
par leur broiement avec l’eau une liqueur laiteufe.
Quand on a réparé l’huile par l’exprellion, la fécule
qui refte, outre qu’elle en retient opiniâtrement
un peu , comme on le remarque dans l’onétueux
de la pâte d’amandes , eft encore mêlée ou chargée
d’une matière muqueufe & extraétive , 8c
même de quelques parties ligneufes qu’on ne peut
en réparer que par plufieurs leflives & dépôts fuc-
ceffifs.
F. La fécule âcre, foit piquante comme celle des
racines crucifères & antircorbutiques , fèit cauf-
tique 8c brûlante comme celles du pied-de-veau,
du cabaret, de la bryone, &c. foit vénéneufe
comme celle du manioque, doit cette propriété à
une portion du foc même des plantes qui relient à
fa forface, 8c qui, quand on la fèche fans l’avoir
lavée auparavant dans beaucoup d’eau, lui con-
ferve une partie des propriétés, altérante, purgative
, vénéneufe même , dont le foc entier jouit
lui-même. On peut lui enlever cette faveur, & la
rendre très-douce & fimplement nutritive à l ’aide
de la limple leflîve dans l’eau pure, affez abondante
pour n’y rien laiffer d’étranger.
30. Il faut ajouter à cet énoncé des lix efpèces
de fécules , dillinguées par les matières étrangères
qui y font mêlées ou combinées par la.nature, que
fouvent la fécule fe trouve aflbciëe à la fois à plusieurs
de ces matières que je n’y ai indiquées qu’i-
folément pour préfenter ces mélanges avec ordre.
Ain fi h fécule des légumineufes ou la farine de pois,
de fève, &c. contient fouvent un ou deux extraits
, une fubftance colorante, une matière mu-
queufe. La pâte des amandes de diverfes efpèces,
outre l’huile, tient, comme je l’ai annoncé, une
couleur, un extrait, un mucilage , du ligneux,
quelquefois même du corps focré. On font de plus
que ces combinaifons multipliées peuvent varier
ünguliérement, foivant les divers états de modification
des arbres ou des plantes qui les four-
niifenr.
31. Une autre diftinétion non moins importante
a faire entre les fécules eft celle qui eft relative aux
parties végétales d’où on les extrait. C ’eft à cette
diftin&ion qu’appartient véritablement la fuite des
efpèces de fécules que l ’on prépare pour les be-
foins de la fociété. On compte parmi les racines
féculentes 8c âcres celles de bryone , d’arum, de
manioque, de pommes-de-terre & d’orchis ;
parmi les tiges, celle du palmier qui fournit le
fagou j parmi les fomences des graminées, la farine
proprement dite j dans la cîàfle des végétaux
qui femblent en être entièrement ; compofés , la
pâte nutritive du lichen d’Jflande j enfin il faut
aufli compter parmi ces efpèces.la pâte du papier.
Je dois dire un mot de chacune de ces fécules en
particulier , & ajouter même quelques détails fur
les végétaux d’où on n’en a pas encore tiré , &
qui peuvent en donner de très-utiles.
A. On préparoit autrefois la fécule de bryone
pour l ’ufage pharmaceutique. Après.avoir pelé,
râpé Sc exprimé cette racine , on la foumettoit à
la prelfe, 8c on en tiroit un foc trouble $$ laiteux
qu’on filtroit ; on lavoit la fécule qu’il avoit précipitée
fur le filtre, & on délayoit dans l’eau le marc
refté dans la pi elle : ce dernier lavage fourniffoit
une fécule plus abondante & plus fine encore que
celle qui s’étoit dépofée du foc exprimé. Ces deux
fécules, mêlées & lavées une dernière fois dans
fufEfante quantité d’eau pour que celle-ci fortît fans
faveur, étoient très-pures, très-fades, très-infi-
pides ou très-douces : ne participant plus à l’âcreté
de la racine, elles peuvent fervir comme l ’amidon
de froment, & n’ en diffèrent à aucunégard. Quand
on vouloir l’avoir purgative, on ne la faifoit ni
laver ni précipiter de l’eau 5 on la laiffoit dépofer
du foc exprimé, 8c fécher fans addition d’eau.
Bien lavée, au contraire , elle pourroit fervir
d’aliment.
