
cette addition une grande quantité de terre blanche,
très-divifée, qu’on nommoit autrefois très-
improprement magnifie du nitre, & qui eft un mélange
de carbonate de chaux & de carbonate de
magnéfie. Si l’on vouloir avoir la magnifie pure
de ces eaux 3 il faudroit les précipiter par Veau de
chaux.
On n’emploie plus les eaux mères du nitre;, quoiqu’on
puifle s’en fervir pour extraire de la magnéfie
, & pour en convertir les nitrates terreux en
nitrate alcalin. ( JjpÈg les articles Salpêtre &
NiTRATE DE POTASSE. )
Eaux mères du sel marin. Toutes les dif-
folutions naturelles de Tel marin biffent après la
criftallifation du fe l, opérée par l’évaporation ,
une eau épaiffe qui ne eriftall-ife plus & qui contient
des muriates terreux déliquefcens. Autrefois
cette efpèce d‘eau mère n’étoit point employée :
aujourd’hui elle fert à la fabrication du lel ammoniaque
, dans quelques ateliers où l’on prépare
ce fel. On la précipite par le carbonate d’ammoniaque
extrait des fubftances animales par la diftilla-
tion , & l’on évapore enfuite la diffolution pour
en fubümer le réfidu. ( Voyei les mots Eau de
mer & Muriates.)
Eaux minérales, i . On pourroitranger parmi
les eaux minérales toutes les eaux qui , filtrant à
"travers les couches de fofirles, ou fé'journant entre
les couches terreufes , falines & métalliques ,.
doivent diffoudre quelques-unes de cës fubftances,
& fouvent plufîeurs à la fois , quoiqu’en très-petite
quantité. Mais comme le nom à-eaux minérales
fe- confond fouvent avec celui d'eaux médicinales ,
parce que e’eft fpécialement au traitement des
maladies que ces liquides-font confacrés , on conçoit
bien qu’on ne range parmi les eaux que
celles qui ont affez de principes pour produire un
effet fenfible fur l’économie animale. On ne dr©it
pas ignorer cependant que quelques eaux na turelles
qui ne contiennent prefqué que du calorique en
excès , ou eaux thermales , & qui ne préfentent
d’ailleurs ptefqu’aucune matière foffrle en diffolu-
tion , font placées parmi les eaux minérales, parce
qu’elles ont une action très-marquée fur les hommes
, & une influence bien reconnue fur la guéri-
traverfenton quelles touchent fuivant leurs divers
degrés de diffolubilité j qu’elles doivent s’en charger
fon de leurs maladies.
2. Il eft facile de comprendre que Veau qui def- ■
cend des montagnes , qui s’en; précipite avec vite
ffe fous la forme de torrens, qui coule en maffe
dans les fleuves & les rivières , & furtout que les
eaux qui fe filtrent peu à peu dans les cavités fou-
rerraines , qui parcourent lentement les lits de la
terre, & qui, trouvant des couches d’argile dont
elles ne peuvent pas pénétrer l’ëpaiffeur * repa-
roiffent à la furface du fol / où elles forment les
fources & les ruiffeaux, doivent diffoudre dans
leur trajet les diverses matières falines qu’elles
d’autant plus & d’un nombre d’efpèces d’autant
plus confidérable, qu’elles parcourent plife
; de terrain , qu’elles y féjoument plus long-tenisj
que, fuivant ladiverfité des cou eh es falines quelles
pénètrent, & des fels qu’elles trouvent dans leur
chemin, elles doivent opérer entre eux diverfes
réactions & décompofitrons.
3. L’art de reconnoître ces différens fels diffous
par les eaux y d’en eftimer la proportion, eft un
des travaux les plus difficiles qu’on puifle fe pro-
pofer en chimie. Il exige qu’on connoiffe parfaitement
les propriétés caraéfériftiques de toutes les
fubftances falines, qu’on poffède bien-les notions
exaéles de leur aâsion réciproque pour ne point
admettre fimultanément, comme on Ta fait fi fou-
vent , des fels qui fe détruifent les uns par les
! autres, & qui ne peuvent pas fubfifter enfemble
dans la même diffolution. IL demande une grande
: fàgacité & une grande fineffe dans le chimi-fte,
foie à caufe de la multiplicité des principes qui
exiftent dans ces liquides, foit en raifon de la pe-
. rite quantité de chacun de ceux qui y font diffous.
