
fourneau de réverbère, femblable à celui que nous
avons décrit plus haut: l’on y entretient le feu,
durant onze à douze heures, de manière qu’il foit
toujours très-rouge 5 on remue prefque continuellement
le minéral avec des crochets de fe r , afin
d’empêcher qu’ il ne fe colle en malTe, & que les
fubftances volatiles s’en diffpent plus aifément.
Après ce tems on ceffe le feu, mais fans difcon-
tinuer de remuer le minerai tant qu’il eft rouge,
& auflîtôt qu’il a ceffé de l ’être on le fort du
fourneau, & on le jette tout chaud dans une
grande caifle où l’on a auparavant mis deux barriques
d’eau : on agite le minerai dans cette eau,
après quoi on Iaiffe repofer le tout pendant environ
deux heures. L’acide vitriolique, rendu libre
par l’évaporation du phlogiftique de la pyrite, eft
devenu nuifîble à l’eau , s’y délaie, & diflout la
majeure partie du cuivre qui faifoit la bafe de ces
pyrites. Au bout de deux heures on foutire cette
eau de leftive, chargée de vitriol, de deffus le minerai
» elle eft vendue à un particulier 3 liv. 5 f.7 d.
les deux barriques ; il en fait du vitriol bleu ou de
Vénus par l’évaporation & la criftallifation, &c.
Après que l’eau vitriolique a été ôtée de deffus
le minerai, on le tranfporte aux laveries, où il eft
Javé fur des tables ordinaires : pour lors celui
& étain, étant dégagé du foufre qui l’uniffoit au
minerai de cuivre, comme le plus pefant refte fur
la table, & celui de cuivre eft entraîné par l’eau
dans une caifle placée au bas de la table où il eft
reçu i celui d'étain eft enfuite conduit dans un
autre badin : ainfi fe fait la féparation de ces deux
minerais , qui font traités féparément aux fonderies.
L’on conçoit que f i , au lieu de mettre le
minerai dans l’eau au fortir du grillage, onlelavoit
fur les tables, on perdroit le vitriol de cuivre,
qui en s’y diflolvant feroit emporté au loin par 1 eau du lavage. Ces différens procédés ont donc
non-feulement pour objet d’avoir le minéral d‘étain
le plus pur pofflble, mais auflî de profiter de celui
de cuivre qui s’y trouve mêlé, dont une partie eft
convertie en vitriol, & l’autre qui, manquant
d’une quantité fuffifante d’acide pour être difloute,
eft reftee mêlée, après la lixiviation, avec le minerai
d * étain dont on le fépare par le lavage fur
les tables.
Les minerais d’étain, qui ne font mêlés avec
aucune autre fubftance métallique, font très-aifés
à féparer des pierres ou gangue qui leur fert de
matrice ; car quoique Y étain foit le plus léger de
tous les métaux, fon minerai eft tres-peùnt j ce
qui en facilite extrêmement la féparation de fa
matrice aux manipulations du bocardage & du
lavage. En voici une preuve. Les minéraux d‘étain
qui s’extraient des fiockwercks de Gayer, & de
Schlackenwald en Bohême, font prefque toujours
extrêmement répandus, par petits grains différhi-
nés, dans du grès a gros grains, qiii reffemblènt
allez à certains granits, parce que le minerai d’ étain
y tient la place du fckorl que l’on voit dans ces
derniers. Les grès de ces fiockwercks ( voye% au
mot Filons ce que c3eft) , fervant de matrice aux
minerais à?étain, n’en contiennent qu’environ une
à deux livres par quintal, en forte qu’il paroît
incroyable que l’on puiffe tirer parti de matières
auflî pauvres : cependant toutes celles qui contiennent
feulement une livre de minerai par cent,
paient les frais de manipulation par la facilité avec
laquelle la purification s’en fait aux laveries, après
que le tout a été réduit en fable aux bocards.
Mais afin de faire le bocardage plus facilement
du grès qui eft très-dur, on l’attendrit en lui fai-
fant fubir, à l'air libre, une efpèce de calcination :
on en met neuf à dix mille quintaux fur un lit de
bois d’environ deux mille pieds cubes.
