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écorce. Ces tables de liège font noircies 8c char-
bonées à leurs fur fa ces. On le choifit uni, fans
crevaffes , léger, peu poreux, & furcout fe coupant
net avec facilité. Le tiffu éhftique, compref-
fïble & tout à la fois allez denfe de cet épiderme,
le rend fufceptible de fervir à une foule d'ufages'
dans un grand nombre d'ateliers , & furtout dans
les laboratoires de chimie î aufli a-t-il droit à
l'intérêt des chimiftes, qui s'en font occupés depuis
la fin du dix huitième fiècle.
2. Je confidéré le liège non-feulement comme
la matière particulière à l ’écorce de l'efpèce de
chêne qui la fournit, mais comme un compofé
végétal, différent de tous les autres compofés de
cet ordre, comme appartenant à plufieurs végétaux
& peut-être à tous, comme formant enfin
un des matériaux immédiats des plantes. Je traiterai
ic i, fous ce rapport, l'hiftoire chimique de
ce corps , en liant les idées que je me fuis formées
fur cette matière, confidérée d’abord dans
tout le règne végétal, & que je nomme dans ce
cas fuber, avec celles qui appartiennent au liège ■
proprement dit, à celui qui eft employé dans les
arts fi utilement & fi fréquemment fous la dénomination
adoptée & généralement connue.
3* Je propofe donc de nommer fuber. une matière
végétale analogue au liège, 8c qui préfente
des caractères chimiques, femblables à ceux de ce j
corps. Cette matière me paroît recouvrir tous les j
végétaux, 8c en. former l'épiderme; c'eft une
membrane fèche , ca(Tante, mince, demi-tranfpa-
rente, fe roulant facilement fur elle-même par le
coma# de l'air fe c, infipide, indiffoluble dans
l’eau , & réparable cependant de l’écorce par
l'abforption de ce liquide & le gonflement qu’il
y occafionne. Le liège proprement dit ne paroît
être que cette matière plus épaiffe, plus condensée
, plus accumulée ; de forte que chaque épiderme
d'arbre, confidéré fous ce rapport, n'eft
qu'une couche de liège.
4. Quoiqu'il fut très-probable, d’après le feul
afpeét & les propriétés externes du liège , qui le
diftinguent allez de toutes les autres matières végétales
, que c'étoit véritablement une fubftance
différente de toutes les autres, ce n'eft qu’en
1,787 que M. Brugnatelli publia une première ob-
fervation qui fervit à cara#érifer le liège comme
une matière particulière. En diftillant de l'acide
nitrique fur cette fubftance, outre la corrofion &
la couleur jaune qu'on favoit déjà qu'il prenoit
par le conta# de cet acide , ce phyfîcien découvrit
qu’il fe formoit un acide particulier , différent
de tous ceux qui étoient connus. M. Bouillon
Lagrange a examiné enfuite cet acide, qui
n’avoit été qu'annoncé par Brugnatelli, & en a
fait connoître plufieurs propriétés , ainfi que
celles du liège lui-même. Il étoit déjà connu que
le liège eft très-léger , très-combuftible ; qu’il
donne une flamme blanche Ô^vive ; qu'il laiffe un
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charbon très-léger, très-noir, bourfouflé; qu'il
fournit un peu d'ammoniaque à la diftillation.
. 5; Quand on veut traiter ce corps par l’acide
nitrique , il ne faut pas prendre celui-ci trop concentré
ni contenant beaucoup de gaz~^nitreux ,
car il eft fufceptible de l’enflammer. 11 fe dégage
du gaz acide carbonique & du gaz nitreux pendant
l’a#ion réciproque du liège 8c de l ’acide. A
mefure que le liège fe convertit en acide fubéri-
que, il fe fépare une matière jaune, molle, qui
nage à la furface de la liqueur, & qui eft une matière
graffe particulière, affez femblable à une
réfine ou à une graiffe ; ce font les fragmens jaunes
qu'on voit nager fur l'acide nitrique dans lequel
font tombés des bouchons de liège.
