
Quoique l’or puiffe être., 8c Toit véritablement
appliqué fur des métaux, des pierres, des verres,
des bois, des cornes, des os , des cartons , des
papiers, des tiffus de coton, de lin, de foie, &
en général fur la plupart des corps des trois règnes ;
quoique cette application foit faite par des procédés
affez différens fuivant la nature de ces corps,
il efl cependant vrai que la dorure en général tient
a l’attraéfion ou à la cohélion du métal avec les
corps quelconques fur lefquels on l’applique.
- Cet art conhfte en général à faire adhérer une
couche, une lame ou une feuille d’or, plus ou
moins mince, à la furface de plufieurs corps, de
manière que celle-ci foit bien recouverte, & qu’en
prenant l'apparence entière de ce métafprécieux,
elle en prenne aufliles caractères, l’inaltérabilité,
la durabilité & la beauté. On fe fert pour cela
d’or battu ou d’or divifé par des procédés chimiques.
Voici quelques notions fur les procédés 8c les
efpèces de dorure les plus ufîtés.
Dorure a l’huile. On dore à l’huile les fur*
faces de plâtre, de bois 8c de plomb ; on applique
avec le pinceau la matière graffe 8c gluante, nommée
or de couleury fur l’ouvrage encollé ou blanchi
; on laide fécher affez pour que cet enduit
afpire & retienne l’or. On l’y place en feuilles ;
on l’attache avec un pinceau à poil doux, & on
le ramende. On fe fert de ce genre de dorure pour
les furfaces expofées à l’air, les dômes 8c murs
des grands monumens.
Dorure au feu ou sur métaux. Il y a
trois manières de dorer au feu , favoir : en or
moulu, en or Amplement en feuille, & en or
haché.
La dorufe d*or moulu ou vermeil doré fe fait avec
de l ’or amalgamé avec le mercure dans une certaine
proportion, qui eft d’une once de vif-argent
fur un gros d’or.
Pour cette opération, on commence par faire ;
rougir le creufet : on y met l’or 8c le vif-argent,
que l’on remue doucement avec un crochet, juf-
qu’à ce qu’on s’apperçoive que l’or foit fondu &
incorporé au vif-argent j enfuite on les jette, ainfi
unis enfemble, dans de l’eau pour les laver. Pour
préparer le métal à recevoir l’o r , il faut le dé-
craffer avec de l’eau-forte affoiblie : cette opération
s’appelle dérocher ou décaper. Le métal étant
bien déroché, on le couvre de ce mélange d’or
tz de vif-argent, en l’étendant le plus également
poffible} on le met au feu fur la grille a dorer, ou
dans \e panier a dorer, au deffous defquels eft une
poêle pleine de feu. La grille à dorer eft un petit
treillis de fil d’archal, dont on couvre la poêle »
& fur lequel on pofe les ouvrages que l’on dore $
le panier à dorer ne diffère de la grille qu’en ce
qu il eft concave & enfoncé de quelques pouces.
Pour conferyer cet ouvrage plus Jong-tems, les
doreurs le frottent avec du mercure 8c de l’eau-
forte, & le dorent de'nouveau de la même manière
; ils réitèrent cette opération plufieurs fois,
pour que l’or qui couvre le métal foit d’une épaif-
feur convenable. .Quand l'ouvrage eft dans cet
état, on le finit avec la gratte - b rojfe , qui eft une
broffe faite de petits fils de laiton, puis on le met
en couleur.
Pour préparer les métaux à recevoir la dorure
d’or en feuille, on commence par les gratter avec
le grateau, qui eft un fer acéré à quatre carres
tranchantes. Quand le métal eft bien gratté, on le
polit avec le poliffoire de fer acéré j enfuite on
chauffe le métal : cette opération s’appelle bleuir.
Lorfqu’il eft affez chaud, on y applique la première
couche d’or en feuilles, que l’on ravale
légèrement avec un brunîffoin Cette aétion con-
fifte à preffer contre la pince, avec cet inftrument,
les feuilles qu’on y a appliquées. On ne donne
pour l’ordinaire-que trois ou quatre couches d'une
feule feuille d’or dans les ouvrages communs, 8c
de deux feuilles dans les beaux ouvrages : on ra~
y ale, 8c enfuite on remet l’ouvrage au feu 5 ce qui
s’appelle recuire. Après la dernière couche, l’or
eft en état d’être bruni avec le bruniffoir de fan-
guine, appelé pierre a dorer,
La dorure d’or haché fe fait avec des feuilles
d’o r , comme la précédente j mais elle en diffère
en deux points effentiels.
