
ment au gras à la température ordinaire, mais
il le diffout par l'ébullition. Quatre onces d’alcool
ont été mifes, avec une once de-gras pur & fec,
dans un matras placé fur un bain de fable. Dès
que l’alcool a été bouillant, il a diffous le gras en
offrant beaucoup d’écume à fa furface ; il a pris
une couleur brune en confervant de la tranfpa-
rence : fon odeur étoit fétide } il reftoit au fond
une petite quantité de matière non diiïoute. En
filtrant l’alcool prefque bouillant, il a paffé clair &
coloré en brun. A mefure qu’ il s’eft refroidi, il
a dépofé le gras prefque tout entier , fous la forme
de flocons légers, femblables au duvet plumeux qui
garnit le corps des oifeaux d’eau : on a recueilli
ainfi près de fept gros. Le gras eft donc entièrement
difToluble dans trois fois fon poids d’alcool
chaud, & il s’en fépare prefqu’entiérement par
le froid 5 auffi n’eft-il pas difloluble dans ce liquide
à la température de 10 degrés. Lorfque tout
a été dépofé de l'alcool bien refroidi, on a décanté
ce liquide, qui n’avoir plus qu’une couleur légèrement
citrine : on l’a ëvoporé à une chaleur douce j
il a laifle quarante grains d’une matière huileufe
concrète, caftante & jaunâtre, femfclable à l’éf-
pèce de graille cireufe féparée du par les acides.
Ainfi cette portion de graille qui n’eft plus unie à
l’ammoniaque, & qui provient de la décompofi-
tiqn fpontanée du favon ammoniacal, opérée par
l’air, eft la feule partie du gras qui foit difloluble
dans l’ alcool froid. La portion non difloute par ce
réaftif bouiUant, recueillie fur le filtre & féchée,
pefoit vingt-fix grains ; elle étoit douce au tou- :
cher comme une ftéatite, & fousla forme de petites
plaques farinées. On a trouvé par l’analyfe, que '
c’étoit Un mélange de dix-huit à vingt grains de
favon ammoniacal, & de fix à huit grains de phof-
phate de foude & de phofphate de chaux. On voit ;
d’après cette expcriencè qui a été recommencée j
deux autres fors, & qui a donné des réfUlta'ts femblables
, que l’alcool peut fervir feul pour faire
uneanalyfe affez exacte du gras: il ne diffout point
les Tels neutres qui y font contenus j il diffout à
froid la portion d’ huile animale concrète qui s’eft
féparée par la volatilifation de l’ammoniaque , &
il diffout à chaud toute la maffe vraiment fâvo-
neufe qui s’en fépare enfuite complètement par le
refroidiffemeht de la liqueur. Il opère donc une
efpèce de départ fimple des différens matériaux
qui compofent’Lf‘maffe du gras, & il en indique
affez exa&errienties proportions relatives. Ajoutons
à ces détails, qu’une lame de gras très^mince
qui avoit été expofée pendant trois ans à l’air,
& qui avoit perdu prefque toute l’ammoniaque
qu’elle contenoit, a été à peu de choie près complètement
difloute par l’alcool.
V I I . Examen de la matïere huileufe concrète, féparée
du gras.
Les diverfes expériences décrites dans les
articles précédens montrent que le gras des cadavres
enfouis en maffe dans la terre, eff une efpèce
de favon ammoniacal, mêlé de quelques
fubftances falines 5 mais elles annoncent toùtes la
préfence d’une huile graiffeufe, concrète, particulière
dans ce favon. Cette huile eft même la
feule fubftance qui paroiffe différente de toutes
celles qu’on connoît jufqu’ à préfent j elle mérite
d’être examinée en particulier, comme un produit
nouveau de la décompofition des corps, qui a juf-
qu’ici échappé aux recherches des phyficiens. Rappelons
d’abord que cette matière fe fépare fpon-
tanément & par la feule chaleur de l’atmofphère,
qu’on la trouve ifolée en lames ou en fragmens jaunâtres
demi-cranfparens au milieu des maffes de
gras expofées à l’air, & dont la plus grande partie
a encore confervé fes caractères de lavon ammoniacal
, & qu’on peut s’en procurer de grandes
quantités en déeompofant ce favon par les acides
qui s’emparent de l'ammoniaque : c'eft ainfi qu'a
été préparée celle dont nous allons examiner ici
les propriétés.