6. En évaporant l'acide qui a agi fur le liège, il
fe fépare de petites aiguilles d'un jaune-fauve d'acide
fubérique. M. Lagrange a employé deux
moyens de le purifier : l’un confifte à le combiner
avec un alcali, à faire évaporer la diflolution Bien
filtrée jufqu’en confiftance de firop , à le précipiter
enfuite par un acide plus fort, tel que le muriatique
, & à le bien laver avec l’eau diftillée
froide. Le fécond moyen eft de faire bouillir l’ acide
fubérique jaune avec un peu d’eau 8c de la
pouflière de charbon , de filtrer la liqueur chaude:
l ’acide fe dépofe par le refroidiffement, fous forme
folide 8c criftalline ; il eft beaucoup moins coloré
qu’il n’étoit d’abord : on obtient le refte en évaporant
la liqueur furnageante. Il a une faveur
âpre & acerbe; il rougit les couleurs bleues végétales
; il noircit par le conta# de la lumière'; à
un feu doux, il fe volatilife fans fe décompofer ;
il fe liquéfie par le conta# du gaz oxigène; il fe
dilfoutdans l’eau, dont il exige au moins cinqu^ite
parties quand elle eft froide ; l’eau chaude en dif-
fout bien'davantage, & il s'en fépare en partie
' par le refroidiffement fous forme criftalline.
1 , 7. Les acides à radicaux (impies n’agiffent fur
l'acide fubérique que quand ils font concentrés ,
& alors ils le brûlent. L'alcool le diffout mieux
que l'eau , & prend avec lui une odeur d'eau de
noyau. Les combinaifons de l’acide fubérique avec
les terres & les alcalis font plus ou moins diffo-
lubles. Quelques-uns de ces fubérates criftallifent
bien, d*autre$ difficilement : il en eft qui reftent
fous la forme pulvérulente & infoluble, tandis
que d'autres font déliquefcens. Les acides forts
les décompofent, & précipitent de leurs diffolu-
tions l'acide fubérique, qui s'en fépare en crif-
tallifant.
8. L'acide fubérique attaque peu de métaux, fi
l’on en excepte le fer & le zinc ; il s'unit à presque
tous les oxides , 8c forme avec la plupart des
fels indiffo.lubles ; il change la couleur des Tels de
zinc, de fer & de cuivre ; il précipite en blanc
les diffolutions nitriques de plomb , de mercure
& d’argent. M. Lagrange a commencé à déterminer
les attra#ions éle#ives de cet acide, 8c ij les
a
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a trouvées, par rapport aux bafes alcalines 8c ter-
reufes , dans le même ordre que celles des acides
fulfurique, nitrique & muriatique pour ces bafes.
Il n’a pas pu encore apprécier celles qu’il
exerce fur les oxides métalliques.
9. L'écorce de la variété d'orme, comme galeux
& raboteux, qui eft nommé orme tortillard y
8c qui a lepaiffeur, la molleffe, l'élafticité, la
porofité & le tififu du liège, a préfenté à M. Vau-
quelin des propriétés fort analogues à celles du
liège proprement dit i 8c quelques effais faits fur
l'épiderme de plufieurs arbres m'ont offert des
analogies affez marquées avec ce corps épidermoïde
du chêne qui fournit le véritable liège, pour
que j’aie cru devoir rapprocher toutes ces matières
fous le nom générique de fuber, comme
formant véritablement un des matériaux diftin#$
8c conftans des végétaux. Il faudra des travaux
ultérieurs & des recherches nouvelles pour con-
noîrre plus exaêtement ce corps, qui mérite toure
l'attention des chimiftes.
10. Je ne doute pas non plus que ce corps, fi
voifin du tiffu ligneux 8c de la matière colorante
végétale, 11e contienne une certaine proportion
d’azote parmi fes principes ; 8c quoique j’aie encore
bien peu de connoiffances poutives fur fa
nature, au moins au-delà de celles qui fuffifent
pour le diftinguer des autres matériaux immédiats
des plantes, elles me fuffifent cependant pour
faire voir une analogie qui fe rencontre ici entre
les végétaux & les animaux, en ce que leur corps
eft enveloppé 8c recouvert d'un tiffu indiffoluble,
peu perméable à l’eau, différent de tous les autres
tiffus qui les forment, & deftiné à jouer en
effet un rôle particulier dans leur organifme.
