
les ufagesde la vie, qu'elle ne s'enflammoit qu’avec
une grande difficulté , & qu'elle exhaîoit une
fumée epaifte très-fétide, au lieu de prendre une
flamme vive. Enfin, on favoit que les alcalis cauf-
tjques la rongeoient facilement| & qu’elle recevoir
avec promptitude & retenoit avec force les
matières colorantes dont on l’imprégnoit, de manière
à ce qu elle avoit mérité le premier rang parmi
les fubltances à teindre. Les ufages extrêmement
multipliés auxquels on la defline dans une foule
d arts, depuis un tems immémorial, avoient fait
reconnoître toutes les propriétés utiles de la laine, J
& la chimie ne l'avait envifagëe que fous Ton rapport
le plus général avec mutes les matières animales,
lans y rien reconnoître en quelque force de
ipécifique. >
M. BerthoIIet a commencé à s'en occuper en
particulier en 1784 & 178)'. Il a fait voir que les
lf Cuves alcalines cauftiques la diflbl voient toute entière,
que les acides la précipitoient de cette dif-
folution} il a recherché dans cette combinaifon lé ,
mode d’adionque les alcalis èxerçoient fur les fubf-
tances animales, & il s'en eft fpécialement fervi
pour faire connoître l'énergie bien remarquable
qui exifte entre ces deux matières : c’eft ainfi fur-
tout qu'il a expliqué l’adion de la pierre à cautère
fur le corps des animaux. Il a fait voir de plus que
le charbon de laine étoit difficile à brûler comme
celui de tous les autres compofés'animaux; que la
laine, traitée par l'acide nitrique, donnoit du gaz
azote & de l’acide oxalique avec une matière graif-
feufe.
M. Cfyaptal -, en appliquant cette diflblution de
la laine dans les alcalis aux procédés des manufactures
de draps, 1 a préfentée comme un favon très-
utile pour ces manufactures , & très-propre pour
remplacer celui qui étoit fabriqué avec de l’huile
végétale.
On a de plus confidéré la laine comme un tréso
lv a i s conduCtéut du calorique, & l’on a expliqué
par-là comment, en retenant celui qui s'exhale
de nos corps, elle formoit les vêtemens les plus
chauds & les plus propres à tempérer les rigueurs
des hivers.
A Ces premiers faits, refultat immédiat des confédérations
dues aux progrès de la chimie moderne,
je dois ajouter ce que .j'ai vu de plus fur la nature
de la laines L'inaCtion complète qu'elle éprouve
de la part de l'eau même long-tems bouillante en
conraCt avec elle, ï'efpècê d'inaltérabilité dont elle
jouit quand elle eft coiïfervée dans ùn lieu bien fec
& aff-z aéré, la 'fnfion qu’elle éprouve quand on
la chauffe, la grande quantité d’huile épaiffe qu’elle
fournit à la di'ftillation, le .peu d'action que les
acides exercent fur elle, la vive impreffion qu’elle
reço'ir des alcalis , la proportion cônfidéfable dê
matière graifTèiife qu'elle donne quand on la traité
par 1 acide nitrique, l’adhévenceforte qu’ellecôn-
tràfte avec lés'matières colorantes, me' l’ont fait
êhvifage-r comme uffe fubftance très-hydro gérée;
demi-huileufe : le fuint qui l’imprègne fur le corps
du mouton , & dont on ne la débarraflfe que par
des lavages en favon ou un peu alcalins, en eft
encore une preuve. Dans tous les cas où l’art parvient
à en féparer l’azote, elle fe réduit promptement
à l’état huileux. Ainfi, quand l’acide nitrique
la jaunit, & en dégage ce principe en gaz, une
grande quantité d’huile graiffeüfe nage à fa fur-
face, tandis que le ;refte de fa fubftance pafie à
rétac d’acide oxalique. Ainfi, lorfqu’on la traite
par les alcalis fixes cauftiques en leffives concentrées
, 8c furtout à l’aide' de la chaleur, il s’en dégage
de l’ammoniaque formée par l’union de fon
azote avec un peu d’hydrogène ; & ce qui refte
uni aux alcalis eft un corps huileux, conftituant avec
eux un compofé favoneux.