Souvent, d’après la remarque de Bergman , la
. fomme des falins diffous dans une eau ne paffe pas
7^30 de fon poids, & cependant elle fe trouve
compofée de fîx ou huit fubftances différentes}
de forte que quelques-unes d’entr’elles peuvent
fort bien ne pas aller au-delà de 7—050« ^
4. Quoique les matières falines conftitirent les
principes minéralifateurs les plus fréquens , les
plus1 abondons, les plus aétifs des eaux 3 elles y
font fouvent accompagnées d’autres corps qu’il
faut y reconnoître en même te ms, & dont lapré-
fence complique finguliérèment leur nature & leur
analyfe. On a donc raifon de regarder cetre branche
de la chimie comme une des plus difficiles, &
comme celle qui demande , dans ceux qui s’y li-
'vrent, les lumières les plus étendues' & les plus
grandes feffources dans l’efprit. Quoique je ne
doive pas me propofer d'e traiter ici-des è'dux minérales
avec tous les développertiens qu’elles exi-
geroient fi l’on vouloit les eonnoître' dans tout
leur enfemble, l’objet eft cependant fi important,
il eft de nature à offrir un réfumé fi utile des propriétés
dés-matières falines , qu’il m’a paru nécef-
faire de confaci-er quelques détails méthodiques à
cette expofition. En conféquenceyje traiceraf dans
fix paragraphes fucceflifs, i°. de l’hiftoire des principales
découvertes qui concernent les 'eaux minérales
; 20* des matériaux falins qu’on y* trouve, en
y joignant une efquiffe rapide des corps non-falins
qui s’y rencontrent en même tems ; 3®. dé la claf-
fification des eaux minérales d’après ces matériaux $
4°. des réaétifs qui peuvent les déceler, & des
moyens d’employer ces réaétifs aveefruitj J 6. d«’
l’analyfe par l’évaporation 5 6°. enfin de leur fyn-
thèfe ou de la fabrication artificielle des edax minérales,.
§. Ier. Des époques des principales découvertes
relatives aux eaux minérales.
r. Les hommes ont d’abord diftingué les eaux
par leur faveur : bientôt leurs divers effets dans les
arcs & les befoins de la vie ont» fait découvrir
leurs principales qualités, quoiqu’on ait ignore
long - tems à quelles fubftances ces différences
étoient dues. Hippocrate louoit les eaux limpides,
légères', inodores & infîpides5 il rejetoit les dures,
les falées , les alumineufes, celles des lacs & des
étangs. Pline diftinguoit les eaux nitretifes., les acidulés,
les faléesles alumineuf s , celles chargée-s
de foufre, de fer ou de bitume : il les divifoit
encore en falubres, médicinales, vénéneufes, en
froides, tièdes & chaudes ; il rejetoit celles' qui
ne pouvoient pas cuire les légumes, qui laiffoient
un enduit dans les vafes où elles bouilloient, qui
enivroient y il confeilloit de corriger les mauvaises
eaux en les reduifant à moitié par le feu 5 mais
ces notions , quoiqu’affez exaéfces, n’étoient fondées
que fur des effets obfervés, & non fur la
çonnoiffance des principes des eaux. C’eft un trait
bien frappant dans l’hiftoire de l’efprit humain,
que P antiquité ait entièrement ignoré l’art de déco
mpofer les corps, & que les connoifiances,
ainfi que les inftrumens chimiques, lui aient entièrement
manqué.
. 6. Avant le commencement du dix-feptième
fiècle, on ne trouve dans l’hiftoire de la chimie
rien qui ait aucun rapport avec l’art d’analyfer les
eaux.
André Baccius, le premier qui ait traité des
eaux exprofejfo en 1596 , ne dit pas un feul mot
d’expériences fur leur décompofition.
A peu près à la même époque, Tabernæ-Mon-
tanus ou Jean Théo do fe n’en parle pas davantage
dans fon Enumération des eaux de £ Allemagne.
Boyle, en 1663 , a parlé de quelques réaétifs 8c
de leurs effets fur les eaux 3 furtout par rapport à
l ’aétion des acides & des alcalis fur les couleurs
bleues végétales 5 il a connu la précipitation des
difloliLtions d’argent & de mercure.par l’alcali,
-par l’acide muriatique ; la coloration dorée ,de
l’argent par les eaux fulfureufes.
