
aftringentes, ont la propriété de faire prendre ou
coaguler le lait à froid, à l’aide d'un peu de tems :
les acides, quels qu’iis foient, ont la même propriété
; & comme ils relient di(fous dans le ferum,
on peut s’en fervir, pourvu qu*on les emploie foi-
bles & en petite quantité, pour obtenir la partie
caféeufe. On peut auffi fe farvir des parois de l’el-
tomac & des inteftins des animaux defféchés, des
colles, des gelées, des membranes, qui font naître
le même effet. On a vu plus haut que l ’alcool agif-
foit encore de la même manière fur la décompo-
lîtion du lait. La fubftance caféeufe fe fép.are, ou
fous la forme de petits flocôns ifo.lës, ou fous celle
d’une efpèce de matière tremblante d’une feule
pièce blanche & opaque, ou fous celle de grumeaux
épais qui tendent à fe condenfer & à fe
durcir.
47. D'ans les fermes, on fait tourner le lait par
différensmoyens, mais furtout par la préfure employée
à froid, poùr préparer les fromages. Ils
font en général de deux natures, fuivant qu’on les
a préparés avec le /dirèntier & pur, ou bien avec
le la it écrémé. Les premiers conftituënt les fromages
gras, onctueux , qui confervent de la mol-
lefïe, de l’opacité, qui ont une pâte fine & douce,
qui, par une-lente altération, coulent & forment
une forte de firop épais, comme on le voit dans
les bons fromages de Brie. Le lait écrémé donne
une maffe caféeufe dure & folide, qui devient
l fèche, caffante j qui, quand elle eft fortement com •
primée, prend une dêmi-tranfparence&conferve
conflamment fa folidité, ainfi qu’on l’obferve dans
lés fromages blancs, qui fe durciffent au lieu de fe
ramollir & de couler. Pour les fabriquer 8c les çon-
lërver on les met égoutter dans des claies.,, on les
fale 8c on les garde dans des lieux bas 8c humides j
on les ferre quelquefois dans des rondelles deplan-
ches minces & flexibles ou d’écorce, que l’on nomme
éclijfes y qu’on tourne autour de îeurs bords ,
& qu’on rapproche tous les jours de manière à
diminuer leur diamètre : on les fale auflî à leur fur-
face. Par ces procédés, on exprime l’eau delà
matière caféeufe , on rapproche fes flocons, on
leur fait prendre une confiftance homogène dans
toute leur étendue.
• 48. Il y a beaucoup de différences.dans les fromages
, fuivant la diverfité des laits , la nature dé
la préfure qui fart à les féparer 8c à les précipiter,
l’art de les preffer, de les pétrir, de les égoutter,
de les faler, de les deffécher, de les expofer à divers
degrés d’altération ou de fermentation 5 fuivant
h quantité de petit lait qu’on y laiffe, la force
de preffion qu’on y emploie, la température à laquelle
on les foumet, le genre d’entaflement ou
d-ifolerrrent qu’on leur fait fubir, le tems pendant
le’quel on les traite ainfi ; enfin, fuivant la combi-
naifon générale de toutes les circonftances qui pré-
fident en quelque forte à leur préparation.Pour avoir
des fromages a pâte fèche , dénié , demi-cornée. &
demi-tranfparente, comme ceux de Gruyère, on pétrit
avec les mains la matière caféeufe féparée du lait
coagulé : après l’avoir malaxée convenablement, on
l’égoutte fur des claies ; on h comprime encore
en péti ifîant-de nouveau les fromages qu’on en
forme; on ferre ceux-ci 8ç on en fait for tir le ferum,
non-feulement avec des édifiés mobiles qu’on di-
! minue chaque jour, mais encore avec des poids
que l’on place fur eux après les avoir rangés en piles;
; on les fale à mefurequ’ils fèchent 8c à plufieurs re-
prifes; on racle plufieurs fois les moififlures blanches
& bleues qui fe. farinent à leur furface ; on
s’arrête quand cette moififfure formée fur la croûte
defféchée a pris une couleur rouge; on conduit la
I fermentation doucement & lentement, jufqu’à
communiquer aux fro,mages la faveur 8c l ’odeur
qui doivent les caraétérifer. Cette pratique s’exécute
dans des fouterrains ou caveaux frais, 8c d’une
température confiante de 2 à y degrés H- o. Tels
; font les fromages fi renommés de Roquefort.
