eft pas très-adhérente, & que la feule chaleur de
l'air au deflus de ij degrés fuffit pour l'en réparer
, à la vérité à l'aide du tenus.
I I I . De raftion de F eau.
m Aucun deseffais faits fur la matière graffe des
corps enfouis en maffe dans la terre ne nous a
plus étonnés d’abord, que la manière dont elle s’eft
comportée avec l’eau. Les idées que fes propriétés
extérieures failoient naître fur fa nature,
ne nous indiquoient en aucune manière ce qu’elle
devoit éprouver de la part-de ce fluide. Nous fumes
fort furpris de voir que, délayée dans un
mortier de verre avec un peu d’eau , elle s’ y
mêloic très-facilement, 8c formoit une efpèce de
magma ou pâte molle & uniforme. En ajoutant de
l’eau, il en rélulta une liqueur opaque, femblable
à une eau de favon qui mouffoit de la même manière
, & dans laquelle on obfervoit des efpèces
de ftries brillances 8c fatinées. L’eau de puits n’a
pas mieux diffous cette matière, qu’elle ne diftout
le favon ordinaire 5 elle l’a changée, comme celui
ci, en grumeaux blancs &c indiflolubles ; enfin
la diffolution dans l’eau diftillée étoit décompofée
par les acides, par l’eau de chaux 8c par les fels
métalliques, comme l’eft l’eau de favon.
»Une once de cette matière grade ayant été mêlée
avec huit onces d’eau diftillée froide, nous a
donné un liquide épais d’une denlïté égale dans
tous fes points, & qui mouffoit fortement. On
a pris une demi-once de cette liqueur, on l’a
étendue avec deux livres d’eau diftillée, fans qne
ce mélange devînt tranfparent, même par l’ébullition
de l’eau. On a jeté fur un filtre de papier
les fept onces 8c demie reliantes après cette première
expérience ; il a paffé très-lentement une liqueur
rouffe dont on n’a pu recueillir qu’une once
& demie en cinq heures : on reconnoît ici une
diffolution favoneufe épaiffe* Cette liqueur filtrée
étoit d’une confiftance lin peu mucilagineufe,
d'une grande fétidité, chargée de ftries fatinées,
comme dans le premier effai. Traitée avec la diffolution
nitrique de mercure , elle a donné un
précipité d’abord jaunâtre, qui a pris peu,a peu
une couleur gris-de-lin : la liqueur furnageance eft
devenue d'un rouge-pourpre, & cette couleur
ne s’eft altérée qa’après plufieurs mois d’expo-
firion à l’air. Les cbimiftes faveur qu’on obferve
une pareille nuance dans un grand nombre de fubf-
tancê s animales traitées par l’acide nitrique.
» Comrre cette expérience pouvoir répandre
beaucoup de jour fur la nature de la matière
graffe , nous avons cru devoir la fuivre avec foin
fur une plus grande quantité de cette matière.
On .en a délayé deux livres dans une terrine de
grès , à l’aide d’un pilon de bois , & en y verfant
peu à peu huit livres d’eau diftillée. Le mélange
eft devenu épais & laiteux : on y appercevoit des
flocons précipités ; pour les féparcr, on.s’eftffeivi
d’un tamis de crin & d’une fpatule de bois 5 la liqueur
qui a paffé, étoit blanche, opaque , de la
confiftance d’un firop. Il eft refté fur le tamis une
matière tenace 8c fibreufe, qu’on a lavée avec de
l’eau diftillée, jufqu’àce que celle-ci fortît claire.
Le tiffu fibreux bien lavé, parut diminuer de volume,
& avoit la forme des fibres mufculaires :
on y trouva quelques fragmens d’os de foetus , 8c
une portion de peau, qu’ on enleva. Le tiffu fibreux
, ainfi privé de ces corps étrangers , pe-
foit fept gros. La diffolution, mêlée avec l’eau
du lavage de la fibre, mouffoit aufll fortement
qu’une eau de favon. Il s’eft formé à fa furface
une pellicule épaiffe, qui paroiftoit compofée de
fibres bianches divifées. Cette liqueur trouble a
été jetée fur des filtres de papier bien lavé auparavant
avec de l’eau diftillée 5 elle a paffé lentement
en gouttes jaunes-brunâtres. En trente-fix
heures on a recueilli environ quatre livres & demie
de cette liqueur. Elle étoit filante comme du blanc
d’oeuf, graffe ou douce au toucher : on y voyoit
nager des ftries foyeufes 8c fatinées. On a paffé,
fur le réfidu contenu dans les filtres, feize autres
livres d’eau diftillée froide , 8c les vingt-quatre
livres de liquide produit par cette leftive ont
été évaporées dans une capfule de verre au bain
de fable. Dès que cette liqueur a. été chaude à environ
40 degrés, il s’eft formé un peu d’écume
à fa furface : fa couleur rouge-fale a été détruite ;
elle s’-eft troublée le haut de la-capfule s’eft recouvert,
à mefure que l’évaporation avoit lieu,
d’un enduit brun femblable à un extrait de viande.
