
608 L A I
car le précipité qu’il formoit dans la difloiution
de nitrate d'argent n’étoic pas entièrement foluble
dans l’acide nitrique pur.
21. Ce qu'il y a de remarquable ici, c’eft que,
quoique l'acide eût été diftiUé avec foin, & qu'il
n eût pas de couleur, le fel qu'il a fourni avec la
potaffe étoit brun ; les vapeurs acétiques que l'acide
fulfurique en dégageoit, avoit une odeur
très-fer.fîble d'empy reume ; ce qui prouve qu’une
petite quantité d'huile s’étoit élevée avec lui. Nous
devons faire obferver que ces caractères fe ren- :
contrent conftamment dans lesterres foliées, formées
partout de vinaigre diftfilé., à quelque matière
que celui-ci ait appartenu. Nos recherches
très-multipliées à cet égard nous ont convaincus
que le vinaigre diftîlîé, quoique fans couleur, entraîne
avec lui une huile empyreumatique à laquelle
font dus les effets décrias ei-deffus.
22. Quoique rien ne nous annonçât qu'il y eût
dans le lait aigri un acide particulier à ce fluide,
& jju e tout femblât nous prouver au contraire
qu'il n'y avoit que de l'acide acétique uni à une
matière animale, nous avions à craindre cependant
que les nombreufes opérations auxquelles nous
avions fournis cette liqueur, & furtouti’a&ion de
l ’acide fulfurique réunie à celle de la chaleur,
n'euffent, en le décompofant, converti l'acide
laétique de Schéele en acide acétique. Pour réfoudre
çqtte efpèce de problème, nous avons fait les
expériences fuivantes..
§. IV. Coagulation du lait frais avec Valcool, &
examen des fubjtances diffoutes par cet agent.
23. Ayant appris que d'eux chimiftes de Paris ,
MM. Lagrange & Tnénard, avoient trouvé la pré- j
fence d’un acide dans le lait nouvellement trait,
nous avons penfé que s’il exiftoit véritablement un I
acide sui generis dans ce fluide animal , il falloit, |
pour l'obtenir pur & s'affurer de fon cara&ère fpé- '
cifique, opérer avant qu'il n'eût fubi aucun chan- !
gement par la fermentation. Nous avons donc pris
deuxjitr.es de lait de vache , qui, quoique trait
depuis quatre heures feulement, avoit encore
toute fa douceur, & nous les avons coagulés avec
deux litres d'alcool à 38 degrés. Quand le fromage
nous parut bienféparé & que la liqueur commença
à s’éclaircir, nous avons filtré & nous avons lavé
le caillé avec de nouvel alcool.
Les différentes quantités d’alcool qui avoient
fervi-à coaguler 1 elait étant réunies, avoient une
très-légère couleur jaune; cette liqueur ne chan-
geoit point le papier teint avec le tournefol, mais
.elle rougiffoit, quoique très-légérement, fa teinture
aqueufe,. L'ammoniaque n’y produifoit qu'un
.très-léger précipité.
24. Après ces premiers effais, nous avons mis
la liqueur en diftillation à une douce chaleur ,
. lorfqu'on eut retiré une quantité à peu près égale
à celle de l’alcool employé, on changea de réci-
L A I
pient, & 1 on continua l'opération jufqu’à ce que
la liqueur de la cornue eût été réduite à la conlif-
tance d un firop. L'alcool obtenu & l’eau qui avoit
pane enfuite, n’ont donné aucun ligne d’acidité.
Lorlque la plus grande partie de l’alcool fut
diftiliée, nous remarquâmes, que la liqueur ref-
tante dans la cornue fe troubla & prit l'afpeél d’une
emulfion : fa faveur étoit douce & analogue à
celle du beurre, & l’alcool avoit en effet diffous
une petite quantité de ce principe gras. L’ammoniaque
la rendoit claire fur le champ, & l’infufion
de noix de galle la précipitoit abondamment. 2f * Sur la liqueur épaiflie en confiftance de firop
nous avons mis une nouvelle quantité d’alcool; il
s eft formé un précipité brun floconeux & gluti-
neux tant qu'il eft refté humide, & qui eft devenu
pulvérulent parla defficcation. Il avoit une faveur
douce comme le lucre de lait, dont il contenoit
en effet une petite quantité. Sa diffolution dans
1 eau a rougi légèrement la teinture de tournefol.
