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des eaux ; mais c eft toujours le fel commun qui
domine beaucoup fur tous, les autres.
Toutes ces eaux ont une faveur falée, plus ou
moins âcre & amère. On attribue communément
l'acreté & l'amertume des eaux falées à des matières
bitumineufes qu'on y fuppofe 5 mais je puis
a mirer qu’ayant fournis à nombre d'expériences
une très-grande quantité de ces différentes eaux ,
je n'y ai jamais trouvé de bitume , du moins en
quantité fenfible 3 & capable de leur donner ces
faveurs : c'eft donc bien plutôt au fel de Glauber 3
qui eft amer, & encore plus au fel marin à bafe
terreufe , qui l'eft beaucoup davantage ,. & par-
deffus cela fort âcre, qu'on doit attribuer ces
faveurs.
Cette idée d’un bitume diffous dans Veau de la
mer a fait croire qu'une fimple diftillation fans
intermède ne fuffifoit pas pour la rendre parfaitement
douce & bonne à boire ; & plusieurs phy-
ficiens, fort éclairés d'ailleurs, ont cherché à la
diftiller en y mêlant différentes matières qu'ils
croyoient propres à retenir cette partie bitumi- •
neufe : cependant toute l’eau douce qui tombe du i
ciel, qui coule à la fur face de la terre , & qui fert !
à abreuver tous les animaux, n'eft que de Veau de
la mer diftillée & adoucie fans intermède , par une
évaporation naturelle 5 & je me fuis convaincu,
par expérience, qu'au moyen d'une diftillation
toute fimple, on peut la rendre parfaitement fem-
blable à la meilleure eau de rivière diftillée- Voici
un fait que je ne crois pas inutile de rapporter ici,
parce qu'il me femble prouver cette vérité d’une
manière inconteftable.
J1 J a vingt ou vingt-cinq ans qu'un étranger
fe préfenta ici au miniftre de la marine , pour lui
propofer un fecret de deffaler Veau de la mer fur
les vaiffeaux. Le miniftre le renvoya à l'Académie
des fciences, pour la vérification de fon procédé :
cette compagnie nomma, pour faire cette vérification
, MM. de la Galijfonnière, Bourdelin & moi.
L opération fut faite dans mon laboratoire, avec
de Veau de mer que le miniftre avoit fait venir
pour cela de Dieppe , & qui avoit été prife à
quatre lieues au large. L’auteur du fecret mêla ,
avec la portion de cette.*<za qu'il s'agiffoit de deffaler
, une quantité affez confidérable d'une matière
blanche en'poudre , qu'il avoit apportée avec
lui , & qui reffembloit à de la chaux éteinte ou à
de la craie en poudre, & le tout fut fournis à la
diftillation dans un alambic. Nous en retirâmes une
eau parfaitement douce , & qui foutenoit toutes
les épreuves de la meilleure eau diftillée. Comme
je croyois alors au bitume de Veau de mer , j'étois
dans 1 admiration de ce procédé, & je me préparois
à en faire un rapport avantageux à l'Académie.
Cependant 1 idee me vint de profiter de la
portion d9eau de mer qui n*avoit pas été employée,
pour la diftiller, en mon particulier, fans aucun
intermède $ je fis en effet cette diftillation dans le
même alambic, après l'avoir bien lavé, & fans
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aucun intermède. Je conduifis à la vérité cette
diftillation en ménageant le feu, & avec les attentions
qu'on doit avoir pour obtenir des produits
purs &: non mélangés : j'en retirai une bonne
quantité à’eau aufli douce, aufli bonne, & qui
réfiftoit à toutes les mêmes épreuves que celle qui
avoit été diftillée fur l’intermède. Je mis de mon
eau deffalée dans des bouteilles femblables à celles
qui contenaient Veau douce que nous avions obtenue
par l'intermède, & les ayant préfentées les
unes & les autres à l'auteur du fecret, fans lui dire
ce que j’avois fait, il ne put, après les dégufta-
tions & les épreuves les plus exa&es, trouver au-
ciine différence entre ces deux eaux ; je lui déclarai
alors, ainfi qu'à Meilleurs mes confrères qui ëtoient
préfens, la manière dont i'avois diflillé mon eau:
les épreuves furent réitérées avec le plus grand
foin ; l’auteur fit après cela fa révérence fans dire
un mot, & depuis on n'a plus entendu parler de
lui.
