
ib rement 5 & afin que perfonne ne foupçonne la
vraie nature de ces liqueurs empoifonnées, on les
vend fous le titre de rojfolis d‘amandes amères ou
de fleurs de pêcher, & l’on en met jufque dans le
lait & dans les ragoûts. Il eft vrai qu'on met peu
de ce poifon, & qu'on ne boit pas de ces liqueurs
comme on boit le vin & l'eau, mais le poifon eft
toujours poifon; & d'ailleurs, on ne fait pas s'il
ne nuit pas lorfqu'onenulelonguement, quoiqu’à
très-petite dofe, & s'il ne difpofè pas à quelques
maladies. J’ai même-ouï dire à quelques perfonnes
que , pris intérieurement, ce dévoie être un excellent
cordial ; ce qu'on auroit pu croire aifément,
attendu fon odeur vraiment agréable & aromatique.
*> La Tofcane doit à un fouveraîn philofophe la
connoififance de l ’huile prétendue d’amandes amères
, & l'avantage d'être garantie de l'abus qu'on
en pouvoît faire , tant il eft vrai que la philofo-
phie eft utile, même dans lès fouverains, & qu'ils
devroient tous, fuivantle voeu d'un Ancien, être
philofophes ou du moins favoir philofopher (dans
l'occafion ).
L’huile de laurier - cerife eft un poifon pour les
vipères
93 Ayant l'occafion d’être muni d'une quantité
d’huile de laurier-cerife, je voulus l'éprouver fur
les vipères , & voir quels feroient les effets de ce
poifon fur ces animaux. J'en fis avaler environ dix
gouttes à une groffe vipère; en moins de deux
minutes , à peine pouvoit-élle fé traîner à terre : ;
au bout de fept minutes elle paroiffoit tout-à-fait :
morte , & deux autres minutes après elle ne don- :
noir aucun fîgne de mouvement, lors même qu'on
la ftimuloit avec une aiguille. On voyoit cepen- \
dant encore le mouvement du coeur en obfervant j
bien la peau du ventre, qui s’ élevoit & s'abaifloit
alternativement. Ce mufcle continua de fe mouvoir
pendant plus de trois heures, quoique toujours en
diminuant. Dans les ferpens oh peut très-bien juger
du repos total de ce mufcle fans leur ouvrir le 1
thorax, obfervation qui peut être très-importante
en plufieurs cas. On peut obferver aufli ce mouvement
du coeur dans d'autres animaux à fang froid,
& jufque dans les grenouilles., quoiqu'avec plus ■
de difficulté^
«J'ai vu, en général, que l'huile de laurier■ -
cerife eft un poifon très-puiffant, même pour les
vipères, lefquellés meurent d’autant plus promptement,
qu'on leur en donne en plus grande quantité.
J'en ai vu mourir en très-peu de minutes, &
donner des lignes de maladie & de perte de mouvement
dans l'inftant où je leur en donnois de
trente à quarante gouttes; & je l’ai trouvé mortel
lors même qu'il ne leur ëtoit donné qu'à la petite
dofe d'une ou deux gouttes tout au p us- Dans ces
derniers cas, la maladie fe manifefte à la vérité
beaucoup plus tard, & ces reptiles continuent dé .
vivre pendant plufieuYs heures. On voit qu'en général
l’irritabilité eft très - prompteme nt perdue
dans les mufcles,quoique le coeur continue encore
à fe mouvoir pendant très-long-tems, même après
que l’animal ne donne plus aucun ligne de vie &
de fentiment. Le coeur, fans parler maintenant d-s
inteftins, eft une exception à la règle générale des
autres mufcles, & ce point intérefiant de la phv-
fique animale mérite d'autant plus l'attention des
philofophes, qu'il a été entièrement négligé juf*
qu'à préfent.
Vhuile de laurier - Cerife eft un poifon pour les
ferpens.