Il ne fuffît pas toujours de dégager, ainfi que
nous l’avons d it, les minerais iïétain des fubftances
métalliques étrangères qu’ils contiennent, & des
pierres & terres qui leur fervent de matrice> car
iouyent, après les avoir purifiés au lavage autant
qu’il a été poflible , il en eft qui retiennent de.la
pyrite arfenicale ou mi-fpickel, qui eft très-pefant,
& auflî de la pyrite fulfureufe, dont il eft indif-
penfable de débarraffer ce minerai avant de le
fondre pour en retirer Y étain. Nous n’agiterons
point la queftion de fa voir fi le foufre & l’arfenic
font ici comme minéralifateurs de Y étain i il nous
fuffira de dire qu’en Allemagne & en Angleterre
l’on a grand foin de griller ou calciner les minerais
d’étain, afin d’en difliper ces fubftances volatiles
, & qu’il n’y a que ceux qui font en criftaux
purs, tels que font ceux de Platten en Bohême,
qui peuvent être fondus avec fuccès, fans avoir
fubi le feu de grillage. Nous allons détailler la
manière de faire cette calcination à Ehrenfréderic-
Dorfen Saxe, où les minerais à3étain font accompagnés
de pyrite arfenicale.
Le fourneau où fe fait cette opération a environ
dix-huit pieds de long & douze de large :
au deffus de fon fol, qui eft pavé & horizontal,
eft une voûte élevée d’environ quatre pieds dans fon
milieu : il n’y a qu’une feule ouverture à ce fourneau
pour y introduire lé bois & le minerai j elle a
trois pieds de largeur fur deux de hauteur, qui fe
termine à la naifi’ance de la voûte : les fumées ou
vapeurs arfenicales, en fe dégageant du minerai,
fortent par cette porte & enfilent une cheminée
conftruite audefliis de cette ouverture, & attenant
à la partie extérieure du fourneau : cette efpèce
de cheminée, qui s’élève d’abord perpendiculairement
, fe replie de manière: qu’elle s’adapte à
un long canai horizontal conftruit en maçonnerie’
& voûté , qui a dans oeuvre cinq pieds de haut
& trois pieds & demi de large, il eft indifférent
que ce canal foit fur une même ligne droite, ou
qu’il forme des détours ; mais il faut qu’il ait quarante
à cinquante toifes de longueur, & qu’il aille
fe terminer dans une chambre voûtée comme un
caveau, au deflus duquel font élevées deux petites
cheminées par iefquelles paffent les vapeurs
arfenicales
arfenicales qui ne peuvent fe condenfer dans le
canal & dans le caveau 5 l'arfenic qui, en fe fubli-
mant, s’eft attaché aux parois de l’un & de l’autre,
fous la forme d’une fleur blanche, eft nommé farine
par les Allemands.
Mais revenons au procédé du grillage de la mine
d'étain.
Avant que de porter du minerai à’étain dans le
fourneau, on lé chauffe jufqu’à ce qu’il foit bien
rouge, avec du bois de corde que l’on y fait entrer
par la porte dont nous avons parlé. Quand le
fourneau eft affez chaud, le bois encoreenflammé,
qui étoit au milieu de Taire du fourneau , eft
pouffé jufqu’à fa partie poftérieure pour laifler
ion fol libre : alors on y étend uniment fix quintaux
de minerai d‘ étain que l’on y Iaiffe pendant
fix heures, en obfervant de le remuer pre'que
continuellement avec un rateau de fer fufpendu à '
une chaîne , afin d’en faciliter l’évaporation de
Tarfenic qui, comme on l’a d it, va fe condenfer
dans le canal & le caveau faits pour le recevoir.
On retire du fourneau le minerai grillé durant les
fix heures ; on y en remet fix autres quintaux, en
jetant du bois, de tems en tems dans ledit fourneau
, afin de l’entretenir rouge : on continue
ainfi les grillages tant que l’on a du minerai à
torréfier : la première opération confomme communément
environ foixante-quatre pieds cubes
de bois de corde 5 mais comme dans les grillages
fuivans le fourneau eft échauffé, il en faut beaucoup
moins.
De la fonte des minerais d'étain.
Les minerais d’étain, ayant été purifiés, ainfi
que nous l’avons d it , par les manipulations du
triage, du bocardage & du lavage , & même par
la torréfadtion, pour en difliper les fubftances volatiles
, font envoyés aux fonderies, où ils font
traités par les procédés en ufage: chaque pays a
lé fîen : nous en rapporterons feulement deux;
favoir: celui des Saxons, qui eft commun à toute v
l’ Allemagne , & celui des Anglais ; nous commencerons
par décrire la méthode dos Allemands , que
nous avons fuivie étant fur les lieux.
