pris,une-couleur jaune, & le plomb
,une,. couleur rouge de 'minium , on décante la
liqueur , .on laYe le précipité qui fetyffou:
dre en totalité & avec effervefcence dans l'acide
nitrique affoibli, s'il ne contient plus de
chromate'de plomb. S'il refte une poudre jaune,
c’eft encore du chromate de plomb qu’il faut traiter
avec une nouvelle quantité de carbonate de
potafle.
Quand une fois tout le plomb a été féparé de
f acide chromique, & dilTous . dans l’acide nitrique
, on le précipite par l’acide fulfurique, &
l’on cohnoît par-là- la quantité de plomb métallique
& même d’oxide.
Pour avoir enfuite le chrome, on commence
par faturer l'excès , d’alcali qui exifte dans fa dif-
foiution par l’acide nitrique , & on précipite au
moyen du nitrate de mercure au minimum. On
a une matière rouge de cinabre , qui, lavée &
calcinée , donne ce métal à l’état d’oxide v e r t,
qu'on peut convertir de nouveau en acide rouge
par l'acide nitrique.
La combinaifon du chrome avec le fer, dont
la couleur eft le gris d’acier, s'efiaie à peu près
de la même manière, avec cette-différence qu'il
faut procéder par la voie fèche, en faifant fondre
pendant long-tems ce minéral avec trois parties
de potafle ou de nitrate de potafle. Après avoir
Jeflîvé là maffe avec beaucoup d'eau bouillante ,
fi le réfîdu, qui eft rougeâtre, fe difîout en totalité
dans l'acide muriatique , en lui donnant une
couleur jaune-rougeâtre, c'eft une preuve que la
décompofition a été complète. S'il refte quelque
chofe, il faut Je retraiter de la même manière.
Le chrome eft facile à obtenir à l'état métallique
: il fuffit de mêler fon oxide avec un peu
d’huile, & de le chauffer fortement dans un creufet
brafqué. Mais ce métal eft très-difficile à fondre
: on ne l'a encore obtenu jufqu'à préfent
qu'en parties aglutinées légèrement.
Ce métal eft d'un gris d'acier, dur & volatil à
un grand feu. Il donne un oxide vert qui communique
fa couleur à toutes les combinaifons où il
entre : fon acide eft rouge 5 il criftalüfe fous la
forme de prifmes rhomboïdaux, fournit de l'oxi-
gène par la chaleur, & paflè à l’état d'oxide3 précipite
le nitrate de mercure au minimum, en rougé
de cinabre , le plomb en jaune, l'argent en rouge
de carmin 5 enfin, mêlé à l'acide muriatique , il
contribue à la diffolütion de l'or,
i Voilà les métaux les plus importans pafles en
revue : on pourra, au moyen des méthodes qui
ont été expofées, les reconnoître, les féparer des
combinaifons naturelles où ils fe trouvent, &
même en déterminer dans le plus grand nombre
de cas, les quantités. Plufieurs de ces méthodes,
encore peu , exaCtes » ont befoin d'être Amplifiées
ou corrigées, ou enfin d’être remplacées
par de meilleures 3 mais c'eft de l’expérience & du
tems, que l’on doit attendre cette amélioration.
On n'a peint parlé ici du colombium découvert
par,M; Hattchtte, ni du tantale trouvé dernièrement
par M. Ekheberg » ni enfin du ptène, ni
du cérium annoncé tout récemment par MM. Hi-
fenger & Berzelius , parce que leurs mines font
encore trop rares & trop peu connues pour qu’on
puifle donner des moyens convenables pour les
reconnoître & en faire l'effai.
Docimasie seche. Avant- de faire les effais
des mines , dit Macquer, il'faut d’abord avoir
des connoiffances préliminaires fur les propriétés
des différens minéraux métalliques. Chaque métal
a fes mines propres , qui ont chacune leur
caractère & leur faciès particulier} en forte que
ceux qui font habitués à les voir , les reconnoif-
fent prefque toujours à la vue fimple, au poids &
à quelques autres qualités qui- n’exigent aucune
opération.
| Un bon effayeur doit être verfé en minéralog
ie , afin de fe tracer plus facilement la marche
qu’il doit fuivre dans l'effai de telle ou telle mine,
& d’arriver plus fûrement & plus promptement
au but qu'il fe propofe.
Les métaux étant prefque toujours inégalement
répartis dans leurs mines, on rifqueroit d’avoir
des .réfultats^ très - fautifs fi l'on ne prenoit pas
tontes les précautions pour obtenir la moyenne
riçheffe.On y parvient en prenant des échantillons
des différens filons, ou de différens endroits du
même filon en les broyant, & les mêlant exactement
enfemble : c’eft ce qu’on appelle lotir la mine.
Comme les effais, furtout les premiers, fe font
ordinairement en petit, les effayeurs fe fervent
d’un petit poids très-ex a £t avec fes fubdivifions
„qui fe rapportent au poids des travaux en grand ,
c’eft-à-dire, au quintal. Ainfi ce poids eft un quintal
fictif ordinairement de cent grains, de cent
gros ou de toute autre valeur, qu'on divife toujours
en cent parties ; de manière qu'à ce moyen
on peut s'entendre dans tous les pays.
Mais pour les mines qui contiennent de l'argent
-& furtout de l'or, comme ce métal précieux y eft
ordinairement en très-petite quantité, & qu'ii faut
toujours le féparer de l'argent qui l'accompagne j
il feroit trop difficile de pefer le petit bouton de
fin qu'elles donneroient fi on ne les effayoit qu'au
poids de cent grains. Ces motifs ont déterminé
avec raifon à employer , pour l’eflai de ces fortes
de mines', un poids feize fois plus fort, c’eft-à-
dire , feize cents grains réels, iefquels repréfen-
tent feize cents onces qui font le quintal. L’once
étant repréfentée par un grain, on peut aifément
divifer ce grain en fes différentes fractions 5 mais
cela exige, comme on conçoit, des balances très-
jliftes & très-fenfibles.
Lorfqu'on a pefé exactement un quintal fictif
de la mine qu'on veut effayer, & qui a été lotie
comme on l'a dit plus haut, on la grille dans un
têt à rôtir fous la moufle. Avant on lave s'il eft
néceffaire 3 en un mot, on fait en petit fur ces
mines, les mêmes opérations qu'en grand. Les fondons
qu on mêle à là mine varient fui vaut la na-;