»s Je fis avaler à un ferpent cinq gouttes d’huile
de laurier-cerife : à peine les eut-il prifes, qu'il fe
mouvoit peu & avec peine ; en moins de deux minutes
il paroiffoit tôut-à-fait mort, & il ne lui
reftoitque quelque petit mouvement dans la queue,
lequel celîâ peu de tems après : on a voit, beau
le ftimuler par tout fon corps, aucune partie ne
remuoit plus. Ayant ouvert le thorax , je trouvai
| le coeur & les oreillettes immobiles; mais dès que
j je les ftimulai avec la pointe d’une aiguille, ils
commencèrent à fe mouvoir, & leur mouvement
continua pendant plufieurs heures : finalement je
fépatai le coeur du thorax, & il cèfla auffitôt de fe
mouvoir; mais toutes les fois que je le touchois
avec là pointe d'une aiguille, il fe contra doit, mais
une feule fois, & il demeura ainfi pendant plufieurs
heures. Il ne fe mouvoit jamais fpontanément, 6c
ne faifoit jamais plus d’une contraction à chaque
fois que je le piquois avec l’aiguille.
33 Je fis une bleffure d’environ un pouce de longueur
dans les mufcles de la queue à un jeune
ferpent, 8c je mis par-deffus environ quarante gouttes
d’huile de laurier-cerife. Ce ferpent mourut en
moins de dix minutes fans donner des marques de
convulfions, & fans qu’il reftât le moindre ligne
d’irritabilité dans tout ion corps.
L’huile de laitrier- cerife eft un poifon pour les ferpens,
lorfqu bn l ’applique fur leurs mufcles.
*> Je découvris un long trajet des mufcles de la
queue à un ferpent ordinaire, & je les bleffai en
plufieürs endroits. J’y appliquai/parcout & abondamment
de l’huile de laurier-cerife , &; un moment
après j’y en mis de nouveau ; en moins d’une minute
le ferpèrit paroiffoit fe mouvoir peu & avec
difficulté. Le mouvement des différentes parties
étoit d’autant moindre , qu elles étoient plus voi-
fines de la queue : une heure après, fes mouve-
mens avoient cependant repris en grande partie
leur première vivacité; je remis alors de nouvelle
huile fur les mêmes bleffures, & en-moins d’une
minute à peine pût-il fe remuer, & il demeura
replié en zig-zag : en moins d’une demi-heure de
plus il redevint aifpos comme auparavant. J’appliquai
à un autre ferpent l’huile de laurier-cerife fur
les mufcles de la queue, par deux fois ; il revint la
première & la fécondé fois , quoiqu’il eût paru
mort, & qu’il fût refté pendant plufieurs heures
dans cet état ; cependant la fécondé fois , apres
être revenu au point de paroître très-vif, il mourut
de lui-même en peu d'heures.
33 On ne peut pas nier que cette huile ne produite,
même en peu de rems, de fortes alterations
lorfqu’elle eft appliquée aux mufcles des ferpens ;
mais elle ne va cependant pas jufqu’à les tuer lorf-
qu’ils font gros, & ne tue pas promptement les
petits, du moins dans les circonilances que nous
avons obfervées, quoiqu’il foit vrai d’ailleurs que
tous meurent facilement fi on leur fait avaler de
cette huile, même à très-petite dofe.
JJ huile de laurier-cerife eft un poifon pour les vipères,
lors même qu elle n eft qu’appliquée fur leurs mufcles.
33 J’étois curieux de voir fi l’huile de laurier-
cerife, appliquée fur les bleffures artificielles faites
aux vipères ,feroit meurtrière, & fi elle le feroit
moins que lorfqu’on la leur donne intérieurement,
comme on l’a vu ailleurs. Tant de l’efprit que de
l'huile, il réfui te d’une longue fuite d’expériences
que j’ai faites pour cet objet, que l’huile appliquée
aux mufcles produit de grands dérangemens dans
les vipères, mais beauconp moindres que lorfqu’on
la leur donne intérieurement. Dans ces cas, Je
coeur continuoit à fe mouvoir de même que dans
les autres animaux à fang froid , tandis que tout
le refte de l’animal étoit immobile & infennble aux
liimulans , rrême les plus a&ifs, J’ai pareillement
obfervé quelorfque j’ai introduit quelques gouttes
de cette huile dans l'ouverture naturelle de la
vipère, vers la queue, la vipère en eft morte , &
de la même manière que dans les autres cas rap-
ortés ci-deffus, c’eft-à-dire , avec perte d’irrita-
ilité des mufcles & continuation des mouvemens
du coeur.
