
matériaux immédiats des plantes. Un de fes caractères
les plus prononcés , c’eft de fe trouver
uni ou mélangé avec plufîeurs fubftances différentes,
& de n’exifter jamais pur dans les végétaux.
4°. L"extraftif, confidéré fous ce point de vue,
exilte dans beaucoup de parties des plantes, &
ion fïége femble être partout ou en quelque forte
indifférent : cependant on le trouve lpécialement
dans les parties colorées folides , & vertes ou
brunes. Ain fi les racines fibreufes, les troncs &
les tiges, les écorces, les feuilles, les fruits ligneux,
enfourniffentplus ou moins abondamment,
& voilà pourquoi on a propofé de faire des extraits
de toutes les plantes & de toutes leurs par-,
ties, furtout fous le point de vue médicinal, & ,
à la vérité, dans l'intention de faire paffer, de
conferver & de concentrer même les vertus des
végétaux dans cette préparation, qui n’avoit reçu
ce nom d‘extrait que parce qu'on la regardoit
comme une forte d'abrégé des plantes.
5°. Comme Yextraftif elt une matière difloluble
dans l'eau quand elle eft pure & fans alteration,
il exifte naturellement diffous dans le fuc ou la'
fèvedes plantes j en forte qu’il fuffit d'évaporer ces
liquides à une chaleur douce, & jufqu'à leur donner
une forme folide, pour les réduire en extraits :
on les nomme quelquefois fucs épaiflis dans cet
état, comme l'opium, l'aloès, le fuc d’acacia ,
celui d’hypocifte, de prunelles > le cachou, Xextrait
de bourrache, & une foule d'autres fucs
épaiflis par la chaleur fpontanée du climat & du
foleil, ou par la température artificielle des fours,
des étuves, & c. 6°. Souvent l'extrattif, épaifli par les progrès
mêmes de la végétation, fe trouve lolide dans
les plantes. C’éft. lpécialement dans les racines,
les bois, les écorces, les feuilles ligneufes & fe-
ches , que Yextrait exifte dans cet état. Alors les
chimiftes ont imaginé d’appliquer de l'eau froide
ou chaude à ces matières végétales, & de continuer
cette application jufqu'à ce que ce liquide
fortît fans couleur & fans faveur. Cette eau , une
fois chargée de la matière extraélive , on l'évapore
à une chaleur douce jufqu'à ce qu'elle laifle
une matière fèche qui eft l’ extractif.
7°. L es-extrait s que l'on prépare en pharmacie
reçoivent de l'artifte différentes modifications,
fuivant que les mélanges divers qu'ils contiennent
font plus ou moins fufçeptibles de s'altérer ou de
refter fans altération, parce que ces préparations,
faites pour être confervées, doivent être mifes
en état de ne pas fe décompofêr fpontanémerit.
Pour cela , tous ceux qui font muqueux ou fef-
mentefcibles, font plus fortement épaiflis ou évaporés
que ceux qui font amers, & plus ou moins
réfineux : de là les formes & confiftances diverfes
qu'on donne à ces préparations > les uns font mous
& comme des miels ; les autres épais, fecs &
durs, comme le cachou, le fuc de régliffe, les
autres, en paillettes minceslèches & caftantes ,
parce que leur difîolution a été évaporée fur des
aftiettes à la chaleur d’une étuve : de là les ex-
preffions de rob , fapa, defrutum , fels ejfentiels de
Lagaraie, qui toutes n’ont que des valeurs relatives
& fouvent erronées. Il eft même utile de
faire remarquer ici que le plus grand nombre des
extraits pharmaceutiques font plus ou moins altérés
, brûlés, charbonnés par le genre même d’évaporation
forte & long-tems continuée qu’on
leur a fait éprouver, & que ceux qui ont été évaporés
lentement ont fubi par l'oxigène atmofphé-
rique un autre genre d’ altération dont je parlerai
bientôt.
8°. L’ extraftif pur eft un corps folide, lamel-
leux & tranfparent quand fa diflolution a été évaporée
en couches minces, grenues, & en maffes
opaques quand fa diflolution a été traitée en grande
quantité & par une forte évaporation ; coloré en
brun plus ou moins rouge ou foncé, d’une faveur
prefque toujours plus ou moins fenfiblement amère
, ou âcre, ou acerbe, toujours acide.
