& en confirme le réfidu. Sa petite quantité, fon
volume refi’erré, fa forme terreufe & très-éloignée
de l’organifation, dont il n’offre plus que le débris
ou la matière la plus folide encore, ont fixé dans
tous les tems l'attention du philofophe. Refte
d’une grande mafl’e de matières organifées, 8c n’en
formant que quelques centièmes , on l’a depuis
long-tems regardé comme une terre particulière
qu’on diftinguoit par le nom de terre animale. Mais
cette dénomination de terre, tirée de fon état
pulvérulent de fon infipidité de fa qualité inodore
, ainfi que de fa fixité 8c de fon indiflôlubilité,
eft inexacte & erronée, puifque ce réfidu, ce terreau
animal, contient, outre des acides 8c des
terres unies à l’état falin , une portion de matière
grade charboneufe , qui, diftillée , donne encore
de l'huile j du carbonate d’ammoniaque, & laide
un charbon chargé de phofphates terreux. Les
matières fixes, falines , terreufes & métalliques
qui condiment la nature de ce réfidu, retiennent
Ion g-tems une portion de corps huileux plus ou
-moins concret , qui ne fe détruit qu’avec une
grande lenteur } & pour qu’elles foient réduites à
l’état falin & terreux, pur, analogue à la cendre
■ qui refte après la combuftion , il faut prefque toujours
une longue fuite d’années. C’eft ainfi que des
cadavres enfouis dans la terre ne font réduits à
leur fquelette fec , & ne perdent le dernier débris
de leurs parties molles qu’après un laps de tems
qui excède le plus ordinairemant fepr années , &
qui fe prolonge quelquefois jufqu’à plus de trente
.ans. Les fouilles faites dans le fol du cimetière des
Innocens de Paris m’en ont fourni des preuves in-
conteftables : on conçoit facilement que la proportion
& la nature de ce réfidu répondent uniquement
à celles des matières fixes qui faifoienc
-partie conftituante des compofés animaux , &
qu’elles doivent varier fuivant chacun de ces compofés.
1 16. Maintenant qu’on a vu les conditions de
la putréfaétion, les phénomènes qu’ elle préfente
à l’obfervateur, l’ influence générale qu’elle reçoit
des milieux où elle agit, les produirs divers qu’elle
fournit, & le réfidu quelle lai (Te , il eft tems de
s’occuper de fa nature intime. Ce n’eft point allez
.de l'avoir confidérée comme une décompofition
lente, comme une analyfe fpontanée, comme une
fermentation deftruétive des compofés organiques5
puifqu’elle a tous les caractères des mouvemens
inteltins qu'on défigne par ce nom en chimie , il
faut en pénétrer plus intimement la caufe, en faillir
& en expliquer le mécanifme. Il eft évident
quelle confifte dans un changement opéré par une
- fomme de forces attra6hiv.es fupérieures à celles
qui tiennent réunis les principes de la fubftance
putrefeenre. Ces principes font, comme on fait ,
l’hydrogène, l’azote, le carbone 8c l’oxigène,
auxquels font fouvent aflbciés le foufre, le phof-
phore & différentes efpèces de phofphates.
ïl eft évident que ^ dans la putréfaction,-une
partie de l’hydrogène s’unit à l’azote pour forme»
i ammoniaque ; une autre partie de l’hydrogène
fe "combine à une portion d’oxigène, avec laquelle
elie confticue l’eau j qu’une certaine quantité de
carbone , combiné avec une quantité relative
d’oxigène, donne naiffance à l ’acide carbonique}
qu’une portion d’azote, unie à une troifième quantité
d’oxigène, produit l’acide nitrique ; qu’une
combinaifori d’hydrogène, de carbone 8c d'azote
forme l’huile volatile ou fixe, fuivant la propor-
tion de ces principes 5 qu’une autre combinaifon
entre les mêmes matières & l’oxigène compofe
l’acide zoonique, & qu’enfin les fubftances falines,
terreufes 8c métalliques , inaltérables ou peu altérables
au moins par le mouvement inteftin de la
putréfaClion , reftent intaétes & paflives dans les
derniers débris de ce mouvement fpontané, pouffé
jufqu’à fon maximum.
