
ïie peuvent fans danger renoncer à aîaiter, les-
feconds ne peuvent pas davantage être privés de
cet aliment fans inconvénient. Auffi des maladies
graves, douloureufes , fou vent mortelles , font
la jufle peine des mères qui fefouftraienc à ce
devoir j tandis qu’une foibleffe durable & une
langueur de-toute la vie menacent les jeunes animaux
qui font privés de cet aliment.
Bq. L’homme a dû de bonne heure, & prefque
dès les premiers jours du monde , être conduit
par l’obfervation, à employer comme aliment le
lait des animaux qu’il a fu dompter & faire fervir
à îes befoins ; auffi les différentes préparations
alimentaires faites avec le lait remontent-elles à
l'antiquité la plus reculée. Le lait tout entier ne
dure qu’une faifon, ou au moins diminue trop
dans les autres pour qu’il puiffe fufHre aux befoins
5. il falloit donc trouver des moyens de le
préparer de manière à ce que l’excédent d'une
des époques de l’année pût être confervé pour le
déficit des autres époques : de là les diverlès efpèces
de fromages. Les altérations naturelles que
le lait éprouve , obfervées de bonne heure , ont
également donné nai fiance à la foule de mets fi
variés qu’on prépare avec ce liquide,. & furtout
à la ciême, au benrre , au caillé, au lait de
beurre, au ferum aigri, &c. Les Tartares ont fu
depuis long-tems fabriquer des liqueurs enivrantes
avee-le-lait. Son emploi comme affàifonnement,
fon mélange & fa combinaifon avec les fruits, le
miel, le fucre, les infufions & décodions diver- j
fes, les parfums végétaux qui ajoutent des faveurs j
& des odeurs plus ou moins agréables à la douceur
& à Ponéhieux du l a i t n’ont été imaginés que
long-tems après les produits tirés entièrement de
ce liquide. L’art a tant multiplié ces préparations,
qu’il feroit inutile d’en entreprendre le dénombrement,
puifque d’ailleurs elles varient dans les
divers pays. On doit à la chimie moderne d’avoir
ajouté aux anciens ufages économiques du lait
•celui de le convertir en vinaigre, qui peut remplacer
avantageufement, pour certains cantons,
J acide fourni par le vin , le cidre ^la bierre & les
fruits aigres.
81. Il eft peu de médicamens dont les médecins
aient autant multiplié les ufages que le lait. Comme
fubftance douce, relâchante, calmante , : émolliente
, rafraîchiflante , il convient à une grande
quantité de maux. Il en eft même qu’il femble
guérir fpécifiquement, comme les accèsde goutte,
de rhumatifme, les éruptions dartreufes rebelles,
l ’altération commençante des poumons, les affections
ulcérées des voies urinaires, &c. A cette
aétion générale & commune de tous les laits fur
L’économie des animaux,, l'expérience a fait voir
qu’il étoit permis d’ajouter l’aétion particulière
d - char une des efpèces de Lait y.que le lait d’ânefle
étoit lé plus léger & le plus facile à digérer j. que-
celui de chèvre étoit beaucoup pjus lourd, &
eojivenoit pour les eftomacs forts & vigoureux ,
& dans les cas où il falloir nourrir & réparer les
I forces} que le lait de femme, le plus doux & le
plus fucre, dont la partie cafeeufe eft la plus abon-
| dance, étoit au contraire très-approprié dans les I eftomacs affoiblis, dans les digeftions difficiles.