45). Ce n’eft point fur ces fromages préparés par
l’art, & plus ou moins altérés par une fermentation
à laquelle aucun n’échappe, 8c qu’on retrouve
confiamment dans toutes ou prefque toutes ces préparations
alimentaires, que lés chimiftes font les
recherches propres à leur faire connoïtre les propriétés
de la matière caféeufe pure. C ’efi fur cette
matière fraîche, non altérée, & naturelle encore,
telle qu’on la précipite du lait au moment même
de fa décompofition, qu’ils portent leur attention ,
qu’ils font lents expe'riences. La fubftance caféeufe,
qui n’eft point encore du fromage, ainfi obtenue 8c
bien exprimée, eft fous la forme de flocons blancs,
grenus,faciles à féparer les uns des autres & cependant
fufceptibles de s’écrafer fous le doigt comme
une forte de pâte, d’une faveur douceâtre qui n’eft
pas défagréable. Elle retient avec force les dernières
portions du ferum logé entre fes interftices,
8c il faut employer une grande preffion pour ladef-
fécher complètement : alors elle eft denfe, caffante,
& commence à prendre une demi-tranfpa-
rence ; elle offre dans.cet état, par fon afpeél,
l’idée d’une fubftance albumineufe concrète. On
eftime la quantité moyenne de la fubftance caféeufe
au du lait entier. Il y a beaucoup de variétés
dans cette proportion.
50. La matière caféeufe bien rapprochée, pétrie,
8c privée de tout ferum par la preffion fuppo-
fée, aulfi bien féparée de fubftance butyreufe, con-
féquemment extraite du lait écrémé avec foin, ex-
pofée à un feu doux 8c augmenté peu à peu , fe
ramollit, devient filante, comme glutineufe 8c
élaftique ; à un feu plus fort, elle fe fond tout-à-
fait.j fe bourfoufle , brunit, exhale une fumée
épaiffe, d’une odeur très-fétide, fortement ammoniacale
, 8c finit par s’allumer en laiflant échapper
de plufieurs points des jets de flamme blanche
& brillante 5 elle laiffe un charbon affez denfe. Si
on la diftille à la cornue , on en obtient une eau
rouge, trouble, fétide, chargée de zoonate 8c de
carbonate d’ammoniaque 5 une huile très-épaiffe ,
prefque concrète, d’une couleur brune-foncée ,
& d’une odeur infupportable ; du carbonate ammoniacal
concret 8c lali par un peu d’huile; beaucoup
de gaz hydrogène carboné 8c fulfuré, ainfi
que du gaz acide carbonique, & un charbon dur,
adhérent au verre, brillant, difficile à brûler, dorît
la cendre ne préfente à l’an^iyfe qu’un peu de mti-
riate de fou dé, 8c la plus grande partie de phof-
phaté de chaux. Onn’vtrouve point de carbonate
de foude ni d’oxide métallique.
y 1. Ëxpofée à l’air dans fon écat fec, la matière
caféeufe y refte & fe ëonfervefàns s’altérer; mais
fi elle retient une portion dé ferum entre fes molécules,
elle commence par s’aigrir à Une t e m p é r
a t u r e au deffus de douze degrés*; elle fe pourrit
enfuite, fe ramollit à fa furface; il s’en écoule une
forte dé fanie fétide ; i! s’en dégage du gaz ammoniacal,
& une odeur fétide infupportable fubfiftant
très-long-tems, très-tenace, & qui paroît être due
à un giz compofé , qui ne s’échappe que très-lentement
8c très-difficilement ; elle paffe en même
tems par plufieurs nuancés; fuccëfljves d’orangé, de
rouge, de brun, de bleu, 8cc. T dut le monde con-
noît l’horribië infeélion que répandent les fromages
trop faits ou pourris l’adhérence , l’efpèce
de fixité que contracte ce principé odorant fur les
divers'Corps , fur les bois 8c les mür$ mêmes qui
en ont été imprégnés. La décompofition totale de
cette fubftance eft très-longué, 8c elle préfente,
commè les chairs 8c plufieurs a u t r e s matières animales
déjà indiquées dans une des époques de fa
f e p t i ç i ç é , un corps gras , très-fufible, misa l’état
favoneux p a r l’ammoniaque, & dont la deftruétiôn
complète duré long-tems fi le conta£l : dé l’eaii
même abondante n’en abrège pas la durée.1'
y 2. L’eau ne ftiffout prefque point à fr oid la ma ■
tière caféeufe ; elle en tient les flocons les plus,
divifés p]u,s: ou moins long-tems fufpendus : l’eau
bouillante, fans la diffoudre véritablement, la ramollit
& contrarie une affez forte adhérence avec
elle. Schéele a obfervéque la fubftance caféeufe,
précipitée par un acide étranger au lait 3 étoiten
partie diffolubie dans l’eau bouillante ; mais cette
diffolution ne réuffit qu’autant qu’on l’opère au
moment même où cette fubftance vient d’être précipitée
: fi on en laiffe quelque tems les flocons fe
réunir & fe condenfer, il n’eft plus poffible d’y
parvenir. Quand la matière caféeufe a (ajourné un
tems fuffifant dans l’eau froide, on la trouve convertie
en un corps gras, onétueux, fufible, très-
diffoluble dans les alcalis cauftiques & d’une odeur
fétide. L’eau hâte donc la décompofition fponta-
née,à laquelle cette matière animale eft fi difpofée
naturellement. Voilà pourquoi les fromages fecs,
expofés dans les lieux humides, fe.ramolliffent,
augmentent.de poids:, prennent une odeur, une fa^
veur, un état, en un mot,.différens de ceux qu’ils
avoient d’abord. : c’eft ainfi ;qnson les mûrit ou
qu’on les fait, fuivant l’expreffion familière , .&
qu’on leur donne les qualités recherchées par ceux
qui aiment ce .genre de nourriture.