Il n’eft pas moins évident que ces matières ou
nouveaux compofés, qui n'exiftoient primitivement
que dans les fubftances animales, s'unifient
deux à deux, l’ammoniaque & l’acide carbonique,
l’ammoniaque & l’acide zoonique, l’ammoniaque
& l’huile qu’elle porte à l’état favonneux, & fe
dégagent fous cette forme dans l’air, ou fe diffol-
vent dans l’eau. Toutes ces compofitions nouvelles,
moins complexes que le compofé primitif qui
leur donne naiuance, & qui offrent les produits
de fa diffolution lente comme les indices de fa
deftruétion, font le fruit des attrapions nombreu-
fes qui agiffent entre les principes multipliés du
compofé organique privé de la vie.
On peut embraffer, dans une formule générale,
l’enfemble de toutes ces attrapions, & exprimer
avec précifion ce qui fe paffe dans la putréfaétion ,
en difant que la fomme des forces qui tendent à
réunir l’hydrogène avec l ’azote, l’oxigène avec
le carbone, l’acide carbonique avec l’ammoniaque
pour former le carbonate ammoniacal, l’hydrogène
, le carbone & l’oxigène pour donner naiffance
à l’huile-, cette dernière avec l’ammoniaque
pour conftituer un favon, enfin l’hydrogène avec
l’oxigène pour produire l’eau, & celle-ci avec tous
les compofés précédens, eft fupérieure à la fomme
des forces qui retient en combinaifon quaternaire
l’hydrogène , l’azote, le carbone & roxigène,
par lefquels le compofé animal eft conftitué.
On n’a repréfenté ici 1 aétion altérante de ces
forces , & l’effet putréfaPif qui en réfulte, que
dans des vaiffeaux fermés, dans lefquels rien d’étranger
à la fubftance organique ne peut encrer,
& d’où rien ne peut s’échapper} car quoique les
réfultats foient à la fin identiques, ils ont cependant
lieu tout autrement dans le fein de l'air at-
mofphérique. Dans cette dernière circonftance,
une partie de la fubftance animale eft difloute 8c
-emportée conjointement & féparément par l’air 8c
par l’eau j l’ammoniaque 8c l’acide carbonique fe
yolatilifent à mefure qu’ils fe forment ; une portion
d’hydrogène carboné fe volatilife par l’élévation
de température : il ne fe forme point de
matière graffe ni de favon ammoniacal.
Ainfi s’expliquent avec fimplicité les phénomènes
& les produits de la putréfaétion} ainfi fe conçoivent
fes conditions, fes variétés, fa durée, &c.
11 étoit permis de croire qu’ils étoient inexplicables
, tant que la nature de fes produits, celle- de
l’eau, de l’ammoniaque, des huiles, des acides,
étoient couvertes d’un voile qui dévoie s’étendre
fur la marche & le mécanifme de cette efpèce de
fermentation. Ce voile a, comme on le voit, été
déchiré par les efforts de la chimie pneumatique,
& elle n’a rien laifle d’obfcur dans la connoifiance
de cette décompofition fpontanée. C ’eft un des
fruits que l’on doit à fes progrès & à fon heureufe
Ȏvolution.
117. Parmi les phénomènes qui dépendent de la
putréfaPion, & dont la confidération eft importante,
doivent être compris les effets dangereux
qu’elle produit fur les animaux vivans. Si l’on en
excepte un tyès-petit nombre pris dans les dernières
clafles de ces êtres, 8c appartenant aux
moins fenfibles, il n’en eft point qu’une madère
animale plus ou moins pourrie ne rebute & n’écarte
du lieu où fe paffe cette fcène de mort 8c de
deftruPion. Au dégoût qu’elle leur infpire, à la
fuite accélérée qu’ elle occafionne, on juge aifé-
ment que ce phénomène eft ennemi de la vie, &
qu’il la menace avec une énergie remarquable :
aufli le plus grand nombre des animaux ne peuvent
ils fe nourrir de matières animales putréfiées
à un certain point} 8c fi quelques-uns., lâches &
féroces en même tems, fe repaiffent de cadavres
déjà altérés > aucun n’en fait fa pâture quand la
putrefcence en eft trop avancée. On çonnoit l ’ave
rfion 8c le dégoût de tous les hommes pour les
matières animales corrompues , l’impreflion iâ-
cheufe qu’elles produifent fur leurs organes, &c la
répugnance que la vue 8c l’odorat reffentent au
feul afpeét de ces matières. Souvent les miafmes
putrides ou les gaz qui s’exhalent des corps en
putréfaétion font fi délétères, que les hommes &
les animaux font afphixiés par leur contait. Lorl%
qu'ils ne produifent pas cet effet fub.it, ils ocea-
fîonnent des maladies putrides chez ceux qui y
font expofés. Il eft des individus qui contraélent
des affrétions extérieures, des charbons, des puf-
tuies malignes & gangreneufes par î’aétion cor^
ruptricé de ces vapeurs> il en ëft d’autres qui en
reçoivent une influence bien plus funefte encore,
& fur lefquels, outre un affbibliffement confidéra».
