
à la vérité eft une des fubftances adipeufes les
plus ©xigênées.
12. L eau ne diffout pas la graijfe , & lorfqu’on
l ’emploie pour la laver & la purifier, ce n*eft que
pour en féparer le fang & les autres matières diflo-
iubles qu elle contient. Quand on fait bouillir la
graijfe dans l’eau, elle fe fond, & le liquide aqueux
diflout alors les lames membraneufes & le tiflu
cellulaire qui y font interpofés j de forte que fi
l’eaueft peu abondante, & qu’on la biffe enfuite
refroidir, elle fe prend en gelée. J’ai déjà dit
qu’une portion de ce liquide s’interpofoit entre
les molécules de la graijfe ; de forte qu’après le
refroidi{fement & la condenfation de ce ile-ci,
elle eft fous forme grenue plus légère qu auparavant,
blanche & plus opaque qu’elle n’étoit. 11
faut la chauffer long-tems enfuite pour en féparer
cette portion d’eau qui s’échappe en pétillant juf-
qu'à la dernière molécule. 11 fe paffe un autre
effet de la part de l'eau lorfque la graijfe eft bouillante
& fortement chauffée, lorsqu’elle eft au
point de s’enflammer, Si furtout quand elle l’eft
déjà. L’eau jetée fur la graijfe ainfi chauffée produit
fouvent une explofion confidérable, & augmente
finguliérement fon inflammation ; ce qui eft
dû à une véritable décompofition de l’eau opérée
par le carbone rouge, & au dégagement rapide
de l’acide carbonique & du gaz hydrogène , qui
font le produit de cette décompofition. Voilà
pourquoi l’eau, loin de pouvoir fervir à éteindre
les incendies des huiles & des graiffes enflammées,
ne fait qu’ en activer la combuftion & en
augmenter les ravages.
13. La graijfe agit, à l’aide de la chaleur, fur
tous les oxides métalliques, & les réduit d’abord
en s’oxfgénant elle-même, & enfuite en fe décom-
pofant. On obferve cet effet dans la préparation
des onguens & des emplâtres. Beaucoup d’oxides
métalliques, furtout ceux de plomb, de cuivre
& de fer , font diflolubles dans la graijfe chaude ;
ils lui donnent de la confiftance & de la chaleur ;
iis forment avec elle des efpèces de favons info-
fubies : il eft donc dangereux de faire fondre de la
graijfe dans desvaiffeaux de terre verniflee avec
les oxides de plomb & de cuivre.
Les acides pui flans, & fpécialement le fulfurique
& le nitrique, »giflent d'une manière très-
femarquable fur la graijfe, tandis que les acides
ÿoibles & peu décompofables, ou cédant difficilement
leur oxigène, ne lui font éprouver aucune
altération.
L’acide fulfurique concentré brunit la graijfe Si
la charbone fenfiblement à froid : fon aétion s’arrête
quand il y a formé a fie z d’eau pour en être
faturé. A chaud, elle va beaucoup plus loin : il fe
dégage du gaz acide fulfureux, du gaz acide car^
Monique & du gaz hydrogène fulfuré. La graijfe
,ft enfuite en grande partie déGompofée, & ij
’en refte qu’une petite portion noire & peu corj-
«ftante.
, L'acide nitrique n’agit que très-peu à-froid fur
le compofé adipeux. A chaud, à la température
où la graijfe eft fondue, l’acide nitrique, à trente-
deux degrés de l’aréomètre, fe décompofe, lui
fournit de l’oxigène , la colore en un citron-
orangé : il fe dégage un peu de gaz nitreux & du
gaz azote : c’eft ainfi que l'on obtient la pommade
oxigénée que j’ai propofée le premier, il y a plu-
fîeurs années , pour être fnbftituée à l ’onguent
qitrin, Si que M. Alyon a trouvée fi utile depuis
dans la galle, les vieilles dartres , les affections
vénériennes de la peau, il la prépare en prenant
quinze parties de graijfe & une partie de l’acide
indiqué, en les faifant agir à une légère chaleur
jufqu’à ce qu’il y ait ébullition , en retirant le
mélange du feu , & en l’agitant beaucoup pendant
qu’elle refroidit. Il peut y avoir beaucoup de
degrés d’oxigénation de la graijfe, fuivant la forme
& la quantité de l’acide que l’on emploie. Si l'on
fe fert de trois ou quatre parties d’acide nitreux
fur une de graijfe, & fi l’on fait chauffer fortement,
on décompofe ces deux corps : la graijfe
brunit fenfiblement, & il fe forme de l’acide fé-
bacifique, un peu d’acide*oxalique, tandis qu’il fe
dégage beaucoup de gaz nitreux & d’acide carbonique,
fans parler de l’eau qui eft produite &
dégagée en même tems. Parmi les diverfes oxida-
tions qu’on fait éprouver à la graijfe en la traitant
par cet acide de différente force, à diverfes
températures, en dofes variées, il en éft une-qui
la rapproche affez fenfiblement de la confiftance 3
■ de la féchereffe de la cire, pour faire efpérer qu’on
parviendra quelque jour à lui donner ce caractère
dans nos manufactures. La graijfe oxigénée à l’état
de pommade éteint le mercure cinq fois plus vite
que h graijfe naturelle, & peut fervir, avec grand
avantage, pour la préparation de l’onguent citrim
Elle eft auffi fufceptible d’oxider promptement le
cuivre qu’elle diffout par la chaleur, Si avec lequel
elle forme promptement une forte d’onguent
brun ; elle eft diffoluble dans l’alcool, &c. On
peut oxigéner la graijfe par l ’acide muriatique oxi-
géné.
