
que, pour obtenir de l’acétite de potafle , il fuffit
d'évaporer la liqueur. La quantité d'acide féba-
cique & d'acide acéteux formés lorfqu’on diftille
de la graijfe, varient en raifon du plus ou moins
grand degré de chaleur.
C. Examen de la matière odorante & de la graijfe
difiillée.
a J’ai introduit, dans une cornue tubulée , de
la graijfe qui venoit d'être diftillée, & dont l’ odeur
étoit extrêmement piquante. J’ai adapté au col de
la cornue un récipient dans lequel j’ai mis de la
teinture de tournefol. Ayant diuillé à une chaleur
douce, j’ai rempli, par ce moyen , le récipient
d’une forte odeur, & cependant la teinture ne
changea pas de couleur ; preuve évidente que l’odeur
de la graijfe diftillée n’eft point due à un
acide. D'ailleurs, fi cette odeur dèpendoit d’un
acide , elle difparoîtroit probablement en la mettant
en contaCt avec les alcalis, puifqu’alors l’acide
feroit abforbé , & c’eft ce qui n’a pas lieu. Il faut
donc qu'elle dépende d’une partie de la graijfe ga-
zéfiée, & fans doute changée de nature.
d. Examen des procédés Juivis jufqua préfent, pour
obtenir de /’acide fébacique.
» M. Crell, pour féparer l’acide fébacique du
produit de la graijfe diftillée, y a d’abord ajouté
une certaine quantité de potafle, enfuite il a filtré
’& fait évaporer. Comme le fel qu’il a obtenu étoit
mêlé d’huile, il l’a calciné, puis il l’a rediflous
dans l ’eau & fait évaporer. Par ce moyen il eut
un fel aflez blanc & feuilleté j il Pintroduifit dans
une cornue avec de l’ acide fulfurique , & diftilla.
Il recueillit un acide piquant & fpmant j mais ce
procédé ne lui paroiflant pas commode , fl eut
recours au fuivant.
*> Perfuadé que l’acide de la graijfe exiftoit dans
celle-ci, & n’étoit point un produit de la diftilla-
tion, il a fait un favon avec la graijfe fk la potafle
, & a traité ce favon par l’eau, pour difîoudre
le fébate de potafle formé j mais comme l’eau
diffolvoit, outre le fébate de potafle, une certaine
quantité de graijfe combinée avec la potafle, ii
verfoit, dans la diflolution de ce fébate de potafle
& de ce favon, une fuffifante quantité d’alun.
Le favon feul étoit décompofé j le fébate de potafle
ne l'étoit pas : il en réfultoit du fulfate de
potafle & un favon alumineux infoluble. Par ce
moyen il avoit du fébate de potafle qui n’étoit
plus mêlé que de fulfate de potafle ; il raifoit évaporer
, & fur la matière fèche il verfoit de l’acide
fulfurique 5 il chauffoit, & l’àcide fébacique paf-
foit dans le récipient.
‘ »5 On trouve, dans la chimie de Dijon , un procédé
différent de celui de M. Crell. D'apres ce
procédé , on calcine la graijfe avec une certaine
quantité de chaux dans une chaudière de fonte
enfuite on lave la matière à grande eau > on fait
évaporer l’eau, qui tient en diflolution le fébate
calcaire j on introduit ce fébate calcaire dans une
cornue , avec de l'acide fulfurique, & on reçoit
l’acide fébacique dans le récipient.
1 « J’ai répété avec le plus grand foin ces trois
procédés, & voici les réfultats que j’ai obtenus.
! Le premier procédé de M. Crell & celui de la
chimie de Dijon m’ont donné un acide qui a tous
: les caractères de l’acide acéteux *, il forme, avec
la potafle, un fel feuilleté qui tombe en déli-
quefcence, qui a une faveur extrêmement pi-
1 quante , qui, par l’ acide fulfurique , donne une
grande quantité de vinaigre. Si M. Crell a , comme
il l'annonce, obtenu un acide fumant & piquant,
je préfume que c’eft un peu d’acide fulfureux provenant
de la décompofition d’une certaine quan-
| thé d’acide fulfurique par de la graijfe, ou du
charbon de l’acide acéteux mis à nu.
