avant de repaffer dans le grand laboratoire pour y
être employés aux expériences délicates.
J’ai conudéré jufqu’ici le laboratoire de.chimie le
plus complet pollible, dans la difpofition des bâti-
mensy dans le placement de fes aiverfes parties,
dans les moyens de le meubler 8c de le garnir de
tous les vaifleaux 8c uftenfiles néceflaires aux recherches
les plus étendues & les plus fuivies 5 je
dois m’occuper maintenant du choix des matières
Vfu’on y emploie comme réaCtifs ou agens, & de
la panière de les employer, ou de l’art de faire les
expériences chimiques, deux objets fans lefquels
un laboratoire feroit une occafion de ruine ou une
fource d’erreurs continuelles., ou tout au moins un
établiflement fans aucune utilité.
Quoique tous les corps de la nature foient pour
les chimiftesautant de moyens & de fujets d’expériences
; quoique l’habileté 8c la fagacité puiflènt
trouver dans toutes les productions naturelles des
agens fufceptibles de remplir les vues des chimiftes
éclairés, pour déterminer les propriétés & lacom-
pofition chimique de celles d’entr’elles qu’ils fe
propofent decocnoître 8c d’analyfer, un long ufage
& des e fiais réitérés leur ont cependant appris à
choifir plus particuliérement quelques corps plus
aétifs que les autres, plus fûrs dans leurs aCtions,
& qu’ils emploient avec avantage pour étudier les
Qualités 8c les principes dé ceux dont ils veulent
faire l’examen, foit qu’ils n’aient pas encore été
examinés, foit qu’ils ne l’aient été que trop légèrement,
foit même qu’il fe foit gliffé de s erreurs dans
les expériences dont ils ont été /objet. Ces corps
de choix font ce qu’ils nomment des réaCtifs.
Outre la lumière, le calorique & l ’air, qui font
fes trois réaCtifs les plus généralement répandus,
& dont l'influence autrefois méconnue eft fi grande
& fï énergique dans une foule d’expériençes 8c
d’opérations , on compte plus fpécialement parmi
tes réaCtifs ; & l’on doit fe procurer en abondance,
comme dans Le-plus grand état de pureté , Jes matières
fuivances :
i°. L’eau de pluie reçue dans des vafes propres*
l’eau diftillée, plus fdre encore dans fes effets ;
elle fert à des diffolutions 5
2*. Le phofphore 8c le foufre bien purifiés par
b fufion & la diftülation 5
30. Le charbon le plus léger, le plus combustible,
le plus rapproché de l’état de carbone,, tels
que ceux^ des bois blancs : ces combuftibles fimples
font deftinés à rebrûier beaucoup de corps brûlés,
à leur enlever l’bxigène ou à entrer dans des
combinaifons nouvelles 5
40. Quelques métaux très-divifés , en limaille
ou en poudre fine, fuivant leur nature duCtile &
caftante, comme l’arfenic,. le bifmuth,. l’antimoine,
le zinc, le mercure,, le plomb, l’étain,
le fer & le cuivre *
50. Des oxides métalliques bien purs, tek que
ceux d’arfenic, de bifmuth , de manganèfe , d’antimoine
, de mercure,.de plomb & de fer. Les
métaux font employés comme fufceptibles d’alliages,
pour en féparer réciproquement les com-
binaifons, pour défoxider plnfieurs d’entr’eux par
de plus combuftibles, & leurs oxides pour efïayer
8c reconnoître quelques corps , pour obtenir le
gazoxigène, pour porter ce principe dans d’autres
combinaifons, 8cc.
6®. Des carbures d’hydrogène, de l’hydrogène
fulfuré en gaz ou diffous dans l’eau, pour abforber
& reconnoître les plus petites proportions d’oxi-
gène *
7 0. Des acides, furtout le fulfurique, le nitrique,
le muriatique, le muriatique oxigéné,le phof-
phorique , le fluorique, le carbonique, l’oxalique,
l’acéteux, le gallique 8c le pruflique, pour une
foule d’eflais 8c de propriétés utiles qu’on fait
connoître à chacun des articles qui les concernent ;
8®. Lesbafes falifiables ou les alcalis, 8c les terres
alcalines, la chaux, la magnéfie, la baryte , la
potafle, la foude , la ftrontiane 8c l’ammoniaque.
