mand , & citée par Meyer, font très-exacts,
comme je l e démontrerai plus bas 5 mais ils n’apprennent
rien fur la nature de ces fels concrets,
& c’eft là le point ignoré jufqu aujourd’hui par les
chimiftes qui ont connu ces fels.
» Meyer a ajouté à ce travail, que l'huile de
vitr io l fumante de Nordhaus ne donne plus de fel
volatil concret quand on fa étendu d’eau.
» Cette partie des recherches du chimifte d'Of-
nabruck m’avoit toujours frappé, & je m’étois
propofé depuis long-tems de répéter ces expériences
fi je pouyois me procurer cette efpèce
d’acide vitriolique fumant ; mais ce fut en vain i
que je parlai de cet acide à tous les chimiftes de
ma connoiffance : perfonne ne put me donner de
renfeignemens fur cette fubftance, & je défefpé-
rois de la connoître lorfque M . Poulletier de la
S a lle , amateur connu par fes nombreufes recherches
fur la chimie médicinale, me fit voir, cet
hiver _( janvier 1785 ) , une huile de vitriolfumante-
que M. Charlard, apothicaire de-Paris, lui avoit
fait venir d’Allemagne. Ayant examiné cet acide,
je crus y reconnoître les cara&ères de celui qui
avoit été indiqué par Meyer } je pris fur le champ,
auprès de M. Charlard, toutes les informations,
qui pouvoient m’éclairer j j’appris qu’il avoit tiré
cette huile de vitriol de Bâle , d’après la demande
de M. Poulletier j que. les marchands de cette
ville, aveclefquels il faifoitun grand commerce,
la lui avoient envoyée fous le nom d ’huile de vitriol
de Saxe. Je fus alors perfuadé que cet acide
étoit le même que celui qui eft nommé huile de
vitriol de Nordhaus par le traducteur de Meyer,
que c’étoit à Northaufen, petite ville de Saxe,
qu’on le retiroit de la diftillation du vitriol. Au
refte, quand l ’ huile de v itr io l, dont je m’occupe
ic i, ne feroit pas exactement celle de Northaufen,
citée dans l’ouvrage de Meyer, les propriétés parfaitement
fembiables que j’y ai reconnues, ne me'
permettent pas de douter qu’elle n’ait avec elle la
plus frappante reffemblançe.
» La première expérience que je fis fur ce fin-
gulier acide, fut de le diftiller pour voir fi j’en
retirerois le 'fel concret indiqué par Meyer ; je
l’obtins en effet, mais cette opération que j’ai
répétée pîufieurs fois, m’ayant préfenté des phénomènes
très-finguliers, je crois devoir la décrire
avec foin, après avoir fait connoître les propriétés
phyfïques ou apparentes de.cette liqueur.
» La première .portion de cette huile de vitriol
que j’ai vue chez M. Poulletier, étoit renfermée
dans un flacon de criftal depuis environ deux ans }
çlle avoit une couleur rouge tirant fur le brun : le“
papier qui recouvroit le bouchon de criftal avoit
été corrodé, 8c il fembïoit même qu’une partie
ries vapeurs arides avoient pafte au dehors : l'extérieur,
du verre, étoit.humide & comme gras } il
paroifiojt dépoli, Ayant débouché ce vafe, on
apperçut quelques vapeurs blanches qui en forti-
rent, 8c, en tranfvafant l’acide, cette liqueur î
exhala une fumée blanche beaucoup plus confi-
dérable, & ayant une odeur fupportable d’acide
fulfureux. L’agitation 8c le concaét de l’air font
donc les caufes du dégagement de ces vapeurs,
puifque dès que l’acide fut repofé dans un bocal
bien bouché, ces^vapeurs épaiffes difparurent, &
il n’en fortit que de très-foibles: en l’agitant, on
fit reparoître de nouveau la même fumée blanche.
En verfant cet acide du bocal dans une cornue,
la portion qur adhéroit au fond de ce premier vafe,
i exhaloit la même vapeur blanche qui tomboit
comme la fumée dans le vide , & qui fe relevoit
dès qu'elle étoit parvenue dans l’atmofphère. .Cet
acide qu’on auroit cru très-concentré , d’après fa
confiftançe, ne pefoit cependant que cinq gros
plus que l’eau fous le volume d’une oricé5 mais
cette légéreté ne dépend que de ce qu'il avoit
attiré l'humidité, puifque la même huile de vitriol,
prife chez M. Charlard , pèfe fept gros plus que
l’eau fous le même volume, comme je le dirai
plus bas. Cet acide rougit les couleurs bleues
végétales fans les détruire.