L infufîon de noix de galle l'a précipitée abondamment
en flocons bruns ; l’acide muriatique
oxigéné en flocons blancs ; la potaffe cauftique lui
a donné beaucoup de confiftance & en a dégagé
une très-légère odeur d'ammoniaque ; l'acétate de
plomb y a formé auflj un précipité brunâtre très-
abondant ; enfin l'acide fulfurique Ta coagulée
en flocons bruns mucilagineux, indiffolubles dans
l'eau.
16. L’alcool qui a fervi à féparer cette matière
nnuqueufe avoit pris une couleur jaunâtre 5 il a
dépofe après.la filtration , fur les parois du flacon,
de petits criftaux blancs, brillans, folubles dans
leau, & qui n'étoient point acides : c'étoit du
fucre de lait.
Nous avons diftillé cet alcool dans une cornue :
il ne s'eff point élevé d’acide avec lui. Lorfqu’il
a été entièrement paffé , nous avons changé de
récipient, & , comme le liquide qui lui a fuccédé,
ne préfentoit aucun ligne d’acidité, nous avons
achevé l'évaporation dans une capfule.
Cette liqueur , réduite à l'état firupeux , a
dépofe , en refroidiffant, une grande quantité de
fucre de lait criftallifé. Nous avons verfé fur cette
matière , pour la troifième fois, affez d'alcool
pour diffoudre l’acide & empêcher le fucre de lait
de s'y mêler comme dans les deux premières opérations.
Ce dernier eft refté en effet fous forme
grenue & peu coloré, prefque toute la matière
colorante s'érant combinée à l ’alcool. Lavé avec
une petite quantité d’eau froide & égoutté en-
fuite fur du papier jofeph , il eft devenu très-
blanc ; il pefoit 31.j grammes; ce qui donne près
de feize grammes de cette fubftan.ee par litre de
lait. ■ . v
27. Après avoir féparé par la diftrllation l'alcool
qui tenoit en diffolution l’acide 8c la partie colorante
du lait y nous avons fournis ces derniers à
l'examen fuivant : a. la couleur de cette liqueur
étoit brune , fon odeur douce & agréable ; b. fa
L a 1
faveur étoit fort analogue à- celle des noix fraîches
ou cerneaux; c. elle rougiffoit légèrement la teinture
de tournefol ; d. l’infufion de noix de galle
yaproduit un précipité floconeux, manifeftement
dû à une matière animale diffoute par l’acide ;
e. l’acide fulfurique concentré en a dégagé des vapeurs
piquantes qui avoient d’abord l’odeur de
l’acide muriatique, & enfuite celle de l'acide acé-
fique; ƒ. le carbonate de potaffe y a produit une
légère effervefcence ; ce qui annonce qu’elle con tenoit
un acide libre; g. l'acétate de plomb y a
formé un précipité abondant, dont la plus grande
partie étoit du muriate de plomb ; A. les fels ba-
rytiques n’y ont produit aucun effet : elle ne contenoit
donc point de fulfates.
28. Toutes ces expériences nous ont fait voir
que cette liqueur, tres-peu abondante ( elle n'é-
galoit certainement pas la deux centième partie
du lait employé), contenoit une matière animale
& un acide qui la tenoit en diffolution. Aucun des
phénomènes que cet acide nous a préfentés, ne
nous a montré une nature particulière dans ce
corps; ils nous ont tous prouvé, au contraire,
que l’acide la&ique de Schéele n'eft qu’un mélange
d’un peu de muriate de potaffe & d’une
grande quantité de matière animale, tenue en diffolution
par de.l'acide acétique.