Auffi eft-ce dans l'intention de remplir ces diver-
fes indications, que les médecins preferivent l’une
ou l'autre efpèce des quatre laits-de femme , de
chèvre, d’âneffe & de vache. Ils ont aufli imaginé
de diviffcr le lait & de l’étendre avec l’eau, d’en
préparer \z petit-lait ou le ferum, & de le donner
îfolement, foit doux & clarifié,, foit aigri ; de
combiner les diverfes efpèces de Laits avec diffé-
rens médicamens, d'adoucir ou de modérer leurs
effets par cette addition, ou de favorifer l’intro-
mifiion.de ce liquide dans les humeurs en lui donnant
un peu plus d’activité, en corrigeant fa fadeur,
fa pefanteur fur l’eftomac, fon effet quelquefois
refferrant, ou au contraire fon aétion fou-
vent relâchante. 11 faut au médecin des connoif-
Linces exaéies de chimie pour preferire ces mélanges
ou cescombinaifons du lait avec différentes
fubftances médicamenteufeS fans détruire les propriétés
de celles-ci} ainfi i f doit favoir que l’eau
de chaux en précipite du phofphate calcaire en
paffant elle-même à cet, état, que beaucoup de
fels métalliques y font décompofés, que les matières
fufeeptiblesd’acefcence le coagulent. Enfin
on a pouffé en médecine l’adminiftration du lait
jufqu’a l’imprégner de quelques propriétés médi-
camenteufes, en traitant, par différens moyens,
les animaux qui le fournifient, ou la femme elle-
même qui alaire fon enfant.
o2. Les reffources multipliées que lés laits des
animaux fourn fient comme alimens fous m ile
formes divetfifiées, ne laiffent que peu d’exten-
fion à l’iifage de ces liquides utiles pour les arts
étrangers à la nourriture. Cependant s’il n’eft pas
• très-employé dans les arts, il n’y eft pas fans utilité.
Le lait aigri & trouble fert fouvent dans les
manufaôhires ou l’on apprête les toiles fines, pour
leur donner ce beau blanc qu’on ne nomme pas
fans juftefie blanc de lait. On croit même dans ces
ateliers, qu’aucune autre fubftance ne pourroit
équivaloir à cet acide lactique, quoique d’habiles
chimiftes aient afluré que l’ acide fulfurique noyé
dans l'eau produit le même effet. On envoie, des
riches montagnes de l’Helvétie , dans plufieurs
parties de la France, des tonneaux p eins de petit-
lait aigri, confacré à ce procédé de. blanchiment.
J.’al dit ailleurs que la matière caféeufe, pétrie
fraîche avec de fa chaux, formoit une pâte tenace,
& fufceptible de fe durcir, dont on le fer-
voit pour recolérdes.porcelaines., Le beurre gâté
fert a mille ufages que l’indufirie des arts chimiques,
éclaire :.on en fait du fa von, des enduits, &c.
A d d i t i .q n . a l ’ a r t i c l e L a l t .,
Js joindrai à i ’article qu’on vient delire,,&qpi
eft extrait de mon Syfieme des connoijfances chimiques
, fauf quelques cha.igeinens,un Mémoire que
nous avons lu , M. Vauquelin & moi, à l'Inftitut,
le 25 thermidor an 12. Ce Mémoire complétera les
connoiffances acquifos aujourd’hui fur le liquide
important qui fait lé fujet de cet article.
Nouvelles expériences fur le lait de vache , ’ par
M id i Fourcroy & Vauquelin : lu le 25 thermidor
an 11.
§. Ier. Sujet général de ce Mémoire.
1. Quoiqu’il y ait affez long-tems que nous n’avons
entretenu les favans de la fuite de nos travaux
fur, les matières animales, nous ne les avons
pour cela ni abandonnés ni interrompus. Ce genre
de recherches nous a préfemé, depuis feizé ans
qu’elles nous occupent, trop de faits remarquables;
il nous a donné de trop belles efpérances
relatives aux progrès de la phyfique des animaux ,
pour que nous purifions renoncer aux réfultats heureux
qu’elies nous promettent.
2. Parmi les fujets divers de rechetches auxquelles
nous nous livrons fans relâche, nous choi-
fimns aujourd’hui le lait , parce que plufieurs chimiftes
venant d’annoncer dernièrement quelques
faits nouveaux fur ce liquide animal, nous avons
crâne pas devoir tarder davantage d’en entretenir
les favans.
3. Par exemple, les expériences que nous avons
tentées fur l’acide du lait dont Schéele a parlé le
premier, nous ont conduits à des réfultats différons,
de ceux qu’on annonce depuis quelques mois.
Ces expériences nous portent à penfer que l’acide
naturellement contenu dans le lait| aùfiï bien ciue
Calai qui s’ y développe par la fermentation, n'eft
que de l’acide acétique uni à une matière animale
particulière, qui en modifie à fiez les propriétés ,
pour qu’il aie pu en impofer à des hommes d’ailleurs
très-habiles.
