
ces derrières ont Couvent pris .naiffa'nce dans dé
pareilles, erreurs ; mais au moins eü-'il certain ,
comme on va le voir, qu'on peut s’en défendre,
lorfqu’on travaille dans la feule intention d'éclai-
rer la fcience & d-'e.n reculer les limites.
» L'une de ces fources fécondaires d’erreurs ,
c’eft l’ignorance des travaux de ceux qui nous ont
précédés. Cet objet mérite d’autant plus d'être
difcuté ic i, qu'il y a des'chimiltes qui ont prétendu
qu'il valoit mieux opérer que lire. Je conviens
avec eux que. pour apprendre la chimie 8c.
fe mettre en état de contribuer a fon avancement,
il eft néceifaire de travailler beaucoup, & de faire
foi-même toutes les expériences fur lefquelles
cette fcience eft fondée ; mais fi l'on veut fe livrer
enfuite à des recherches particulières, je crois
qu’il eft indifpenlable de connoître tout ce qui a
été fait par d’ autres afin de juger du mérite de.
leurs travaux , de favoir jufqu ou ils font parvenus,
où ils fe font arrêtés, Sec. Sans cette con-
noiltrnce.on rifque de ne faire que ce qui a déjà
été fait, de préfenter comme neuf ce qui eft décrit
fort au long dans des ouvrages particuliers,
'& de fe voir accufer d’être plagiaire,.tandis qu’on
n’eft qu’imitateur ; enfin on perd du tems en vain,
& on auroit.pu l'employer à quelque chofe de
plus utile. Si quelqu'un vouloir travailler fur le
bleu de Prüffe (ans favoir ce que Geoffroy, Mac-
quer, Sêhéele & Berthollet ont fait fur cette fubf-
tance ; fi un autre entreprenoit des recherches
fur les argiles fans prendre connoiffance de celles
de Macquer & Baumé fur ces terres, ils ne feroient
fans doute que répéter, fans le favoir, une partie
de ce que ces favans ont fait, & leur travail fe-
roit en pure perte. D’après ces confidérations ,
j’adopte une opinion toute oppofée à celle que
j’ai fait connoître plus haut ; je penfe donc qu'on
ne doit travailler en chimie que quand on connoît
bien tout ce qui a été écrit d'important fur cette
fcience, & que , lorfqu on fe propofe de fe livrer
à des recherches chimiques fuivies , il eft indif-
penfable de confulter tous les ouvrages particuliers
, toutes les Differtations, tous les Mémoires
académiques, afin de ne partir dans fes expériences
, que du point où font reliés tous ceux qui fe
font occupés-de l'objet fur lequel on veut.travailler,
Telle eft aufli la route qu’ont fuivie tous
les bons chimiftes qui ont honoré notre fiècle.,
En donnant le fruit de leurs recherches fur diffé-,
rens objets, ils ont indiqué ce que leurs prédé-
çeffeurs avoient déjà fait, le lieu ou l'époque où
ils en étoient reliés, & ils ont ainfi diftingué ce.'
qui leur étoit dù, d’avec ce qui appartenoit aux
autres.;
» L’autre fource d’erreurs fecondaires, c’eft
la légéreté que l’on met dans l’obfervation des
phénomènes chimiques, légéreté qui eft toujours
fuivie d’une defcription trop courte;, tronquée,
fouvent ioexaéle, 8c même quelquefois fauffe , de
çgs phénomènes. Petfonne pe doute <jue l’art
d* o b fer ver ne demande des foins fansnombre , une
attention fcrupuleufe, une-patience à l 'épreuve
des longueurs qu'il entraîne néceffairenient. Malheure
ufem.nt tous les travailleurs, n’ont pas toujours
eu ces qualités *, il en eft même plufieurs pour
qui les expériences font faciles & décifives , qui
ne font embarraflbs de rien, qui fe décident promptement,
& qui n’ont pour ainfi dire befoin que
d’apperçus pour connoître les réfultats. On ne
peut douter que ce ne foit de cette fource que
font fo.rtis beaucoup d’erreurs, de faits mal vus
& de çonféquences trompeufes. On doit être
étonné de voir conftamment dans les Mémoires
de quelques chimiftes une précifion prefque mathématique
fur les produits de leurs opérations 3
une certitude dans les expériences, qui ne.leur
laifle nul doute pour leurs inductions. J’avoue
qu’il ne m’eft jamais arrivé de parvenir à cette
facilité de travail & à ces heureux réfultats.