Expérience première.
M On a mis dans une cornue de verre Une livre
de cette huile de vitriol fumante. confervée depuis
pîufieurs années dans un flacon qui avoit refté
quelque teins débouché. Comme le but de cette
première opération étoit feulement de voir fi l’on
obtiendroit le fel concret dont parle Meyer 3 on
adapta fans précaution & fans lut, un ballon a fiez
grand pour recevoir le produit. On verra plus bas
que ces précautions auroient été plus nuifibles
qu’ utiles au fuccès de l’opération. Dès la première
impreffion de la chaleur, il paria une grande
quantité de vapeurs blanches 8c épaiffes qui obscurcirent
le récipient.: la portion de ces vapeurs
qui fortoient par la jointure des vaiffeaux, répan-
doit une forte odeur de foufre brûlé : bientôt il
paffa en même terns des gouttes d’une liqueur (J
qui, parvenues au fond du récipient, fe figèrent*
& prirent la forme d'une gelée un peu brune : les
vapeurs qui frappoient les parois Supérieures 8C
latérales du ballon, s’y condenfèrent en un fel
blanc criftallifé en lames fembiables à celles du fel
fédatif, & en petites aiguilles brillantes & rami-
fiées_comme la craie ammoniacale ou l’alcali volatil
concret. La liqueur qui tomboit en gouttes,
de trois minutes en trois minutes, & qui fe raf-
fembloit au fond du récipient, devint bientôt
plus foncée, & refta quelque tems au derious de
la première portion gélatineufe, qu’elle fondit
par la chaleur qu’elle lui communiqua} celle-ci,
après s’y être mêlée 8e diffoute peu à peu , ne lui
donna que peu de couleur. On remarqua aufïi que
la vapeur, blanche qui continuoit àSortir - par le
bec de la cornue, en même tems que les gouttes
de liqueur , fe féparoit en deux portions} l’une
Supérieure & plus légère, qui fui voit, en efpèce
de filamens Soyeux, la courbure de la partie Supérieure
du ballon , & fe condenfoit fur fes parois j
l’autre inférieure, plus pefante, qui fe précipitait
fur la liqueur & s’y di(Toivoit en. grande partie.
Ces phénomènes durèrent pendant environ deux
heures 8c demie, & l’on n’employa qu’un feu
très-doux. A cette époque, la vapeur ayant beaucoup
diminué dans le ballon , & ne forçant qu’en
très-petite quantité de la cornue, on changea de
récipient, & la liqueur de la cornue n’étant point
encore blanche, on continua la diftillation par un
feu plus fort. 11 paffa à peu près quatre onces d'une
liqueur plus foncée en couleur que la première
huile de vitr io l, fans odeur fenfible, 8c qui n’exha-
loit plus de fumée. L’acide contenu dans la cornue
parut tout-à-fait blanchi : on y obferva une petite
quantité'de poudre blanche} il fallut fepe
heures pour obtenir ces trois onces de liqueur
colorée , & pour blanchir entièrement celle de
la cornue. Il paroît donc que le principe colorant
de cet acide n’eft pas entièrement formé par la
.vapeur blanche qu’on en dégage par une chaleur
douce. Je fis mettre un troiftème récipient, 8c
continuer la diftillation jufqu’à ficcité : cette opération
dura plus de dix heures , & elle fournit
Sept onces 8c demie d’une huile de vitriol légèrement
ambrée, qui pefoit jufte le double de l’eau,
8c qui ne fumoir point. Il refta au fond de la cor-
nuè un léger enduit blanc un peu bourfouflé , ayant
l'apparence faline : cette matière pouvoic pefer
fix grainsj. elle avoit les propriétés de l’alun calciné
, comme je le ferai voir dans la fécondé expérience.
