
que comme fource de tous les biens dont elle peut
jouir. C’eft le fer qui fait le premier infiniment
des machines , le plus utile mobile de la mécanique.
Dans les mains de l'homme il domine pour
ainfi dire3 & maîtrife tous les corps : on le voit
obéir fuccefiivement à fa puifiance, 8c changer
de forme 8c de propriétés par l'influence perpétuelle
qu’il exerce fur eux. En un mot, il eft
l ame de tous les arts, la fource de prefque tous
les biens} 8c la perfection de fon travail eft partout
le terme de l'intelligence, comme le type
du bonheur 8c du bien-être dont l'homme peut
jouir fur la terre. 11 femble que la nature ait attaché
d'une manière particulière le fort de l'humanité
aux nombreufes propriétés du J tr, en l'offrant
dans prefque tous les lieux-, répandu avec une
grande profuiion, prefque toujours à la furface du
globe, facile à reconnoître, à trouver, 8c non
caché dans fes entrailles , comme le font plus ou
moins profondément la plupart des autres fubf-
tances métalliques. Si les poètes ont caraâérifé la
première époque de la corruption 8c de la mifère
de l’homme par le nom de fiecle de fer, les philo -
fophes ont vu au contraire l’époque où ce métal
a été travaillé comme un véritable renouvellemènt
de l’ efpèce humaine : pour eux, les biens fans
nombre que ce travail lui a procurés l'emportent
beaucoup fur la difficulté 8c la dureté même des
travaux néceflairés pour fe le procurer.
3. Quoique mille faits de l’hiftoire prouvent
que les Anciens n’ont pas fu travailler le fer comme
les peuples modernes, les hiftoriens de la chimie
ont placé le berceau de leur fcience chez les
premiers forgerons, dont ils ont admis l’exiftence
prefqu’aux premiers âges du monde. On croit
communément, dans les annales politiques des
peuples, que les Anciens fe fervoient beaucoup
plus du cuivre que du fer , parce que les traces
de leur exiftence 8c les débris enfouis de leur in-
duftrie , comme les monumens littéraires de leurs
ufages, nous montrent en cuivre la plupart des
inftrumens 8c des uftenfîles qu’on fabrique en fer
dans les tems modernes. Mais on n’a point affez
compté dans cette appréciation des arts anciens,
fur la deftruétibilité fi facile du fe r , comparée à
l’indeftruftibilité ou au moins à la durabilité
beaucoup plus grande du cuivre 8c de fes alliages.
Sans doute les Grecs 8c les Romains employoient
beaucoup moins fouvent le fer que le cuivre dans
la plupart des circonftances de la vie: on le prouve
pat les meubles de tous les genres que les recherches
8c les fouilles faites dans le fol des lieux
qu’ils ont habités, nous font découvrir chaque
jour. Mais fi la rouille , en détruifant leurs uften-
files 8c leurs machines de fer, 8c en refpeétant
ceux d’airain ou de cuivre, femble laiffer tout
l'avantage aux derniers fur les premiers, trop de
paffages dans les écrits de leurs hiftoriens, de
leurs poètes, de leurs orateurs & de leurs philosophes,
parvenus jufqu’à nous, prouvent qu’ ils
ont fu travailler le fer, lui donner des états 8c des
formes variés, pour que nous doutions du degré
d’avancement où ilss’étoient élevés dans ce genre.
Les combats fi fréquens 8c fi meurtriers ou le
fer armoit leurs bras, en feroient feuls une preuve
fans réplique, quand même une foule de monumens
ne nous la fourniroit pas.
