
de belles couleurs à la teinture, félon Tobferva- |
tion de M. Décroifîlle. J’ai blanchi avec fuccès
des cotons jaunes de Saint-Domingue, dont une
.couleur défagréable & tenace a fait prohiber le .
commerce.
» Pour difpofer le fil de coton à recevoir la .
teinture, on lui fait fubir une opération qu'on
appelle ladécreufage. Quelques-uns le font bouillir
dans l'eau fûre ; mais le plus fouvent on fe fert
d'une leffive alcaline : on y fait bouillir le coton
pendant deux heures, après cela on le tord ; on
le rince à la îivière jufqu’à ce que l'eau en forte
claire , Ôc on le fait lécher.
»• On fait tremper pendant quelque tems dans
de l'eau chargée d'un cinquantième au plus d'acide
fuliurique, les toiles de coton qu’oiTdeltine à l'im-
prelfion , après cela on les lave avec foin dans de
l'eau courante & on les fait fécher. J’ai obfervé
que l'acide qui avoit fervi à cette opération, avoit
diflous de la terre calcaire & du fer qui auroient
altéré les couleurs.
*> L'on peut regarder comme une opération
générale de la teinture du coton & du lin, l’alunage
& l'engallage, qui doivent être employés
pour la plus grande partie des couleurs qu'on leur
. donne.
» L'alunage doit fe faire à raifon de quatre
onces d'alun avec-les précautions indiquées dans
l'article qui le concerne} mais l'on,y ajoute une
diffolution de foude que l'on peut évaluer à un
feizième à peu près de foude contre une partie
d’alun; quelques-uns y ajoutent une très-petite,
quantité de tartre & d'arfenic. L'on imprégné
bien le fri de cette diffolution en le travaillant
livre par livre ; après quoi l'on verfe le reliant du
bain fur le fil que l'on a réuni dans un vafe, on
l’ y laiffe vingt-quatre heures; au fortir de l’alunage
, on le met dégorger dans une eau courante
pendant une heure & demie à deux heures, & on
le lave. J'ai éprouvé que le coton prenoit environ
un quarantième de fon poids dans cette opération.
» L'engallage fe fait à raifon de différentes
dofes de nçix de galle ou d’autres aflringens, félon
la qualité des aftringens , & félon l ’effet qu'on
en veut obtenir.
» L'on fait cuire environ deux heures la noix
de galle pilée dans une quantité d'eau qui doit
être proportionnée à la quantité de fil qui doit
être engallée; enfuite on laiffe refroidir le bain,
au point d'y pouvoir trejmper la main ; on le partage
en parties qu'on rend égales autant qu'on le
peut, pour travailler le fil livre par livre , comme
on l'a dit pour l'alunage , & on verfe de même
le relie lur la totalité. On le laiffe vingt-quatre
heures, furtout lorsqu'il ell defliné au garançage
& au noir ; car pour d’autres couleurs douze à
quinze heures peuvent fu’ffire : après cela on l'exprime
& on le fait fécher.
?> Lorfque l’on donne l'engallage à dès étoffes
qui ont déjà reçu une couleur', il faut le faire à
froid, pour ne pas altérer cette couleur.
»- J’ai éprouvé que le coton qui avoit été aluné,
prenoit un poids plus confidérable dans l’engal-
jage, que celui qui ne l'avoit pas été. Quoique
l'alumine ne fe. fixe qu’en petite .quantité avec le
coton y elle lui communique la propriété de fe combiner
mieux avec le principe ailringent, de même
qu’avec lés parties colorantes. »=>
Je n'ajouterai qu'un mot à ces détails donnés
par M. Bertholet : il fera relatif à la nature du
cotony relative à quelques teintures ; cette nature
eft telle que les matières colorantes, malgré
l’alunage & l’engallage dont il vient, d’être quef-
tion , ne tiennent que très-foiblement aux tiffus
ùe coton y & font enlevées ou altérées lï faci e-
.ment, qu’on regarde les toiles de coton comme
de petit ou de faux teint ; cependant il y a quelques
cotons teints aux Indes ou en Europe, qui
à f éclat de la couleur joignent une grande lolidité.
