
beaucoup de corps qui portent une grande quantité
d’oxigène , & qui le biffent féparer promptement,
ont la même propriété d'enflammer le
fe r , & de le faire brûler avec bruit &r étincelles.
On voit donc qu'il en eft de ce métal comme de
beaucoup de corps combuftibles, qui ont deux
manières de brûler, l'une lente, & l'autre rapide.
Union avec les corps combuflibles.
59. Le fer eft une des matières qui fe combinent
le mieux avec les différens corps combufti-
bles, & il fournit dans fes combinaifons le plus
grand nombre de compofés utiles. On ne connoît
pas cependant d’union immédiate entre lui, l'azote
& l’hydrogène 5 il paroît néanmoins que,
dans quelques circonftances, le gaz hydrogène
peut diffoudre & entraîner avec lui un peu de fer
avec du carbone. On fait que l’hydrogène, même
dans l ’état de gaz, eft fufceptible d’enlever à fon
oxide rouge la portion d’oxigène qui y eft contenue
au-delà de fon oxidation en noir, & que
c ’eft ainfi que le contaél de ce gaz chaud, furtout
avec de l’oxide rouge de fer, le fait bientôt re-
paffer à l’état d’oxide noir, fans pouvoir lui enlever
jamais la partie d’oxigène qui lui eft unie
dans ce dernier éta t, & qui adhère très-fortement
au fer, comme je l’ai déjà fait voir.
60. Le carbone fe combine facilement avec le" .
fer, lorfque celui-ci eft fondu ou feulement fur le
point d’être fondu en contact avec du charbon
très-divifé. Quand le charbon abforbe lui-même
un peu de fe r, & feulement un dixième de fon
poids , il devient moins combuftible qu’il n’étoit.
Il prend le brillant métallique j il eft en un mot
du carbure de fer, qu’on prépare artificiellement
dans une foule de circonftances, foit en chauffant
fortement des charbons déjà ferrugineux dans des
vaiffeaux fermés, foit en décompofant à un grand
feu des matières organiques qui contiennent un
peu de fer, & q u i, réduites à l’état,charbonneux,
montrent fouvent dans leur réfidu le caractère de
carbure de fer,- foit, & c’èft le procédé le plus
fréquent de fa fabrication artificielle, en fondant-
le fer au milieu de charbons èntaffés , dont une
partie prend ce caractère, ou en refondant plu-
iieurs fois de fuite de la fonte, de laquelle il fe j
fépare réellement à chaque fois une certaine quan- j
tité de ce compofé \ foit en chauffant fortement j
fur du fer des huiles & des graiffes qui, en fe char-
bonnant à fa furface, y forment une couche adhé- j
rente de carbone ferrugineux , capable de le dé- j
fendre contre fa propre oxidation.
61. Il y a un fécond genre de combinaifon entre I
1e fer & le carbone, d’une bien plus grande importance
encore que celle du carbure de fer par fes
propriétés & fes nombreux ufages. Elle eft op- 1
pofée à la précédente par fes proportions : ce n’eft !
point un compofé de beaucoup de carbone & de j
peu de fer-, c’eft au contraire un compofé de beau- i
coup de fer & de peu de carbone. Ôn le connoît
fous le nom d * acier y chalybs. La théorie de fa fabrication
, qui a pendant long-tems occupé les
chimiftes, fur laquelle ils ont eu des opinions
très-différentes , fuivant les divers degrés d’avancement
de la fcience, depuis les premières notions
données par Ariftote & Pline qui la connoif-
foîent, jufqu’ à Réaumur, qui, dans fon ouvrage
monographique fur cette compofition, s’eft le plus
approché de la vérité, a enfin été mife hors de
doute d’après les expériences de Bergman de
Réaumur, de M. Guyton , confirmées, étudiées
& comparées par celles de MM, Vandermonde ,
Monge & Berthollet. Il réfulte de toutes ces recherches,
comparées les unes aux autres, que, dans le
cas où l’on enlève rapidement l’oxigène à la fonte
fans lui enlever en même tems le carbone , ou
bien en lui reftituant celui qui s’échappe de fon
intérieur avec cet oxigène fous la forme d’acide
carbonique, on obtient de l’acier : c’eft celui
qu’on nomme jtcier naturel; que dans toutes les
circonftances où l’on chauffe plus ou moins long-
tems & affez fortement pour le bien ramollir , du
fer pur ou doux, entouré en même tems de charbon
très-divifé, celui-ci pénètre l’intérieur du
fer, fe combine couche par couche avec lui, &
le fait paffer à l’état d’acier du dehors au dedans ;
celui-ci eft nommé acier de cémentation, acier factice.