4. Les alchimiftes ont qualifié le/èrdu nom de
Mars, en le confacrant au dieu de la guerre dont
il a toujours fervi les fureurs, 8c égalé en quelque
forte la dureté. Son figne cara&ériftique, comme
celui de la planète, étoit un cercle furmonté du
figne prolongé de l’âcre ou du corrofif, ou d une
elpèce de fer de flèche penché à droite. Les alchimiftes
vouloient dire par-là qu’avec l’annonce
de l’or qu’ils croyoient y être contenu, mais profondément
caché, le fer portoit avec lui une
âcreté qui y étoit en quelque manière furabon-
dante, très-prononcée, dominante, Auflietoit-ce
cette qualité qui fe préfentoit la première dans ce
figne, 8c qui y jouoit le principal rôle. De la dénomination
de Mars , donnée au fe r , devoit découler
naturellement celle de martiales, qui a été
fuccefiivement attribuée aux préparations nombreufes
qu’on a faites avec ce métal. Il n’en eft
pas en effet qu’on ait plus tourmenté par les agens
chimiques, qu’on ait fournis à plus d’expériences
8c de recherches j 8c la lifte des compofés ferrugineux
8c des formes variées qu’on a fu lui faire
prendre pour l’approprier aux maladies, feroit
aufli longue que faitidieufe 8c déplacée dans 1 état
aétuei de la fcience. Les adeptes avoient même
fondé beaucoup plus d'efpérances, 8c conçu des
projets bien plus ambitieux fur les propriétés médicinales,
8c même fur la médecine univerfelle,
tirées du fer 3 que les alchimiftes n'en avoient par
rapport à leur fol 8c chimérique efpoir de le faire
fervir à la découverte du grand oeuvre ou de la
pierre philofophale. Si les prétentions des uns 8c
des autres ont été également trompées, comme
il étoit facile de le préfumer, leurs laborieufes
recherches n’ont point été fans fruit 8c fans avantage
pour la chimie. Ici furtoût, en ne trouvant
jamais ce qu’ils ont tant cherché, ils ont trouve
fouvent ce qu’ ils ne cherchoient pas ; 8c tout
éloignés qu’ils ont été du but de leurs travaux ,
ils fe font rapprochés de celui des vrais philofo-
phes, des véritables favàns.
y. Les auteurs fyftématiques de chimie ont profité
de ces efforts fi pénibles } ils ont rapproché
les découvertes échappées en quelque manière
des mains des alchimiftes 8c des adeptes} fs ont
recueilli 8c comparé les faits que ceux-ci avoient
fi laborieufement obfervés} ils en ont tire des ré-
fultats généraux fur les propriétés du fer y ils les
ont réunis méthodiquement, 8c ils en.ont com-
pofé un fyftème régulier en y ajoutant les ob-
fervations également nombreufes 8c utiles des nu-
néralogiftes , des docimattiques 8c des métallur-
giftes , qui, de leur côté, ont aufli finguliérement
jnuftip -
multiplié les travaux fur les différens états de ce
métal, fur fes combinaifons naturelles, fur les
moyens de l'en féparer, de l’obtenir pur, ou de
lui donner les propriétés fi variées qui rendent
fon hiftoire fi remarquable , ainfi que fes ufages fi
importans. Voilà comment fe font formées ces
immenfes collections de faits que comprend l'étude
du fer, 8c qu'on trouve réunis ou rapprochés
dans plufieurs ouvrages écrits ex profejfa fur ce métal
} car il n'en eft aucun qui ait eu plus d’auteurs
monographes ,'tels que Swedenborg, Bouchu 8c
Courtivron, Réaumur, Rinman, Bergman, 8c une
foule d’autres, qu’il feroit inutile de nommer ici.
. 6. A toutes les époques de la fcience chimique,
8c dans les diverles révolutions qu’elle a éprouvées,
le fer a été l’objet Spécial de travaux plus
ou moins complets, 8c le Sujet de découvertes
plus ou moins précieufes. Lié de même aux principaux
8c aux plus grands événemens de la phy-
fique, il a joué encore le rôle le plus important
dans la découverte de la bouffole, 8c conféquem-
ment de la navigation. Il eft le feul métal qu’on a
cru fabriquer de toutes pièces, 8c compofer immédiatement
par l'union de la terre 8c du feü.