Il s’exhaloit une odeur, fade, analogue à celle que
répand la cuiffon de toutes les fubftances animales
blanches & membranenfes. Lorfque les vingt-quatre
livres ont été réduiras à quatre onces , la liqueur
étoit brune, Se toujours de la confiftance
de firop clair : on a laiffé refroidir cette liqueur;
au bout de quatre jours, on y a trouvé des criftaux
rhombçidnux fiilis par l’extrait brun, que j’alcool
ne nétoyoit point, mais qu’.on eft parvenu à blanchir
avec un peu d’eau. Ces criftaux étoient un
mélange de phofphate ammoniacal 8c de phof-
phate de Coude, ils pefaient trente-fept grains :
on p e u t e f t imer à quarante grains c e q u i s \ tî trouvait
dans ces vingt-quatre livres de ietlive. On
voit donc, par cette expérience , q u e c e t t e matière
..graffe contient une fubftan.ee e x t r a c t i v e en
quantité inappréciable, des phofphates de fonde 8c d’ammoniaque en petite quantité , 8c une combinai
fon favoneufe d’une huile concrefcible a v e c
l’ammoniaque. - ,
» Mais ces vingt-quatre livres d’eau diftillée n’a-
voient point diffous les deux livres de gras employé
pour cette leflive. Une grande partie de ce
corps a été laiffée pendant un mois fur les filtres.
Il étoit encore humide, gris à.fa furface expofçe
à l'air,'& rofé dans l’intérieur. Quoique lt lefliye
.,évaporé.e n’ait .pas donné .deux gros d’extrait .8c
de i’e l ,. ce réfidu ne. pefoit que neuf onces, {k
contenoit encore beaucoup d’eau : on voit, d’après
cela, combien cetre matière graffe contient
d’eau. Le réfidu confervoit une odeur .très-fétide. .
On en a fait fondre quatre onces à feu nu dans un
vafe de porcelaine ; il a exhalé une forte odeur
d’ammoniaque, il s’eft durci en fe refroidiffant,
il eft même devenu fenfiblement caffant. En l ’ap- j
prochant de la flamme d’une bougie, il s’eft al- -
Jumé, & a continué de-bruier avec plus d’éclat que
ne lé fait le gras pur & non leftive.
» Cette expérience, fui vie dans tous fes détails, ,
nous embarraffoit autant qu’elle nous éclaircit. En
effet, fi le gras n etoit qu’un favon ammoniacal,
comme nous l’avions déjà apperçu par d’autres
effais, pourquoi, paioiffant fe ramollir & fe dif-
foudre fi facilement dans l’eau, la leftive que nous
en avions faite avoit-elle donné., par l’évaporation
, un réfidu fi peu abondant îk fi éloigné de ;
Ja nature favoneufe? Pourquoi l’évapctation de !
vingt-quatre livres d’une pareille diffolution , qui 1
avoit duré plufieurs jours de fuite, n’avoit-elle
exhalé qu’une odeur fade de bouillon, & point
celle de l’ammoniaque ?: .8c furtout pourquoi un
réfidu qui a perdu vingt-trois onces , tandis que
l’évaporation de fa leftive ne donne qu’un demi-
gros ? Ces queftions , préfentées de cette manière,
femblent être très-difficiles à réfoudre, 8c nous ne les plaçons ici que parce que les difficultés
qu’elles font naître, fe font offertes à nous
-à cette époque de nos-recherches. Nous retraçons '
au ie&eur l’ ordre des idées que nous avons ,eues
dans nos travaux, 8c nous l’affocions pour ainfi
dire à notre marche. Nous continuerons donc à
décrire la fuite de nos expériences avant dé faire
connaîtreles vraies caufes de ces effets fi finguliers
en apparence.
» Il nous reftoit cinq onces de matière graffe,
déjà traitée par vingt-quatre livres d’eau diftillée
froide, 8c qui n’avoit point été altérée par la
fufion. On l’a délayée avec huit livres d’eau diftillée
froide, & on a pris le parti de faire bouillir le :
mélange pour en faciliter l ’aétion diffolvante.