s» 1. Cette matière huileufe concrète, féparée
du gras par l’aêtion des acides, retient plus ou
moins abondamment l’êau qui exiftoit d’abord dans
le gras, ou celle qui appartenait à i’acide. Cette
eau, logée entre les molécules de l’huile, lui donne
une couleur plus ou moins blanche, un tiffu grenu
& une grande légéreté. Ce caractère y eft beaucoup
plus marqué que dans aucune autre efpèce
de graille ou d’huile concrète connue. On peur
féparer une partie de cette eau par la fufion &
en tenant cette graiffe long-tems fondue, ou bien
en l'expoTant en petites lames à l'air fec, Si on la
refond après cette dernière expérience, elle eft
ordinairement beaucoup moins blanche qu’aupa-
ravant, & n'offre plus le tiffu grenu & rare qu’elle
prefentoit d’abord } ainfi fa blancheur tient à l’eau
interpofée entre fes molécule^, comme cela a lieu
pour toutes les graiflès & les huiles. Cette extrême
avidité pour retfenir l’eau femble tenir à l’état primitivement
favoneux de cette fubftance j c’eil à
cette attraction pour l’eau qu’eftdûle volume con-
fidérabîe que cette matière conferve fur le filtre
où on la recueille, lorfqu’ on filtre le mélange du
gras avec un acide, volume qui ne diminue par
l’affaiffement qu’après beaucoup de tems & une
longue expofition à l’air.
33 2. La nature & l’état de concentration des
acides qu’on emploie pour décompofer le gras
& pour obtenir à part l’huile concrète qui en
fait la bafe, font varier les propriétés de cette
dernière. En général, tout acide ifbible & étendu
d’eau là fépare affez blanche 5 l’acide fulfurique
concentré la noircit en mettant à nu une portion
de fon charbon , & alors on ne peut jamais la
faire redevenir blanche. L’acide nitrique un peu
fort lui communique une couleur citron qui fe
conferve également long-tems , & qui réfifte au
contaêt de l’air & de la lumière. L’acide muriatique
la laifle fans l’altérer & avec fa couleur
blanche \ U en eft de même de l’acide acéteux.
En général, pour avoir cette matière la plus blanche
qu’il eft polfible, il faut d’abord diffoudre ou
délayer le gras dans douze fois fon poids d’eau
chaude, & le décompofer enfuite avec l’acide.
» 5. L’huile animale concrète, préparée par le
dernier procédé indiqué, paroît très-blanche tant
que fes flocons font délayés dans l’eau ou en retiennent
beaucoup ; mais à mefure qu'ils fe fèchent
par le contadt de l’air, & furtout lorfqu’on les
fond pour les réunir en une feule maffe, celle-ci
reprend une couleur grife-brunâtre ou fauve, &
cette nuance reparoît dans prefque toutes lès opérations
qu’on lui fait fubir. Nous avons effayé de
la blanchir par différens procédés : l’expofition à
l’air ne nous a pas complètement réufli, & cette
matière a opiniâtrement confervé fa nuance de
gris-fauve. Nous efpérions plus de l’adtion de l’acide
muriatique oxigéné, lorfqu’après l’avoir laif-
fée foixante jours en contadi avec une grande quantité
de cet acide liquide, nous l’avions vu prendre
une couleur blanche affez belle j mais cette blancheur
s’eft diflipée en la fondant, & la nuance
jaune-fale a reparu après cette opération.
»» 4. La nature de cette matière huileufe, féparée
du favon ammoniacal des cimetières, eft , comme
nous l’ avons déjà dit, fort différente de celle des
autres graiffes connues.il eft donc néceffaire d’en
décrire avec foin les propriétés. Cette huile concrète
eft grenue & douce au toucher lorfqu’elle
contient de l’eau } elle s’écrafe & s’égrène fousla
preflion du doigt, mais bientôt elle s’alonge & fe
ramollit par la chaleur de la main. Quand elle eft
lèche & bien privée d’eau, elle a un tiffu lamelleux
& vraiment criitallin fi on l’a laiflée refroidir lentement
i elle n’eft que grenue compacte fi elle a
refroidi brufquement : dans le premier cas elle eft
femblable au blanc de baleine } dans le fécond elle
eft analogue à la cire. Voilà pourquoi dans les
annonces, dans les converfations où l’on a parlé de
notre découverte & de cette matière, on l’a tantôt
défignée fous le premier, tantôt fous le fécond de
ces noms. Dans l'un ou l’autre état de criftallifation
grenue ou lamelleufe, cette matière bien fèche eft
fonore, caflante avec l’éclat & le bruit dé la cire.