Ces notions, tirées des connoiffances les plus
modernes de la icience, expliquent tous les phénomènes
& toutes les propriétés que prérente la
laine dans les ufages fi frequens & fi avantageux
auxquels elle eft fans çeffe confacrée. La chaleur
qu'elle donne comme vêtement ou couverture
fon impénétrabilité par l'eau, fa belle coloration,*
la durabilité & la folidité de les teintures, fa def-
trudion par les alcalis, la facilité avec laquelle la
grailfe & les huiles la pénètrent, l extenfion des
taches qui s’y forment , l’ufage même qu’elle a,
& les fondions qu elle remplit chez les animaux
qui en font couverts, & que nous en privons pour
nous revêtir j l’huile adhérente'^ fétide, le fuint
dont elle eft imprégnée fur le corps des moutons j
la manière dont elle les préferve de la pluie, & de
l’eau qui leur eft fi nuifible ; fa combuftion lente ,
fon jaunifîèmeivt & la perte de fa ténacité qu’elle
éprouve par une langue expofition à l’air, en ab-
forbant'peü à peu de i’oxigèfre, & en perdant une
partie de fon hydrogène j tout ce qui tient en un
tt’OÇ a fes caractères, à fa formation, à fon emploi,
à fës propriétés fi variées, à fa deftrudion,
devient clair & facile à concevoir par la détermi-
n^tioti précife de fa nature & de fa décompofî-
tipn. "
*- Vauquelin vient de s'occuper depuis quelques
mois (décembre 1 | b | ) de l’analyfe de la
laine comparée à celle de plufieurs autres tiflus
animaux. J’ inférerai ici le détail de fes recherches,
qu’il a bien voulu mfe communiquer.
Sans expériences bien décifives, dit cet habile
chimifte, il eft allez généralement reçu parmi les
chimiftes, que les ‘ongles , les cheveux, h corne
& la laine font d’une nature analogue ; mais on
ft’eft pas auffi généralement d’accord fur cette
nature même. Cependant le plus grand nombre
penfe que ces matières reffemblënt aux organes
blancs dés animaux, qui, par la diflblution dans
lVati , fotitfiiften't la colle-forte.
« Bichat d’après des co'n'fîdératiens phyfiolo-
giqUes fondées fur l’organifation comparée, penfe
que les ongle s & les cheveux font de la même
n'afürë que l'épiderme. Ce font ces différences
d’opinions des favans qui m'ont engagé à entreprendre
le travail dont je préfente l ’ébauche. Je-
ne me flatte pas d’avoir réfolu la queftion , mais
les expériences auxquelles j’ai fournis ces fubftan-
ces pourront quelque jour y conduire : en les continuant
, comme je me le propolê , peut-être ferai-
je moi-même fous peu allez heureux pour y parvenir.
Laine traitée par l\eau..
» L’on fait depuis long-tems que l’eau bouillante,
fous la preflion- ordinaire de l’atmofphère ,
ne fait fubir aucun changement fenfible à la laine ;
feulement celle-ci acquiert de la roideur & de la
féchereffe. Mais fi , par la compreflion, la chaleur
s’accumule dans l’eau, les chofes fe paffent autrement
, & l’on obtient des réfultats qui méritent
d’être connus. Environ quinze grammes de laine
foumife pendant une heure à l'aCtion de l’eau dans
la machine de Papin , furent réduits à quatre
grammes fept dixièmes, c’eft-à-dire, à moins d’un
tiers de leur poids primitif. Alor-s fa couleur étoit
brune j elle étoit remplie de taches d’huile grife j
fon élafticité & fa ténacité étoient beaucoup diminuées
.
» Cette laine 3 traitée une fécondé fois pendant
trois quarts-d’heure de la même manière , ne pe-
foit plus que quatre-vingt-quatre centièmes, ou
un dix-huitième de la laine, employée.
s» La diflblution avoit une couleur jaune d'urine
concentrée : une matière grafle d'une odeur nau-
féabonde la furnageoit ; elle répandoit une odeur
ammoniacale & fe troublait par le refroidiflèment.