B. La racine d’arum, celle d’afarum, & beaucoup
d'autres racines tubéreufes' âcres de ncs climats
, pourroient être traitées comme celle de
bryone, 8c fournir comme elle une fécule blanche,
fine 8c pure, douce 8c alimentaire fi elle étoit
bien lavée ; âcre, purgative & émétique , d’autant
plus fortement, qu’on y laifferoit une plus
grande quantité de fon foc.
C. La racine de manioque , jatropka manioc de
Linné , compofée de plufieurs gros tubercules
charnus 8c ovoïdes , fort fpécialement en Amérique
de nourriture aux hommes, quoique, comme
les précédentes, elle contienne un foc très-âcre 8c
très-fortement vénéneux , puifque , fuivant tous
les hiftoriens de ce pays, une cuillerée fofEt pour
empoifonner un homme. Après avoir dépouillé
cette racine fraîche de fa peau, on la râpe, on l’enferme
dans un fac de jonc d’un tiffu très-lâche, que
l’on fofpend à un bâton pofé fur deux fourches de
bois : on attache au bas de ce fac un vaiffeau pe-
fant, qui, en tirant le fac , en exprime la racine
râpée , 8c reçoit le foc qui en découle. Quand la
fécule eft bien épuifée de foc, on l’expofe à la fumée
pour la foeher, 8c on la paffe a travers ur»
tamis lorfqu’elle eft bien fèche. Dans cet état, on
la nomme cajfave ,* c’eft une forte de farine. On la
cuit en pains en l’étendant for des platines de fer
ou de terre chauffées, en la retournant for fes
deux faces pour lui donner une couleur dorée ou
rouflatre. On en forme du couac ou de petits grains
analogues au fagou , en l’agitant dans une baffiné
pofée for le feu pendant plufieurs heures. Le foc
exprimé de manioque dépofe une fécule plus fine
que la précédente : après l’avoir bien lavée & fé-
chée , on s’en fort pour faire des pâtifferies ; on
la nomme moujfache. On voit ici lés mêmes réful-
tats que pour les racines de bryone , d’arum ou
pied-de-veau , d’afarum ou cabaret.
D. La racine du folanum tuberofum ou la pomme-
de - terre fort, depuis plufieurs années,, à faire
une très-belle fécule, un amidon très*fin , très-
blanc, tr è s-doux , qu’on a nommé, amidon de
fanté, à caufe de fes bonnes propriétés. Après
avoir pelé ces racines, on les râpe , on en place
l’efpèce de pulpe for un tamis de crin ferré j on
jette de l’eau que l’on agite avec cette pulpe, juf-
qu’à ce que ce liquide n’entraîne plus rien de blanc.
La liqueur qui pafie, dépofe une poudre blanche
très nne , très-douce , que l’on fait fécher avec
foin, 8c qui devient brillante 8c comme criftalline
par cette defliccation foignée. Elle prëfente toutes
les propriétés de l'amidon pur, qu’elle furpaffe
encore en fineffe 8c en blancheur quand elle eft
bien préparée. On en fait une efpèce de fagou en
ladeffechant humide 8c en l’agitant fans celle dans
un vafo for un feu doux. L’eau qui fumage cette
fécule a fouvent un coup d’oeil verdâtre qui dépend
de la partie extraélive qu’elle a enlevée à la racine.
On a imaginé des moulins-rapes pour préparer une
grande quantité de fécule de pommes-de-terre à
la fois. On en fait aufli une efpèce de vermicelle
en la paffant délayée dans un peu d’eau à travers
un cylindre percé de trous à fon extrémité , 8c en
faifant fécher les petits cylindres mous que forme
cette efpèce de moule.
E. Le falep, qu’on a aufli nommé falab, falop,
&c. dans différentes parties de l’Orient, elt-la racine
de plufieurs efpèces d’orchis, & furtout de
Yorchis mono, que l’on fait fécher au foleil, foit
après l’avoir fait bouillir dans l’eau, foit, 8c le
lus fouvent, après l'avoir feulement nétoyée 8c
ien frottée avec des broffes dans ce liquide. Dans
ce dernier procédé, très-préférable au premier,
on fait fécher les bulbes bien broffées dans un
four qui les rend caftantes, fèches, demi-tranfpa-
rentes. Les racines féchées au foleil font enfilées
les unes à côté des autres for des fils, à'i’aide def-
quels on les a fofpendues dans l’air. Cette préparation
firnple permet de les mettre facilement en
poudre ou de les moudre ; de forte qu’on peut
enfuite les faire cuire dans l’eau. Le falep forme
ainfi une efpèce de gelée très-douce , très-nour-
riftante > dont on a beaucoup vanté autrefois la
vertu analeptique 8c adouciffante. On peut faire
la même opération & préparer un aliment aufti fain 8c aufti utile avec les racines plus ou moins tubéreufes
de toutes lès efpèces d’orchis.