» En fuivant le deuxième procédé indiqué par
M. Crell, on,n’obtient point d’acide acéteux,
mais un acide qui n’eft autre chofe que de l'acide
muriatique. En effet, il forme, avec le nicrate
d’argent , un précipité infoluble dans un excès
d’acide nitrique î il donne des criftaux cubiques
avec la foude. S i, fur ces criftaux, on verfe de
l’acide fulfurique, il s’en dégage un gaz pénétrant,
q u i, mis en contaCt avec l’air, donne naiflance à
des vapeurs. Le même acide, mêlé avec l’acide
nitrique, diffout l’o r } il forme , avec l’oxide de
mercure, un fel volatil ; avec la potafle, un fel
capable de fe fondre fans fe décompofer. D’après
cela , il eft probable que M. Crell aura employé
de la potafle du commerce, qui contient toujours
du muriate de potafle j car, en répétant ce procédé
avec de la potafle pure , dn n’obtient point
d’acide, linon un atome de vinaigre. Ce vinaigre
eft formé, dans le traitement de la graijfe, par
la potafle & l’acide fulfurique, puifque la graijje
ne contient point d’acide, même lorfqu'elle eft
rance ; du moins j’ai traité plufieurs fois de la
graijfe rance par l’eau, & j’ai conftamment obtenu
un liquide qui ne rougiffoit point la teinture de
tournefol.
Ces expériences prouvent, félon que je l’ai
avancé, qu’il exiftoit un acide particulier dans le
produit de la graijfe diftillée, qui, au lieu d'être
volatil, odorant, fuffoquant, eft au contraire fo-
lide, inodore & fixe jufqu’ à un certain point >
qu’outre cet acide dans le produit de la graijfe diftillée
, il y avoit de l’acide acéteux j que l'acide
-fébacique n’entre pour rien dans l’odeur de la
graijfe diftillée, qui dépend probablement de quelques
parties de graijfe. gazéfiées & changées de
nature. Elles prouvent en outre qu’on n’obtenoit,
par les procédés de M. Crell, & par celui décrit
dans la chimie de Dijon , que de l'acide muriatique
ou de l’acide acéteux ; que conféquemment
■ l’acide fébacique a été inconnu jufqu’à préfent,
$t que, dans l’état aCtuel de nos connoiflances,
c’elr pour nous un acide nouveau. «
M. Thénard ajoute que , dans toutes les expériences
qu’il a faites fur l’acide fébacique,. il s’eft
fervi de l'axonge de porc, & qii'il n'a point,
comme M. Crell, varié ces expériences avec de
la graijfe humaine , de la moele de boeuf & du
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24. J’ai décrit toutes les propriétés chimiques
connues de la graijfe en général j je dois actuellement
expofer les différences qu'elle pré fente ,
foie par rapport aux diverfes régions qu'elle occupe
dans le même animal, foit relativement à
l’âge,' foit refpeétivement aux divers ordres des
animaux, foit enfin dans fes altérations morbifiques.
C ’eft un fait très-connu des anatomiftes, que la
variété des caractères que préfente la graijfe, fuivant
ies régions diverfes où on la confidère. Elle
eft plus folide fous la peau & aux environs des
reins j elle l’eft moins, & même elle coule presque
comme de l’huile entre les fibres mufculaires,
ou dans le voifinage des vifcères mobiles, tels que
le coeur , l’eftomac & les inteftins. Elle a un caractère
grenu autour des articulations, dans l’intérieur
des capfules articulaires. Haller en a trouvé
de prefqu'aufli dure qu’un calcul, ou que ce qu'on
nomme fi improprement pierre de la vejjie, au der
dans de la jambe & le long de la face ofîeufe interne
du tibia.
z f . L’âge fait varier très-fenfiblement la graijfe.
Halier n’en a pas trouvé dans l’épiploon du foetus
de quatre mois. SuivantRuyfch & Diemorbroeck,
au lieu de véritable graijfe il n'y a fous la peau du
foetus qu'une forte de gelée tremblante & collante
: il s’y forme enfuite un peu de graijfe grenue.
Cette humeur augmente rapidement après la r.aif-
fance : dans les premières années de fa v ie , le
corps de l’homme eft extrêmement gras : la graijfe
eft long-tems blanche fous la peau > elle jaunit
avec l’âge ; elle eft très-molle dans la femme.