14. Les alcalis cauftiques ont une aCtion très-
forte fur la graijfe ; ils la portent facilement à
l’état favoneux. Ce genre de fayon animal peut
fervir à tous les ufages économiques, & on en
fabrique de cette nature dans quelques pays. L’am:
moniaque n’exerce point une pareille aCtion f <r le
compofé adipeux. La chaux, la baryte & la ftron-
tiane fe combinent avec elle, & conflit tient des
favons terreux, durs, folides & inffiffolubles. Ges
compositions font quelquefois employées dans la
fabrication des cimens, & leur donnent une foli,-.
dité confidérable , Si la propriété de recevoir un.
poli doux & ondueux. Les‘favons de graijfe , bi ti-
lés à un grand feu, fe charbonent, &. fourniffent
des fébates alcalins & terreux, que quelques chi-,
mifies modernes ont crus tout formés dans les
premiers favons, mais qui ne fe forment vérkablement
que par la haute tempéra tu et qui brûle
décompofe la graijfe.y J'en repaierai- bientôt
{n°. 17) en traiiant deifacide fébacique. Les feis
n’ont auc une aéiion connue fur la graijfe.y le mu-
riatedefoude la conferve & l'empêche affez long-
tems de fe ranéir.
iy. Les feis & les diffolutions métalliques exercent
à -chaud fur la graijfe fondue, une aêtion qui
eft connue depuis long-tems dans les pharmacies
où l'on prépare plufieurs compofitions onguenta-
cé.es ou emplaftiques avec ces matières : c’eft fpécialement
avec le nitrate de mercure en diffclu-
tion qu’on ta reconnoit. Quand on verfe cette
diffolution dans la graijfe fondue , & quand on
agite ce mélange, il fe forme tout1 à Coup un précipité
jaune, & le mélange-, en fe refroidiflant,
prend une confiftance folide en confervant fa couleur
; ce qui l’a fait nommer onguent citrin. L’oxide
de mercure y quitte l’acide nitrique, paffe à l’état
d’oxide jaune ; h-graijfe- s’ oxigène par l'acide, Si
prend elle-même une nuance analogue. On voitfe
dégager en très-petites bulles du gaz azote-. Tous
■ les nitrates métalliques^ 8c- la plupart' des fels &
des diffolutions acides des métaux, préfentent ou
une diffolution ou une décompofition par la graijfe
fondue : plufieurs même s’y unifient bien à froid,
& par la feule trituration. Ge genre de combinai-
-fons peu connues encore, & l’aêlion réciproque
qui les accompagne, méritent d’occuper les chi-
miftes, Si doivent- offrir par de nouvelles recherches
de nouvelles matières utiles aux arts, ainfi
que plufieurs réfultats utiles à la théorie de là
fcience,
^ 16. La graijfe fe combine avec un grand nombre
de fubftances végétales & animales : elle diflout
facilement les extraits, les parties colorantes vertes
, les baumes, les réfines Si les gommes-réfines,
comme on le voit dans la préparation d’une foule
d’onguens & d’emplâtres; elle retient opiniâtrement
tous les matériaux odorans de ces corps,
comme le prouve l’art des parfums ; elle arrête
l'altération dont ces diverfes fubftances font fuf-
ceptibles, & les conferve très-long-tems ; elle
s’unit à la réfine élaftique, quoique difficilement.