En effet, l’acide la&ique de Schéele, fuivant
les caractères qu’il a décrits, eft: précipité en flocons
bruns par l’infufion de noix de galle, en gris-
jaunâtre par le nitrate de mercure peu oxidé, en
brunâtre par l’acétate de plomb ; il fe colore par
l'aCtion de la chaleur, & dépofe une matière brune
pendant les progrès de l'évaporation. '
29. Une diffolution de gluten dans le vinaigre ,
un mélange de gluten, de fucre & d'eau fermentés
enfemble & paffés à l’acide ; les liqueurs aigres
que donnent les farines céréales fermentées ; la
bière évaporée, l’eau fure des amidoniers, matières
qui toutes contiennent une fubftance végéto-
animale & du vinaigre, préfentent, avec les mêmes
réaCtifs, des phénomènes abfolument fembla-
bles à ceux qui caradérifent l’acide laétique de
Schéele, & font en effet d'une nature parfaitement
identique.
30. L’acide ladtique de Schéele, concentré,
forme avec la potaffe une combinaifon brune qui,
évaporée en confiftance d'extrait, a une faveur
piquante & nauféabonde, laquelle n'eft pas entièrement
foluble dans l'alcool. La diffolution de
gluten dans l'acide acétique, furtout fi le gluten a
un peu fermenté auparavant, donne une combinaifon
à très-peu près femblable.
L'acide ladiique, étendu d'eau & expofé dans
un endroit chaud, fe détruit en dépofant une matière
brune, en répandant une odeur fétide, &
en exhalant de l'ammoniaque par l'addition de la
chaux ou de la potaffe*
Une diffolution de gluten dans le vinaigre, fuf-
Cmmie. Tome IV,
L A I 6cg
fifamment faturée & très-étendue d’eau, produit
des effets abfolument analogues.
31. D’après cela nous ne doutons pas que. l’acide,
en très-petite quantité, contenu naturellement
dans le lait frais, ne foit le même que celui
qui fe forme par la fermentation de ce fluide animal
, c’eft-à-dire, du vinaigre. Au moins les expériences
l'annoncent, & le raifonnement ne rencontre
aucune difficulté à l’admettre, car le lait
peut être comparé, fous beaucoup de rapports,
à un produit végétal qui n'a éprouve que peu d’altération
dans les organes des animaux , puifqu’on
y trouve une matière graffe & une fubftance fucrée
i qui ne contiennent pas d’azote, & puifqu’on y
! rencontre abondamment des phofphates de chaux
; & de manganèfe qui exiftent auffi dans les vé-
i gétaux.
. .32. Nous avons déjà fait voir dans plufieurs oc-
cafions , que prefque tous les végétaux contiennent
de l’acide acétique développé ou combiné
avec quelques bafes, & que tous auffi font plus ou
moins difpofés à donner aaiffance à cet acide par
diverfes circonftances.
Il n’eft pas douteux , par exemple , qu’il ne s’en
forme pendant laxligeftion, puifqu’on en retrouve
une partie dans les excrémens des animaux herbivores
& même carnivores, & puifqu’il eft vraifem-
blable qu’une autre partie de cet acide paffe avec
le chyle, lequel paroît contribuer directement, &
fans avoir paffé dans le fang, à la formation du
lait ; il eft également très-probable que c’eft cet
acide qui favorife la diffolution des parties gluti-
neufes, amylacées, huileufes des végétaux, ainfî
que celle des fibres mufculaires dans l’eftomac &
les inteftins des animaux , & qui leur fert de vé^-
hicule pour les porter jufque dans le torrent de la
circulation. Cet acide fe détruit enfuite, fuivant
toute apparence, dans la poitrine, par l’effet de la
refpiration.
§. V. Examen de la matière animale contenue dans
le petit-lait ou ferum.
33. Nous avons déjà dit que la coagulation du
lait par les acides , & la fépararion du fromage
qui en eft la fuite, a lieu par l’effet de la combf-
naifon entre ces fubftances qui deviennent info^-
lubies; que le caillé du laiti produit par l’addition
des acides, eft véritablement une combinaifon
de la matière caféeufe avec l’acide employé : nous
ajouterons ic i, pour fortifier encore cette affer-
tion , que fi l’on n’a mis que la quantité d’acide
èxaClement néceffaire à la coagulation du lait, on
n’en retrouve pas de traces fenfibles dans le ferum
, tandis qu’on le trouve tout entier dans le
fromage, 8c que lorfqu’on emploie un excès d’acide
, il agit fur la première combinaifon qu'il
rend foluble dans le ferum qu’alors celui-ci
donne des marques de cet acide plus ou moins fenfibles.
H h h h