A quarante ans, elle l’emporte par fa quantité fur
celle qu’elle a dans tous les autres âges. Cette
époque eft celle d’une véritable cachexie graif-
feufe. Elle fe fond dans les premiers tems de la
vieillefîe, & laifle tomber comme flétrie & ridée
Ja peau qu’elle avoit foutenue & tendue jufqu’ à
cet âge. Le peu de graijfe qui refte chez les vieillards
, eft dure , confiftante , d’un jaune foncé, tirant
quelquefois fur le brun. Ces mêmes phafes
graifleufes ont lieu dans les animaux comme dans
l'homme ÿ elles y varient cependant fuivant leur
nature, celle de leur fang & le genre de leur ref-
piration.
16. La graijfe ne diffère pas beaucoup dans les
mammifères en général, de ce qu’elle eft dans g
l'homme. On a obfervé que, dans les frugivores
& herbivores , elle eft plus ferme & plus folide
que dans les carnivores. C'eft aux premiers qu’appartiennent
l’axonge i& le fuif. Le blanc de baleineeft
une efpèce de graijfe qu’on extrait de la
tête & du canal de l’épine des cachalots , & qui
eft caraCtérifée par une confiftance fèche & friable,
adipocireufe, par une forme criftalline , la-
melleufe & brillante > par fa fufibilité moins grande
que celle de la graijfe ordinaire j par fa diffolubi-
lité dans l’alcool. J’en reparlerai plus bas plus en
détail. Je le confidère ici en général, parce que ce
corps graiffeux fe rencontre dans beaucoup d’autres
matières animales que la tête du cachalot.
La graijfe des oifeaux eft fine, douce, onCtueufe,
très-fufible. Dans les poiffons elle eft prefque fluide
ou huileufe > elle dépofe de l’adipocire.
Il y en a dans les infeCtes, les vers & les mol-
‘ lufques ; elle y accompagne furtout les vifcères du
bas-ventre, où elle eft placée par petits pelotons.
Elle eft aufli, quoique plus rarement, fous leur
peau.
27. Les maladies influent fur la graijfe y elle eft
elle-même quelquefois la caufè de maladies particulières.
Son abondance Cor.fticue une affeCt: on
morbifique : on l’a vue augmenter le poids moyen
de l’homme, qui va à quatre-vingts kilogrammes,
jufqu’à trois cents. Elle prefle quelquefois le
coeur, en gêne & en arrête même le mouvement ;
elle émouffe la fenfibilité nerveufe ; elle déforga-
nife les mufcles : on trouve quelquefois leurs fibres
converties en graijfe. Elle fe fond dans le plus
grand nombre de maladies, & femble fervir de
nourriture pendant la diète de l'homme & des animaux
: c'eft ainfi que le loir, la marmotte, &rc.
entrent dans leurs trous très-gras, & en fortent
très-maigres après l'hivernation. A la fuite des
maladies, furtout des fébriles, l’homme eft extrêmement
maigre j il ne faut pas beaucoup de
tems pour reformer la graijfe. Quelques petits oifeaux
deviennent extrêmement gras en une feule
nuit lorfqu'il fait beaucoup de brouhhrd. Elle fe
colore en jaune ou en vert par le mélange de la
bile , qui paroît avoir un grand rapport avec la
graijfe. On la voit quelquefois couler avec les ex-
crémens dans les maladies. Quand on fait maigrir
l'extérieur du corps des animaux par une chaleur
forte , on remarque que leur foie groflit confidé-
rablement. On verra bientôt que ce vifeère eft en
effet de la nature graifleufe.
28. La graijfe remplit un grand nombre d’ufages
dans la vie des animaux j elle entretient la chaleur
des parties, en empêchant de fe dégager au dehors
le calorique dont elle eft mauvais conducteur: on
fait cfue les hommes gras font moins fenfibles au
froid, que les hommes maigres. Galien cire un fujet
qui avoit toujours froid au bas-ventre après avoir
perdu une partie de l’épiploon par une maladie.
Marquer penfoit qu’elle fervoit à abforber les
acides furabondans du corps des animaux j mais
il fondoitcette idée fur l’état concret de la graijfe,
qu’il croyoit dû à une combinaifon d’acide, & l’on
fait que. c’eft une erreur. Cette matière paroît
bien plutôt abforber la furabondance d’hydro-
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