L’alcool n'a pas d?a£tion fur elle, à moins qu’elle
ne foit rance ou oxigénée. Parmi celles qui contiennent
naturellement le plus d’oxigène, quèl-
ques efpèces de fubftances adipeufes font cependant
fufeeptibles de s’y di(foudre. Les mucilages
s’unifient avec la graijfe fondue, & lui communiquent
cette forte de douceur & d’onélueux qui
cara&érifent quelques onguens. Les gommes triturées
avec la graijfe la rendent diffoluble, ou au
moins fufceptible de refter fufpendue dans l’eau.
Elle eft fufceptible de s’unir parla fùfion, aux huiles
à qui elle communique une partie de fa confiftance.
Le tannin paroit auffi capable de fe combiner
à la graijfe3 quoiqu’ on n’ait pas encore parlé
decette efpèce de combinaifon. Enfin, les liqueurs
animales albumineufes s’y unifient auffi par une
longue trituration, & c’eft par leur moyen que la
graijfe eft reprife par ks vaiffeaux abforbans, &
reportée dans la circulation. Haller obferve que
quelques humeurs purulentes, qui ne font qu'un
compofé analogue à ceux que j’indique ici , ont
le caractère graiffeux, & s enflamment quand on
les chauffe.
17. J’ai annoncé, dans plufieurs des articles
précédens-, que la graijfe donnoit, par la décompofition
au feu , un acide particulier qui a été
nommé acide fébacique, parce qu’on l’obtient affèz
abondamment du fuif. Ge produit mérite une def-
cription fpéciale. Grell eft de tous les chimiftes
celui qui s’en eft' le plus occupé. Après avoir
trouvé qu’il étoit conftamment dégagé pendant fa
compofition des graiffes par le feu, il a cherché le
moyen de le purifier> il a rencontré de grandes
difficultés pour le féparer de l’huile qui l’accompagne.
Ayant employé la diftiiJation dans, la vue de
le concentrer, il a obtenu une eau trè^-acide1, 8c
s’eft ■ convaincu qu'il étoit plias volatil que ce liquide.
11 a imaginé de faturer le produit acide de
la graijje par la potaffe, d-évaporer la liqueur à
fit ci t é , d’en chauffer le réfidu dans un creuf> jufqu’à
ce qu’il ne donnât plus de fumée, & qu’il fe
diffolvît fans couleur , en faifant précipiter du
carbone pendant fa diffolution dans l’eau. Cette
fécondé diffolution évaporée lui a donné uh fei
feuilleté, qu’il a diftillé avec lamoitié defonpoidi
d’acide fulfurique , Si il a obtenu ainfi un acide
fumant, âcre, à la proportion d’un vingtième du
fel employé; Lorfque fon fel n’avoit point été
affèz calciné, il lui donnoit, par l’acide fulfurique^
une liqueur huileufe d’un jaune d’o r , mêlée- au liquide
acide. Il s’eft fervi d’un alambic de cuivre
ordinaire pour diftiller la graijfe Si en obtenir Ta*
eide liquide, ainfi que l’huile fluide; mais ce procédé
n’a pas rempli fes vues : l'acide retenoit dii
cuivre, l’étamage du chapiteau fond oit ; il a donc
effayé dè trouver un autre procédé que la diflilfa-
tiori & la faturation du produit de la graijfe par
l’alcali fixe, pour fe procurer l’acide fébacique.
Voici celui auquel il s’eft arrêté après beaucoup
de tentatives.
18. Perfuadé, avec tous les chimiftes, & furtout
Cartheufer, Macquer, &c. ,que l’acide fébacique
étoit tout formé dans la graijfey il s’eft propofé
de le fixer par les alcalis immédiatement & indépendamment
de la diftillation. 11 a fait un fa vois
de graijfe avec la potaffe, & il en a mêlé dix livres
dans un état gélatineux avec vingt-deux onces
d’alun diffous. En fépar-ant la liqueur du précipité
formé par le favon alumineux infoluble, Si en
l’évaporant, il en a retiré vingt-une onces de fé-
bate de potaffe, mêlé de fulfate de la même bafe,
C’eft de ce fel diftillé avec l’acide fulfurique
qu’il a extrait l’ acide fébacique; il l’a re&ifié fur
le quart du fel confervé à cet effet. Il s’affuroit que
cet acide re&ifié ne retenoit pas d’acide fulfurique»
en l’effayant par Tacétite de plomb. Le précipité