9°. Il eft fi rare que Y extraftif foit ifolé dans les
extraits, que les propriétés que je viens d’indiquer.
y font fufçeptibles d’une foule de modifications
ou de variations qui empêchent d’en décrire
les caractères d’une manière univoque. En cherchant
cependant ceux des caractères qui m’ ont
paru plus fpécialement propres à Y extradif, j'ai
trouve que fa coloration en brun, & la propriété,
d’abforber l’oxigène qui le rend indiffoluble ,
étoient ceux qui fembloient lui appartenir exclufi-
vement 5 qu’enfui-te-la faveur, la confiftance, l’altérabilité
plus ou moins forte y étoient modifiées
d’une manière très-variée, fuivant la quantité &
la nature diverfes des matières qui lui étoient unies
par la nature.
io°. 11 n'en eft pas de Y extraftif comme de la
plupart des autres matériaux immédiats des végétaux
: il a été pendant fi long-tems confondu avec
plufieurs d’entr eux, des mélanges ou combinai-
fons de quelques-uns de ces corps ont été fi long-
tems pris pour lui, qu’on n’en a point déterminé
facilement les propriétés chimiques, & qu’il m’eft
impoflîbîe de les expofer dans le même ordre ou
avec la même méthode que celle que j’ai fuivie
jufqu’ici pour les autres matériaux. J’ai, le premier
, cherché cependant à répandre quelque jour
fur cette partie de l’analyfe végétale , fi obfçure
& fi négligée jufqu’ic i, comme on peut.le voir
dans mon Examen du quinquina de Saint- Dom i ligue,
inféré dans les Annales de chimie. Depuis ,
M. Vauquelin a repris cet utile travail, & il l'a
pouffé beaucoup plus loin. Pour faire concevoir
comment il eft parvenu à déterminer la nature
chimique de Y extrait 3 je le fuivrai ici dans la férié
des obfervations & des expériences qui l’ont guidé
dans cette recherche , en faifant voir quels font
les rapports de fon travail avec ce que j’avois décrit
d’abord dans l’ouvrage cité.
1 1 ®. C ’eft en examinant la fève des arbres, que
ce
te chimifte a été conduit à la connoiflance de Vex-
traSiif. En confidérant ce principe diflous dans
l’eau de végétation, il remarque que ce liquide,
fans couleur au moment où il fort de fes canaux ,
en prend une plus ou moins brune par fon expo-
fition à l’air ; que les fucs exprimés des plantes
deviennent également bruns ou fauves par le con-
taéfc de l ’air & de la lumière ; que . pendant leur
évaporation, il fe forme à leur lurface une pellicule
brune ou rougeâtre qui febrife en flocons ÿ
qu’il fe préfente de pareils flocons bruns au milieu
de ces liqueurs ; que ce phénomène ayant lieu
également dans la préparation des extraits^ pharmaceutiques,
les flocons dont il eft queition s’y
trouvent confondus avec Y extrait deftéché, &
que c ’eft pour cela quequand on difloiit celui-ci
dans l’eau, il refte toujours une portion de matière
brune ou noirâtre qui ne fe diflout point 5
que, plus l’évaporation elt longue, plus.il y a de
points en contaét entre l’air & la liqueur extractive,
plus il fe forme de matière indiffoluble ; de
forte qu’en continuant fuccefiivement les diflolu-
tions & lés évaporations de Y extrait 3 il n’eft pas
douteux qu’on ne parvînt à rendre tout ce corps
floconeux & indiffoluble: Ces premiers faits font
d’accord entièrement avec ce que j’ai dit fur le
produit des décodtions du quinquina de Saint-
Domingue, Si de la nature de l ’mraâfi/2en général
, dont le principal caractère confiftoit, fuivant
moi, dans fon abforption d’oxigène &fon indiflo-
iubilîté qui la fuivoit.
12e*. La diflolution de tous les extraits pharmaceutiques
dans l’eau rougit la teinture de tour-
nefoi. Toute diflolution d'extrait préparé par l’évaporation
d’un fuc de plante donne, par quelques
gouttes d’ammoniaque, un.précipité brun plus
ou moins foncé, formé de.chaux & de la partie
extraétiye, devenue infoluble. L'acide fulfurique
concentré, jeté fur un extrait, en dégage une vapeur
acide très-pénétrante ,. & on en retire de
l'acide acéteux foible, ' en diftillant le mélange
d’une partie d'extrait avec une demi-partie d’acide
fulfurique étendu de quatre parties d’eau. Ainfi
les extraits; contiennent dé l’acide acéteux libre
qui rend leur faveur aigre , qui fait rougir le
tournefol, de l’acide acéteux combiné, que
l’acide fulfurique en dégage bien plus abondamment.
