
L A B
L a b o r a t o ir e , on nomme laboratoire le lieu
deltiné aux travaux & aux recherches de chimie.
. Cette efpèce d'atelier, plus compliqué que ceux
de tous les autres arts, à caufe des nombreux
uftenfiles, inilrumens & matériaux qu'il faut y
reunir pour les expériences très-variées , & les
opérations multipliées qu'on doit y pratiquer ,
doit varier lui-même fuivant le genre de recherches
auxquelles on le confacre.
• Par exemple, un laboratoire où l’on fe propofe
de traiter les mines & les métaux n’eft pas le même
que cêlui où l’on veut faire des effais de teinture 5
celui qu'on élève pour rechercher la nature des
matières végétales & animales ne doit pas être
fcmblable au laboratoire où l’on veut s’ occuper
des terres , des pierres, des verres & des émaux.
On peut cependant réduire les genres de laboratoires
à deux en général j le premier genre comprend
ceux que l'on confacre à des effais fur les
arts > ceux-là doivent être ^variés en grandeur,
comme en uftenfiles & en matières, fuivant le
genre d’art qu’on veut y étudier ou y perfectionner.
On en établit de tels ordinairement auprès
des manufactures & des fabriques qui doivent être
éclairées par la chimie, comme les ateliers dé poteries
fines , de porcelaine, de verrerie, d’émaux,
de fonderies, de métallurgie, de teintures, d'ha-
lorechnie ou d’halurgie, de papeterie , de toiles
peintes, &c. On fent bien qu’il ne doit pas être
traité ici de cr-s laboratoires deftinés à des travaux
particuliers. On en dira un mot, foit en indiquant
quelques principes fur ces arts dans les articles
qui y font relatifs , foit en traitant des matières
qui en font lesxobjets ou les fujets. Les détails de
cette nature appartiennent d’ailleurs aux Dictionnaires
des arts.
Le fécond genre de laboratoires renferme ceux
que l’on pourroit nommer polychreftes ou uni-
verfels , & qui doivent être tellement difpofés &
garnis d’uftenfiles, qu’ils puiffent fervir à tous les'
genres de travaux & de recherches, depuis les
expériences qui ont pour but d’étudier les forces
& les phénomènes de la nature, & la fuite de
celles par lefquelles on démontre les bafes delà
fcience chimique, jafqu’à celles qui font relatives
au perfeCHonnemeut de quelques arts ou de quelques
procèdes des arts. - C ’eft ce laboratoire qui
convient au chimifte favant ou philofophe , au
chimifte profeffeur, au chimifte confultant, dont
les avis font fi utiles & fi recherchés dans une
foule d’ induftries ou de néceffités humaines. C’eft
au(fi de ce genre de laboratoires que je vais: traiter
dans cet article.
Il faut d’abord fuppofer, pour bien faifir l'ef-
prit qui va me guider dans cet article important,
que j’admets le cas ou le choix d'un local , la
conftruCtion , les dépenfes, &c. font au pouvoir
du chimifte , & que je confidère le point le plus
rapproché de la perfection dans ce genre d’éta-
bliffemen,t. C’eft en quelque forte le maximum du
bien, du grand, du complet que j’énoncerai, que
je décrirai; & commé peu de perfonnes parmi
celles qui veulent fe livrer à la chimie pourront
réunir tout ce que ce maximum exige, en moyens,
eh dépenfe, chacun ne prendra de ces préceptes
que ce qui pourra fe trouver à fa convenance.
Aufli remarquerai-je ici qu'il ferait bien à defîrt r
que les perfonnes riches euffent le goût des recherches
de chimie, & vouluffent y employer
une partie de leur fortune. On peut les affurer que
leur efprit & leur coeur feront plus fatisfaits par
ce genre d’occupations, que par tous ceux auxquels
on voit tant de fortunes facrifiées, & qui,
au fein de jouiffances bruyantes & agitées, compromettent
fi fouvent la raifon, la fanté , la vie
même des hommes qui s'y laiffent entraîner.