F. Le fagou eft une fécule fèche, en grains arrondis,
légèrement roufiatres , cuits- ou épaiffis
par le feu , qui eft apportée en Europe des Mo-
îuques, de Java furtout, 8c des Philippines. On
l ’extrait d’une efpèce de palmier , nommé landan
aux Moluques, qui eft le cycas circinnalis de Linné..
Le tronc de cet arbre contient une moële blanche
& douc&, que les habitans retirent en fendant
l’arbre dans fa longueur. Ils écrafent cette moële
la mettent dans une efpèce d'entonnoir d’écorce
d’arbre, placé fur un tamis de crin ; la délaient
dans beaucoup d’eau$ la fécule, entraînée par le
liquide, paffe à travers lés mailles du tamis , 8c
îaiffe au deffus la portion fibreufe & groftière de
la moële. L’eau , reçue dans un pot, y dépofe la
fécule légère qu’elle a détachée du tiffu médullaire :
on la décante quand le dépôt eft bien fait ; on paffe
celui-ci à travers des platines perforées qui lui
• donnent la forme de grains fphériques; on les fèche
enfuite fur le feu dans des vafes où on les agite
! fans ceffe. Ces grains de fagou fe renflent, fe ra-
I molliffent, & deviennent tranfparens quand on les
fait cuire dans l’eau.
G. La farine proprement dite, celle qui provient
du froment, & qui diffère affez de celle de toutes
les autres efpèces de graminées, eft une fubftance
fèche, friable , peu fapide, douce cependant fous
lé doigt & fur la langue, qu'on prépare par le feul
: broiement ou la mouture des grains de froment.
Quoique les farines de foigle, d’orge, d’avoine,
de mais, de riz, s’en rapprochent à certains égards,
la farine de froment, triticum, efpèce de plante
que l’homme civilifé a choifie, entre plufieurs
milliers d’autres , comme la plus appropriée â fa
nourriture, végétal que la culture a mamfeftemenc
perfectionné & modifié pour nos befoins, en diffère
cependant par fa propriété de faire avec l’eau
une pâte bien duCtile, bien homogène,qui retient
facilement les formes qu’on lui donne, qui fe fou-
lève 8c fe divife par un commencement de fermentation,
& qui feule donne le bon pain, fait
cet aliment fi général, fi utile, connu de prefque
tous les hommes comme leur première nourriture.
Ces propriétés font dues au mélange des trois fubf-
tances qui la cônftituent ; la fécule amylacée proprement
dite, qui en forme à peu près les trois
cinquièmes , & qu’on en extrait par le lavage de
la pâte que l’eau entraîne & dépofe en poudre
blanche j le glutineux, qui refte en mafte vifqueufe
& élaftique après^ce lavage, & dont je parlerai
dans l’article foivant, qui conftitue à peu près le
cinquième du poids total de la farine, & une matière
encore focrée qui refte en diflolution dans
l’eau , 8c qu’on en obtient pat l’évaporation. On
fait que c’eft fpécialement de cette farine que l ’on'
extrait l’amidon proprement dit. On conçoit encore
que la farine de froment doit admettre des
variétés dans la proportion de fois trois principes,
fuivant une foule de circonftances de la végétation.-
Il eft encore bon de remarquer ici que le pain bien
fait 8c qui a fermenté en levant, eft acide5 que fa
décoélion rougit les couleurs bleues végétales, 8c
qu’il le devient davantage dans l’eftomac.
H. Plufieurs efpèces de lichens, mais furtout
celui qui croît fi abondamment en Iflande, & qui
eft nommé , à caufe de cela , lichen iflu.nd.icus par
Linné, fort à faire une efpèce de pain très-nour-
riflant dans les pays feptentrionaux. Il réfulte des
expériences faites par l’Académie de Stockholm
? fur ce lichen, qu’il donne, par la firnple mouture,
un excellent amidon. Il paroît qu’ il en eft de même
\ du lichen rangiferinus, dont les rennes fe nourrif-
font, 8c qui les engraiffe fi facilement. Les habitans
del’Iflande font, avec la farine de leurs lichens,
un gruau très-délicat & très-eftimé. Il faut notqr