En mêlant avec de Y extrait délayé dans, un
peu d’eau, de la chaux vive en poudre, il s’élève
une vapeur piquante d’ammoniaque:, qu’on peut
en obtenir par la diftillation.. Si, après avoir dif-
tillé un extrait avec l’acide iulfurique pour en réparer
l’acide acéteux, on traite le refidu par l’alcool
, qui diflout Y extrait, on trouve dans le ré-
fidu du fulfate de potafle, du fulfate de chaux &
du fe!fats d’ammoniaque.
r i'3°. ll eft évidei t , d’après les faits, qu’outre
le mucilage , le corps fucré , la gélatine, les aci
des végétaux divers, la réfine , qui fe trouvent fi ;
fréquemment mêlés à Y extraftif dans les extraits
Chimie. Tome IV.
pharmaceutiques, contiennent cenftamment de
l’acide acéteux, des acétites de potafle, de chaux
& d’ammoniaque. On fait encore qu’ils tiennent
fouvent du fulfate de potafle , du muriate de potafle
, du fulfate de chaux, dont on peut déterminer
l’exiftence & la proportion en les examinant
avant de les traiter par l’acide fulfurique, 5C
en comparant la proportion de ces produits falins
à cellë1 qu’ils fourni lient aprèsT’addition de cet
acide étranger. 11 faut y ajouter encore le nitrate
de potafle, qui fe trouve fi abondamment & fi
. fréquemment dans les fucs des plantes & dans
leurs extraits. Il eft vrai qtie celui-ci paroît provenir
du terrain même où plongent les racines.
140. Ces premiers faits n’appartiennent encore
qu’aux matières qui accompagnent allez conftam-
meiît Y extraftif, & ne font pas fpécialement ca-
raêfériftiques de ce principe. En fe rappelant cependant
que ceux que je lui ai d: jà attribués font
la coloration en brun par le contaèf de l’air , la
précipitation & la réparation de l’eau en pellicules
ou en flocons colorés indiffolubles par l’ab-
forption de l’oxigène, & la précipitation des fucs
qui lés tiennent en diflolution par l’addition de
l’ammoniaque, 011 pourra reconnoître que les faits
fuivans, ajoutés à ceux-là par M. Vauquelin , conduiront
à bien diftinguer Yextractif, & à déterminer
fa nature particulière avec plus d’exa&itude qu’on
ne l’a encore fait jufqu’ici. '
1 En verfant' dans une diflolution d’extrait
quelconque une diflolution de fulfate d’alumine
dont on'a fàturé l'excès d’acide , & en faifant
bouillir quelque tems ce mélange, il fe forme
dans la liqueur un précipité floconeux très-abondant,
qui eft cômpofé d’alumine & de matière
végétale, devenue indifloluble dans l’eau : la fo-
liition d’extrait a perdu par-là toute fa couleur.
Prefque tous les fels métalliques font naître le
même effet : la diflolution d’étain furtout forme
dans celle de Y extrait un précipité brun floconeux
très-abondant, compofé d’oxide d’étain & de
Y extraftif devenu indiffoluble. L’acide muriatique
oxigené , verfé dans une diflolution d‘extrait, y
forme fur le champ un précipité jaune-foncé, &
la liqueur n’a plus enfuite qu’une légère couleur
citrine , en retenant .de l’ acide muriatique ordinaire.
; 160. En imprégnant de diflolution d’alun, ou
en alumant de la laine, du coton ou du f il, & en
les trempant enfuite dans une diflolution d "extrait
qu’on fait bouillir pendant quelque tems, ces
corps blancs fe colorent fortement en brun-fauve,
fe chargent de la plus grande partie de Y extractif,
qui fe dépofe à leur, furrace, & décolorent plus
ou moins complètement là diflolution , qu’on peut
entièrement épuifer d'extrait en répétant ou en
forçant ce procédé. On obtient* le même réfultat
abfolùment en imprégnant la Line ou le coton de
diflolution de muriate d’étain. On réuflit encore
bien mieux à feparer totalement de l’eau & à
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