^ Quand le métal a été gratté & poli, on y pratique
un grand nombre de petites hachures, dans
tous les fens, avec le couteau à hacher : ce font
ces hachures que l’on fait fur les métaux avant
d’y appliquer l’or , qui ont fait nommer cette dorure
or haché.
Pour la dorure hachée , il faut jufqu’à dix ou
douze couches, à deux feuilles d’or par chaque
couche. Cette grande quantité d’or eft néceffaire
pour couvrir les hachures > mais la dorure qui en
réfulte eft beaucoup plus belle 8c plus folide.
On fait encore une très-jolie dorüre_ fur les
métaux, 8c particuliérement fur l’argent. On met
diffoudre de l’or dans l’eau régale 5 on imbibe des
linges dans cette diffolution d’or, on les fait brûler
, & on en garde là cendre. Lorfqû’elle eft appliquée
avec de l’eau, 8c au moyen du frottement
à jâ furface de l ’argent , elle y dépofe les molécules
d or qu’elle contient, 8c qui y adhèrent très-bien.
On lave la feuille d’argent pour enlever la partie
terreufe de la cendre 5 l’argent en cet état lie
paroit prefque point doré,, mais quand on le brunit
avec la pierre fanguine, il prend une couleur
d’or très-belle.
On applique aufli l’or fur des criftaux, des porcelaines
8c autres matières vitrifiées: ce métal y
adhéré affez bien. Cette dorure eft d’autant plus
parfaite, que l’ or eft appliqué plus exactement à
la furface. On expofe les pièces de verre ou de
porcelaine à un certain degré de chaleur, qui, en
ouvrant fes pores, aide encore l’adhérence : on
les
les brunit enfuitè légèrement pour leur donnèr de
l’éclat.
Il exifte encore différens procédés de dorures
fur cuivre , étain, parchemin, 8cc. indiqués dans
\‘Encyclopédie par Papillon.
M. Darclay de Montanix, premier maître-d’hôtel
du duc d'Orléans 3 a préfenté à l'Académie des
fciences un Mémoire dans lequel il donne • le
moyen de retirer l’or qui a été employé fur le
bois dans la dorure d colle. II faut, dit-il, mettre
les morceaux de bois dorés dans une chaudière où
l’on entretiendra de l’eau très-chaude j on les y
laiffera tremper un quart d’heure ; on les tranf-
.portera :enfuite dans un autre vaiffeau qui contiendra
de l’eau en petite quantité, 8c moins
chaude que celle de la chaudière : c’eft dans l'eau
du fécond vaiffeau qu’on fera tomber l’o r , en
broffant la dorure avec une broffe de foies de fan-
glier, que L’on trempera dans l ’eau prefqu’à chaque
coup que l’on donnera. On aura foin (d’avoir
des brofies de plufieurs fortes, afin de pénétrer
plus facilement dans le fond des ornemens s’il
s’en^trouve. Quand on aura, par ce moyen, dédoré
une quantité de bois, on fera évaporer juf- ;
qu’à ficcité l’eau dans laquelle on aura broffe l’or :
ce qui reftera au fond du vafe fera mis dans un-
creufet au milieu des charbons jufqu’à ce qu’il ait
rougi,'8c que la colle 8c la graiffe qui s’y trouvent
mêlées, fo'ient confumées par le feu : alors l'eau
régale 8c le mercure pourront agir fur l’or qui y\
eft contënu". On mettra la matière à traiter, un
peu chaude, dans un mortier, avec du mercure
très-pur i on la triturera, avec le pilon , pendant
une heure , puis on y verfera de l’eau fraîche en
très-petite quantité, & l ’on continuera de triturer
jufqu’à ce qu’on préfume que le mercure s'eft
chargé de l’or contenu dans la matière. Alors on,
lavera le mercure à plufieurs eaux ; on ie paffera à
travers la peau de chamois, dans laquelle il ref-„
tera un amalgame d’or 8c de mercure j on mettra
l'amalgame dans un creufet, on en chaffera le mercure
par un très-petit feu , 8c il reftera une belle
chaux d’or très-pur.
