
îe feul moyen de l’en féparer ; telle eft la raifon
pour laquelle , malgré le tems employé aux filtrations
, jamais nous n'avons pu obtenir qu'une portion
de l'eau dont ôn s’eft fervi pour laver le gras.
Le peu de matières extra&ives & Câlines contenues
dans le produit de la décompofition des corps a
été diffous par l'eau > mais on ne peut pas être fïir
de tout enlever par ce moyen, en raifon de l'adhérence
de ces fels à la matière grade ; aufli n'ef-
faierons-nous pas d'en déterminer la quantité par
cette expérience. Le favon ammoniacal, qui fait
la bafe de cette matière grade , refte fur les filtres,
où il fe raffemble après que les molécules ont été
écartées par l'eau.
» On doit bien s’attendre que l’eau bouillante
n’a pas mieux agi fur cette fubdance, que l'eau
froide. Nous avons fait bouillir quatre livres d'eau
didillée fur une livre de matière graffe. Lorfque
l ’eau a commencé à bouillir , cette matière s'eft
liquéfiée, & a donné à l'eau la confiftance & la
forme d'un mucilage épais de graine de lin ; l'ébullition
n'y a point été complète & agitée comme
dans de l'eau feule > le mélange filoit comme un
mucilage , en le lai (Tant toucher de haut : toute la
-maffe avoit une couleur grife 8c une odeur très-
fétide i elle s'eft prife par le refroidifiement en
une efpèce de pâte duéti'le on voyoit fe former à
fa furface, à mèfure qu'elle fe refroidiffoit, une
pellicule grife qui n’adhéroit point aux doigts, &
qui reffembîoit à celle que l’on obferve fur les
cataplafmes & les emplâtres. En étendant cette
maffe d’eau froide, elle s'y eft délayée comme à
l ’ordinaire, mais fans s'y diffoudre, 8c la filtration
en feparoit également la matière favoneufe qui fe
raftembloit furie filtre.
» Dans cet examen de la matière grade par
l’eau à différentes températures 8c en quantités variées
, nous avons obfervé fur cette matière féchée
à l'air, des phénomènes ttès-différens de ceux
qu'elle nous a offerts encore fraîche & humide,
ou telle qu’elle eft dans la terre. Un gros de cette
matière, féchée à l’air pendant l'été de 1786, a
été délayé, & enfuite chauffé avec quatre livres
d ’eau diftiîlée j l’eau a pris tous les cara&ères de.
l'eau de favon, mais elle avoit moins de confiftance,
& elle mouffoit moins que celle du gras frais &
humide. A mefure que le mélange devenoit plus
intime par l'aétion de la chaleur, nous apperçûmes
des gouttes d'huile brune, qui nageoient à fa fur-
face , 8c la liqueur perdit beaucoup de fon opacité.
• Quand le mélange parut bien fait, & la matière en- •
tiérément délayée , on îe retira du feu : la liqueur
refroidie préfenta à fa furface des plaques d'une
matière huileufe concrète que l'on enleva, & qui
pefoit quarante-cinq grains ; cette fubftance, d'un
jaune-brun , avoit toutes les propriétés de l'efpèce
'de cire demi-tranfparente, déjà obfervée dans le
ïras féché à l'air. La liqueur de deffous étoit encore
favoneufe , mais peu confiftante, & on y voyoit
vcs flocons blancs précipités. Elle paffa facilement
à travers le papier, & lai (fa fur le filtre une matière
blanche, très-fine , grade & douce au toucher,
brillante comme de la craie de Briançon,
Cette matière, pefant vingt-huit grains, 8c contenant
un peu d’eau, comme l'efpèce de cire, fépa-
rée de deffus la liqueur, fe fondit, 8c brûla en pétillant
à la flamme du chalumeau. Elle fe charbons,
8c laiffa une petite maffe blanche, qui fe ramollit
8c fe vitrifia à fa furface, comme la terre des
os ou le phofphate calcaire : c'étoit encore une
portion de cette cire animale , mêlée à une petite
quantité de ce fel neutre. Dans tous ces effais, il
ne s’exhala point d’odeur ammoniacale. On voit
donc que lorfque le gras a été long-tems expofé à
l’air fec 8c chaud, lorfqu’il a perdu une grande
partie de l'ammoniaque qui le mettoit à Tétât fa-
voneux, l’eau ne le délaie plus aufli facilement que
dans fon état ordinaire, 8c l'huile concrefcible en
eft facilement féparée par la chaleur de l'ébullition,
fufceptible de la fondre fans l'altérer.