Lie des forces de la vie,.elles font naître des fièvres
putrides du plus- fâcheux caraitère-. On ne
connoît point encore quelle eft la nature du gaz
putride, à qui font dus ces terribles effets ; ce n’eft
pas au gaz azote, comme l’avoient penfé quelques.
médecins modernes qui• lui a voient donné, à caufe •
de celaJe nom de fepton ou plutôt àe-ga^feptique.
11 eft permis de foupçonner qu’ils doivent plutôt
être attribués à Taétian de la matière animale pouirie
elle-même, qui, diffoute dans les gaz exhalés
pendant la putréfaétion, va porter fur les organes
qui font le foyer de la vie fon principe engourdif-
lant ou affaibli fiant, & verfer dans le torrent des
humeurs animales le germe ou le ferment putride
qu’elles font malheureufement fi difpofées à recevoir.
118. La fciencè, en apprenant à reconnoître la
fource 8c la caufe de ces terribles effets, fournit
des armes pour les prévenir ou en déterminer l’influence.
Deux moyens fe préfentent, confeillés
par le raifonnement & confirmés par l’expérience ?
l’un, qui appartient à la police & à la fageffe des
gouvernemens, confifte à écarter des lieux très-
habités, particuliérement des grandes villes , où
1 accumulation 8c l ’encombrement des hommes, elt
déjà une caufe prédifpofante des maladies putrides
, les fourees & les foyers d'infeétion 8c de
putridité. Aérer les lieux d’habitation, y établir
une ventilation fréquente, y faire détoner du nitre
ou de la poudre, couvrir les égoûts, éloigner les
cloaques de tous les genres, établir les cimetières
• bois des villes, allumer de grands feux de bois,
difpofés de manière que le vent emporte la fumée'
1 <bns les^ lieux qu’on veut préferver, prodiguer
; l’eau fraîche & vive dans des canaux ouverts, 8c
' furtout la faire jaillir en jets ou fe précipiter en
cafcades : tels font les grands moyens de prévenir
les effets de la putréfaétion ou au moins d’en rt-
pouffer les atteintes. L’autre moyen plus borné ,
praticable feulement dans de petits efpaces ou
dans des. lieux circonfcrits, a pour but de détruire
les miafmes putrides eux-mêmes, d’en enchaîner 1 aétivité, d’en neutralifer la virulence^ On obtient
cet effet par le dégagement de l’ acide muriatique:
en gaz, & lpécialement par le gaz acide muriatique
oxigéne, que je regarde & que j’ai propofé r
il y a quelques années, comme le plus grand anti-
feptique extérieur, parce qu’il attaque 8c détruit
la combinaifon animale qui conftitué le virus. On
en étendra, fous ce point de vue, les utilités 8c
l’ufage, à mefure que les notions de la chimie fe-
répandrent dans les ateliers, 8c deviendront familières
aux manufaéfuriers & aux artiftes.
119. L’art a toujours cherché des moyens de
prévenir la putréfaélion des matières animales, &
de les défendre contre la corruption. Le nombre
des moyens 8c des matières qu’il a trouvés dans ce
genre eft très-confidérabie ; les principaux font,
comme on le conçoit, tous les procédés propres
à détruire les conditions qui la font naître. Ainfi-
la defliccation des matières animales -, la privation
d’eau , le refroidiffementla prefllon , font les
premiers 8c les plus fûrs , parce que , par leur influence
fîmple, ils font difparoître les caufes qui
développent la putréfaélion. Beaucoup de matières
dont on enveloppe les fubftances animales ou
qui en pénètrent le tiffu , rempî-iffent le même but.
Les acides, les fels , les aromates, le Hure, les
huiles fixes 8c volatiles ^ les tcfiiics , le-camphre A