yy. Les acides puiffms & concentrés agifftnt
affez fortement fur la madère caféeufe, & la dif-
folvent facilement à l’aide de la chaleur ; mais affaiblis
par l’eau ou naturellement faibles , ils
n’exercent pas du tout la même aétioft. L’acide
nitrique la jaunit, en dégage du gaz azote, des
gaz acide pruffique & acide carbonique, & la change
en partie en matière graiffrufe, & en partie.en
acide.oxalique. Il fe forme auffi un peu de matière
atnère , qui adhère en grande partie à l'huile jaune
& qui colore les doigts.
Les alcalis cauftiques, biemconcentrés dans leur
leffive, altèrent, au moment même du contaél,
la matière càfééufe ; ils en féparent de l’azote &
de l hydrogène , qui s’unifient fur le champ en
ammoniaque, & ils en convertiffent la portion
réfidue en une efpèce d’huile avec laquelle ils s’unifient
à l’état favoneux. L’ammoniaque diffouC
rapidement & abondamment la matière caféeufe
récemment précipitée ou coagulée, & on regarde
cette diffolution comme une des plus promptes 8c
des plùs énergiques. La chaux yiVe forme - avec
cette matière encore humide une efpèce de pâte
fufceptible d’une grande folidité & d’une grande
adhérence : c’eft ce mélange que l’on emploie avec
le plus deTuccès pour col'er les fragmens de porcelaine.
Il y a lieu de croire qu’on feroit un ciment
éncorè plus folide'avec la baryte. & la ftrpntiane.-
y4. Les'fais n’ ont pas;d'avion difiolvante fur la
matière caféeufe , mais prefque| tous s’pppofent à
fa décompofition fpontanée ; àuffi emploie-t-on
fpécialement le rhuriàte.dë foude, autant comme
moyen Confeivateur que comme affaifonnemcnt
pour pouvoir garder lés fromages & retarder le
mouvement feptique qui tend à les détruire. Ur.e
ancienne erreur que j’ai déjà,combattue, avoit fait
dire que la petite quantité dè ce fel hâtoit leur
fermentation; mais on reconnoît facilement par
robfërvation, que ce n’eft pas dans l’intention de la
favorifer qu’on emploie ce condiment falin , mais
plutôt dans celle de h limiter, en recouvrant leur
furface’, en abforbant leur portion humide, en
concentrant leur commencement d’altération feptique
«dans leur centré, ou en la bornant à leur
extérieur, fuivant la nature molle ou folide de ces
préparations. Il en eft dé même dés oxides & fur-
totit des 'fiels métalliques, qui condenfant,' refitr-
; refit,, deffè'chent, 8é conféquemment cbrifervérit
lia matière caféeufe, fait par le rapprochement de
fes molécules, fait en abforbànt fonffiiimidiré ou
en écartant celle du dehors.
y j. Beaucoup deTubftances végétales font fufceptibles
de s’unir à la matière caféeufe, fraîche,
molle & humide: on la rend mifcible dans l’eau en
•la broyant avec des mucilages ; elle adhère au corps
jfucré pelle fe charge de plufieurs matières colorantes;
elle fe malaxe & fe lie avec les fécules ; elle
fe combine avec le tannin , & fe durcit en fe fé