§. II. Coagulation fpontanée du lait, phénomènesqu il
préfente pendant cette altération , nature de l ’acide
* qui fe forme , matières contenues dans le petit-lait
a gri & dans le fromage qui s3en fépure .,
4. On fait que le lait, abandonné au repos à une
température de 12 à 20 degrés, préf-nte bientôt
a fa fur face une couche de crème qui n’étoit qu’in-
terpofée entre les parties de la malle, & qui s’élève
peu à peu par là légère ré plus grande que celle
du liquide. Bientôt après, il fe développe dans le
lait, par une fermentation- inteftine, un acide qui,
en s’unifiant à la matière caféeufe , la coagule & la
fépare de fon diffolvant fous la forme concrète de
fromage ; mais comme la quantité de l’acide qui fe
forme, eft plus que fuffïfantepour fa combinaifon
ayec la matière caféeufe & pour la formation du
bornage ( combinaifon qui forme le coagulum ou
caillé précipité), tire partie de cet acide' fe 0if-
fou t dans le ferum, & entraîne même avec lui une
petite quantité de matière caféeufe que l’on en peut
féparer au moyen des alcalis.
5. Le contact de l’air n’eft nullement né ce flaire,
comme on le cr-oyoit autrefois, pour la coaguhtion
du lei‘.t : ce phénomène ;a lieu également dans
les vameaux fermés, & les réfultats en font parfaitement
fcmblablc s. Dans l’une & l’autre circonfiance.,
il fe forme une ptîtite quantité dàicide
carboniqiKe , dont une partie fe dégage.
Après i»voir lai fié coagul;;r ainfi pendant cinq
jours, à 18 degrés, quatre litres de lait, nous
avons enlevé la crème le plusexidtemenr polfible,
& nous avons enfuite fait chauffer le lait pour
rapprocher les parties du fromage & favorifer la
réparation du ferum.
6. Lorfque cette réparation a été bien opérée,
nous avons jeté le tout fur un linge fin : le liquide
étant pajjé, nous- avons verfé fur le fromage de
l’eau- diftillée. On a employé une p refil on fjfir.
fante pour en faire Ccnir, autant quepojfible, toute
la liqueur.
Le fromage, lavé & p telle comme il vient d’être
dit, prit en féchant la demi-tranfparence & là
flexibilité de la corne. Il pefoit deux cent vingt-un-
grammes , lefquels , divifés par quatre, qui eft fo
nombre de litres de. lait, donnent pour chaque,
à très-peu près, cinquante-cinq grammes.
Ce fromage n’a lai fié après fa combuflion.& fon
incinération, qu’une très-petire quantité de cendres,
dont la majeure partie étoit du phofphare
de chaux. On verra plus bas pourquoi ce fromage
contient fi peu de ce fel terreux-
Petit-lait ou ferum'.
7. Nous avons mêlé au petit-lait, éclairci par
la filtration, de la diffolution de chaux, jufqu’â
ce qu'il ne fefoit plus formé de précipité. Celui-ci,
fournis à la calcination , a noirci & a exhalé des
vapeurs ammoniacales empyreumatiques ; ce qui
prouve qu’il contenoit une certaine quantité de
matière animale.. Ainfi calciné, ce précipité pefoir
douze grammes & demi.
Pour féparer la petite quantité de charbon ref-
tée interpofée entre les parties du précipité caU
cine, agglutinées par le feu, nous l’avons réduit en
poudre & difibus enfuite dans l’acide nitrique.
8. Après avoir filtré cette diffolution, qui n’a
biffé que fort peu- de charbon fur le papier , nous
l’avons précipitée par l’ammoniaque. La-matière
lavée & calcinée, ne pefoit plus-que onze grammes
& demi; Elle avoit donc perdu un gramme
quoiqu’il ne reftât pas une quantité pareille de
charbon fur le papier. Cette fubftance ainfi calcinée,
avoit une nuance bleue claire , mais très*-
pure } elle n’avoit ni faveur ni odeur.-