( Voye\ les articles L ig n e u x 6* C ouleurs. )
L i è g e f o s s i l e . On nomme liège fojftle, liège de
montagne, fuber fojftle, fuber montanum, une va<
riété a’asbefte ou d'amiante légère, dont le tiffu
épais & comme tricoté le rend femblable au liège
proprement dit. On en trouve dans les Pyrénées ,
vallée de Campan. ( Voye% les mois A m i a n t e &
A s b e s t e . )
L iè g e d e m o n t a g n e . ( Voye£ Varticle L iè g e
f o s s i l e . )
LIGNEUX. î . Je nomme ligneux ou le ligneux
la matière dure 8c folide qui forme le véritable
tiffu du bois. Il n'y a pas long-tems encore que
les chimiftes commencent à regarder la matière
ligneufe comme un principe particulier des végétaux
; ils croyoient auparavant que c’étoit une
efpèce de terre , & ils le traitoient ou plutôt le
délaiffoient comme tel dans toutes leurs expériences.
C ’eft ainfi qu'après avoir épuifé les matières
végétales folides par la décoétion dans l'eau
8c par Ta#ion de l'alcool, ce qui reftoit inta# &
indiffoluble après ce mode d’analyfe étoit pour
Chimie» Tome IV •
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eux une fubftance terreufe, un caput mortuum
qu'ils négligeoient abfolument. Cependant fa propriété
combuftible auroit dû les détourner de
cette idée , & les engager à examiner cette fubftance
particulière. Quelques-uns, & j'ai été moi-
même de cet avis dans les premiers tems de mes
travaux , avôient commencé à le reconnoître
comme un corps différent de la terre, en le comparant
aux fécules ; mais de nouvelles recherches
ont changé bientôt mon opinion à cet égard , 8c
je vais faire connoître celles qu’elles m'ont engagé
à adopter en énonçant les réfultats de mes
expériences, qui offriront les propriétés diftinc-
tives du corps ligneux.
1. Après avoir épuifé une matière végétale folide
, 8c furtout un bois, une écorce , une racine
ligneufe, de tout ce qu'elle peut contenir de diffo-
luble dans des réa#ïrs qui n'agiffent que comme
diffolvans, & qui n'altèrent point la nature intime
de la portion non diffoute ; par exemple, après
avoir fait bouillir cette matière dans de grandes
quantités d’eau, jufqu'à ce que celle-ci forte fans
aucune couleur ni faveur , & fans rien contenir ,
il refte un corps pulvérulent, ou fibreux, ou la-
melleux, plus ou moins coloré, aflez pefant, infipide
& inodore, indiffoluble ,8c qui, à raifon de
ces propriétés, a été confidéré autrefois comme
une terre. L’eau bouillante n’ayant aucune a#ion
fur ce corps, & ne pouvant ni le ramollir ni le
fondre , j'ai penfé qu’il s'éloignoit affez par-là de
la fécule amylacée, de laquelle je l'avois jufqu’a-
lors rapproché, & je l'ai confidéré comme le
fquelette végétal.
3. Cette matière, que je nomme le ligneux ou
le corps ligneux, préfente des propriétés qui la
diftinguent de toutes les autres fubftances végétales
, de tous les matériaux immédiats qu'on retire
des plantes. Quand on la chauffe avec le conta#
de l’air, elle noircit fans fe fondre ni fe
bourfoufler ; elle exhale une fumée épaiffe 8c d'une
odeur âcre, piquante , particulière , & en partie
ammoniacale ; elle laiffe un charbon qui retient fa
forme, 8c d'où on extrait, après l’avoir réduit en
cendres, des matières falines, furtout un peu de
potaffe, de fulfate de potaffe, de fulfate de chaux
& de phofphate de chaux. Quand on la diftille à
la cornue, on en retire de l’eau, de l'acide acétique,
chargé d'une huile fétide qui l'avoit fait regarder
comme un acide particulier, & diftinguer
par le nom d’acide pyroligneux ; de l'huile en partie
épaiffe, concrète & empyreumacique ; du gaz
hydrogène carboné & acide carbonique , & une
portion d'ammoniaque combiné avec l'acide acétique.
Le charbon qui refte après cette dif-
tilîation a conftamment la forme du bois ou des
fragmens de bois qu’on a mis en diftillation, 8c
il fe comporte comme celui qu’on obtient en
chauffant le corps ligneux avec le conta# de l'air.
L'ammoniaque , l’un des produits conftans du
corps ligneux, prouve que cette matière folide
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