J’aime même à me perfuader que ceux qui ço'n-
noiflènt la difficulté de fpulever le voile qui cache
les opérations de la nature dans les travaux de
l’art, penferont de même que moi. Je pourrois
citer plufieurs très-bons chimiftes qui conviennent
de cette vérité 5 & quoiqu’elle paroiffe humiliante
pour l’efprit humain, je ne puis m’empêcher de
la rappeler à ceux qui ont véritablement à coeur
l’avancement des fciences phyfiques & de la chimie
en particulier} je donnerai dans un inftant plufieurs
exemples qui viennent à l’aopui de ces af-
fertions. Je ne vois pas fans étonnement que, dans
une analyfe, même la plus facile, telle que celle
d’une fubjftance minérale , dont nous avons des
moyens aftez furs de féparer les différens principes,
quelques chimiftes retrouvent exactement &
jufqu’aux fraCtions de grains les matières qu’ils en
retirent. Quelque précifion, quelqu’adrefîe qu’ils
mettent dans leur travail, il eft impoflîble que la
chaleur, lesleflives, les filtrations, &c. n’occa-
fionnent pas toujours quelque perte, & j’avoue
que je n’ai jamais été affez heureux pour avoir
des réfultats aufli fatisfaifans que ceux que plufieurs
chimiftes modernes dirent avoir obtenus.
m Si l’on mettoit cette forte de févérité à fe
juger foi-même, il y auroit fans doute beaucoup
moins de faits hafardés dans les ouvrages des chimiftes,
mais la fcience y gagneroit, & elle ne
feroit point agitée de ces difputes trop fouvent
renouvelées , qui en retardent beaucoup les progrès.
Perfonne n’a plus de refpeCt que moi pour
les lumières du célèbre Bergman} perfonne ne
connoît mieux les importans fervices qu’il a rendus
à la chimie, cependant je n’ai point cefifé
d’être étonné qu’ il ait pu, au milieu de l’immen-
fité de fés travaux, faire une analyfe affez exaCle,
affez précife, des fuifates de potafîe & de foude,
du nitrate & du muriate de potaffe & de foude,
des fuifates de chaux, de magnéfie, d’alumine &
de potaffe, des nitrates de chaux de magnéfie,
4es muriates calcaire & magnéfien, & des fuifates
de zinc, de fer & de cuivre , pour^ énoncer,
comme il l’a fait ( i ) , les quantités d’acide, de
bafe alcaline , terreufe ou métallique, & d eau,
qui entrent dans la compofition de chacun de. ces
tels. Je me fouviens même , à cette occafion ,
qu’ayant effayé pendant plufieurs années de fuite,
Bucquet & moi, de rechercher ainfi les quantités
relatives des principes du fel marin & du fel ammoniac
(2), nous avons rencontré des obftacles
fans nombre, & nous avons conclu que cette
analyfe étoit un des travaux les plus délicats & les
plus difficiles de la chimie.
»s Ces détails me conduifent à avertir ceux qui
font des recherches chimiques , d être en g^rde
contre les réfultats précipités, de ne fe pas hâter
de conclure d’après ce qu’ils voient, de rJc° nv
mencer plufieurs fois la même expérience, & fur-
tout de décrire avec la précifion la plus fcrupuleufe
tout ce qui fe paffe dans les operations*
Cette dernière obfervation eft la plus importante
de toutes. En fuivant cette méthode defcriptive,
on ne peut jamais fe tromper : les fautes memes
que l’on commet dans les procédés, font utilesa
l’art toutes les fois qu’on examine attentivement
les phénomènes qu’elles font naître. .
« Telles font les réflexions que j’ai cru devoir
communiquer aux amateurs de chimie, fur 1 art
de faire des éxpériences de recherche dans cette
fcience. Je ne les ai point deftinees à ceux qui
s’occupent de cet objet depuis long-tems, & dont
•j’attends des leçons, plutôt que d’avoir la prétention'ridicule
de leur en donner. Les chimiftes de
profeflion,qtii cultivent aujourd’hui cette fcience
avec tant de fuccès dans prefque toutes les parties
de l’Europe, en favent aflîirément beaucoup, plus
fur cette matière, que.je ne pourrois en dire;
mais le nombre de ceux qui ne fe livrent à la
chimie que par délaffement, & dont cette fcience
ne fait point la principale occupation, s étant
beaucoup multiplié depuis quelques années , la
chimie ne pouvant que gagner à être très-répandue,
j’ai cru pouvoir donner àicette clalfe refpec-
table d’amateurs , quelques avis fur Tait .experimental
& fur les difficultés dont il eft hérifle.