On le fabrique en général de la manière fui-
vante : on place des barreaux de fer dans un creu-
fe t , -de manière qu’ils foient entourés de toutes
parts de charbon en poudre, fans fe toucher, &
fans toucher auffi les parois du creufet ; on recouvre
& on lute bien ce vafe 5 on le chauffe dans
un bon fourneau jufqu’à le porter au rouge-blanc
pendant fept à huit heures. Quand le tout eft bien
refroidi, on trouve le charbon dans le même état
où on l’a mis $ les barreaux confervent leur forme
& leur fituation ; ils font feulement chargés de
quelques bourfouflures qui annoncent le ramol-
liffement de leur furface , & le dégagement d’un
gaz. Mais leur intérieur, découvert par î’aélion
de la lime, offre un état bien différent de ce qu’il
étoit. Son grain eft plus gros & plus brillant
qu’ àuparavant ; il eft aigre & caffant; il a befoin
d’être chauffé & forgé pour recouvrer fa duéri-
lité 5 il eft alors plus malléable qu’il ne l’étoit. Si
on le plonge dans l’eau froide après l’avoir fait
rougir, il prend une dureté que le fer n’acquiert
jamais par le même procédé 5 fi on le touche avec
de l’acide nitrique, il préfente une tache noire à
l’endroit touché j en un mot, il eft converti en
acier.
- 62. Voici les principales propriétés qui diftin-
guent l’ acier du fer, outre celles que je viens
d’indiquer en général. L’acier prend un poli plus
vif que le fe r, & une couleur plus blanche ; il eft
un peu plus pefant; il eft plus du&ile quand il a
été forgé ; il acquiert par la trempe une dureté &
une éUfticité très-fortes, ainfi que la qualité fonore
qu’on reconnoît dans l’inftrument nommé triangle
; il eft moins attirable à l’aimant, reçoit plus
lentement, mais conferve mieux que le fer la propriété
magnétique ; la percuffîon & le frottement
la lui communiquent à un plus haut degré 5 il ne
s’oxide point fi promptement à l’air j il partage à
la vérité cette propriété, ainfi que plufieurs autres
, avec la fonte. Quand on le chauffe avec le
contaéf de l’air à la fini pie chaleur du recuit, ii fe
colore bien plus fenfiblement que \efer, & paffe
fucceflivement par des nuances confiantes, à l’aide
defquelles on juge & on détermine même l’efpèce
de recuits divers qu’on lui donne dans les arts.
En perdant en même tems la dureté que la trempe
lui avoir communiquée , il paffe fur les furfaces
polies au blanc ,^u jaune, à l’orangé, au pourpre,
au bleu , & cette dernière nuance difparoît enfin
pour faire place à la couleur d’eau lorfqu’on lui
donne le plus fort recuit. En brûlant 1 acier, il
exhale une petite flamme bleue', & fouvent une
odeur d’ail : auffi y trouve-t-on toujours, par i’a-
nalyfe, une petite proportion de phofphore,
comme il réfulte des dernières expériences faites
par M. Vauquelin fur différentes efpèces d’acier
comparées. Rinman a trouvé qu’il étoit près de
deux fois plus dilatable que le fer par la chaleur :
la fonte fe rapproche de lui par cette propriété;
il eft moins fufible que la fonte, & plus fufible que
Je fer. On peut le couler & lui çonferver fa ductilité
; mais cet acier fondu eft enfuite très-difficile
à brûler au feu, & ne peut pas fe fouder au feu
fans une autre efpèce d’acier intermédiaire. Il
brûle avec des étincelles rouges & moins bi5en
que le fer. II. donne plus de gaz hydrogène par
l ’aétion des acides fuifurique & muriatique , que
la fonte, & moins que le fer doux ; & ce gaz
hydrogène eft toujours carboné. Dans toutes fes
diffolutions il relie une poudre noire qui eft du
carbure de fe r , plus abondant dans l’acier de
foute, que dans celui de cémentation, & variant
Singulièrement dans fes proportions, fuivant les
diverfes efpèces d’acier que l’on diffout. C’eft à
ce carbure de fer féparé qu’eft due la tache noire
formée furies aciers par l’acide nitrique , tache
qui forme un très-bon cara&ère diftin&if pour
reconnoître l’acier d’avec le fer. Par fa détonation
avec le nitre & le muriate furoxigéné de po-
taffe , l’acier donne des étincelles plus rouges que
la limaille de fer $ il fournit de l’acide carbonique
qu’on peut recueillir en gaz, & par la quantité
duquel on peut favoir la proportion de carboné
qu’il contient.
