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que, & forme de l’ammoniaque, comme on l’a vu
dans la diffolution d’étain ; aufii lorfqu’on jette de
la chaux vive dans une diffolution épaffe5 ou plutôt
dans le magma formé par le fer & l’acide nitrique,
même après l’avoir gardé quelque tems
dans des vaiffeaux fermés, on obtient un dégagement
plus ou moins confidérable de gaz ammoniac.
Ï02, Quand on emploie l’acide nitrique foible
& 1 e fer en morceaux, on a une diffolution d’un
vert-jaunâtre, qui devient bientôt brune } le plus
fouvent même elle eft de cette couleur : on y trouve
toujours un excès d'acide. Stahl a remarqué qu’en
mettant du y*/-dans ce nitrate ferrugineux liquide,
l ’oxide qui y étoit diffous fe précipitoit, & le fer
moins fortement oxidé en prenoit la place. En
laiffant la diffolution nitrique deƒ*/■ expofée à l’air,
ou en l'évaporant au feu , il y a précipitation
d’oxide de fer rouge. Souvent, quand on l’évapore
rapidement, elle prend la confiftance d'une gelée
rougeâtre, oui ne fe diffout qu’en partie dans l'eau,
& dont la plus grande partie fe précipite. On ne
peut jamais en obtenir de criftaux. En chauffant le
nitrate de fer dans une cornue, il fe dégage beaucoup
de vapeur rouge , de gaz nitreux , de gaz
azote & d’eau. Il réfte un oxide d'un rouge très- j
v if & brillant. La diffolution de ce fel précipite i
par la potaffe pure un oxide d’un brun-clair. Si
on met plus d’alcali qu’il n’en faut pour en opérer
la précipitation, une partie de l’oxide fe redif-
fout, & la liqueur prend une couleur brune beaucoup
plus foncée que n’étoit la diffolution. L’ammoniaque
y forme un précipité très-coloré qui fe
rapproche de l’oxide noir, & qui paffe même tout-
à-fait à cet état quand on le lèche à une chaleur
fubite & fans le conta# de l'air. On a propofé
cette précipitation pour préparer l’éthiops martial
; mais plufieurs des procédés décrits ci-deffus
font infiniment préférables à caufe de la pureté
du produit qu’ils donnent, & de la facilité de
leur exécution. Si l’ammoniaque forme un précipité
beaucoup plus coloré que les alcalis fixes
cauftiques, & s’il tire fur le noir de l’éthiops,
c ’eft aue l’alcali volatil fe décompofe & décom-
pofe l’oxide, comme je le ferai voir plus en détail
lorfqu'il fera queftion de l’a#ion des bafes
fur le fer & fur fes oxides.
• 103. On fait une précipitation regardée autrefois
comme beaucoup plus importante que les
précédéntes, en verfant du carbonate de potaffe
dans la diffolution nitrique de fer. Quoique Stahl
n’ait indiqué que le phénomène de la diffolution
qui a lieu dans ce cas , & quoiqu’on ait ignoré
complètement la caufe de cette diffolution juf-
qtfà la découverte de l’acide carbonique, ce chi-
tri le avoit recommandé cette préparation en médecine
, fous le nom de teinture martiale alcaline.
Pour l’obtenir, on verfe dans la diffolution nitrique
de fer celle du carbonate de potaffe dans l’eau,
on ajoute un excès du précipitant , & on agite
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beaucoup le mélange: on apperçoit bientôt le précipité
difparoître , & la liqueur fe. colorer en
rouge-foncé & bridant. Les auteurs ont varié fur
la préparation de cette teinture ou diffolution alcaline.
Tandis que Stahl confeille de prendre une
diffolution nitrique bien faturée, plufieurs chi-
miftes vouloient au contraire qu’on en prît une
très-peu chargée de fer. 11 eft d’obfervation que
cette diffolution réuffit mieux quand elle eft très-
rouge , que quand elle eft pâle ou fimpîement jaunâtre.
La véritable caufe de cette diffolution étant
due à l’acide carbonique dégagé de l’alcali, il
faut choifir le carbonate de potaffe bien faturé ,
étendre le mélange d’une certaine quantité d’eau
qui, en arrêtant l’acide, favorife la diffolution
du fer. Cette liqueur, expofée à l’air, fe trouble ,
fe précipite, & dépofe, furtout par le conta# de
j air , une quantité confidérable d’oxide de fer
jaune-rougeatre, qu’on nommoit autrefois fafran
de Mars apéritif de Stahl. J’ai obfervé que le car-
bonated’ammoniaque, employé pour décompofer
le nitrate de fe r , diffolvoit auflî très-abondamment
l’oxide qu'il en féparoit, & formoit une
teintureaufii belle que celle de Stahl, &qui pourvoit
la remplacer avec beaucoup davantage dans
, la pratique de la médecine.
