
" Ç d'après ces .réflexions, & l'invitation
qui m en a été faite, que je me détermine à décrire
les petites manipulations par lefquelles j'ob
tiens une économie allez confidérable fur le corn
buftible. & 1 eau diiiill.ee-5' j.e pour rois ajouter fil.
le teins , le plus précieux des inftrumens de iex
périence.
« J’ai donné, dans le tome II des Mémoires de
la ci-devant Académie de Dijon , la defcription
u une boue renfermant une forte de laboratoire
portatif, compofé d’une lampe à trois mèches ,
djfpol'ées en triangle équilatéral pour former uni
courant d’air intérieur, avec des fupports qui
fervent aux diffère ns vaiffeaux de digeftion , de
distillation, d’évaporation, &c. Il meft arrivé de
faire une diffolution d’argent, qui a très-bien
fervi comme réaftif, avec de l’eau-forte du corn-
merce & de l’argent à bas titre, fans avoir d’au
tre uftenfile que cette boîte & des fioles à méde^
ci ne qui fe trouvent partout : il y a eu plusieurs
de ces boîtes exécutées par MM, Dumouder,
furtout pour les voyageurs, & j ’ai lieu de croire
.qu’elles leur ont été de quelqu’utilité; mais on
fem que l’ ufage en eft borné, & même étranger à
1 objet que je.me propofe aujourd’hui.
» J’avois fait conltruire, il y a dix ans, une
hmpe, fur les principes de M. Argand, à trois
mèches circulaires concentriques, chacune ayant
courant d’air intérieur & extérieur : l’effet fur-
pafïa ce que j’en a vois attendu pour l’intenfité du
feu, mais il étoit difficile de prévenir la deftruc-
tion des foudures fortes autour des mèches j les
cornues de verre étoient fréquemment fondues à
leur fond & déformées : on conçoit qu’ elle con-
fommoit une quantité d’huile affez confidérable;
& , comme efle ne pouvoir fervir en même tems
a éclairer, elle n’avoit, à vrai dire, qu’ un rapport
bien éloigné avec l’objet qui m’occupe.
» Peu de tems après j’imaginai d’enlever de la
Jampè,d’Argand ordinaire la cheminée de verre,
& d y fubftituer un cylindre de cuivre, avec des
bords rentrans à quelques millimètres au deffus de
la flamme, pour fane l’office de là cheminée 4e
verre coudée, & donner ainfî le moyen d*élever
à un certain point la mèche fans occafionner de la
fumée. Ce cylindre porte trois branches en forme
de réchaud. On peut y mettre en ébullition deux
à trois décilitres d’eau en fîx à fept minutes,
dans des vaiffeaux de métal ou de verre. Il m’a
fervi & me fert encore pour nombre d’opérations ;
mais ce n’eft que depuis que j’ai connu le degré
de chaleur que je pouvois obtenir en laiffant la
lampe dans fon état ordinaire, & furtout depuis
que j’ai remplacé le réchaud de métal par une
cheminée de verre coupée à trois centimètres
( environ quatorze lignes ) au deffus de la'cou-
dure , que j’ai vu tout le parti que l ’on pou voit
en tirer, & qu’au moyen d’un fupport mobile, j
deftiné à recevoir les différens vaiffeaux, & qui fe
fixe à volonté par des v-k de pr-effion, ce; feu de
lampe, en même tems qu’il éclaire, &r par con-
féquent fans aucune augmentation de dépenfe,
fert très-bien à prefque toutes les opérations de
la chimie, telles que les digeftions, diffolutions,
criftallifations , concentrations ; les rectifications
d’acides ; les diftillations au bain de fable, à feu
nu; les incinérations des réfidus les plus rebelles,
les analyfes avec appareil pneumatique , les analyfes
minérales par fufion faline, &c, &c. Je ne
vois jnfqu’ici d’exception que pour les vitrifications
complètes & les coupellations , car on parvient
à y exécuter même les diftillations à ficcité,
avec quelques précautions, comme de tranfponer
la matière dans une petite cornue fouflée à la
lampe d’émailleur, & de pofer le fond fur un
petit bain de fable formé d’une lame mince de
métal.