J’ai eu occafîon d'examiner depuis une eau
falée, qui afiurément devroit être la plus bitumi-
neufe de toutes : c'eft celle du Lac Jfpkaltide ou
Mer Morte. M. Guettàrd ayant remis à l'Académie
des fciences plufieurs bouteilles de cette eau, que
lui avoit données un voyageur intelligent & bon
naturalifte , nous fûmes chargés , MM. Lavoifier,
Sage & moi, de l'examiner. Le réfultat de nos expériences
fur cette eau , que nous trouvâmes extrêmement
falée , pefante, âcre & amère , fut
que nous en tirâmes beaucoup de fel commun,
dont une. portion étoit même criftallifée dans les
bouteilles, mais furtout une quantité prodigieufe
de fel marin a bafe terreufe, & que dans l'aiaalyfe
elle ne donna aucun indice de bitume.
- Veau de la mer n’eft pas partout chargée d’une
égalé quantité de fel : on a remarqué qu'alfez généralement
elle eft plus falée dans les pays chauds
que dans les pays froids. La quantité de fel commun
que contient Veau de la mer, va à peu près
depuis trois jufqu’à quatre livres fur cent livres
à1 eau : elle eft bien éloignée par conféquent d'être
faturée de ce fe l, car Veau peut tenir en diffolu-
tion à peu près le quart de fon poids de fel commun
, & même un peu plus.
Il fuit de là que, pour obtenir le fel de Veau de
la mer, il faut avoir recours à l'évaporation : cela
eft même d'autant plus néceffaire, que le fel commun,
étant du nombre des fels qui fe tiennent diffous
en quantité à peu près égale dans Veau froide
& dans Veau chaude , ne peut fe criftallifer que
par l'évaporation & non par le refroidiffemenr.
( Voyei Cristallisation & Sel commun. )
Analyfe de l 3eau de la mer, prife à une-certains
profondeur, par Bergman.
1. André Sparrman , favant médecin, qui parcourut
avec MM. Forfterles mers auftrales, qui,
de même que fes compagnons, a recherché, re-
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cueilli & décrit avec une ardeur infatigable les
richeffes & les merveilles de la nature dans ces
parages, entreprit de connoître, dans le cours de
fa navigation du Cap de Bonne-Efpérance en Europe
, la qualité de l'eau de la mer, prife à une
très-grande profondeur. Au commencement de
juillet 1776, il jeta fucceflivement, pour cet effet,
dans la mer, à peu près à la hauteur des Canaries,
plufieurs bouteilles à col étroit, exactement fermées
avec du liège. Ayant fait defcendre une de
ces bouteilles à la profondeur de quatre-vingts,
braffes, il s'apperçut, en la retirant, qu'elle avoit
été caffée , dans la partie la plus renflée , par la
preffion de Veau environnante j il en defcendit une
autre feulement à trente braflesj il trouva que le
liège étoit à la vérité un peu enfoncé, mais pas
affezpour y laiffer entrer Veau-, enfin, il en defcendit
une à foixante braffes, & il la retira pleine'
à3eau jusqu'au tiers du col-, où le bouchon avoit
été pouflé , & où il étoit fixé de manière à contenir
parfaitement la liqueur 5 il remplit, à la même
profondeur, plufieurs de ces bouteilles , qu'il m’a
données à fon retour dans fa patrie, en me priant
d'en faire l'analyfe.
2. Cette eau de mer n’a aucune odeur, mais
une faveur très-falée, à la vérité peu agréable,
qui cependant n'excite pas le vomiffement, comme
celle que l'on prend à la furface.
A. Elle donne une légère teinte bleue au papier
coloré par le fernambouc ,* elle 'fonce un peu la
couleur de celui qui a reçu la teinture de tournefolj
ce qui donne de foibles indices de quelque matière
alcaline, par exemple, de magnéfie diffoute
par l'acide aérien. La teinture de tourrtefol n’en eft
pas fenfiblement altérée.
B. Vacide du fucre y produit fur le champ un précipité
blanc , qui eft de la chaux fucrée.