194. L’acide nitrique tient très-foiblement à
l’oxide de fer, & le laiffe très-facilement précipiter,
comme je l’ai déjà plufieurs fois annoncé;
aufii cet acide ne diffout-il pas l’oxide de fer très-
oxidé, & s’en fert-on fouvent dans les analyfes
chimiques pour brûler complètement le fer, lem-
pêcher d’être foluble, & favorifer ainfi la diffolution
des autres oxides métalliques, ainfi que leur
féparation de celui de fer .v c’eft ce que Bergman
a particuliérement prefcrit dans l’analyfe de plufieurs
minéraux, & fpéciaiement des pierres, des
terres, des réfidus d’eaux minérales ferrugineufes.
C^eft ainfi que, dans le cas des analyfes de mines
où le fer eft dans un état d’oxidation très-avancée,
on prefcrit d’enlever les terres folubles ou les autres
oxides métalliques à l’aide de l’acide nitrique,
qui ne touche point à l’oxide de fer, & qui le
laiffe feul & ifolé ; de forte qu’on peut & le retrouver
& le diffoudre, & connoître fa proportion
par d’autres acides, comme je vais bientôt le
faire voir. L acide fulfurique décompofe le nitrate
de fer, lui enlève l’oxide de ce métal, & forme,
en s’y combinant, du fulfate de fer furoxigéné. Il
eft bien facile de voir, par la feule infpe#ion de
la diffolution nitrique, qu’elle contient l’oxide de
fer très-oxidé & beaucoup plus brûlé que le fulfate
vert : on le prouve d'ailleurs par l’addition de
la noix de galle , qui forme fur le champ un précipité
noir dans cette diffolution, & par celle du
pruffiate de potaffe qui la change en bleu pur,
dont on n’a pas befoin d’aviver Ja couleur au
moyen des autres acides ; & j ’ai déjà fait remarquer
que l’encre & le bleu de Pruffe ne prenoient
ordinairement toute Pintenfité de leur nuance qu’a-
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vec les oxides de fer très-oxidés, ou que, s’ils n*é-
toient pas parvenus à toute leur couleur > ils n’en
acquéroient le complément que par le conta# de
l’air ou par l’acide muriatique oxigèné. Puifque le
nitrate de fer donne fur le champ ces deux produits
, il faut en conclure que le fer y eft au moins
à 0.48 d’oxigène : cela eft mis hors de doute par
une obfervation que M. Vauquelin m’a communiquée
fur l'a#ion fpontanée de l’acide nitrique &
de l’oxide de fer. L’acide nitrique concentré, verfé
fur de l’oxide de fer, provenant de la décompofition
de l’eau , avoit été laiffé en conta# pendant plufieurs
mois fans qu’il parût y avoir entr’eux d’action
bien marquée ; cependant l’acide nitrique,
fans avoir perdu fon acidité, étoit très-adouci,
& avoit une „faveur atramentaire très - fenfible.
M. Vauquelin fut fort étonné en remuant la liqueur
qui avoit une couleur brune, d’y voir plufieurs
gros criftaux, dont le moindre pefoit plus
de quatre grammes. Ces criftaux étoient blancs &
tranfparens; cependant en les regardant par ré^
fra#ion , ils avoient une légère teinte violette,
& par réfra#ion ils paroiffoient d’un gris de perle,
& comme s’il y avoit eu un peu d’oxide d’étain
entre leurs lames : leur forme étoit un prifme carré,
terminé par un bifeau.
Ce nitrate de fer étoit fort déliquefcent, d’une
faveur piquante & atramentaire. En le jetant
dans l ’eau, il eft devenu rouge, & fa diffolution
tiroit également fur cette couleur: elle a été précipitée
en rouge par l’ammoniaque & par le carbonate
de potaffe j elle a donné fur le champ un très-
beau bleu de Pruffe par le prufliate de potaffe.
Ces phénomènes prouvent que l’acide nitrique
a de l’affinité avec l’oxide de fer noir ; qu’il s’y
unit jufqu’ à faturation lorfque la température n’eft
pas trop élevée , & que cette combinaifon eft
fufeeptible de criftallifation comme de quelque
permanence. L’oxide de fer y eft néanmoins à fon
maximum d’oxidation, puifqu’il en eft précipité
en rouge par l’ammoniaque & le carbonate de
potaffe, & en bleu par le pruffiate de potaffe.