Si l’on a une „grande quantité de matière à triturer
, on pourra fe fervir du moulin des affineurs
de la monnaie, en obfervant de mêler un peu de.
fable très-pur dans la matière, afin de faire mieux
pénétrer l’or dans le mercure. Pour faire évaporer
le mercure, on pourra, afin d'en perdre moins, fe
fervir d’une cornue 8c d’un matras.
Dorure sur feu. On fait diffoudre du fel
ammoniaque dans une fuffifante quantité d’acide
nitrique, jufqu’à ce que cette liqueur en foit fa-
turée, 8c l’on met dans cette diffolution l’or réduit
en parcelles très-petites. Ce métal fe diffout, fur-
tout fi la température eft un peu élevée. La diffolution
qui en réfuite eft jaune, 8c elle teint eh
pourpre la peau. On verfe fur cette diffolution,
mais avec précaution 8c dans un grand vafe, en-
Chimje. Tome IK.
vir'on le double d’éther ou d’une huile effentielle
quelconque j on mélange bien les deux liqueurs,
& on laiffe repofer : alors l’acide nitro-muriatique
fe précipite décoloré, 8c l’éther le fumage, chargé
de l’or qu’il lui a enlevé. On fépare ces deux liqueurs
à l ’aide d’un entonnoir, 8c on renferme
l’éther dans une fiole bien bouchée.
Lorfqu’on veut dorer le fer ou l’acier, 8c même
d’autres corps, on commence par en polir la fur-
face le.plus exa&emefit qu'il eft poffible, 8c l’on
applique enfuite, avec une petite broffe, la liqueur
chargée de l'or: le liquide s'évapore, 8c l’or refte.
On chauffe, 8c l’on brunit enfuite. '■
On peut facilement, avec cette liqueur, tracer
à la plume 8c au pinceau toutes fortes de figures.
Dorure en détrempe. On emploie pour cet
effet de la colle faite de rognures de parchemins
ou de gants, qu’on fait bouillir dans l’eau jufqu’â
ce qu’elle s’épaifliffe en confiftance de gelee. Si
l’on veut dorer du bois, on y met d’abord une
couche de cette colle toute bouillante, ce qui
s’appelleencoller le bois ; on l’imprime enfuite, à
plufieurs reprifes, d’une couleur blanche détrempée
dans cette colle.
On fe fert d’une broffe de poils de fanglier pour
coucher le blanc. L’ouvrage étant très-fec, on
Y adoucit ; ce qui fe fait en le mouillant avec de
l’eau nette , 8ç en le frottant avec quelques morceaux
de groffe toile s’il eft uni : s’il y a de la
fculpture, on fe fert de légers bâtons de fa pin,
auxquels font attachés quelques petits lambeaux
de cette même toile. On met enfuite le jaune. Si
c’eft un ouvrage de relief, on le répare 8c on le
recherche avant de le jaunir.
Le jaune que l’on emploie eft de l’ocre commun
bien broyé 8c tamifé, que l’on détrempe
avec la même colle qui a fervi au bleu, mais plus
foible de moitié. Cette couleur fe .met chaude 5
elle tient lieu , dans les ouvrages de. fculpture ,
de l’or qu’on ne peut quelquefois porter dans les
creux, fur les revers des feuillages 8c des ôrne-
mens. On couche Yajfiate fur le jaune, en obfervant
de n’en point mettre dans les creux des ouvrages
de relief. On appelle ajjieite la compofition
fur laquelle doit s’affeoir l’or.
Il faut trois fortes de pinceaux pour dorer $ des
pinceaux à mouiller, à ramender 8c à matter. Il
faut un couflînet de bois, couvert d’une peau de
veau 8c rembourré de crin , pour y étendre les
feuilles d’or battu au fortir du livre, un couteau
pour les couper, 8c une palette pour les placer
fur l ’afliette.
On fe fert en premier lieu des pinceaux à mouiller
pour donner de l’humidité à/l’afliette , en
l’humeélant d’eau, afin qu’elle puiffe retenir l’or j
on met enfuite fur le couffinet les feuilles d’or,
qu’on prend avec la palette fi elles font entières,
ou avec le couteau dont on s’eft fervi poui; les
couper i on les pofe, 8c on les étend doucement
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