
moins grande aux animaux que l’on deflinoit à ces
expériences , on a vu pluiîeurs fois du chyle tranf-
parent & comme lymphatique , du chyle vert ou
de diverfes couleurs, dans des cas où Ton n’a-
voit pas donné de nourriture laiteufe aux animaux
immédiatement avant de les facrifier à ces recherches.
11 eft évident, par exemple, que le chyle
des animaux qui fe nourrirent d’herbes fraîches,
ne peut avoir que la couleur verte de ces herbes ,
plus ou moins marquée. Il ne l’eft pas moins que
le chyle ne doit pas être la&iforme chez, ceux
qui prennent de la chair crue & même palpitante
pour aliment ; ainfi Ton peut alfurer fans crainte
d’erreur , que ce n’eft que dans quelques circonf-
tances particulières', dans des cas déterminés ,
excepté celui de jeunes animaux alaités par leurs
mères, que le chyle eft blanc, d’apparence laiteufe,
& même d’une nature analogue à celle du
lait. Dans le cas même des animaux nourris de
lait, il eft clair que cette liqueur ne paffe pas avec
fa nature complète & fans altération dans les
vaifleaux chyleux, puifqu’elle fe coagule dans leur
eftomac, de que la matière caféeufe refte en partie
dans le canal alimentaire, pour être rejetée fous
la forme d’excrémens. Donc dans la circonftance
où le chyle devroit être le plus laiteux, dans
celle du chyle formé immédiatement par le lait,
il ne conferve pas entièrement le caractère chimique
de cette humeur ; il eft déjà un extrait
dénaturé, privé de la partie caféeufe, mêlé de j
quelque matière animale, appartenante à l’individu
qui digère. •
On voit, d’après ces réflexions, que le chyle
doit véritablement différer dans les divers individus
, de jufque dans le même individu , fuivant
la nourriture qu’ils prennent, &..que, quoiqu’ il
doive avoir un caractère général plus ou moins
rapproché dan£ tous les animaux, il a cependant
des modifications, fuivant les matières alimentaires
d’où it provient. Il eft donc de toute évidence
qu’on eft bien loin d’avoir une connoifiance
exaéie de la nature du chyle , qu’il ne faut pas
croire en donner une idée exa&e en le comparant
au lait, que c’tft une aflertion fauffe , & qui n’eft
fondée fur aucun fait avéré. A plus forte raifon
faut-il rejeter ces notions erronées qu’on a inférées
dans plufieurs ouvrages de pathologie, lorsque
, pour expliquer la naifl’ance & la caufe des
maladies , on attribue quelques-unes d’entr’elles
aux altérations du chyle, à la furabondance ou à
la dégénéréfcence du férum, de l’huile butyreufe
& de la matière caféeufe qu’on fuppofe bien gratuitement
dans cette humeur. Aftruc/entr’autres,
dans fon ouvrage , très-utile d’ailleurs par la méthode
qui y brille , pouffe cette comparaifon du
chyle & du lait jufqu’ à décrire les maux produits
par l’acefcence ou l’alcalefcence du férum, du
fromage, du beurre contenus dans le chyle. On
diroit, à l’entendre , qu’il s’eft procuré au chyle
comme on fe procure du k i t , qu’il en a reconnu
les matériaux, qu’il en a fait une analyfe exa&e,
qu’il a vu la décompofition fpontanée & l’altération
diverfe de fes principes jufque dans fes
couloirs. C ’eft avec de pareilles fuppofitions ,
c ’eft en imaginant, au lieu de rechercher par
l ’expérience , qu’on arrête les progrès d’une
fçience au lieu ae les favorifer; c’eft ainfi qu’on
fait naître dans l’efprit d’un élève une fauffe
manière de raifonner, de philofopher, qui influe
fur toutes fes études, qui l’accoutume à des paradoxes,
qui 1 habitue à mettre fon raifonnement
à la place de i’obfervation ; en un mot, on change
la marche d’une fcience, & c ’eft ce qui eft arrivé
à la médecine, qui ne peut avancer qu’à l’aide
du tems & du perfectionnement de toutes les,
parties de la phyfique dont elle doit fans ceffe
s’enrichir.