C. V alcali fixe en précipite de même très-promptement
une terre blanche qui a tous les caractères
de la magnéfie.
D. Le fel marin à bafe de terre pefante y occafîonne
tout de fuite un précipité de fpath pefant.
E. Elle ne donne point de bleu avec Valcali
phlogifiique.
De là on peut conclure très-fûrement qu'elle
tient de la chaux (B), de la magnéfie (C ) , de
facide vitriolique (D) : pour le fel marin, cela
n'étoit pas équivoque.
Pour déterminer plus précifément la nature &
la quantité de fes principes, j'ai procédé de la
manière fuivante :
5- Une kanne de cette eau, dont la pefanteur
fpéçifique étoit à celle de Veau diftillée : : 1,0289
: 1,0000, ayant été évaporée à ficcité, a laifié un
réfidu qui, après une jufte defficcation, a pefé
trois onces trois cent foixante*dix-huit grains.
A. Ce réfidu, lavé dans V efprit-de-vin 3 y a perdu
trois cent quatre-vingts grains. Sa diffolution dans
1 eau diftillée a laiffé précipiter de la magnéfie par
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l’addition de l'alcali minéral, & la liqueur a fourni
du fel marin par l'évaporation.
B. Pour juger s'il n'y avoit pas de vitriol de ma-
gnéfie, j’ai verfé un peu à3eau chaude fur la mafïe
faline qui avoit été lavée dans ,1'efprit-de-vin, &
je l’ai décantée fur le champ. Cette eau examinée
n’en a donné aucun figne, ni à la faveur ni à la
précipitation , & ne tenoit qu'une petite portion
de fel marin.
Veau bouillante diffout très-facilement le vitriol
de magnéfie j elle ne prend au contraire guère
plus de fel marin pur que Veau froide : c'eft donc
un moyen très-commode pour les féparer. Quelques
modernes prétendent même que Veau froide
diffout plus de fel marin que Veau chaude : cette
aftértion répugne à l'ordre naturel des chofes , &
je me fuis affuré, par.des expériences exactes, que
les quantités de fel marin, diffous dans Veau diftillée
au degré de l'ébullition & à la chaleur moyenne,
étoient, à poids égal d'eau , : : 77 : 71.
C. Le fel marin a été diffous dans Veau froide ,
avec la précaution de n'en employer que ce qu'il
falloit pour qu'elle ne pût rien prendre au-delà ;
de forte qu'il eft refté une poudre blanche qui an-
nonçoit les caractères de la félénite.
D. Cette félénite a excité dans le vinaigre concentré
une légère effervefcence qui a bientôt ceffé,
& la diminution étoit à peine fenfible.
E. Ayant recueilli & pefé toutes ces fubftances,
j'ai vu que cette eau contenoit par kanne :
De fel marin.................................2. onc. 43 3 gr.
De fel marin à bafe de magnéfie. » ‘380
De félénite................................. » 4^
To ta l.......................... .... 3 onc. 378 gr.
La magnéfie qui étoit adhérente à la félénite ,
avoit été auparavant tenue en diffolution par l’acide
aérien \ elle faifoit à peine la huitième partie d'un
grain.
4. Si Veau de la mer, prife à une grande profondeur,
eft conftamraent de la même nature que
celle que je viens d’examiner, on peut en conclure
qu’elle n'a point la faveur nidoceufe j ce qui s'accorde
affez bien avec tous les autres phénomènes.
En effet, ce nombre infini de poiffons, d'animaux
& de végétaux qui y naiffent, croiffent & meurent,
fe gonflent dès qu’ils commencent à éprouver
la putréfaction, & s’élèvent à la furface, foie
en totalité, foit en partie, à mefure que Veau les
réduit en extrait : l’acceffion de l'air libre & la
jufte dofe de fel marin des eaux de cette furface
hâtent pour lors confidérablement leur putréfaction.
Çette deftruCtion eft dans l'ordre de la nature
: toutes les circonftances confpirent en même
tems pour achever cette opération, & fi je ne me
trompe, la faveur qui excite le vomiffement n’eft
que l’effet inféparable de cette multitude de parties
putréfiées, raffemblées à la furface. Mais,