Le fourneau dont on fe fert à Marienberg
pour fondre' les minerais d’ étain que nous avons |
repréfentés parles figures 2, 72, 2/7 & I V de la j
clajfe, V U , & qui eft le même dans toutes les
hautes montagnes de la Saxe 8c de la Bohême, a ,
comme on peut le voir par le deflin , la capacité
intérieure très-petite : fon fol, que les Allemands
nommenxfpund} eft conftruit avec une feule pierre
de granit ou grès très-réfradtaire, & forme, vers
la partie antérieure du fourneau, un plan incliné
de dix degrés.: fur la partie poftérieure de cette
pierre, on en place une autre de quatre pouces
de hauteur, & à laquelle on donne,une inclinai-
fon de dix-neuf à vingt degrés vers l’intérieur du
fourneau; enfin , fur cette dernière eft mife la
Ch im ie . Tome IV.
f pierre de tuyère, taillée 8c creufée de manière à
recevoir les canons ou bufes de deux foufflets de
cuir à un feul vent, qui ont la même inclinaifon
que la tuyère : leur longueur eft de dix pieds, &
larges de trois pieds furie derrière; mais les bufes
font difpofées de manière que le vent doit donner
deux pouces au deffus du trou de l’oeil pratiqué
en deffous de la chemife du fourneau.
Pour faciliter la matière en fufion à couler
dans le baflin de l’avant-foyer , on creufe au milieu
de la pierre de fol ou fpund, une petite rigole
qui prend fon origine près la pierre de t u y è r e 8c
va aboutir audit trou de l’oeil. Comme il arrive
qu’après avoir fondu environ quarante-huit heures
, la pierre de fol eft calcinée, en partie détruite,
& creufée de trois, quatre , jufqu’ à cinq
pouces, on eft obligé d’arrêter la fonte & de remettre
le fourneau dans fes proportions ; ce qui
fe fait en baiflànt la pierre du deffous de la tuyère,
ou en y en fubftituant une autre plus mince.
Ce fourneau n’èft fermé par-devant 8c par-der-*
rière qu’avec des pierres ou des briques faites de
grandeur convenable pour remplir exactement le
vide. ( Voyei figure IV & fon explication. )
Le baflin de l’avant-foyer eft formé avec de l’argile
feulement, dans laquelle on ménage le trou
pour faire la percée: ce tel de réception eft communément
en fer, 8c quelquefois d’une pierre
creufée, enduite d’argile.
Après avoir chauffé le fourneau & les baflins
pendant environ trois heures , on garnit celui de
l’avant-foyer de pouffer de charbon, & l’on entretient
un peu de feu dans celui de réception:
on remplit enfuite le fourneau de charbons que
l’on y met par l ’ouverture 10 de la figure I I I ,
fur lequel on charge une petite pellée déminerai
pur fans aucune addition de feories, & par-deflus
un petit baquet de charbon mouillé, que le fondeur,
place fur l ’efcalier 6 , reçoit de fon aide;
ce que l’on répète jufqu’à ce que le fourneau foit
entièrement plein : alors on Tait agir les foufflets.
Tout le charbon que l’on emploie à cette fonte
eft mis auparavant dans un cuvier plein d’eau , où
l’aide fondeur le prend avec un baquet troué pour
être de fuite porté au fourneau : par cette méthode
on évite le danger qu’il y auroit de perdre
du minerai, qui, dans fon état de fchlich ou poudre
fine, feroit en partie enlevé par le vent des
foufflets. Le fchlich s’attache au charbon mouillé,
& empêche l’exiftence de la flamme, qui pour-
roit elle-même en enlever : rien de plus ailé à
conduire que cette fonte , car il ne peut point
fe former de ne% dans le fourneau à caufe de fon
peu de longueur. S’ il arrive que quelques matières
s’attachent à la tuyère, le fondeur les fait
fauter: de même s il paroifioit fe former des
amas ou obftruétions dans le fourneau , - le fondeur
charge des feories les plus fufibles au lieu
de minerai. A tnefure que Y étain fond devant la
tuyère, il coule dans le baflin de l’avant-foyer,