J'ai vu de grands perfonnages, les d'Orléans,
les d'Ayen , les Larochefoucault, lesLauraguais,
les Couttivron , les- Chaulnes, les Sarron , les
Malesherbes, les Poulletier delà Salle, &c.plus
heureux par les recherches chimiques qu'ils:fui-
voient avec les Rouelle , les Darcet, les Mac-
quer, les Bucquet, chimiftes qui ont fait la gloire
de leurs tems & de leur pays , que les grands feigne
urs & les riches adonnés à des goûts plus ruineux
& moins utiles. Je n’ai obfervé dans la culture
paifible de la chimie, ni les plaintes, ni les
regrets,' ni les malheurs, ni la fatiété fi infuppor-
table que font naître les autres pallions. Quelle
différence,entre la réputation de Lavoifier , employant
une portion de fa fortune aux découvertes
chimiques qui ont illuftré fon nom, & la vaine renommée
des grands & des riches de la terre, qui
; n’ont lai fie de leur richeffè que des monceaux de
pierre, monumens faftueux où $ poftérité ne voit
que les titres de l’orgueil & de la vanité.
Le premier foin qui doit occuper dans Téta-
bliffement d’un laboratoire eft le choix de l’emplacement.
Sans l’élever à des étages de bâtimens
dont l ’accès eft toujours difficile , on doit le placer
à quelques pieds au deffus du fol, fur un efpace
voûté en pierres lèches, pour n’avoir point à
craindre l'humidité, & pour procurer un écoulement
fur aux eaux qui en (brtent fans ceffe. Il faut
que le local bâti en pierres foit affez vafte , au
deffus de vingt pieds de diamètre dans le côté le
plus étroit, & d’une élévation entre le plancher
& le plafond qui excède douze pieds. On ne doit
pas le borner à une feule pièce, comme on ne l’a
fait que trop fouvent, mais l’accompagner de
deux pièces au moins à chacune des extrémités.
D’un côté, l’une de ces pièces eft confacrée à
contenir les fontaines, & à faire toutes les opérations
qui exigent beaucoup d’eau> de l’autre,
on place dans une pièce féparée du grand laboratoire
, par une falie intermédiaire, les balances ,
les machines pneumatique, de compreffion , électrique,
& en général tous les uftenfiles métalliques
que le contaét des vapeurs acides pourroit
attaquer, & dont il altéreroit promptement la
jufteffe & la précifion.
La grande pièce du centre , ou le laboratoire
proprement d it , doit être dallée fur fon fol en
pierres bien jointes & affez dures j il faut y pratiquer
un affez grand nombre de fenêtres oppofées,
pour y recevoir une belle lumière, & y exciter
au befoih des courans rapides pour entraîner les
vapeurs dangereufes qui fe dégagent fouvent dans
les opérations. Le deffous , creufé & voûté de ce
bâtiment, forme des laves pour placer les liqueurs
ufuelles, l'eau-de-vie , les huiles, le bois, &c.
Il eft très-utile d'avoir au deffus du laboratoire
un premier étage, dans lequel on porte l’ouvrage
par ordre, les produits des opérations. Aux deux
bouts de cet étage doivent être logés un aide &
un gardien. Il ne l’eft pas moins de conftruire fur
l'un des grands côtés du laboratoire une cour un
peu vafte, munie, fur fa face oppofée au laboratoire
, de hangars , où l’on ferre les provifions de
quelques matières qu'on doit avoir un peu en
grand. L’un de ces hangars contient une forte
balance au quintal; l’autre eft un charbonier, un
troifième renferme les briques, tuileaux, terre
glaiTe, terre à four & fable néceffaires à la conf-
trU&ion des appareils ; un quatrième peut fervir
à tenir les preffes, grands carrelets à filtrer; un
cinquième fert de bûcher, &c. 11 y a beaucoup
d'avantage à multiplier ces hangars. La cour
elle •même eft fouvent utile pour des expériences
fétides, de détonation, &c.