I V. De V aSlion de la chaux & des alcalis purs
fur le gras.
»Si ces expériences très - intéreffantes nous
avoient déjà fait connoître la nature favoneufe 8c
ammoniacale de cette matière animale, elles ne
rempliffoient point encore nos vues fur les proportions
des principes qui la conftituoient, fur la nature
8c la quantité des fels neutres qui s’y rrou-
voientmêlés , 8c furtout fur celle delà fingulière
matière huileufe qui en fai foi t la bafe. Nous n’avons
fait encore qu’entrevoir la préfence du phofphate
ammoniacal, du phofphate de foude, du phofphate
de chaux, de l'huile concrète, de l'ammoniaque
8c d’une affez grande quantité d’eau. Il falloir que
nous effa-y allions de connoître, 8c les dofes exactes,
8c la manière d'être de ces différens principes. La
chaux 8cles alcalis cauftiques nous parurent d'abord
propres à nous éclairer fur la quantité de l'ammoniaque
j car la couleur verte que le gras donnoit
au nrop de violettes, 8c l’odeur vive d'ammoniaque
qui s'en dégageoit par l'aélion du feu nu,
nous démontroient, autant que l'aélion de l'eau,
la préfence de cet alcali prefqu’à nu dans cette
fubftance.
» Huit onces de cette matière graffe, bien pure
8c bien blanche, ont été mêlées avec une égale
quantité de chaux vive en poudre : on a ajouté un
peu d'eau au mélange} il s'eft beaucoup échauffé
après quelques minutes, la chaux s'eft éteinte, la
matière graffe éprouvoit un gonflement remarquable
, 8c il s’en dégageoit une vapeur très-forte
d'ammoniaque, mêlée d'une odeur graffe fétide,
propre à la fubftance que nous traitions. Lorfque les
phénomènes de-Textinétion ont paru terminés, on
a ajouté affez d'eau pour réduire tout le mélange
en bouillie claire $ on a chauffé j ufqu'à l’ébullition.
II s'eft dégagé continuellement de l’ammoniaque :
orç a filtré la liqueur apres une ébullition de quelques
ôaes minutes} elle a paffé fans couleur, exhalant
une' odeur fétide, 8c encore fortement ammoniacale:
les alcalis fixes purs & les acides n’avoient
aétion fur cette liqueur, mais elle étoit précipitée
par le nitrate de mercure 8c par celui d’argent.
Le précipité étoit d’abord blanc, 8c il paffoit au
gris-de-lin clair par le contaél de l’air : il n’a pas
été difficile de reconnoître dans cette diffolution
la préfence des fels phofphoriques, 8c l’abfence
du favon animal. Ori a leflivé le réfidu fur le filtre,
avec vingt fois fon poids d’eau diftiîlée froide : la
leflive claire, un peu jaune, mouffoit beaucoup ,
8c fe précipitoit par l’acide carbonique qu’on y
faifoit paffer en bulles à l’aide d’ une veffie 8c d’un
tube de verre} elle verdiffoit lefirop de violettes
8c le papier teint avec la fleur de mauve 5 elle précipitoit
par l’acide oxalique} elle donnoit une pellicule
par fon expofition à l’ air} enfin elle a pré-
fenté tous les caractères d’une diffolution légèrement
favoneufe 8c de l’eau de chaux. La matière
reftëe fur le filtre après ces deux leflives, étoit
homogène, affez blanche} elle s’eft délayée dans
l’eau, mais fans s’y diffoudre ; elle s’en eft au contraire.
précipitée en maffe blanche par le repos.
Après avoir été égouttée 8c féchée quelques jours
à Tair/ur un papier gris, elle a perdu beaucoup de
fon volume, elle a pris une teinte de gris : on Ta
mêlée avec fuffifante quantité d’acide muriatique
foible, pour qu’il y en eût un excès} elle a été
fur le champ décompoféer une partie s’eft élevée
à la furface du liquide, fous la forme de grumeaux
blancs, concrets, indifîblubles dans l’eau. Lorfque
cette réparation a été complète, 8c que la liqueur,
placée fous cette maffe huileufe, concrète 8c légère,
a été bien claire, on a filtré, on a évaporé
la liqueur} elle a donné du muriate calcaire, mêlé
de quelques criftaux différens qui nous ont paru
être un fel phofphorique, mais en trop petite
quantité pour qu’il ait été poffîble de s’affurer de
fa nature par une analyfe exaéte. Les grumeaux
blancs, bien lavés dans l’eau diftiîlée 8c féchés lentement
dans une étuve , ont été fondus au bain-
marie, 8c paffés' par un linge affez ferré ; ils rie
contenoient aucun corps étranger, 8c ils fe font
pris, par le refroidifiement, en une matière hui-
leufe , combuftible , fèche, caffante 8c cireufe,
criftallifable, brillante même dans quelques points,
8c entièrement indiffoluble dans l’eau , dont nous
parlerons plus en détail dans un article particulier.
