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client aux parois des tonneaux. Le vin eft enfuite
difpofé à éprouver, fi les circonftances font favorables
, une nouvelle & dernière fermentation 3 qui
le dénaturera & le décompofera entièrement j &
l'on ne doit pas oublier qu'il y a en effet une telle
difpofition, que Ton doit prendre des précautions
contre ce mouvement de décompofition fi Ton
veut le conferver.
f . D'après les conditions & les phénomènes
indiqués , il n'eft pas difficile de convertir le vin
en vinaigre : le tems feul opère cette converfion
dans des vafes mal bouchés , & expofés dans un
lieu allez chaud. C'eft ainfi que , dans beaucoup
de ménages , on met dans une falle baffe, & toujours
à une température qui favorife l'acétification
, un baril rempli de vin déjà tendant à l'acef-
cence. Quand, après l'y avoir laiffé tout-à fait
aigrir pendant quinze ou vingt jours, on en cire,
par un robinet placé vers le bas , une petite portion
pour les ufages domeftiques, on ne fait que
remplir le tonneau avec une égale quantité de vin.
Par ce moyen le vin ajouté pafïe promptement
& fueceflïvement à l'état de vinaigre, de manière
que ce baril une fois préparé, comme je l'ai dit,
fuffit pour entretenir le ménage entier fans nouvelle
fabrication, puifqu'il ne fout que remplacer,
par une mefure égale de vin, le vinaigre que l'on
tire. On voit ici que le vinaigre déjà formé fert de
ferment au vin que l'on ajoute. Quand on eft obligé
de recommencer cette opération par une circonf-
tance quelconque, & que l'on veut refaire un
baril de vinaigre pour la première fois , on jette
dans le vin qu'on y met une peau ou efpèce de
membrane qu'on retire des barils contenant du
vinaigre depuis long-tems, & qu'on nomme mère
de -vinaigre. C'eft un dépôt muqueux, concret, dû
à la décompofition lente du vinaigre, & qui fert
de ferment pour faire naître la fermentation acide
dans le vin. Ce fait eft fi connu, qu'entre des ménages
voifins on fe prête ainfi la mère de vinaigre3
comme on fe prête du levain pour le pain. 6. Boerhaave a donné, dans fes E lé mens de
chimie , un procédé très-bon pour fabriquer le vinaigre,
& on le pratique encore dans beaucoup
d'endroits. On prend deux tonneaux j on établit,
à quelque diftance de leur fond, une claie d'ofier,
fur laquelle on étend des branches de vigne &
des rafles ; on y. verfe du vin, dont on remplit l’un
entièrement, & l ’autre feulement à moitié. La
fermentation commence dans ce dernier. Quand
elle eft bien établie, on remplit ce tonneau avec
le vin contenu dans le premier. Par ce moyen, la
fermentation fe ralentit dans le tonneau rempli, &
commence dans celui qui eft à moitié vide. Quand
.elle eft parvenue à un degré affez confidérable ,
en remplit de nouveau ce dernier tonneau avec la
liqueur de celui qui a fermenté le premier 3 de
forte que la fermentation 3 qui fuit la raifon in verfe
des maffes, recommence dans celui-ci & fe ralentit
dans l'autre. On continue à remplir & à vider
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alternativement les deux tonneaux, jufqu'à ce que
le vinaigre foit entièrement formé j ce qui exige
.ordinairement douze à quinze jours.
§. II. Des autres procédés par lefquels on obtient de
Vacide acéteux.
7. L’acide acéteux a cela de différent du produit
de la fermentation vineufe, qu'il peut fe former
fans cette fermentatton, que fouvent il eft la
fuite d'altérations ou de changemens indépendans
de la fermentation acide. Les procédés de l'acétification
ou de la converfion des matières végétales
fades , infipides, fucrées, muqueufes, extra&ives,
en véritable acide acéteux, font très-multipliés >
& 1 on a obfervé, depuis quinze ans furtout, une
fpufè de circonftances diverfes, où ces matières
s'acédifient fans rien éprouver de vraiment fem-
b labié à une fermentation.
