
& que fi elle prouve en général la décompofition
de i alcool , elle ne peut encore fervir, ni à la détermination
de Tes principes, ni à plus forte rai-
fon à celle de la potaffe.
72. Tous les acides puiffans agiffent fur l’alcool
d’une manière plus ou moins forte, & en opèrent
la décompofition avec des phénomènes différens,
fuivant leur énergie -, leur quantité, 8c la température
à laquelle on expofe leur mélange. Celui
de tous dont il eft le plus important de bien con-
noître 8c de bien déterminer l’aétion, parce qu’elle
fer vira à expliquer celle de tous les autres, c’eft
Y acide fuifurique concentré. 2 73. On a beaucoup effay é de produire des éthers
avec les acides phofphorique, tartareux, 8cc. >
mais tous ces effais ont été infruétueux, parce que
ces acides ont trop peu d’attra&ion avec l’eau
pour en favorifer la produétion par la décompofition
de l’alcool, comme le fait l’acide fulfurique,
ou font trop adhérens à l’oxigène pour laiffer ce
principe fe porter fur ceux de l’alcool, ou trop
faciles à décompofer eux-mêmes par la température
à laquelle on prépare ordinairement les éthers
pour pouvoir réagir fur l’alcool 8c en opérer l’éthérification.
D’ailleurs, quand les chimiftes ont cherché
avec une forte d’opiniâtreté à faire de l’éther
avec chaque acide, ou nouveau , ou non encore
examiné dans fon aétion fur l’alcool, c ’étoitavec
l’opinion que chaque éther étoit différent, 8c aujourd’hui
il eft reconnu qu’excepté le mélange
d’un peu de l ’acide employé, l’éther eft le même
. corps, par quelqu’ acide qu’il ait été formé.
74. L’ alcool eft décompofé par ceux des oxides
métalliques qui cèdent le plus facilement leur
oxigène, 8c paffent même quelquefois, à l’aide
de l’aélion de la chaleur, à l’état d’éther dans
cette décompofition, comme M. Van-Mons l’a
découvert. On voit ici le même fait, & par con-
féquent la même théorie que dans l’aaion de
l ’acide nitrique & de l’acide muriatique oxigéné
fur l’alcool. On obtient un même réfultat, &
même un effet beaucoup plus marqué encore, par
la double attra&ion décompofante que les diffo-
lutions. métalliques exercent fur l’alcool quand on
le diftille avec ces corps. On obtient, en diftillant
ces mélanges, des proportions d’éther d’autant
plus grandes, que les diffolutions font plus concentrées
, & que ies oxides métalliques qu’elles contiennent
, cèdent plus facilement leur oxigène.
C ’eft furtout avec les nitrates de mercure , d’argent
, de plomb, & avec les muriates furoxigénés
métalliques, que ces effets font les plus énergiques.
v b ; - ,* 1
7 j. Enfin , la décompofition de l’alcool par fon
inflammation eft modifiée d’une manière plus ou-
moins remarquable dans les couleurs de la flamme,
qu’il donne par un grand nombre de corps qu’il
tient en diffolution ou qui lui font mêlés ; & fi
l’on ne connoît pas encore les caufes réelles de
ces modifications, celles-ci font par elles-mêmes
affez frappantes & aflfez fingulières pour devoir
au moins être décrites avec foin. C'eft ainfi que
l’acide boracique donne à la couleur de la flamme
de l’alcool une nuance verte-jaunâtre bien prononcée
} les fels diffolubles de firontiane, une couleur
purpurine ; ceux de baryte, un jaune allez
foncé î ceux de chaux, un jaune plus clair j ceux
de fer, des rouges clairs, & ceux de cuivre, des
verts-bleus fort différens de la nuance produite
par l’ acide boracique.
E. Efpèces.
76. Quoique, pendant quelque tems, les chimiftes
aient cru que l’alcool extrait de différentes
liqueurs fermentées étoit différent i quoiqu’ils
aient diftingué furtout les eaux-de-vie de vin, celle
de bière, nommée eau-de-vie de grain * l’alcool de
cerifes, défigné par le nom de kirckenwajfer >Yeau-
de-vie de cidre, le rhum ou eau-de-vie de canne
à fucre, le rack ou eau-de-vie de-riz, il eft bien
reconnu aujourd’hui que tous ces produits ne font
qu’un feul & même corps jouiffant de propriétés
identiques, 8c préfentant abfolument les mêmes
phénomènes chimiques.