La première de ces gnalogieseft bien plus prononcée
que la fécondé : c’eft avec le blanc de baleine
que l’huile concrète retirée du gras nous a toujours
paru avoir le plus de rapport. Comme lui,
cette fubftance eft douce, graffe & ondtueufe au
toucher} elle n’ offre fous le doigt, ni la féchereffe
*11 la dureté de la cire. Elle ne fe caffe pas net
comme elle, mais elle eft lamelleufe & brillante
dans les lames comme le blanc de baleine } elle
n’eft point dudtile comme la cire des abeilles,mais
elle s’écrafe comme le blanc de baleine. Un gros
de cette fubftance mife en petits fragmens dans
une fiole à médecine expofée au feu comparativement
au blanc de baleine, s’eft fondue plus vite &
a crois degrés de chaleur au deffous,c’eft-à-dire,
à quarante degrés du thermomètre de Réaumur.
Elle s’eft auffi refroidie & figée plus promptement ;
! ede eft devenue plus fenfi lement caflante & dure
que le blanc de baleine qui a confervé quelque
: tems de la dudtilité & de la molleffe. Quand elle a
été bien purifiée & bien lavée, elle n’a prefque
point d’odeur, & le blanc de baleine en a une très-
prononcée & qui lui eft particulière.
33 y. Comme le blanc de baleine, l’huile concrète
dont nous nous occupons, eft diffoluble dans
l’alcool chaud , mais dans des proportions & avec
des phénomènes un peu différens. Une once d'alcool
entre 39 & 40 degrés de l'aréomètre de
M. Baumé, diffout douze gros de la matière graffe
qui nous occupe, lorfqu’il eft bouillant, tandis
que la même quantité a alcool portée à la même
température, ne diffout que trente à trente-fix
grains de blanc de baleine. Quand la diffolution
alcoolique de la première fe refroidit, elle fe prend
en une maffe concrète grenue, dans laquelle on
ne voit plus la portion d'alcool liquide. Si on augmentera
proportion de ce dernier, de manière que
l’huile concrète ne faffe plus que le quart de fon
poids, cette matière fe fépare en grains ou flocons
criftallins, & il n’en refte qu’une quantité inappréciable
dans l ’alcool froid. Le blanc de baleine diffous
dans l’alcool s’en précipite également par le
refroidiflement} mais fa féparation s’opère beaucoup
plus promptement, & il prend une forme
beaucoup plus régulière & criftalline. L'ammoniaque
diffout avec une fingulière facilité & même à
froid la matière huileufe concrète du gras : le blanc
de baleine n’eft point du tout diffous à froid dans
l'ammoniaque liquide. A chaud, cet alcali volatil
forme un favon très-mouflèux, & dont la diflolu-
tion eft claire & tranfparente par la chaleun Jamais
le blanc de baleine ne produit un effet pareil,
même avec un grand excès d’ammoniaque. Ainfi la
matière que nous examinons, reffemble par la forme
au blanc de baleine plus qu’à toute autre fubftance
huileufe, mais elle en différé cependant par fa couleur
très-tenace, fa fufibilité plus grande, fa propriété
de’ retenir l’eau, celle d’être près de
vingt-quatre fois plus difloluble dans l’alcool &
dans l’ammoniaque. Ces dernières propriétés, ainfi
que fa qualité fonore, caflante, & fon tiffu fou-
vent grenu, la rapprochent de la cire. On pour-
roit donc la défigner par le nom de matière adipo-
cireufe.
». 6. On n’a point eu jufqu’ ici connoiffance de
l'exiftence de cette matière dans l’économie animale
: aucune analyfe n’en a fait mention. La feule
fubftance analogue à cette adipocire que j'ai
trouvée dans le corps humain, c’eft la concrétion
blanche & criftalline qui conftitue les calculs feuilletés
de la véficule du fiel, &qui fait la plus grande
partie des calculs biliaires bruns ou jaunes ordinaires}
mais ces derniers ne peuvent êtreconfidé-
rés que comme les produits d’une altération morbifique.
Cette fubftance n’eft contenue toute for