8. Ces matières fades ou fapides , mais non
acides, le deviennent, & paflent toutes en partie
a 1 état d'acide acéteux par l'aélion fpontanée que
l'acide fulfurique exerce fur elles. J'ai déjà fait
obferver plusieurs fois que la feule tendance de
l'acide fulfurique concentré pour fe faturer d’eau,
étoit une caufe très-a&ive de l'altération qu'il fai-
foit fubir aux matières végétales. Cette altération
confifte en trois effets diftindts, quoique fimulta-
nés : d'un côté, elle unit une portion d'hydrogène
de ces matières, une partie de l’oxigènequi
leur appartient également, pour former de l ’eau
qui fature l’acide 3 d’un autre , il s'en fépare du
carbone qui brunît, noircit même le mélange &
fe précipite bientôt au fond de l'acide : en même
tems une troifième portion de ces matières paffe à
Tétât d'acide acéteux, qui refte confondu avec
1 acide fulfurique, & qu'on peut en féparer par la
diftillation j de forte qu'il n'y a pas de fubftance
végétale traitée à froid par cet acide puiflànt, qui
ne donne plus ou moins d’acide acéteux en la fou-
mettant enfuite à I’aêlion du feu.
9. L acide nitrique, qui a , comme je l'ai fait
voir ailleurs, tant de tendance pour détruire les
compofés végétaux, y forme toujours un peu
d'acide acéteux en même tems que les acides muqueux
8c oxalique, & peut-être même de l’acide
malique. On a vu que l'alcool lui-même étoit en
partie converti en acide acéteux quand on le trai-
toit par l'acide du nitre. L'acide muriatique opère
encore une pareille converfion quand on le laifle
long-rems féjourner avec des fubftances végétales,
quoiqu'il foit beaucoup moins puiffant. que
les acides fulfurique 8c nitrique. Mais c'eft fur-
tout l’acide muriatique oxigèné qui, malgré fon
>eu de diffolubilité, reçu en état de gaz dans des
iquides végétaux ou des diffolutions de matières
végétales, a la propriété d’en convertir une partie
en acide acéteux. C’eft ainfi qu'en traitant l'alcool
par cet agent, on le change beaucoup plus
en acide acéte.ux qu’en éther 5 & c'eft pour cela
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que Téthèr muriatique eft toujours acide & peu
abondant.
10. Il n'eft pas encore aufli bien prouvé qu’on
Ta cru, que la plupart des autres acides végétaux
foient fufceptibles de pafler à l'état d'acide acéteux,
8c que cet acide foit le terme commun de
leur acidification. Si l ’acide tartareux paroît en
effet pafler à cet état, ainfi que l'acide malique ;
fi, d'après la préfence confiante de l’acidulé tartareux
dans le vin , il peut être regardé comme
un ferment qui en follicite l'acétification , 8c
comme fourni fiant une matière qui par elle-même
s’acétifie , il ne paroît pas qu'on puifle en dire autant
de l'acide oxalique, le plus fort 8c le plus
inaltérable des acides végétaux, celui qui réfifte
à toute altération fpontanée, dans les mêmes circonftances
où l'acide tartareux & les tartrites fe
décompofent & fe détruifent.
11. On vient de voir qu’il fe forme de l’acide
acéteux dans des circonftances étrangères à la
fermentation., & que fa production n'exige pas né-
ceflairement Texiftence d’un mouvement inteftin
ferrnentatif : il y a de même une fermentation acé-
teufe3en produisant de l'acide acéteux, fans qu’elle
ait été précédée de la fermentation vineufe, dont
on admettoit, d’après Boerhaave, Texiftence préliminaire
comme indifpenfable j de forte que le
nom de vinaigre ne peut plus être appliqué qu’au
vin lui-même, devenu acide ou aigre, mais qu’il
faut y fubftituer celui d'acide acéteux , qui doit
préfenter une autre idée plus générale que le mot
vinaigre. Prefque tous les végétaux font fufceptibles
de pafler en effet a la fermentation acide ou
acéteufe, de donner par-là de véritable acide acéteux
fans avoir fubi auparavant la fermentation
vineufe, fans avoir formé d'abord du vin. C ’eft
ainfi que fe comportent les feuilles & les racines,
les choux aigris dans l’eau, en fawer-crout, fi rnal-
à-propos nommé choucroute en français. L'amidon
ou la farine, délayé dans l'eau & formant Veau
fure des amidoniers3 la pâte elle-même , qui , lorf-
qu’on la laifle lever un peu trop fortement, devient
aigre 8c donne un goût fur très-fenfible au
pain qui en provient.