Quant à ce qui tient à l’art & à la théorie de
la fcience chimique dans cet article, il faut conclure
de ce qui a été expofé plus haut, i°. que
le chyle eft encore inconnu dans Ta nature & fa
compofition j i° . qu’ il n’eft pas vrai qu’il reffem-
ble au lait, comme on l’a dit dans les ouvrages
de médecine ; $°. qu’on n’y a jamais trouvé la
partie caféeufe, la matière butyreufe; 40. qu’ on
n’en a fait encore aucune analyfe ; y0, qu’il varie
néceffairement plus ou moins, fuivant la différence
de la nourriture des animaux ; 6°. enfin ,
qu’on ne doit pas fe permettre d’expliquer théoriquement
la production de certaines maladies pair
l’altération prétendue des élémens du chyle, comparés
à. ceux du la it, en fpécifiant furtout le
beurre , le fromage 8e le férum , puifqu*aucune
expérience n’a démontré encore la préfence d’aucun
de ces matériaux dans l’humeur chyleufe.
CHYME. On appelle chyme en phyfiologie la
maffe alimentaire qui a féjourné dans Teftomac de
le duodénum, qui y a fubi l’effet de la première
digeftion opérée par la falive , le fuc gaftrique ,
le fuc pancréatique de la bile. Il paroît que cette
maffe molle, pultacée-, homogène, peut être alors
confidérée comme formée du mélange, & peut-
être même de la combinaifon intime de deux
fubftances que Je travail progreflif de la digeftion
fecondaire îépare enfuite : l’une de ces fubftances
eft le chyle qui eft abforbé par les vaiffeaux laCtés,
ouverts de toutes parts dans le canal inteftinal ;
l’autre eft la matière folide qui doit former la
bafe des excrémens, de qui eft ou excédente au
principe nourriffant, ou d’une nature à rie pas
pouvoir fervir d’aliment. La féparation de ces
deux fubftances eft un des phénomènes de la
digeftion fecondaire, dont les phyfiologiftes fe
font encore trop peu occupés, & dont la plupart
même n’ont point entrevu l’exiftence. Le célèbre
Spallanzani, qui a fait des expériences fi exaétes
& fi intéreffantes fur. la digeftion, n’a parlé que
de l’aûion du fuc gaftrique, n’a confîdéré cette
opération que dans l’eftomac , de ne s’eft point
Ai tout occupé de ce qui fe paffe dans les intef-
tins. Les anatomiftes n'ont infifte que fur la fonction
abforbante des imeüins, & que fur le paffage
du chyle dans les vaiffeaux abforbans ; ils n ont
envifagé cette fqnaion de la réparation du chyle
d'avec la maffe folide alimentaire s que comme
une aélion mécanique. Mais pour peu qu on réflé-
chiffe à cet objet, on trouve que cet-te explication
ne fuffit pas / qu’elle ne donne qu’une idée
fu per fi ciel le & tronquée, d un phénomène plus
compliqué qu’on ne l’a cru jufqu ic i, & qu il y a
plus de choies à voir dans cette opération naturelle,
qu’on ne paroît encore l’avoir foupçonné.
En effet, la feule prefiion périft al tique des parois
inteftinales & la feule fuccion capillaire des
vaiffeaux chylifères ne fuffifent pas pour faire
concevoir l’efpèce de fécrétion qui s opère dans
les premiers- inteftins, & à l’aide de laquelle la
liqueur chyleufe nourricière eft fe parée d avec la
-portion excrémenteufe du chyme. Tout annonce
que la maffe chymeufe éprouve d’abord une efpèce
de décompofition , une forte de précipitation , à
l’aide de laquelle ce qui doit être abforbé par le
fyftème lymphatique , abandonne ce qui doit former
la partie féculente. Une fois la néceflîté de
çette opération bien conçue, il ne refte plus qu’à
chercher Tefpèce d’intermède chimique capable
de l’opérer. Alors , en portant fon attention fur
le lien où la bile & le fuc pancréatique coulent,
fur la nature de la première de ces liqueurs, fi
bien reconnue pour être facilement décompo- «
fable; fur l’ utilité dont elle eft pour la digeftion ,
fur la manière dont fa partie huileufe & colorante
fe lie à la matière excrémenteufe qu’elle
colore, & dont elle fait un des caractères les plus
prononcés , on eft tenté de croire que tel' eft en
effet fon ufage dans la digeftion fecondaire , que •