»3 Le premier ballon qui contenoit le fel concret,
ayant été ouvert, il fe remplit fur le champ
d’une vapeur blanche très-épaiffe., 8c l’on eut
beaucoup de peine à en retirer la fubftance faline :
on en perdit une affez grande quantité} il s’en
fondit aufiï pendant qu’on étoit occupé à le détacher
8c à lé mettre dans un flacon : on n’en put
ramaffer qu’une once deux gros, & on évalua à
trois gros ce qu’il y eut de perdu. Il y a donc eu
plus de trois onces de perdues dans l’opération ,
foit en vapeurs blanches, qui, fi elles avoient été
retenues , fe feroient condenfées en acides concrets
,• foit en humidité ; de forte que l’on peut
eftimer à un cinquième environ la quantité de fel
concret que l’on obtint de l ’huile de vitriol.fumante
de Saxe•
Expérience fécondé.
33 La première Expérience ayant eu le fuccès
que j’en avois defiré, j’ai cru devoir la répéter
avec plus d’exaélitude. Je me fuis procuré à cet
effet, chez M. Clvarbrd, le même acide vitriolique
de Saxe, qu’il avoit fourni à M. Poulletier ,
8c qu’il confervoit dans une bouteille de grès
bouchée avec un bouchon viffé de la même matière
} je l’ai trouvé parfaitement fembiabie ail
Çh tm iz . Tome I V .
premier, fi ce n’eft qu’il étoit plus concentré ,
piiifqu'il pefoit fept gros plus que l’eau fous le
volume d’iine once. Au refte, il exhaloit les mêmes
vapeurs & la même odeur. On en a mis deux
livres dans une cornue de verre à laquelle on a
adapté un ballon, 8c l’on a joint à ce dernier,
par le moyen d'un tube courbé à angle droit,
une boQteille d’où partoit un fécond tube qui fe
terminoit dans l’appareil propre à recueillir .les
fluidès élaftiques. L’extrémité de la portion verticale
du premier tube plongeoit dans huit onces
d’eau diftillée, contenue dans la bouteille. On a
luté les jointures de ces vaiffeaux avec du lut
gras, recouvert de bandes de toiles enduites de
blancs d’oeufs 8c de chaux. On n’a commence,
cette opération que lorfque tous les luts ont été
bien fecs. On a procédé à la diftillation au bain
de fable, en donnant le feu très-lentement 8c par
degrés. Après une heure de la chaleur la plus
douce, il eft forti du bec de la cornue un jet de
vapeurs blanches très-épaiffes, dont une partie
nageoit dans le ballon en efpèces de filamens fem-
blables aux fleurs de zinc, 8c une autre portion
plus pefante fe préeipitoit vers le fond du récipient.
Il paffa en même tems quelques gouttes
d’unejiqueur colorée, qui devintbientôt blanche.
Peu.à peu les vapeurs fe condenfèrent fur quelques
points des parois du ballon -8c vers fon fond,
en un fel très-blanc criftallifé, en lames brillantes
& en houpes foyeufes : il s’en dépofa un pareil
fur l’extrémité de l’alonge placée entre la cornue
& le récipient. Cette portion de Ici étoit du plus
beau blanc , 8c reptéfentoit une ftala&ite formée
par une grande quantité de petites aiguilles foyeufes
& brillances. Une partie des vapeurs paffoit à
travers l’eau dans la portion vide de la bouteille ,
8c paroiffoit ne pas fe difloudre dans ce fluide,
quoique, cette eau ait été trouvée manifeftement
acide après l’opération. Il fe raffembioit en même
tems dans la cloche placée à l'extrémité du dernier
tube, un fluide élaftique blanc & nuageux
comme l’air vital. L’ opération allant très-bien
jufqu’à cette époque, me donnoit l'efpoir d’avoir
une bonne quantité de-fel concret blanc 5 mais il
arriva, après deux heures de feu, un accident
inévitable. Les vapeurs blanches 8c acides qui
paffoient continuellement dans le ballon 8e dans
la bouteille, agirent avec tant d’a&ivité fur l ’huile
du lu t, que celle-ci fut brûlée, 8c qu’une portion
liquéfiée coula de l ’alonge dans le récipient, 8c
colora en brun-noir prefque tout le fel .qui y étoit
contenu. J’ai fait deluter fur le champ 1 appareil:
on a recueilli le fel concret qui étoit d’une couleur
noire, fi l’on en excepte la portion qui pendoit
-en forme de ftala&ite au bec de l’alonge , donc
l’extérieur feul étoit noir, 8c l’intérieur confervoit
encore fa couleur blanche. Cette portion de
fel concret avoit une telle confiftance, qu’on ne
put la couper qu’avec beaucoup de peine avec des
cifeaux pour la mettre dans un flacon : il y en avois