33 Le fupport dont j’ai parlé eft tout Amplement
un anneau de cuivre de huit centimètres (environ
deux pouces neuf lignes) de diamètre, qui
fe baille ou s’élève en gliffant fur une tige de
même métal. C ’eft le même que celui qui fait
partie du laboratoire portatif, gravé dans le Recueil
des Mémoires de la ci-devant Académie de Dijon ,
& dont il feroit inutile de donner ici une plus
ample defcription (1). Je n’ai eu befoin que de
l’adapter à la tige de fer carrée qui traverfe le
corps de la lampe : il n’y tient que par une pièce
de bois, afin qu’il y ait moins de difperfion de
chaleur. Le corps de la lampe étant lui-même fuf-
ceptible de mouvement fur fa tige , on a la facilité
de le rapprocher ou de l’éloigner à volonté
des vaiffeaux qui reftent fixes ; ce qui, indépendamment
de l’élévation ou de l’abaiffement de la
mèche, donne le moyen d’échauffer les cornues
par degrés, de modérer, de fupprimer le feu inf-
tantanément, de le tenir enfin pour plufieurs
heures à un degré confiant & déterminé, depuis
l’évaporation prefqu’infenfible des diffolutions
criftallifables, jufqu’à l’ébullition des acides,
propriétés que n’eut jamais Vatkanor fi vanté des
chimiftes, & dont l’avantage fera bien fenti par
ceux qui favent que les manipulateurs les plus
exercés & les plus attentifs éprouvent de fré-
quens accidens, & perdent à la fois les résultats
de leurs opérations & leurs vaiffeaux, faute de
pouvoir fe rendre maîtres du feu.
*>. Je dois entrer ici dans quelques détails, foit
pour établir fur des faits pofitifs la poflibilité d’appliquer
le feu de lampe aux opérations dont j’ai
parlé, foit pour communiquer ce que l’expérience
m’en a appris, à ceux qui de préférence, ou faute
de plus grands moyens, voudroient en faire ufage.
- (1) Phtfieürs perfonnes^ qui ont vu chez moi cet appareil
en travail , m’ayant engagé à ew donner le deffin, on trouvera
à la fuite de ,ee'Mcfljoire -l’explication des figures qui
re-préfentent l’ énfemtile de ce que Je crois pouvoir appeler
laboratoire économique.
Je ne crains pas de'dire de préférence , car , dans
le laboratoire le mieux meublé , on emploiera auffi
le feu de lampe lorfqu’il s’agira de quelqu’opé-
ration que l’on peut faire auffi bien, fur les mêmes
quantités, en beaucoup moins de tems&plus commodément
qu’au- feu des fourneaux ,- en brûlant
pour un ou deux décimes d’huile, au lieu de cinq
a fix décimes de charbon. On en a déjà fait 1 é-
preuve dans le laboratoire de l’Ecole polytechnique,
fur la fin de mon dernier cours.
m Pour les analyfes des pierres, telles que celle
des criftaux d’étain , dont j’ai entretenu la claffe
à fa féance du i er. méffidor dernier , j’emploie
la cheminée de verre coupée; je commence par
mettre le mélange dans une capfule de platine ou
d’argent de fept centimètres ( trente-une lignes)
de diamètre ; je place cette capfule fur le fupport,
je gradue le feu de manière que le bouillonnement
fe paffe fans lancr* au dehors aucune partie. Quand
la matière eft parfaitement fèche, je la tranfporte
dans un creufet très-mince de platine ( fon poids
n’eft pas tout- à-fait de onxe grammes, fon diamètre
de quarante-cinq millimètres ) , ( environ
vingt lignes) ; ce creufet repofe fur un petit triangle
de fil de fer qui fert à rétrécir l’anneau, & la
mèche étant dans fa plus grande élévàtion , 1 anneau
abaiffé à vingt-cinq millimètres (environ onze
qui peut recevoir d’utiles applications , & qui
tient à l’avantage que donne cette manière d o-
pérer , de laiffer ap per ce voir une infinité de cir-
confiances que l'on ne peut foupçonner quand
tout fe paffe dans l’intérieur des fourneaux. J avois
remarqué, ainfi que plufieurs de mes collègues
qui fe trouvoient alors chez moi, qu'il s'élevoit
continuellement une colonne de bulles d un point
fixe de la cornue, fur un des côtés de fon tond : ■
nous jugeâmes qu’ il fe trouvoit là accidentellement
lignes) du bord fupétieur de la cheminee de verre,
je donne en moins de vingt minutes la fufion fa- ^
line , au point que, dès la première operation ,
la décompofition va jufqu’ à 6,70 du minerai.