- 63. L’analyfe'des aciers, faite par Bergman,
Rinman, MM. Guyton, Berthollet,Vauquelin &
Clouer, en donnant à la fcience les réfultats généraux
que-je viens de faire connoître, a prouvé encore
qu’il ne falloir que quelques millièmes de carbone
pour convertir le fer en acier ; que l’on ne connoît
point encore le minimum du carbone néceffaire
pour opérer cette converfion ; que le maximum qu’il
atteint très-facilement lorfqu’il eft trop cémenté,
le rapproche en quelque forte de l’état de fonte
noire ; que le phofphore y eft contenu affez conf-
tamment à la dôfe de la moitié de celle du carbone
5 qu’on y trouve auffi conftamment de la fi-
lice & du manganèfe, mais qu'on ne fait point encore
l’influence que ces corps y portent, quoiqu’il
foit vraifemblable qu’ils ne font point effentielsàla
formation & à la nature de l’acier. M. Vauquelin a
fair, relativement à cette analyfe de l’acier, des
réflexions très-judicieufes fur ce que ce compofé
n’eft jamais dans un rapport conftant de compofition,
& fur l’impoflibilité de déterminer ce rapport
d’une manière abfolue» Au refte, il eft ailé de concevoir
que s’il faut une fi légère proportion de carbone
uni au fer pour le conftituer acier, la moindre
variation dans cette proportion pourra en faire
naître une dans les propriétés de l'acier; en forte
que celui - ci pourra être extrêmement varié,
comme il Peft en effet dans les arts où on l’emploie
avec une foule de modifications qui le
rendent plus ou moins précieux ou utile. La
trempe , en le durciffant, le modifie encore de
beaucoup de manières, & le rend fufceptible de
remplir une foule d’ufages réellement différens,
comme on peut s’en convaincre en parcourant les
divers ateliers où on l’emploie, & les procédas
multipliés qu’on y fuit pour préparer les aciers
qu’on y travaille. Si l’on compare les diverfités
d’état, de couleur , de grain, de dureté, de ténacité,
de duélilité ou d’aigreur que contraire
l’acier » à celles dont jouiflent la fonte de fer
Scie fer forgé, traités eux-mêmes diverfement,
on fentira mieux encore qu’on n’a pu faire juf-
qu’ici cette remarquable propriété qui diftingue
fi éminemment ce métal de tous les autres ; favoir :
ces états variés, qui en forment comme une fuite
de fubftances métalliques, plus différentes entre
elles que ne le font quelques véritables efpèces de
métaux que tous les hommes reconnoiffent cependant
comme réellement différens entr’eux.
64. Malgré la multiplicité de variétés que ces
befoins & les finefles des procédés des arts obligent
de reconnoître dans l’acier, on n’en diftingue
cependant que trois efpèces principales, qui, à la
vérité, renferment fous elles toutes les variétés
poffibles ; favoir :
a. U acier de fonte ou V acier naturel. On le tire
immédiatement de la fonte ; il eft toujours inégal,
fujet à avoir des gerçures & des pailles, moins dur
& moins caffant que les deux autres ; il fe fonde
mieux à la forge ; il eft d’un plus bas prix, parce
qu’il exige moins de frais dans fa préparation. Il
fert à faire des inftrumens aratoires, des refforts,
de la coutellerie commune : c’eft celui qui fe rapproche
le plus du fer.
| b. U acier de cémentation, V acier factice ou artifi-
i ciel. Il offre un grain plus égal dans fa caffure,
prend un poli plus beau que le précédent ; il eft
j plus dur & plus caffant ; il faut le forger avec plus