On a ces diverfes bafes à l’état folide 8c en diffo-
lution concentrée ou étendue, il faut furtout que,,
comme les acides, ces fubftances foient dans un
état de pureté parfaite. Les articles qui traitent de
ces matières préfentent tout ce qui eft relatif à
l’art de fe les procurer, de fes reconnoître 8c de
les employer comme réaCtifs;
9*. Les Tels ou compofés des acides avec chaque
bafe terreufe ou alcaline» Parmi ces corps, fes plus
employés comme réaétifs font les fulfates de potafle,
de chaux 8c d’alumine * les nitrates de potafle,
de chaux 8c d’ammoniaquef les muriates 8c les phof-
phates de foude,. de chaux 8c d'ammoniaque ; le
fluate de chaux ; le borate furfaturé de foude;
les carbonates de potafle , de foude , d’ammoniaque,
de baryte, de chaux 8c de magnéfie. Tous
ces fels bien purs font confervés ou criftallifés &
fecs , ou diflous dans l’eau. ( Voye£ les divers arti-
. clés qui Us concernent. )
io®-. Les Tels & diflolutions métalliques , parmi
lefquels on choifît fpécialement les fulfates de fer,
de cuivre , de zinc & de mercure 5 les nitrates de
plomb , de fer, de mercure 8c d’argent jdes muriates
d’antimoine, de manganèfe„d’érain, de plomb ;
les pbofphates de fer, 4e plomb 8c de mercure $
lesarlëniates 8c les arfénites de cuivre, de plomb
8c d’argênt; les chromâtes de plomb, de fer,, de
mercure 8c d’argent;, le tunftate de ferj-le molyb-
date de plomb ;. les acétates de cuivre , de fer,,
de plomb , de manganèfe ; les oxalates 8c gallates
de-fer ; les tartrites triples d’antimoine , de fer &
de cuivre ; les prufl&ates de fer 8c de mercure.
( Voye[ cous ces articles. }
il®. Les principales matières végétalesufuellesp
les gommés, le fucre, l’amidon, le glutineux 8c
furtout le tannin j 1e gallin ,. les parties- colorantes
des fleurs de violettes 8c de mauve, le tournefol,
Jecurcuma, les bois de teinture, l’alcool, les
huiles fixes 8e volatiles les plus ufitées ; les principales
efjfeces dejaiturnele. fuccin,Je pétrole,.fccî
27. Enfin, quelques fubftances animales, notamment
les colles & gélatines deflechées, la fibrine
8c l’albumine dans le même état, le fucre
de lait, l'extrait de bile , les huiles animales, les
cornes, f écaille, les os 8c l’ivoire, la laine 8c la
foie, la cochenille, l’ambre gris 8c le mufe, 8cc.
Toutes ces matières doivent être bien choifies,
8c enfermées avec foin dans des boîtes bien clofes,
des poudriers, des bouteilles 8c des flacons de
criftal. On doit aufli les étiqueter avec exactitude,
8c les renouveler aflez fouvent pour qu’elles foient
toujours fraîches 8c en bon état.
Lorfqüe ces approvifionnemens font faits, que
l’ordre 8c la propreté font bien établis dans le laboratoire
, il s’agit alors de commencer les travaux
8c les recherches chimiques. Avant de donner les
principes de l’art de faire les expériences qui doivent
terminer cet article, j’ expoferai les précieufes
obfervations confignées par Macquer dans fon article
Laboratoire de Chimie.
««Il faut, dit ce célèbre chimifte, être perfuadé
d’abord que l’arrangement, l’ordre 8c la propreté
font àbfolumenc effentiels dans un laboratoire de
chimie : on doit nétoyer exactement tous lés
vaifleaux 8c uftenfiles chaque fois qu’ils ont fervi,
8c les remettre à leur place; avoir un foin extrême
de coller des inferiptions généralement fur toutes
les drogues, mélanges 8c produits d’opérations
qu’on conferve dans de$’flacons ou autrement; de
les nétoyer /de les vifiter de tems en tems, 8c de
Renouveler les inferiptionsquand elles en ont be-
foin. Ces foins, qui ne paroiflent rien, font cependant
ce qu’il y a de plus fatigant, de plus rebutant,
de plus important 8c fouvent de moins
ôbfervé. Lorfqu’on a une certaine ardeur, les expériences
fe fuccèdent rapidement : il s’en trouve
de très-piquantes qui paroiflent amener la décifion,
©u qui font naître de nouvelles idées. On ne peut
s’empêcher de les faire fur le champ; on eft entraîné
, fans y penfer, de l’une à l’autre ; on croit
qu’on reconnoitra aifément les produits des premières
opérations j on ne fe donne point le tems ■
de les mettre en ordre ; on fuit ces dernières avec
activité. Cependant les vaifleaux employés, les
verres » les flacons, les bouteilles remplies, fe
multiplient 8c s’ accumulent; le laboratoire eft
plein: on ne peut plus s’y reconnoître, ou tout j
au moins il refte des doutes 8c de l’incertitude fur |
un grand nombre de ces anciens produits. C’eft ;
bien pire encore fi un nouveau travail s’empare '
tout de fuite du laboratoire, ou que d’autres occupations
obligent à l’abandonner pour un certain
tems : tout fe confond & fe dégrade de plus en
plus. Il arrive fouvent de là qu’on perd le fruit
d’un très-grand travail, qu’il fout jeter tous les
produits des expériences, 8c quelquefois renouveler
prefqu’entiérement le laboratoire.