77. Cependant, pour les ufages de la v ie , pour
le befoin des arts, 8c furtout pour la délicateffe
de nos organes, il eft indifpenfable d'admettre la
diftinétion des efpèces dont je viens de parler ,
parce que leur goût très-différent, leur inflammabilité
, leur légéreté, leur propriété diffolvante ,
très-diverfifiées, les rendent chacun utile dans des
circonftances différentes. Mais ces modifications
dépendent beaucoup plutôt de la manière dont ils
ont été préparés, & au peu de précautions qu’on
a prifes dans leur diftillation, que de leur propre
nature. Pour s’en convaincre, il fuffit d’obferver
que l’eau-de-vie tirée des vins n’eft pas la même
dans fa faveur, fon odeur 8c fa force, dans les di-
verfes contrées où on la prépare, quoique la liqueur
primitive qui la fournit foit identique, 8c
parce qu’on procède à fa diftillation d’une manière
différente. A plus forte raifon cela doit-il. arriver
avec des liqueurs fermentées, chargées de beaucoup
d’extrait 8c de mucilage, comme les bières
8c les cidres, qui,lorfqu’on les chauffe fortement,
ainfi qu’on le fait dans le _plus grand nombre des
brûleries, s’épaifliffent, fe brûlent dans le fond
des alambics, 8c donnent ainfi des eaux-de-vie
âcres, odorantes, empyreumatiques, parce qu’elles
entraînent une portion d’huile dans la diftillation.
On fait avec quelle énergie l’ alcool retient
la petite quantité d’huile volatile néceffaire pour
lui donner des odeurs fortes, 8c une faveur étran-
gère-à la fienne. On fait qu’une fois faturé.de cette
manière par la diftillation, fl eft impoflible de l’en
priver, 8c cela explique fuffifamment toutes les
variétés de propriétés fi fenfibles à nos organes,
& fi légères cependant pour les opérations chimiques,
que l’on reconnoïtaux différentes efpèces
d’eaux-de-vie 8c d’alcool du commerce.
F. Ufages.
F. Ufages.
78. Les ufages de l’alcool font extrêmement
multipliés. Sa propriété de foutenir 8c de relever
les forces abattues, d'augmenter l’énergie des
fibres CQntraétiles, le mouvement de la circulation
, l’ aétivité de tout le fyftème animal, le fait
ranger parmi les médicamens les plus importans.
On le donne rarement feul, à moins que ce ne foit
en le réduifant en vapeur pour l’introduire avec l'air
dans les poumons, 8c le faire agir fur leurs fibres
relâchées, ou fur leurs ulcères qui les attaquent.
On l’affocie à une foule de fubftances diverfes,
pour ajouter à fes vertus ouïes approprier aux
indications qu’on fe propofe de remplir. On le
rend très-diffolvant 8c très-fondant par la potaffe
dans les teintures âcres de tartre & dans le lilium,
très-antifeptique avec le camphre, antifpafmodi-
que avec la petite portion d’huile volatile qui lui
donne de l’odeur, & le modifie en ce qu’on nomme
fi improprement eaux diftillées fpiritueufes, tres-
aftringent avec l’addition du quart de fon poids
d’acide fulfurique, addition qui conftitue l’eau de
Rabel. Il eft très-ftomachique & très-cordial quand
on l’a affocié aux réfines 8c aux extraâifs oxigé-
nés, comme il l ’eft dans les baumes artificiels, les
teintures 8c les élixirs, ou les compofés fpiritueu*r,
fi variés 8c fi nombreux dans les ouvrages deftinés
aux recettes 8c aux formules médicamenteufes.
79. L’alcool, porté à l’état d’éther, eft un des
ftomachiques, des toniques 8c des antifpafmodi-
<jues les plus puiffans, parce qu’il agit en fe rédui-
fant tout à coup en vapeur dans l’eftomac, où il
eft reçu fur une très-grande furface à la fois, 8c
fur prefque tout le fyftème nerveux. On l’a fpé-
cialement recommandé comme fondant des calculs
biliaires j mais il eft évident qu’il agit bien
plus dans ce cas par fa propriété calmante, que par
la véritable nature de diffolvant biliaire, puifque
les moindres notions d’anatomie apprennent qu’il
ne peut pas pénétrer affez abondamment dans les
canaux cholédoque 8c cyftique pour agir immédiatement
fur les concrétions contenues dans la vé-
ficule du fiel. L’éther enivre plus vivement 8c à
urie beaucoup moindre dofe que l’alcool. En le
mêlant avec le premier alcool aromatique, qui
paffe dans fa diftillation avec l’acide fulfurique, 8c
avec quelques gouttes d’huile volatile qui paffe
après lui ^ on prépare la liqueur minérale anodine
d'Hoffman, beaucoup moins bonne que l’éther lui-
même, 8c qui agit beaucoup plus foiblement 8c
inégalement. Ce qu’on nomme, dans les pharmacies,
liqueur minérale anodine nitreufe eft le produit
qui fuccède à l ’éther nitreux dans la diftillation.