12. On croyoit autrefois que , même dans les
cas que je viens de citer, il y avoit d'abord une
fermentation vineufe, infenfible, 8c que toutes les
fubftances végétales qui s'aigrifloient, commen-
çoient par être dans un état vineux} mais on re-
connoît manifeftement ici l’influence d’un préjugé
qui, d’après l’énoncé de Boerhaave, forçoit en
quelque forte la nature à fe plier aux idées qu'on
s'étoit formées. On ne peut pas admettre une fermentation
vineufe dont on n'a nulle preuve 8c nul
indice, dans la fève des arbres au moment où Jfon
vient de l'extraire, dans les extraits préparés rapidement
, qui contiennent tous de l'acide acéteux.
L’urine de l'homme & celle des animaux
n’éprouvent pas aflurément une fermentation vineufe
, 8c donnent facilement ce même acide par
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un changement inteftin de leur matière propre :
ainfi il faut conclure de là qu'il y a une fermentation
acéteufe indépendante, & non fuite néceflaire
de la fermentation vineufe, & une formation d'acide
acéteux dans des matières qui ne font point
à l'état vineux.
§. III. Des propriétés du vinaigre.
13. i.e .vinaigre, ou Tefpèce d’acide acéteux
impur qu’on prépare 8c qu’on emploie le plus
communément, 8c qui eft fabriqué par la fermentation
acéteufe du vin, eft un liquide rougeâtre ou
jaunâtre que, dans ce dernier cas, on nomme
vinaigre blanc, d’une faveur aigre, piquante, affez
forte 8c agréable, d'une odeur légèrement aro-
matique, 8c qui retient une portion non décoin-
pofée de l'alcool du vin 3 il pèfe de 10.135’ à
10.251, l’eau étant 10.00O. Il varie beaucoup
dans fes propriétés, fuivant qu’il provient d'un
vin plus ou moins alcoolique, coloré, fort & généreux
, où foible 8c de mauvaife qualité. Je ne
parle pas même ici de celui dans lequel on a jeté
de l’acide fulfurique ou de l'acide nitrique pour
lui donner une acidité plus grande.
14. Cette liqueur ufuelle contient, outre l'acide
acéteux proprement dit, une certaine quantité
de tartre qu'elle ne dépofe pas comme le vin,
une matière extradtive colorante , quelquefois
même un peu de mucilage, 8c fouvent del'acidé
malique 8c de l'acide citrique. On y trouve encore
du fulfate de potaffe , 8c même un peu de
fulfate de chaux. On conçoit, au refte, que toutes
ces propriétés y varient fuivant la nature du
vin qui Ta fourni, 8c qu'ainfi il n'y a pas de vinaigre
parfaitement identique. Auffi n'eft-ce pas de
cet acide que les chirriiftes examinent ordinairement
les combinaifons.
15. Le vinaigre contient ou nourrit une efpèce
d’animaux microfeopiques, qu'on a nommés très-
improprement anguilles, 8c qui font du genre des
infufoires. Les naturaliftes modernes nomment
cette efpèce vibrio aceti. Il en offre furtout une
quantité beaucoup plus confidérable quand il commence
à s'altérer, & il eft extrêmement fufcepti-
ble d’altération, ôn le voit fe troubler, dépofer
beaucoup de flocons, prendre une odeur de moifi ,
former même une mafle muqueufe & gluante,
femblable à ce que Ton nomme mère de vinaigre.
Il eft bien reconnu qu'il fe décompofe beaucoup
plus promptement quand on le laifle fur la lie , 8c
voilà pourquoi on le tire à clair immédiatement
après qu’on Ta fabriqué. Il paroît qu'une des matières
contenues dans le vinaigre , qui contribuent
le plus à fon altération fpontanée, eft le tartre ;
car les phénomènes qui exiftent dans cette décompofition
font les mêmes que ceux d'une difîblu-
tion de tartre.
. 16. Quand on expofe le vinaigre à la gelée, il
n’y en a qu'une portion qui fe gèle : la partie gelée
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