»Le feuf moyen d’éviter ces înconvéniens, c’eft
d*avoir les foins & les attentions dont on a parlé
plus haut. Il eft vrai qu’il eft bien défagréable 8c ,
bien difficile de s’arrêter -continuellement au milieu
des recherches les plus intéreflantes, 8c d’employer
un tems précieux & très- confidérable à
nétoyer des vaifleaux, à fes arranger, à coiler
des étiquettes, 8cc. Ces chofes font bien capables
de refroidir, de retarder la marche du génie ; elles
portent avec elles l’ennui Sc le dégoût, mais elles
font néceflaires. Ceux à qui leur fortune permet
d’avoir un artifte ou un aide fur 1’exaCtitude 8c
l’intelligence duquel ils peuvent compter, évitent
une grande partie de ces défagrémens ; mais ils
ne doivent pas fe difpenfer pour cela d’y furveib-
ler par eux-mêmes. Sur ces objets, quoique très-
minutieux , on ne peut pour ainfi dire s’en rapporter
qu’à foi-même, à çaufe des fuites qu'ils
peuvent avoir : cela devient même indifpeniable
quand on veut tenir fon travail fecret, du moins
pour un tems ; ce qui eft fort ordinaire, 8c fouvent
néceffaire en chimie.
» Il n’eft pas moins important, lorfqu’on fait
des recherches 8c des expériences nouvelles , de
conferver pendant long-tems les mélanges, fes Te-
fultats 8c produits de toutes les opérations , bien
étiquetés 8c portés fur un regiftre. Il eft très-ordinaire
qu’au bout d’un certain tems ces chofes
préfentene des phénomènes très - finguiiers , &
qu’on n’auroit jamais foupçonnés. 11 y a beaucoup
de belles découvertes de chimie qui n’ ont
été faites que de cette manière, 8c certainement
un plus grand nombre qui ont été perdues, parce
qu’on a jeté trop promptement les produits, on
parce qu’on n’ a pu les reconnoître après les'chan-
gemens qui leur font arrivés.
» Enfin, on ne peut trop recommander à ceux
qui fe livrent avec ardeur aux travaux chimiques,
d’être extrêmement en garde contre les expériences
impofantes & trompeufes qui fe préfentent très-
fréquemment dans la pratique. Une circonftance
qui femble très-peu importante, ou qu’il eft même
quelquefois très-difficile d’appercevoir, fuffit fouvent
pour donner toute l’apparence d’une grande
découverte à certains effets qui ne font cependant
rien moins que cela. Les expériences de chimie
tiennent prefque toutes à un fi grand nombre de
chofes acceflbires, qu’il eft très-rare qu’on faflè
attention à tout, finguliérement lorfqu’on travaille
fur des matières neuves ; aufli arrive-t-il très-communément
que la même expérience, répétée plu*
fieurs fois, préfente des résultats fort différens. Il
eft donc très-eflentiel de ne point fe preffer de décider
d’après une première réuflite. Lorfqu’on a
fait une expérience qui pairoît porter coup, il faut
abfolument la répéter plufieurs fois, 8c même la
varier jufqu’à ce que la réuflite confiante ne laifle
plus aucun lieu de douter.
»Enfin, comme la chimie offre des vues fans
nombre pour la perfection d’une infinité d’arts
importans, qu’ elle préfente en perfpe&ive beaucoup
de découvertes ufuelles, & même capables
d’emkbir leur auteur, ceux qui dirigent leurs tra<-
C c c c L