On n'obtient cet avantage fpëcialement pour le
rouge d’Andrinople, l'une des plus riches & des
plus folides couleurs qui foient connues, qu’en
donnant au fil de coton , par le favon & les huiles,
un caraélère qui le rapproche des fubftances animales.
Tel eft le but & le réfultat des longues
préparations qu'on fait fubir, à Rouen & dans
plufieurs autres villes manufaéturières, au fil de
coton avant de le teindre en rouge.
COULEUR* La couleur peut être confidérée en
chimie fous un triple rapport, ou comme phénomène
naturel, on comme matière dont on peift
étudier les propriétés pour les faire fervir utile’-
ment aux recherches chimiques, ou comme füjet
de plufieuis arts très-importans, & furtout celui
de la teinture.
• i°. Des couleurs en général.
La couleur des matières naturelles a dans tous lés
tems frappéles phyficiens. Les minéraux font colorés
d'une manière très-variée; les rouges , lés
bruns , les jaunes &: les verts, font les nuancés les
plus communes dans les pierres & les mines ; le
bleu, plus rare , eft une des plus brillantes & des
plus riches : ,on diftingue furtout celui du faphir,
du lapis & des mines de cuivre. Les jaunes & lés
rouges font dus prefque toujours à du fer &
quelquefois à du chrome ; les verts appartiennent
prefque conftamment au cuivre ; le blanc aux
Terres pures, & à plufieurs oxides métalliques,
le noir eft prefqti.’exciüfivement dû à la houille ou
à l'anthracite. En général, les couleurs des minéraux
font auffi durables, folides & fixes que celles
des végétaux & des animaux font altérables &
fugitives.
Comme phénomène naturel confidéré dans lés
plantes, ht, couleur çft.l'un des plus brillans
des plus beaux réfultats de la végétation. Voiçi
‘ ce
ce que j’en ai dit dans mon Syjheme des Connoiffances
chimiques :
La coloration des végétaux & de leurs differentes
parties eft un des plus beaux fpeétacles que
préfente l ’économie végétale. Elle a frappé dans
tous les tems les philofophes , & ils en ont fans
ceffe'cherché la caufe. Les chimiftes ont cru,
après beaucoup de recherches, qu'elle étoit due
à une matière pat ticuîière, qu’ils ont nommée
principe colorant ; mais ils ont bientôt reconnu que
ce prétendu principe, au lieu d’être identique &
confiant, étoit très-varié dans fes propriétés, &
ne devoit pas être regardé comme une feule &
même matière. Quand même il feroitbien prouvé,
comme le grand Newton l’a avancé, que la coloration
diverfe dépendît de la diverfité des fur-
faces, & de la manière avec laquelle chacune de
ces furfaces réfléchit ou. réfrange les rayons lumineux
, il réfulteroit d’abord de ce principe, que
la différence même des fuperficies ou de l'extérieur
des 'corps fuppoferoit une différence dans
le tifïu &'dans la compofition de chacune d'elles.
Ainfi , par cela feul que les couleurs des diverfes
parties des végétaux font très-variées,_ il s'enfuit
que cette variété même entraîne néceffaire-
ment celle de leur nature ; ce qui prouve évidemment
qu'on,ne doit pas admettre un principe
colorant unique dans les plantes.
La plus légère obfervation fur les végétaux
prouve qu’outre la couleur verte , généralement
répandue dans leurs feuillages, leurs différentes
parties font teintes d'une manière très - diverfî-
fiée, qu'aucune ne reffemble entièrement à une
autre par cette propriété , & que le fiége de ce
qu'on nomme parties colorantes fe trouve difféminé.
dans tous leurs organes, prefqu'avec une forte,
d’indifférence qui annonce que cette propriété
même de la coloration coûte en quelque manière
très-peu à la nature , & qu'elle eft conftamment
comme la fuite néceffaire de tous les phénomènes
de la végétation.