Trouvé dans chaque analyfe exaéte, à quelque
clafle de corps qu'elle ait appartenu, 8c marqué
de toutes les couleurs poffibles par les procédés
.de l’art chimique, on l’a regardé comme un des
principes primitifs 8c néeeflàires des corps > on l’a
vu comme la:partie colorante des pierres, depuis
les plus précieufes jufqu’aux plus communes, comme
nuançant toutes les couleurs fombres ou éclatantes
des fleurs 8c des matières végétales , comme
teignant de fa pourpre riche 8c brillante le.fang
des animaux. Non contens de le caraétérifer par
fa propriété; exclufiver, d’être fufceptiblé du ma-
gnetifme, d'être le réfer voir du fluide auquel on
attribue cette force , 8c d’animer ainfi en quelque
manière les minéraux, quoiqu’il foit bien reconnu
aujourd'hui que le cobalt 8c le nickel partagent
avec lui cette étonnante propriété, les phyficiens
ont fuivi 8c reconnu lé fer dans les filières ides
plantes } ils l'ont retrouvé dans leurs cendres j ils
l’ont défigné comme la cauSè de leur coloration,
8c en le montrant également dans le tiflu des matières
animales, ils ont été jufqu’ à lui attribuer
en tout ou en partie l exiftence de cette pai fiancé
aftive 8c toujours incompréhensible qui entretient
la vie des animaux} 8cfi les expériences neuves 8c
délicates de Scheele ne nous avoient pas appris
que le manganèfe, qui l'accompagne prefque toujours,
partage encore ici cette propriété avec lui,
il auroit été permis dè dire, non-feulement comme
le dit M. Haiiy en pariant des minéraux, que., lorf-
•que la nature prenoit le pinceau, c’étoit toujours
le fer qui garniffoit fa palette, mais encore que,
Jorfqu'elle vouloit peindreles plantes, leur donner
ces tons fi variés qui attirent nos regards, 8c même
.échauffer 8c mouvoir les organes des animaux, le
fer étoit toujours l’agent, l'infiniment, le mobile
Çhimie. Tome
f que la nature chargeoit de ces fonctions importantes.
:
r 7. Le nombre des chimiftes qui ont fait des
découvertes fur 1 e fe r, ou qui en ont examiné
fucc&flivement les propriétés 8c les combinaifôns,
eft fi confidérable, qu’il fèroit impoflible de les
préfenter ic i, 8c que quand on voudroit fe livrer
a cette longue énumération, il n’en réfuiteroit
aucun avantage réel. Il eft bien plus-effentiel de
favoir en général que prefque tous les chimiftes
ont ajouté, les uns après les autres, quelques faits
à fon hiftoire, 8c qu'il n’en eft prefqu'aucun qui,
depuis la fin du fiecle dernier, n'ait eu occafion ,
dans la fuite de fes travaux, de voir quelque choie
de nouveau gu de particulier fur ce métal} que
parmi ces hommes laborieux, il faut furtout distinguer
Lémery , Stahl, Geoffroy , Hellot, Mac-
quer, Monnet, Baume, Bayen , Scheele, Bergman
8c Rinman , qui ont fait les travaux les plus
confidérables, les recherches les plus fuivies, ou
les découvertes les plus précieufes fur le/ery que,
lors de la naiffance de la doétrine pneumatique ,
Lavoifisr 8c M. Berthollet ont lié , par des rappro-
chemens ingénieux autant que par des expériences
, exaétes, tous lés faits anciennement connus aux
; bafes de la théorie.1 moderne j que ces faits ont
fervi aux chimiftes français de preuves encore plus,
fortes 8c plus convaincantes de leur doétrine, que
toutes les découvertes qui ont été faites depuis,
8c furtout celles.de MM. Monge , Vandermonde
8c Berthollet, fur les. principaux états du fer 8c
fur la fubftance nommée jufqu’ à eux plombagine,'
ainfi que celles d’ingerihouz fur là combuftion du
fer dans le gaz oxigène, de M. Vanmarum fur fon
inflammation par l'étincelle foudroyantë de l'électricité
5 de M. Delarbre fur le fer dè Vo lv ic, de
M. Vauquelin fur celui de File d'Elbe, 8cc. ont
encore ajouté à l'évidence 8c à la folidité des
preuves déjà accumulées fur la vérité de cette
; doctrine8cqu’enfin, comme on le verra dans tout
cet article,Thiftoire du fer a beaucoup gagné de
clarté, fie précifion 8c d'affurance, par les applications
exa&es qu’on en peut faire fans cefle à la
théorie pneumatique.
8. Ce qui diftingue le plus le fer de toutes les
autres fubftances métalliques , ce qui rend fon
hirtoire même littéraire, plus longue 8c fouvent
plus em'barraflee ; ce qui femble même quelquefois
préfenter , dans la compôfition des faits qui lui
appartiennent, des contradiéljons ou des oppofî?
dons difficiles à concilier auipremiér abord, c’eft-
que ce métal peut être 8c fe trouve fouvent dans
plufieurs états très-différens les uns" des autres}
c ’eft que, dans chacun de fes états, il femble être
: très-différent de lui-même, préfenter des propriétés
| disparates., 8c jouer le rôle de plufieurs' fubftances
métalliques diverfes. Auffi Bergman, un des-chi*
' miftes qui a le plus envifagé la fcience en philo-
■ fophe, a-t-il douté, après un examen;approfondi,
fi on ne devoit pas le regarder comme faifant à lui