Cette efpèce d’ avertiffement me paroît d’autant
plus néceffaire , qu’il eft fort à defirer que les
travaux de toutes les perfonnes que Je goût entraîne
à contribuer.aux progrès de, .la, fcience de
l’analyfe & des combinaifons, ne foient pas tout-
G) Vo yez 'Qpu/ç, chim. & p h y f . :Ae Bergmani/EraÂiits
'par M. ‘G u ÿ é ôn -'M o rv e a aD iffè re^ T daH‘ÂnàLyfè & des
eaux, pages 148 a i 53.
.. (5-)“ Ges eiFais ont écé fait-s-en—1776^ -JJ-JJ-y -1-77® •»■ «©i«
avions choifî ces deux fels, à eau le de la facilite qu il y a
d’en, féparer les principes, Sç de les obtenir bien pires , par
le procédé dé M. Woulfe., Depuis , les métKqdes chimiques
perfe6tio»nép.si ont permis 'de- faire _ces-, analysa ayée beauT
coup d’exaéljtucie, 6c oh; a reconnu quelques erreurs dons
celles de Bergman.
Chimie, Tome IV ,
à-fait perdus pour elle. Or, fi dans ces travaux
ils n’apportent point cette réferve, cette attention
, fur l’ utilité defquelles roule entièrement ce
Mémoire, ils feroient infailliblement inutiles au
progrès de la chimie, & ils pourroient au contraire
nuire à fon avancement. Plus la marcha
d’une fcience eft rapide , & plus les faits s’ y multiplient,
plus -aufli l’on doit être difficile & fe vere
dans le choix des matériaux qu’on deftine à ion
édifice fi l’on veut qu’il foit folide & durable.
m D’ailleurs, je devois rendre compte au public
favant-, de la route que j’ai fuivie dans les recherches
qui me font particulières 5 j’ai fait tout mon
poflîble pour réunir dans mes expériences les différentes
conditions dont j’ai parlé. Si je n’ai pas
réufîx, j’ofe aflurer qu’on ne pourra point en accufer
l’efprit de fyftème , la préoccupation pour
des opinions particulières, ni le défaut d attention.
Je fais qu’il eft très-facile d’être trompe
dans les réfultats} aufFi je confens de bonne foi à
ne regarder mes expériences comme concluantes,
que quand elles auront reufli aux autres chimiftes
: tel eft , fuivant moi fl le feul moyen d’af-
furer les découvertes, & de les rendre fufeepti-
blés d’être comptées, au nombre de celles qui
, oivent conflituer la fcience chimique. «
Laboratoire portatif. Plufieurs chimiftes
ont imaginé djes appareils portatifs pour faire des
expériences diverfes dans tous les lieux & dans
tous les tems. M. Guy ton eft celui de tous qui
nous paroît avoir le mieux réuffi dans ce genre de
recherches.; il a lu fur cet objet un Mémoire à
lTnftitut, le 16 brumaire an 6. Nous l’inférerons
ici en entier.
ce 11 n’y a qu’une route fûre pour arriver aux
vérités phyfiques, dit cet habile chunifte ; c’efl:
en confultant la nature elle-même par les expériences.
Indépendamment de la fagacité nécef-
faire pour leur donner un obje.t bien circonfcrit,
pour en.combiner les moyens, il y a un art de les
faire, ou;pour mieux dire, de les rendre faciles
fans diminuer la certitude de leurs réfultats. C’eft
donc travailler utilement; à l’avancement de. la
fcience, que d’éveiller l’induftrie fur les reflources
qui font à fa difpofition pour multiplier les efiais
aux. moindres frais pofllbles. On demandoit à
Franklin icomment il avoit pu fournir à la dépenfa
de fes expériences fur l’éieêtficiié, .dans un teins
,oîi il étoit bien éloigné de l’état d’aifance; il répondit
Quand on ne fait pas feier avec une vrille
& percer avec une feie, il ne faut pas fe mêler
de faire des expériences. On fait quel! fer vice
Bergman a. rendu à la chimie, & furtout à la
minéralogieen y i n t r o du i l'an t . j ’ufaf e du chalumeau
à fonder, Combien d’objfervations précieu-
f fés nous manque,noient encore, s’il.n eûc mis. cec
inftriiment à la main de ceux qui ne pou voient fe le
procurer, ou qui n’avoient pas à leur difpofitîoa
1 Lés fourneaux d’un labojqtoire I ,
D d d d