Le grand côté du laboratoire oppofé à la cour
peut être un jardin planté d’arbres affez écartés
du mur de face, pour laiffer pénétrer le foleil du
midi.
Il eft très-avantageux d'avoir à portée du laboratoire
un vafte réfervoir d’eau de fource ou d’eau
de pluie, & une glacière , la glace étant aujourd'hui
un des premiers befoins de beaucoup d'expériences.
Quand le local, compofé d'une cour & de hangars,
d'un jardin , d'une glacière, d’un bâtiment
a deux étages, eft confirait, ou choifi & difpofé
comme je viens de le dire, on s'occupe d'arranger
& de meubler l'intérieur du laboratoire & des
pièces adjacentes , de qianière à les approprier
aux recherches de. ch-imiç. On confirait dans le
grand laboratoire une hotte de cheminée qui doit
occuper l'un des grands côtés, qui commence à
fix pieds du fo l, & qui aboutit à deux ou trois
tuyaux de cheminées, élevés au deffus du bâtiment.
Sous cette hotte, on bâtit de grands fourneaux
à alambic, des forges, des fourneaux de
fufîon, fuivant ce qui eft preferità l'article Fou rneaux.
Ceux-ci font au niveau d’unepai'laffe carrelée
en terre ou dallée, occupant toute la longueur
du manteau en hotte, fans autre interruption
que celle des fourneaux indiqués ; cette pail-
laffe, élevée à deux pieds du fol, porte furdescon-
foles de pierre ou de briques, & eft foutenue’ à
for. bord par une bande de fer épaiffe, dont les
bouts font fcellés dans le mur. On place fur cet
appui les fourneaux portatifs : on y dreffe les divers
appareils de diftidation, de fufîon, &c. Le
deffous forme des divifions où l’on ferre dans des
caifleSi le charbon, la houille, les barres de fer,
les fromages, les fupports, la terre, le fable, 8c c.
dont on a befoin fans ceffe. ( Foyeq tous ces mots.)
Sur le mur de fond de cette cheminée , & fur
ceux dés côtés compris fous la hotte, on fait fcei-
ler des tringles de fer, auxquelles font fufpendues
des pincettes , des pinces à feu, des fers à motif
taches , des baguettes de fer, des cuillers , des
fparules de même métal, des cifatllçs, des lin-
gotières, qui font néceffaires dans une foule d’opérations
chimiques. On y place suffi, furtout
des deux côtés, des tablettes fur lesquelles on
arrange des creufets de terre avec leurs couvercles
& leurs fupports, dès creufets de carbure de fer
& de cuivre, des tûtes, des têts à rôtir, & en
général tous les uftenfiles qui fervent aux fufions,
aux calcinations, aux grillages, &c. ( Voye£ Iss
articles relatifs à chacun de ces inflrumens, )-
La hotte delà cheminée, repréfentant une languette
qui va gagner obliquement, & en s’en rapprochant
à meiure quelle s’élève, le mur de fond
du laboratoire, lai lie un efpace difponible au dehors
& au devant de fa face extérieure, & i’on
profite de cet efpace pour y établir fur le rebord en
corniche ,. & le long de fa hauteur, des tablettes
qui portent des ballons, desrécipiens, de grandes
cornues de verre, & les appareils qui fervent ni
général aux diftilhtions. On fufpend à fes deux
extrémités des fouftkts de maréchal ou d’orgue „
dopt les tuyaux defeendent par des canaux de cuivre
ou de fer-blanc, pour porter l’air dans les
forges, les fourneaux à vent.
Les parois du laboratoire & Iss entre-eroifées
portent aufti vers le bas des corps de tiroirs pour
contenir les matières fèches, métalliques, pierre
u fes , terreufes, falin.es, ligneufes, &c. & vers
le haut des rangs de tablettes folides, fur lefquelles
on place les bocaux ou poudriers, les flacons
, goulots renverfés, bouteilles & vafes de
verve contenant les matières en poudre , les liqueurs
qui fervent de réa&ifs ou de diffolvans,
1 telles que l’eau diftillée , les acides, les alcalis ,