Les acides en précipitoient une matière huileufe
d’une couleur brune, 8c l’argent expofé à fa vapeur
noirciffoit promptement. Évaporée en con-
fiftance de fîrop épais, elle s’eft en partie diffoute
dans l’alcool, & a laiflê une autre partie fous
forme de flocons infolubles dans ce menftrue.
m Cette fubftance, après avoir été évaporée-,
ne fe rediffout pas non plus entièrement dans
l’eàu j elle iaiffe quelques flocons dé matière in-
foluble.
»s Ainfi évaporée 8c redifloute dans l’eau, elle
n’a plus d’odeur ammoniacale , comme elle en
avoit au fortir de la machine de Papin , mais elle
en répand une très-forte par l’addition de la chaux
vive en poudre. ^
» L’acide fulfurique développe dans la diflblution
de cette matière l’odeur du fuint î il en dégage
en même tems une vapeur piquante, analogue
à celle de l’acide acétique , & qui forme des fumées
blanches avec le gaz ammoniacal.
» II eft évident , d’après les phénomènes qui
viennent d’être éxpofés, que la laine, dans l’opération
ci-defîus, ne s'eft pas diffoute dans l’eau
comme laine, mais bien après avoir fubi une dé-
compofition, de laquelle il eft réfulté plufieurs
compofés folubles par eux-mêmes, ou qui le font
devenus pat l'union qu’ils ont contractée en-
femble. .
„ Ainfi, par exemph , il s’eft formé de L ammoniaque,
de l'huile bitiunineufe, de l’acide carbonique
, de l’acide acétique, 8c une matière extradai
forme qui fe rapproche des matières végétales.
Une portion de l’ammoniaque . combinée a
1 huile, a Formé une efpèce de fa v o n u n e autre
'portion, unie à l'acide carbonique, a produit le
carbonate d’ammoniaque, qui s eft ditiipe pendant
l'évaporation ; enfin, une tvoifième portion
dé cet alcali s’eft unie à l’acide acétique, où elle
eft rendue fenfible au moyen de la chaux vive. On
verra, lorfque nous donnerons plus de développement
à l’explication de ces phénomènes, qu’il fe
paffe dans les fubltances animales , ainfi que dans
les matières végétales, au moyen de la chaleur
humide, à peu près les mêmes changement que
par la chaleur fèche & la fermentation putride.
Laine traitée par l'acide nitrique.
„ La laine, foumife à l'aCtion de l’acide nitrique,
d’une concentration moyenne, en eft affectee a
peu près comme toutes les autres fubltances animales.
H fe forme une matière grafle, une fubftance
jaune, amère , & de l’acide oxalique ; en
même tems il fe développe du gaz acide carbonique,
du gaz azote & du gaz nitreux.
Laine traitée par l'acide muriatique exigé né.
» De tous les acides dont l’adlion fur la laine
nous a paru la plus intéreflante , c'eft celle de
l’acide mutiatiqUe oxigéné ; c’eft pourquoi nous
allons la décrire avec quelque détail.
» Cette fubftance, fufpendue dans du gaz acide
muriatique oxigéné, femble attirer 1 humidité;
elle jaunit où cette humidité s’attache ;■ au bout
de quelque tems elle perd entièrement fa forme
& fon organifation ; elle fe réduit en une pulpe
jaune-verdâtre, qui eft en partie foluble dans l'eau,
&en partie dans l’alcool. Pendant ce tems l’acide
muriatique oxigéné perd fa couleur : il fe produit
un vide dans le vafe, & lorfqu’on ouvre celui-ci
il en fort une vapeur blanche, due à de l’acide muriatique
fimple defféche. La laine ainfi alteree fe
diffout, comme nous l’avons dit, en partie dans
l’eau : fa diflblution écume fortement par l’agitation
; elle n’a point de couleur, mais elle devient
rouge par la chaleur & 1 évaporation ; elle contient
beaucoup d’acide muriatique fimple, mais
pas de traces fenfibles d’acide oxalique ni d’ammoniaque.
» La partie infoluble dans l’eau a une couleur
brune-fauve, une faveur amère un peu analogue
à celle de la noix verte ; elle fe ramollit par la
chaleur , & prend les propriétés extérieures de
la réfine. L ’alcool la diffout en grande partie : il
relie cependant quelques flocons blancs, qui, raf