» Le même appareil, c’eft-a-dire avec la cheminée
coupée, me fert pour les oxidations, les
incinérations, les torréfactions * les diftillations à
ficcité. 1 . _
» Dans les opérations qui n exigent pas une li
grande chaleur, je laiffe la lampe garnie de fa
grande cheminée, abfolument dans l’état où on la
tient ordinairement pour éclairer, & en élevant
■ & abaiffant, ou l’anneau de fupport, ou le corps
de lampe fi les vaiffeaux font établis à demeure
pour communiquer avec d autres, je ||||ffiie & Je
-modère le feu à volonté. Le vinaigre diftilie fans
interruption à fix centimètres du bord fupéneur |
de la cheminée, c’eft-à-dire , a dix-neuf de la ;
flamme. L’eau entre en ébullition en huit mi- i
nutes , à la même hauteur, dans une cornue de ;
verre de la capacité de-cinq décilitres ; elle s’y j
maintient uniformément a la diftance de vingt-
deux centimètres de la flamme. On verra bientôt
que j’ai un autre moyen d’approvifioriner les ch’.-
miftes d’eau diftfllée ; auffi ne m’ arrive-t-il guère
de répéter c e t t e opération que quand je n en ai
pas d’autre préparée, ou que je veux me difpenfer
d’y donner abfolument aucun foin ; alors j’obtiens
dans une forré'é d’iiiver de deux a trois décilitres
d’eau diftillée, fans que çette opération me caufe
une minute de diftraCtion. _ .
« Je ne dois pas omettre ici uné-petite qbferva-
tion que m'a préfentée ■ cette même diftillacion,
quelque parcelle de matière incorporée dans
le verre, qui avoit une capacité de chaleur différente
de celle du verre. Pour vérifier cette conjecture,
j’effayai le lendemain de difti! 1er la même
eau, en même quantité , dans la même cornue,
après y avoir introduit un bouton d’argent de coupelle,
dû poids de neuf décigrammes : il y eut
dans le commencement une petite gerbe de bulles
au même point de la veille ; mais peu apres, &
jufqu’à la fin , les bulles plus groflès,. plus continues
j s’élevèrent de la circonférence du bouton,
qui étoit fouvent déplacé par le mouvement, &
en proportion du tems ; le produit de la diftilla-
tion fut fenfiblement plus confidérable : d’ou 1 oiï
peut conclure que des fils ou verges métalliques
diftribués dans une maffe d’eau que l’on veut mettre
en ébullition, & tenus-un peu au deffous de
la furface , y feroient, fans augmenter la dépenfe
de cômbuftrble, à peu près le même effet que
les cylindres remplisse matière en ignition, qui
traverfent les chaudières. ,
« Il me refte à faire connoître le moyen écqr
nomique de fournir l’eau néceffaire aux expériences.
m Lorfqu’on parle d’eau en chimie , c eft toujours
de l’eau pure. On fe contente le plus ordinairement,
en pharmacie, de prefCrire de 1 eaü
de fontaine, quoiqu’il y ait en plufieurs endroits
des fontaines dont Teau eft plus chargée de félénite
ou fulfate de chaux, que i’eau-des puits q autres
pays. Il en eft de même des eaux de rivière , beaucoup
plus falubres fans doute que l’eau de puits
dans les lieux où le plâtré eft abondant, mais qui
font loin encore d’être pures,-& néceffairement
fujètes à varier, fuivant le volume d’eau de pluie
qui délaie actuellement celle qui a féjourné fur des
matières folubles. . . .
» On a donc eu recours à la diftillation pour
purifier l’eau employée dans les laboratoires ; -mass
fi l’on confidère d’un côté le travail qu elle exige,
la dépenfe qffelle occafionne , d’autre part la
quantité qu’il faudroit avoir à fa difpolitiou pour
les -moindres opérations, on ne fera pas étonné
de m’entendre dire qu’il eft peu de jours qu'ûn
chimifte ne fe refufe ou ne manque quelqu’expé-
rience , faute d’avoir à diferétion cet inftrument.
Ce n’eft qu’avec l’ eau diftiilée que l’on peut préparer
des rëaCtifs fûrs : ;il en faut pour les infu-
I fions, les macérations, les diflôlutions-, les édulcorations
i les lotions répétées en confommeot
D d d d i