
des pouffières & des cendres des orfèvres par le
lavage. On dit fouvent dans ce fens, lavures d'orfèvre,
de joaillier-, de bijoutier. On nomme entrepreneurs
de lavures les hommes qui achètent
les cendres d'orfèvres pour les traiter par le lavage,
& en retirer l’or & l’argent.
Le lavage n’eft pas le feul procédé employé
pour cet art. Lorfque les cendres ne fourniffent
plus de fragmens métalliques par cette opération ,
on les fait paffer au moulin avec du mercure qui
dilTout les plus petites molécules, & qu’on diftille
enfuite dans des cornues de grès pour avoir les
métaux précieux. ( Voye£ les articles O r , A r g e n t
& E s s a i s . )
LAURIER-CERISE. Le laurier-cerife , connu
auffi fous le nom de laurier- amandier ,’prunus lauro-
cerafus de Linné, préfente aux chimiftes une des
matières les plus dignes de leur intérêt & de leurs
méditations, par les effets vénéneux que cette
plante produit, & par la promptitude de fes
effets.
On fait que l’eau diftillée des feuilles de cette
planre eft un des poifons les plus terribles qui
exigent ; que le bois même, employé en broches, a
empoifonné des foldats qui s’en étoient imprudemment
fervis à cet ufage.
On—connoît l’odeur d’amandes très-agréable
qu’une ou deux feuilles de cet arbre communiquent
aux laits chauds ; mais on fait auffi que quelques
perfonnes fe font mal trouvées de cet afiai-
fonnement.
Enfin M. Roze , chimifte de Berlin, vient de
découvrir que ces feuilles diftillées au bain-marie
fourniffent , comme les amandes amères, de l’acide
prufîîque, & que c’eft vraifemblablement à cet
acide qui y eft tout formé, qu’eft due la propriété
vérïéneufe de cette plante , comme celle des
amandes, &rc.
Quoiqu’on foit un peu plus inftruit fur cet objet
qu’on ne l’étoit il y a trente ans, il eft important
de configner ici les expériences de Fontana, faites
à peu près à cette époque, & qui pourront con
duire à de nouvelles recherches ceux qui voudront
s’occuper par la fuite de cet objet important.
« L’eau de laurier-cerife eft , dit cet auteur , un
poifon qui ne le cède à aucun des plus aCtifs, fî
on le confîdère relativement aux grands défordres
qu’il caule dans l’économie animale, & au peu de
tems qu’il lui faut pour agir lorfqu’on le donne
intérieurement aux animaux. Non-feulement il produit
les plus fortes conyulfîpns, & la mort dans
les animaux mêmes. de; grofleur médiocre, mais
encore fi on le donne à une moindre dofe, l’animal
fe tord en arrière en rapprochant fa tête de fa
queue , & courbe eh dehors fes vertèbres de telle
forte , qu’il fait horreur à voir.
y Dans cet état, lès convulfions & les mouve-
mens de tout le cor-pi font des plus violens ; & au
milieu de tous ces efforts l’animal meurt enfin au
bout d’un tems très-court.
«Si on le donne à l’animal fous forme de lavement,
il produit également les convulfions & la
mort.
» Avec moins de deux cuillerées à thé de cette
eau, prifesintérieurement, j’ai vu des lapins de
groffeur médiocre tomber en convulfion en moins
de trente fécondés, & mourir dans une minute.
Si on donne cette eau en grande quantité aux animaux
, ils meurent prefque dans l’inftant fans convulfions,
toutes les parties de leurs corps étant
relâchées & dans l’affaiffement.
» Quand on la donne en petite quantité, les
convulfions font plus ou moins grandes, & les
parties qui perdent avant les autres leur mouvement,
font les pattes de derrière ; viennent en-
fuite celles de devant, qui meurent plus tard.
Quand l’animal ne remue plus les jambes ni le reffe
du corps, il remue encore très-bien le col & la
tête, qu’il continue à relever avec force & à
tourner de tous côtés. Dans cet état, l’animal
fent la fumée, & voit les objets, & quoiqu’il ne
remue plus de lui-même fes pattes , il parvient
néanmoins à les mouvoir, & à les retirer quand
on les pique fortement ou qu’on les ferre beaucoup
: preuve qu’il peut les mouvoir quoiqu’il ne
le faffe que par l’effet d’une grande douleur.