Quant à l’éther muriatique, c’eft un très-mauvais
médicament, parce qu’il n’eft jamais égal, parce
qu’il contient fouvent de l’acide, & parce qu’il
eft bien moins éthéré que lès deux précédens.
L'éther commun ou fulfurique bien rectifié eft
préférable à tous les autres.
Ch im ie . Tome IV.
80. C ’eft en raifon de fa vertu tonique 8c fortifiante
, qu’on emploie fi fréquemment l’alcool
dans la préparation des liqueurs très - agréables
qu’on prend à la fin du repas pour favorifer la
digeftion. On nommé ratafiacs les infufions d’une
foule de fubftances dans l’eau-de-vie, édulcorées
avec le fucre, 8c plus particuliérement liqueurs les
combinaifons de Falcool bien reétifié avec des
huiles volatiles 5c du firop, dans diverfes proportions.
Le firop fournit l’eau 8c le fucre qui adou-
ciffent l’âcreté brûlante de l’alcool, l'huile volatile'
donne le parfum > 8c quand ces matières font
unies en proportion convenable, & de manière
qu’aucune faveur ne domine trop , quand la combinai
fon eft bien intime , ce qui a lieu furtout à
l’aide du tems, il en réfuite des boiffons extrêmement
agréables. Orfles varie à l’infini, fuivant
l’huile volatile que l’on prend ; on préfère furtout
celles de vanille, de rofe, d’orange, de citron,
de girofle, de mufcade, de canelle, d’anis à la
plupart des autres, à caufe de la force ou de l’agrément
de leurs parfums. Oh les unit fouvent les
uns aux autres, 8c quelquefois même en affez,
grand nombre ; 8c dans ce cas on a foin de faire,
les compofitions de manière qu’aucune ne domine
fur l’autre. En général, on les prépare avec une
partie d’alcool re&ifié, deux parties d’eau , une
de fucre raffiné, 8c quelques gouttes d’huile volatile.
Quelquefois on fait agir l’alcool immédiatement
fur les matières végétales toute entières,
pour lui donner plus de force de ce qu’on nomme
le fruit : on les colore avec la cochenille 8c le fa-
fran. Ces liqueurs très-agréables ne font utiles que
prifes modérément 8c en petite quantité > l’abus
en eft nuifible 8c très-dangereux : au lieu de fortifier
, elles détruifent les forces , 8c furtout celles
de l ’eftomac.
81. L’alcool, par la propriété qu’il a de diffou-
dre facilement les huiles volatiles, de les entraîner
par la diftillation de manière à former des liquides
très-odorans 8c très-aromatiques, eft extrêmement
employé dans l’art des parfums. C ’eft avec
lui qu’on prépare les liquides agréables connus
fous le nom d'eaux de fenteur , l’eau de bouquet,
l’eau de mille-fleurs, les pots-pourris, 8cc. : on
les marie aufli plufieurs enfemble. On emploie fouvent
le benjoin, le ftorax , l’ambre gris, le mufc,
la vanille dans ces compofitions, qui fervent pour
la toilette. C ’eft; encore un produit de l’art qu’on
ne doit employer qu’avec réferve 8c modérément,
parce qu’on eft obligé d’en augmenter perpétuel-
: lement la dofe quand on en fait abus ; les organes
s’affoibliffent, 8c éprouvent, par l’effet çontinuel
des.parfums, un relâchement marqué.
82. On fe fert de l’alcool comme combuftible
pour alimenter des lampes fur les tables, pour
donner des flammes brillantes dans les fpeétacles,
pour faire un grand nombre d’expériences de phyr
lique 8c de chimie. Il eft fpéçialement employé
. comme diffolyant pour la fabrication des vernis
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