33 Je baignai d’ huile de laurier-cerife les mufcles
de la queue dépouillés de la peau fur un long trajet,
<& bleffés en plufieurs endroits , à une vipère ; un
inftant après elle avoit perdu le mouvement du
corps vers la queue > elle fe tordit & s’entortilla ;
elle grolfit considérablement & parut éprouver de
fortes convulfions. Je baignai auffi de cette huile
les mufcles de la queue à une autre vipère: au bout
de vingt fécondés, à peine pouvoit-elle fe mouvoir
; elle étoit contra&ée & entonillée ; elle paroiffoit
groffie prefque du double & engourdie ;
elle mourut en moins de trois heures.
L'huile de laurier-cerife eft un poifon pour les pigeons
lorfqu elle eft appliquée fur leurs mufcles.
33 II fuffira de rapporter ici quelques-unes des
expériences que j’ai faites fur les mufcles des pigeons,
afin qu’on voie comment cette huile les
tue.
33 Je dépouillai de la peau toute la jambe à
un jeune pigeon, & je bleffai les mufcles en
plufieurs endroits fans couper aucun vaiffeau
rouge vifible; j’y appliquai environ vingt gouttes
d’huile de laurier-cerife'. la partie découverte de la
jambe , & enduite d’huile, ayoit plus d’un pouce
carré de luperficie : ce ne fut qu’au bout de fix
minutes que le pigeon parut ne fe foutenir pas bien
fur ces pieds. Au bout de trois autres minutes il
eut quelques convulfions, & il tomba enfin fur fon
corps; après fix minutes de plus , il paroiffoit fans
force, quoiqu’il refpirât encore &: qu’il eût les
yeux ouverts ; après fix autres minutes, il commença
de remuer un peu, & il fut tranquille pendant
vingt autres minutes ; enfin, il fe rétablit &
revint en fanté comme auparavant.
39 Je découvris la poitrine & je bleffai en plufieurs
endroits les mufcles à un pigeon très-jeune,
& j'y appliquai environ vingt gouttes d'huile; cinq
minutes après il étoit très foible & fe foutenoit
mal fur fes pieds, mais il ne mourut pas & n'eut
point d’autres fymptômes : la plaie étoit fort grande
& bien couverte d'huile.
33 Je répétai cette expérience fur un autre pigeon
, & je lui appliquai vingt gouttes d’huile
comme ci-defius : au bout de trois minutes il ne fe
foutenoit plus fur fes pieds, & cinq minutes après
il étoit mort.
33 Deux autres pigeons un peu plus gros ne moururent
pas , quoiqu'ils fuffent traités exactement
de même que le précédent.
J3 Je revins aux expériences fur les jambes ; j'en
découvris une en entier à un pigeon de moyenne
groffeur, & je bleffai les mufcles en beaucoup
d’endroits ; j'appliquai fucceffivement aux bleffures
plus de trente gouttes d'huile : au bout de
trente minutes il ne fe foutenoit plus fur fes pieds,
mais il revint bientôt & ne mourut pas.
33 Cette expérience eut le même fuccès fur deux
autres pigeons : aucun des deux ne mourut, quoique
l'un & l’autre fe foutînffent mal fur leurs pieds
au bout de peu de minutes, & ils furent bientôt
guéris; mais, ayant été répétée fur deux autres
beaucoup plus jeunes, quoique leurs jambes fuffent
moins découvertes & que j ’y euffe appliqué
moins d’huile , ils moururent tous deux avec de
fortes convulfions en moins de trois minutes.
« Il réfulte de toutes ces expériences, que l’huile
de laurier-cerife eft vraiment un poifon pour les
animaux, lors même qu’on l’applique immédiatement
aux mufcles par le moyen des bleffures,
mais qu’elle eft beaucoup moins meurtrière que
lorfqu'on la leur fait avaler.
L’huile de laurier-cerife eft un poifon lorfqu elle eft
appliquée aux yeux des pigeons.
33 Je paffe encore fous filence diverfes expé