•» L’eau de laurier-cerife eft donc un poifon très-
puiffant quand il eft donné par le haut, ou introduit
dans le corps fous forme de lavement. Son
a&ion eft fi violente & fi prompte, qu’on diroit
qu’il commence d’agir dès l’inftant qu’il eft reçu
dans la gueule. Il eft certain qu’à peine eft-il-entré
dans l’eftomac parl’oefophage, que l’animal fouffre.
Il eft vrai auffi qu’une petite dofe ne fait rien,
c’eft-à-dire , que peu de gouttes données à un
petit animal qui feroit mort de la même dofe du
poifon ticunas , ne paroi {fent produire en lui aucun
dérangement fenfibîe. Mais tout cela ne fait
pas une différence effentielle entre ce poifon &
les autres poifons plus connus.
» l’ai obfervé qu’en diflillant une certaine quantité
d’eau fur les feuilles de laurier-cerife, on obtient
une liqueur entièrement innocente fî les
feuilles ne font pas en très-grande quantité, & fî
l’eau n’eft pas à très-petite dofe. Si l’on recohobe
plufîeurs fois de fuite cette eau fur les mêmes
feuilles, elle devient, il eft vrai, plus aCtive ,
mais elle ne tue pas encore pour cela. Mais fî au
lieu d’ajouter de l’eau aux feuilles de laurier-cerife
t on fait la diftiUation au bain-marie, la liqueur
qui en fort par ce moyen eft alors un poifon très-
puiflant, qui tue en très-peu de tems.. C’eft de
cette eau que j’ai principalement fait ufage. Mais
je ne doute pas qu’on ne put l’amener à un degré
d’a&ivité tel, qu’elle tuât même à petite dofe ,
comme fait le poifon américain. Il fuffiroit de
rediftiller pkifieurs fois fur le nouveau laurier-cerife
bien elîuyé ou prefque defleché, la liqueur
.qui feroit montée la première fois. Je crois que
fi on la faifoit évaporer au feu, on l’obtiendroit
à la fin fous la forme d’une fûbftance huileufe concrète,
qui non-feulement ne le céderoit à aucun
des poifons connus, mais qui probablement les
furpafleroit tous de beaucoup. Je me réferve de
faire cette expérience dans une autre occafion,
où je parlerai auffi des amandes amères & du
degré de poifon auquel on peut porter leur eau
diftillée à fec.
« L’eau de laurier-cerife tue les animaux lorf-
qu’elle eft introduite dans les cavités du corps j
mais quels effets produit-elle quand on l’applique
aux blefiures ? Parmi les différentes expériences
que j’ai faites à ce fujet, il fuffira d’en rapporter
ici une .feulé. J’ouvris la peau du bas-ventre à un
lapin a fiez gros : la bl effare étoit d’environ un
pouce. Je blefîai légèrement en plufîeurs endroits
les mufcles découverts, & j’y infinuai environ
deux ou trois cifillerées à café de cette eau. En
moins de trois minutes l’animal tomba en convulfions,
& peu après il mourut. Cette expérience
nous fait voir que. l’eau de laurier-cerife eft
un poifon femblable aux autres,, & qu’elle agit
quand elle eft introduite dans le corps par le
moyen des blefiures.
» Cette expérience a eu le même fucces fur
d’autres animaux à fan g chaud. Mais j’ai cependant
obfervé dans tous, que l’eau de laurier-cc B
agit avec plus de force & plus promptement quand
on la donne intérieurement, & même en plus
petite quantité.
« Cette dernière circonftance mérite, à mon
avis , la plus grande attention , parce qu’après:
tout c’eft une vérité de fait, qu’une grande blef-
fuve préfente incomparablement plus.de vaiffeaux
que la gueule & l’eftomac , pour abforber ce poifon
prefqu’à l’inftant > & de plus, les nerfs dans la
blefiure , foit par leur nombre, foit par l’état où
ils fe trouvent alors, doivent éprouver plus facilement
l’a&ion de ce poifon.
« N on-feu le ment les animaux à fan g chaud meurent
très-promptement quand on leur fait avaler
de cette eau, mais les animaux mêmes à fan g froid
meurent auffi; & ce qui m’a paru fingulier, c’eft
qu’ils meurent en très-peu de tems, & peut-être
encore plus promptement que les premiers, &
c’eft tout le contraire qu’avec les autres poifons.