la bile mêlée avec le chyme, le précipite, le déco
mpofe , le fépare en liquide chyleux qui retient
l’albumine biliaire, la foude & les fubftances fa-
lines qui y étoient contenues , & en folide féculent
auquel s’attache la portion oîéo-fébacée ou
adipocireufe de la bile. On conçoit très-bien parla
l’efpèce d’influence que la bile exerce fur la
digeftion, F action particulière qu’elle a dans la
fécondé époque de la coétion alimentaire-, de fur-
tout 1 importance que préfente aux phyfiologiftes
& aux médecins l’étude de cette humeur, & de
l’appareil inteftinal qui la reçoit de la broie avec
les alimens devenus chyme, étude faite fous ce
nouveau point de vue ; car dans une fcience aufti
exa&e de anfli précife que ia chimie actuelle ,
lorfqu’on veut furtout l’appliquer à la phyfique
animale, il ne faut avoir ae confiance que dans
le réfuhat de l’expérience même ; de le point de
théorie que je propofe ici n’eft encore de ne fera
toujours qu’une hypôthèfe fans preuves déterminées
, quelque vraifemblable quelle puifle paroï-
tre aux efprits exercés, tant qu’ elle ne fera point
étayée fur des obfervations pofitives. Il faudra
Ch im i e , Tome
donc faire fur la fécondé digeftion des recherches
expérimentales, femblables à celles qu’a fi heu-
reufement terminées le phyfiologifte italien, SpaJb
lanzani ; il faudra interroger la nature dans les
organes mêmes des animaux vivans , avant de
compter l'affertion que j’ai préfentée dans cet
article comme une vérité de fait, comme une
donnée exaête de l’hiftoire de l’économie animale.
Ce que j ’ai dit ne peut donc être regardé que
comme un apperçu que la feule expérience doit
vérifier ou infirmer, de c’eft à elle feule que je
confie le fort de mon opinion & de mes idées
à cet egard.
CHYMIATRE, CHYMIÀTRIE , CHYMIA-
TRIQUE. Dans le dix-feptième fiée le on défignoit
par le nom de chymiatre 1«? médecin qui s’appli-
quoit fpécialement à la chimie médicinale, qui s’oc-
cupoit de la nature des maladies fous le point de
vue de l’altération chimique, vraie ou fuppofée des
humeurs, de furtout qui employoit des remèdes
d’après leur compofition de leurs effets chimiques.
C’eft furtout à l’époque où le fyftème entier de
l’ art de’ guérir étoit fondé fur des hypothèfes
chimiques, des acides de des alcalis, de l’effe;-
vefcence excitée par leur mélange, de la fermentation,
&c. de l’art & des moyens de les exciter
ou de les calmer, au tems de Willi$, de Tacfcenius,
de^yiviuS, dec. que lès mots chymiatre, chymiatrie,
&: par fuite chymiatrique, avoient été adoptés. C ’eft
ainfi que l’ouvrage de Hartman portoit pour titre :
Praxis chymiatrica-, &e.
Aujourd’hui que la chimie, beaucoup plus fage
de beaucoup plus avancée qu’elle ne l’étoit à
cette époque , éclaire aufti bien , davantage de
avec bien plus d'affurance l’art de guérir 5 aujourd’hui
que l ’on fait qu’il n’y a plus moyen de
faire un pas dans la théorie ou la pratique de la
médecine fans connoiffances de chimie exaétes &
même étendues , on n’emploie plus cette eypref-
fion de chymiatre, fynonyme de médecin fpagi-
rique , qui tenoit à une feéte, & qui étoit autrefois
comme la devife d’un parti.
CIMENT. On nomme en général ciment tout
mélange de terres ou de pierres en petits frag-
rriens avec de la chaux vive de de l’ eau , par
l’effet duquel ces corps fe collent ou adhérent
les lins aux autres, à l’aide de la pâte calcaire,
de prennent une dureté plus ou moins grande ,
propre à lier les diverfes parties* des conftruc-
tions, ou à former un enduit durable fur leur
furfaee. La théorie de ces préparations eft fondée
toute entière fur la combinaifon intime de
la chaux vive avec l’eau, fur.le dégagement du
calorique qui a lieu pendant cette combinaifon ,
fur la forte congélation que l’eau éprouve, & fur
la folidité que la chaux acquiert en s’éteignant ;
les fragmens de quartz, de cailloux, de gravier
* de briques, de poteries, fai fis par cette chaux,