■ » Cette fuite d’expériences ou d’analyfes du gras
par ia chaux prouve , i°. que cette fubftance fa-
li'no^terreufe décompofe le favon ammoniacal qui
forme le gras ; ï° . que la chaux a plus d'affinité
avec l’huile concrète qui en fait la bafe, que n'en
a l’ammoniaque } .3°. que l'alcali volatil tient cependant
affez fortement à cette-huile, puifque,
malgré Ta&ivité connue de la chaux pour le dégager
, malgré la chaleur de l'ébullition employée
dans cette..expérience, on n’a pas pu priver en-
Chimie. Tome IV ,
tiérement le mélange d'odeur ammoniacale} 40. que
la chaux forme avec l'huile concrète de ce favon
animal, un favon calcaire , inciiffoluble dans Te?u
malgré l'excès de la chaux, décompofable par les
acides.
» Nous avons recommencé plufîeurs fois cette
expérience, pour tâcher d’apprécier la quantité
d'ammoniaque contenue dans le gras ; mais nous
n'avons point eu le fuccès que nous en efpérions,
parce qu’il eft impoffible de faire le mélange fans
perdre une partie de ce f:l volatil, parce qu’il eft
très-difficile de le recueillir tout entier, parce
qu'enfin les dernières portions tiennent affez fortement,
8c qu’il ne fe dégage que par parties &
en bulles écartées les unes des autres; ce qui rend
l'appareil de Woulf, que nous avions employé
dans cette expérience , très-difficile 8c très-incer-,
tain dans fes effets.
» Nous n'avons pas mieux réuffi en mêlant une
diffolution de gras dans l’eau avec l’eau de chaux.
Ce mélange, fait dans un appareil fermé pour recueillir
le gaz ammoniacal & le diffoudre dans
l'eau, n'a point rempli nos vues : le favon animal
étoit tout à coup décompofé à la vérité} des flocons
de favon calcaire & indiffolubles fe raffem-
bloient au haut de la liqueur} mais il ne fe dégageoit
que très-difficilement 8c par longs intervalles
quelques bulles de gaz ammoniac. Le liquide
épaifli en haut par les grumeaux de favon calcaire,
étoit très-agité, & pouffé par ces bulles auxquelles
ils oppofoient un obftacle : la plus forte chaleur
ne faifoit qu’augmenter ces inconvéniens, en gonflant
la liqueur & la faifant fauter par l’ébullition.
Il nous a aufli paru que l’ammoniaque éprouvoit
une décompofition, car nous n’avons pu en féparer
que des atomes par ce procédé, tandis que
nous Tommes parvenus dans d’autres expériences,
à en obtenir des quantités affez confidérables.
» Les alcalis fixes bien purs, la potaffe 8c la
foude cauftiques n’ont pas mieux rempli nos intentions.
Elles décompofent très-prômptement
le gras en dégageant l’ammoniaque abfolument
comme la chaux, .& avec les mêmes difficultés
pour l’obtenir, 8c elles forment avec la bafe hüi-
-îeufe concrète du gras ^ des favons très-diffolubles'
& très-purs. C ’eft la feule différence que les alcalis
cauftiques nous aient préfentée d’avec la chaux}
mais ils ne nous ont pas plus fervi pour apprécier
la quantité d’ammoniaque.
» On conçoit bien que cette dernière efpèce
d’alcali ne nous paroiffoit pas capable de nous
éclairer fur ce point de nos recherches, & ce n’a
été que pour comparer fon aétion fur le gras à celle
de là chaux & des alcalis fixes, que nous l’avons
. effayée fur cette fubftance.
» Sur une once de gras introduit par petits morceaux
dans un matras, on a verfé deux onces d'ammoniaque
liquide la plus concentrée. On a chauffé
légèrement : tout à coup le gras s’eft ramolli,partagé
également dans tout le liquide ammoniacal
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