Il me fuffira pour le préfent de parler des anguilles,
animaux très-difficiles à mourir, & qui étant
morts continuent à mouvoir pendant long-terçis
leurs parties. Ces animaux meurent peu de fécondés
après avoir bu de cette eau, & à peine
l’ont-ils avalée, qu’ils commencent à fe contracter;
mais la mort qui furvient fubitement les rend
immobiles un inftant après, &.leurs parties ne fe
meuvent plus quoiqu’on les ftimule. Le coeur continua
cependant encore à fe mouvoir, mais beaucoup
moins qu’aupar avant, & il ceffe beaucoup
plutôt que lorfqu’on les fait mourir en leur coupant
la tête. On ne peut nier ici que l’irritabilité
mufculaire ne foit extrêmement affectée, & d’une
manière particulière. Je ne-fai s pas s’il y a quel-
qu’animal à; fan g froid qui réfilte à ce poifon. Tous
ceux que j’ai pu avoir font morts, & je doute qu’il
y en ait aucun pour lequel ce ne foit un poifon.
Si cela eft, il mérite une nouvelle diftin&ion à
cet égard, &r ce feroit encore le plus terrible de
tous les poifons connus, par fa faculté univerfelle
de donner la mort à toute efpèce d’animaux.
33 Mais comment peut-il tuer en fi peu de tems
quand il eft introduit par le haut dans l’eftomac ,
où l’on ne voit point de vaille aux capables de le
recevoir ? Cette difficulté exige quelques expériences
Ultérieures. 11 faut voir quels effets il produit,
& quand il eft.appliqué immédiatement aux
nerfs , & quand il eft introduit dans le fang fans
toucher aux parties coupées.
”, Je me fuis fervi des plus gros lapins, & j’ai
fait mes expériences fur les nerfs feiatiques de ces
animaux, de la même manière que je les avois
faites avec le venin delà vipère & avec le poifon
américain. Il me fuffira de rapporter ici une feule
expérience qui fervira pour toutes les autres;, que,
j’omets afin d’abréger, ne les croyant pas fort né»
çeffdircs après le;grand nombre d’experiences fur
les nerfs, que j’ai déjà rapportées.
« Ayant découvert le nerf feiatique à un gros
lapin , fur la longueur de plus d’un pouce & demi,
j’infinuai par deftbus une enveloppe de toile rr.ès-s
fine & repliée en feize doubles, afin que l’eau de
laurier-cerife ne pénétrât pas jufqu’aux parties de
deflous. Je bleffai alors le nerf de plufîeurs coups
de lancette dans le fens de fa longueur, & je couvris
tout le trajet ble fie, qui étoit de plus de huit
lignes, d’un flocon de coton d’environ trois lignes
d’epaifieur, 8e bien imbibé d’eau de laurier-cerife.
Il en fallut plus: de quinze gouttes pour humeCter
le coton, & cette eau alloit directement fe communiquer
par les blefiures , à la fûbftance médullaire,
au nerf. Je couvris le tout au bout de quelques
minutes avec de nouveaux linges,, de façon
qu’il étoit impoffible que l’eau de laurier-cerife fe
communiquât aux parties inférieures ou voifines.
La future extérieure étant faite , & l’animal étant
en liberté, .il fembla n’avoir fouffert aucun mal,
& ne parut pas en avoir davantage dans la fuite.
Il couroit , il mangeoit, & il étoit auffi vif qu’au-
paravant. En un mot , cet animal ne fouffrit fen-
fiblement aucun mal de la part de ce. poifon, qui,
pris par le haur , tue fi promptement. Ce fait j &r
plufieurs autres analogues à ceux du venin de la
vipère & du poifon-américain , nous fait voir que
l’eau de laurier-cerife appliquée immédiatement fur
les nerfs , & même infinuée dans leur fûbftance
médullaire;, n’eft aucunement yénéneufe ; de forte
qu’elle n’a aucune aCtion fur les nerfs, de quelque
manière qu’on l’y applique extérieurement.
« Après toutes les expériences qui font rapportées
dans cet ouvrage fur ie venin de la vipère