Duclos, dès iééy , entreprit l ’analyfe des eaux
minérales de la France dans le fein de l’Académie
-des fciences : il employa la noix de galle, le ful-
fate de fer & le tourneîbl comme réaétifs y il commença
à examiner les réfidus des eaux évaporées.
En 1680, Urbain Hierne publia fur les eaux de
•Suède des effais qui ne font pas fans mérite : il
diftingua furtout les eaux acidulés de Medvi, &
en lit adopter l’ ufage ; il donna quelques obfer-
vations critiques & utiles fur les réaüifs qu’on
commençoit à employer.
Boyle a donné en iyS-y de nouveaux préceptes
■ pour reconnoître les principes des eaux : il pro-
•pofa le fulfiïre ammoniacal ou fa liqueur fumante,
des diffolutions de nitre, de fel mgrin, de murigte
d’ammoniaque, d’acétite de plomb, l’acide nitrique
, l’acide muriatique & l’ammoniaque.
7. Dans les premières années du dix-huitième
fiècle, l’analyfe des eaux fit de nouveaux progrès.
Régis & Didier employèrent les fleurs de mauve
pour reconnoître les acides & les alcalis 5 Boulduc,
Veau de chaux y Burlet, l’alun , le papier de tour-
nefol. Les procédés analytiques reçurent alors
I de grandes améliorations. Geoffroy (ubftitua, ea
1707, à la diftidation l ’évaporation des eaux dans
des capfules de verre évafées ; en 1726 & 1727,
Boulduc confeilla deféparer les matières dépofées
ou criftallifées à diverfes époques de l’évaporation,
de précipiter les eaux par l’alcool pour, en
eonnoître la nature avant de les faire évaporer.
De cette époque jufqu’au milieu du dix-huitième
fiècle, on a encore multiplié les réaétifs; mais les
conféquences qu’on a tirets de leurs effets ont
long-tems été incertaines & erronées.
8. Pendant les teins cités, les opinions fur les
principes des eaux ont été très-inexa&es. Paracelfe
y admit une terre particulière, les fels & les métaux
en général. En 1699, Legivre attribuoit leur
qualité acidulé à l’ alun, que Duclos y a nié : ce
dernier y foupçonna le fulfate de chaux, qu’Allen
y montra le premier en 17 1 1 , fous le nom de fé-
lénite. Hierne découvrit la fou de, qu’on nommoit
nitre en 1682 : Hoffman & Boulduc ont confirmé
cette découverte. Lifter, aufli en 1682, trouva la
chaux dans les eaux ; Leroi, le muriate de chaux
en 1754y Home, le nitrate calcaire en 175-65 Mar-
graff, le muriate de magnéfie en 1759 î & Black a
fait eonnoître la vraie nature du fulfate de magnéfie,
fur lequel Grew avoir écrit un petit ouvrage
en 1696, & qui étoit déjà connu fous le nom de
fel cathartique amer à ans les eaux d’Epfom, d’Egra,
de Sedlitz &:deSeidfchutz. On difeutalonguement
fur la préfence du fulfate de fer, que les uns di~
foient exifter prefque.dans toutes les eaux y & auquel
d’autres fubftituèrent une prétendue mine
de fer fubtile, l’ ame de ce métal, un vitriol volatil,
&c.
9. Au commencement du dix-feptième fiècle ,
les eaux fpiritueufes n’excitèrent pas moins de dif-
cuflîon parmi les chimiftes. Hoffman y admit un
acide volatil, & facile à (è diflîper : il y admit en
même tems de l’alcali que d’autres nièrent, parce
qu’ils rega-rdoie-nt cet alcali comme produit nécef-
faire du feu. Henckel croyoit que cet alcali pro-
. venoit du fel marin, fans pouvoir expliquer comment
il perdoit fon acide. Le do été ur Seip, attribuant
cette acidité des eaux à un efprit fulfureux
qu’on pouvoir en obtenir par la diftillation , expliquait
leur changement à l’air par fon union avec
l’alcali, qui ne pouvoit avoir lieu que par fon çon-
taéf, & non dans les conduits fouterrains. En 1748,
le doéteur Springsfeld regarda l’air comme la caufe
de la diffolution des principes falins & terreux
dans l’eau, principes qui s’en dépofoient à mefure
que l’air s’évaporoit. Cette opinion fut fortement
D d 2.