■ io j. Malgré la vive a#ion qui a lieu entre le
fer & l’acide nitrique, j’ai déjà annoncé qu’on
pouvoit la modérer tellement en ajoutant beaucoup
d’eau à cet acide, ou en n’en mêlant que
très-peu dans une grande quantité d’eau , que le
métal ne fait alors que paffer à l’état d’oxide noir,
& qu& c ’étoit un procédé dont quelques auteurs
s’étoient fervis pour préparer l ’éthiops martial.
M. Darcet, dans un rapport fait en 1779 à la fo-
ciété de médecine, a indiqué l’invention de ce
moyen , comme due à Croharé, alors apothicaire
à Paris; & ledo#eur Ingenhousz, qui l’a communiqué
en 1797 à un pharmacien de Bruxelles >
ignoroit fans doute qu’il eût été pratiqué plus de
vingt ans auparavant dans des laboratoires de pharmacie
de Paris. Frédéric Hoffmann a propofé de fe
fervir du nitrate de fer évaporé à ficcité pour en
obtenir par la diftillation de l’efprit de nitre, comme
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on l’appeloit alors , très-fort & très-rutilant. Il eft
utile encore à l’hiftoire de la fcience de remarquer
ici que la diffolution de fer dans l'acide nitrique a
été pour Mayow, à la fin du dix-feptième fiècle ,
& pour Haies prefqu’au commencement du dix-
huitième, l’occafîon de deux découve:tes capitales
, qui n’ ont pas germé parmi leurs contemporains,
mais qui étoient comme les premières lueurs
de la révolution que la chimie devoit éprouver,
près d’un fiècle après la première de ces époques,
par l’examen des fluides élaftiques. Mayow remarqua
, en faifant cette diffolution dans un appareil
finguliérement analogue à ceux dont fe font
fervis, près de cent ans après Prieftley, & Lavoifier,
que, malgré le dégagement d’une vapeur, il y
avoit condenfation & diminution fenfible dans
l’air de fon appareil. Haies , en faifant agir l'eau-
forte fur un fulfure de fer ou une pyrite de Sméa-
thon , obtint un fluide qui devint rouge en fe mêlant
à l ’air ; & quoiqu’il n’ait pas véritablement
diftingué le gaz nitreux, il eft évident qu’il en
a fait la première découverte. Enfin, quelques chi-
miftes modernes ont cru que le fer oxidé par l’acide
nitrique prenoit les câra#ères d’un acide particulier.
Mais aucun fait exa# n’a encore prouvé
cette affertion, & l’on 11e doit la regarder que
comme un apperçu.
106. Le fer, qui n’attaque & ne décompofe pas
plus l’acide muriatique que ne le font toutes les
autres fubftances métalliques , éprouve cependant
. une forte & prompte altération dans le gaz acide
muriatique, à raifon de l’eau que ce gaz tient toujours
en diifolution. On voit la limaille de fer noircir
d’abord, paffer enfuite à l’état d’oxide rougeâtre
, fouvent mouillé de petites gouttes de liqueur
verte. Le gaz augmente un peu de volume,
fe trouve mêlé de gaz hydrogène, preuve que
l’eau qui y étoit diffoute eft décompofée par le fer.
Lorfque l’acide muriatique eft en entier abforbé
par le fer oxidé, le gaz hydrogène, produit de
cette a#ion, remplit feul la cloche où elle a lieu.
Si à cette époque on y fait paffer un peu d’eau ,
celle-ci fe colore en vert & diffout du muriate de
fer, au fond duquel on trouve de l’oxide noir de
ce métal. Un peu d’acide muriatique dans beaucoup
d'eau favorile finguliérement le changement
du fer en oxide noir , & par conféquent accélère
la formation de l’éthiops martial de Lémery.
107. L ’acide muriatique liquide attaque ou pa-
roît attaquer d’autant plus rapidement le fer, qu’ il
eft moins denfe ou moins concentré ; il s’établit,
dès le premier conta# de ces fubftances , une vive
& bruyante effervefcence, produite par le dégagement
d’ une grande quantité de gaz hydrogène,-
dû à l’eau qui étend ou délaye l'acide ; le fer, agité’
dans la liqueur, paroît comme une pouffière noire :
s’il contient du carbone , il refte, après fa diffolution,
un peu de pouffière de carbure de fer très-
noire. L'acier laiffe même dans cette opération ,
quand on la fait doucement, un fragment ou quel