Quoique cette matière fe foit ramollie & prefque
diffoute dans l’eau comme la première fois, la lef- ;
five ne s’eft filtrée que très-lentement," & avec
moins de couleur que la première : fon évaporation
a préfenté les mêmes caractères, odeur fade
animale 8c non ammoniacale, extrait brun, phofphates,
mais moins abondans & inappréciables.
Il eft refté fur le filtre un réfidu très-volumineux,,
très-léger, gris à fa furface, rougeâtre à l’intérieur
, également fufible au feu, exhalant beau-
boup d’ammoniaque, fe délayant dans l’eau.
« Enfin, pour ne rien laiffer à defirer fur cet
objet, ndus voulûmes voir fi une proportion d’eau
beaucoup plus grande ne diffoudroit pas cette matière
favoneufe. Un gros de matière graffe a été
traité avec quatre livres d’eau diftillée froide. La
liqueur a pris une confiftance remarquable : on n’a
pu la filtrer qu’avec beaucoup de difficultés 3
quoique nous ayons augmenté la proportion de
l’eau à un tel point, en étendant une fraérion de
la liqueur favonnaufe, que le favon ne fai foit
plus ^ d u mélange, nous n’avons eu ni une
vraie diffolution claire ni une liqueur homogène,
mais un fluide chargé de ftries brillantes, qui fe
raffembloient en flocons très-di viles fur le filtre,
& qui ne paffoit point avec l’eau par le papier.
Cette obfervation, faite avec toute l’attention dont
nous étions capables, nous fit per. fer que le favoii
ammoniacal animal que nous examinions, n’étoit
pas véritablement diffolub.le dans l ’eau ; mais elle
nous engagea en même tems à examiner l’adtion
de l’eau fur le favon ordinaire. Nous fumes bientôt
convaincus par notre expérience, qu’il-en étoit ab-
, folument de même de celui-ci ; nous eûmes abfo-
1 liment les mêmes phénomènes qu’avec notre favon
animal. Jamais une diffolution de favon , queJqu’é-
tendue d’eau qu’elie fût, neipaffaque très-lentement
par le filtre, 8c le favon , féparé par le-papier
, refta fur le filtre en une bouillie , qui feulement
. n’étoit pas fi voiumineufe que la matière
graffe des cadavres. Ayant examine l’eau de favon
filtrée claire à l’aide de trois papiers mis les uns
fur les autres, nous reconnûmes qu’elle ne tenoit
pas de favon en diffolution, mais un peu de mucilage
ou de principe doux des huiles, découvert
par Schéele, & une petite quantité de fels neutres,
introduits fans-doute dans le favon avec la
; foude qu’on emploie impure dans l’art du favon-
nier.
» Nous croyons donc pouvoir affurer que le
favon n’eft pas véritablement diftbluble dans l’eau ,
que l’eau de favon n’eft pas une diffolution chimique
de ce corps, 8c qu’on ne doit la confidérer
que comme du favon divifé en ftries, qui retiennent
de l’eau entre leurs furfaces; c’eft, en un mot,
beaucoup plutôt de l’eau abforbëe par du favon,
que du favon diffous dans ce fluide. Auffi jamais
une eau de favon n’ eft-elle tranfparente que lorfque
le favon s’en fépare ou eft decompofé. Cette
digreflkm , qui nous paroît très-propré à redlifier
les idées fur un objetaffezintéreffant par lui même,
pour l ’intelligence des phénomènes chimiques,
étoit néceffaire pour détruire les difficultés qui
nous avoient d’abord furpris dans cette analyfe , 8c pour répondre aux queftions que nous nous
fommes propofées. La matière graffe des cadavres
n’eft pas difî'ohible dans l’eau; elle l’abforbe feulement
avec tant d’adfeivité, elle y adhère tellement,
qu’elle en retient toujours une grande quantité
, qu’elle augmente singulièrement de volume
par fon contadt. Cette adhérence rend l’eau épaiffe 8c vifqueufe ; elle l’empêche de paflèr à travers
les pores du papier : ce n’eft qu’à l’aide de beaucoup
de tems 8c de la pefanteur, que la partie ds
l’eau, la moins adhérente aux molécules du favon,
paffe par les filtres, en entraînant les fels qui y
font vraiment diffolubles î une partie de ce fluide
eft retenue par le favon animal, & la chaleur etl