Cependant la même obfervation , quoique rapide
, ftiffit. également pour faire voir que le
contaél de la lumière influe tellement fur la formation
des parties colorantes , qu'elle femble
même néceffaire pour les produire. Lés écorces ,
depuis l'épiderme jufqu'aux couches corticales,
font conftamment plus colorées que l'intérieur
des troncs & des arbres. Les feuilles, en fortant
de leurs boutons, font d'un vert-pâle, qui fe
fonce peu à peu à mefure qu'elles fe développent
& s'épaqouiffent dans l'air ; celles qui fortent à
l’ombre, font blanches & étiolées comme les.
tiges ou les rameaux. Au moment où les fleurs
s ouvrent ou s'élancent hors des calices qui les
tenoient- repliées ou renfermées , elles font la
plupart fans couleur , & n’en prennent une qu'à
mefure qu'elles font expofées à l'air & au foleil.
Cependant il femble .qu’on trouve une exception
a cette règle, en voyant les racines & les fruits
Ch im i e . Tom, 1)>r.
offrir , dans l ’intérieur même de leur tifïu , toujours
yprîvé de Ta lumière , une coloration quelquefois
très-prononcée ; c’eft fouvent dans
les parties profondément cachées , que l’art de
la teinture trouve les couleurs les plus belles &
les plus durables. Cette objeétion diminue de
force lorfqu’ on remarque que ces racines &
ces fruits colorés appartiennent en général à des
végétaux qui ont été long-tems plongés dans la
lumière, qui croiffent dans des latitudes où les
rayons du foleil les frappent verticalement, qui
ont une vigueur forte & durable dans leur végétation,
& où conféquemment l’influence du principe
lumineux s'efl fait reflfentir jufque dans les organes
les plus intimes & les plus profonds de leur
corps.
i° . Ainfi la coloration des matières végétales
eft due à la formation de plufieurs compofés particuliers
, fur laquelle le contaét de la lumière a
une grande influence. On ne peut pas affurer ,
comme l’ont fait quelques phyficiens, que ce
font les rayons lumineux qui pénètrent les végétaux
& qui fe combinent avec eux , car on n'a
aucune preuve de la combinaifon immédiate de
la lumière. Mais comme on voit manifeflement le
contaét de ce corps aéliver la végétation des plantes
, y accélérer le mouvement des fluides, augmenter
leur tranflation , opérer le dégagement
des fluides élaftiques & furtout du gaz oxigène
par les feuilles, & produire en même tems la
coloration, laquelle a vraiment lieu en raifon
direéte de la quantité de lumière que reçoivent
les plantes, on peut croire en général que ce phénomène
tient à une combinaifon d’hydrogène Se
de carbone peu oxigénés, & formant des extraits,
des refînes, des corps huileux & charbonés , qui
repréfentent en général les matières colorantes
végétales.
La coloration eft auffi un* des plus beaux phénomènes
de l’animalifation. Les robes des quadrupèdes
, les plumes des oifeaux , les écailles
des poiffons & des reptiles , les étuis & les ailes
des infe.étes j.les manteaux desmollufques, offrent
des couleurs auffi variées que riches & brillantes.
On y trouve toutes les nuances de l'arc-en-ciel
& tout l'éclat des métaux polis. On a même prétendu
que l'or & l'argent faifoient partie conf-
tituante ou effentielle de ces nuances éclatantes.
L’art chimique n'a que peu de prife furies principes
de ces couleurs animales , & fi Ton en
excepte quelques rouges qu'on enlève au kermès
& à la cochenille, ainfLque la pourpre empruntée
par les .Anciens à un coquillage , il y a très-
peu de ces matières colorantes animales qui foient
affez connues pour qu’il foit permis de parler
avec quelque certitude de leur nature. On voit
cependant que ce font des efpèces d’oxides à
triples bafes, où l’hydrogène & l’azote unis au
carbone font folidement fixés dans leur combi-
naifon par une proportion variée d’oxigène.