
89* S i , au lieu de calciner & de décompofer
le fulfate de fer dans un vaiffeau ouvert, dans un
creufet, on tait la même opération dans un appareil
diliillatoire, &dans une bonne cornue de grès
qui puiffe réfifter à un grand feu , on obtient d?a-
bord de l'eau un peu acide, qu'on nommoit rofée
as vitriol quand ce fel portoit lui-même ce dernier
nom. On doit changer de récipient lorfque cette
eau cefle de palier, & il fe dégage alors de l'acide
lulfurique de plus en plus'concentré, chargé d'acide
fulfureux, fouvent noir, & fumant à caufe
de la quantité de cet acide fulfureux qu'il tient en
difiolution. Les dernières portions d'acide , qu'on
n'obtient qu'à l'aide d'un feu tvès*violent, fou-
tenu au rouge-blanc pendant plufieurs heures,
font concrètes & blanches : on les délîgnoit autrefois
par le. nom d huile de vitriol glaciale. Un
chimifte allemand, Chriftian Bernhardt, a décrit
en 1755 les propriétés fingu Itères d'un acide ful-
furique fumant de Northaufen, petite ville de la
Baffe-Saxe, où l'on préparoit beaucoup de cet
acide par la diftillation du fulfate de fer ■ comme
on le fait encore dans beaucoup d’endroits de
rAllemagne : il a trouvé entr’autres que cet acide
fumant 3 diftillé à un feu très-doux , donnoit un
acide volatil blanc concret, criftallifé ou dépofé
en croûtes comme certains champignons , qui exp
lo it beaucoup de vapeur âcre à l'air, où'il fe
fondoitj qui s’uniffoic à l'eau avec bruit, &c.
Meyer, en citant ces expériences dans fon Effai
fur la chaux vive , attribue les propriétés de ce fel
a fon principe hypothétique, acidum pingue ou
caufiieum. J’ai répété, les expériences de Chriftian
Bernhardt j j'ai obtenu exactement les mêmes résultats
que j'ai décrits en détail dans les Mémoires
de VAcadémie pour 1785- , & j'y ai fait voir que
l'acide concret & criftallifé, obtenu par la diftillation,.
n'étoit que de l'acide fulfurique furchargé,
d'acide fulfureux j qu’il perdoit une grande partie
de ce dernier à l'air, & par fon union avec l'eau j
qtSon pouvoit le préparer fans avoir befoin de la
diftillation de 1 huile de vitriol fumante de Scxe3 en
iaturant de l'acide fulfurique furchargé d’acide fulfureux.
Quand on a entièrement décompofé par le
feu lë fulfate de fer dans fa diftillation, opération
qui fourni/Toit feule l’ancienne huile de vitriol
avant qu'on préparât cet acide fulfurique par la
combuftion du foufre, il refte un réfidu rouge,
femblable à celui qu’on obtient par la calcination
de ce fel clans des vaifleaux découverts, & d’où
on féparoit par le lavage, fous le nom de fe l col-
cothar 3 fel fixe de vitriol, un peu de fulfate de fer
furoxigéné, dont je parlerai bientôt, tandis que?
çe lavage laiffoit un.oxide de fer rouge, -nommé*
improprement autrefois terre douce de vitriol.
9Q. Le fulfate de fer expoféi à l'air y éprouve ^
un genre d’altération dont on ignoroit autrefois
la caufe, & que Scheele a fait connpître. De
vert & tranfparent qu'eft ce £el .pur;, il dévient
jaune, opaque & pulvérulent à f* furface. Sa ‘
diffolution dans l’eau, qui n'exige à froid que
deux fois fon poids de ce liquide furtout, préfente
le même phénomène d’une manière encore
plus marquée : la liqueur, d'abord d’un beau vert
tranfparent, fe trouble, jaunit, précipite un
oxide de cette coulêur, 8c finit même par devenir
rouge, épaifle, incriftallifable lorfqu’ellé
refte long-tems expofée à l'air, lorfqu'on la
chauffe de même dans l’air , 8c dans tous les cas
où elle peut abforber de l’oxigène. Ainfi, par
exemple , l'addition de l'acide muriatique oxï-
géné-la jaunit & la précipite fur le champ. Le
lulfate de fer vert offre le même changement
quand on le diffout dans l’eau aérée ; & Scheele
a donné ce procédé pour reconnaître 8c apprécier
la quantité d’air contenue dans les eaux différentes
, par la proportion de précipité fourni
dans chaque eau au moment de la difiolution de
ce fel. Ainfi la décompolïrion du fulfate de fer\
dans toutes les circonftances, eft due à i’abforp-
tion de l’oxigène, à l’oxidation plus forte du
métal : alors il abandonne en partie l’acide fulfurique
; & celui quf y refte étant encore plus
oxide, forme du lulfate de fer rouge ou furoxigéné
, qu'on nommoit- autrefois eau mère de vitriol
, parce que fa difiolution refte toujours plus
ou moins abondante après la criftallifation du fulfate
de fer vert. J’examinerai plus bas les propriétés
caraétériftiques & particulières de ce fulfate
furoxigéné, après avoir fait connoître toutes
celles du fulfate ordinaire.
91. L acide nitrique , furtout à l ’aide de la cha-
leur, change le fulfate de fer en fulfate furoxigéné.
Toutes les matières terreufes alcalines &
les alcalis précipitent l'oxide de ce fe l, & le
decompofent. Les alcalis fixes purs & la chaux en
féparenc un oxide d’un vert foncé qui paroît
prefque noir, & qui refte de cette coulétir lorf-
qu on le fait deflecher promptement en vaifleaux
CI0S5 à l’air, & lorfque ce précipité y eft expofé
humide, il rougit & jaunir très-promptement en
continuant de s’oxider. L'ammoniaque fépare du
fulfate de fer vert un oxide encore plus foncé que
celui que précipitent les alcalis fixes , & qui
pafle plus facilement encore à l’état d’oxide noir
lorfqu’on le deflèche rapidement dans des vàfes
fermés. Les fulfures & les hydrofulfures précipitent
la diffolution de fulfate de for vert en un
oxide fulfuré ou hvdrofulfuré noirâtre.
92. La plupart aes fels ont une aétion plus ou
moins marquée fur le fulfate de fer3 qui lés1 dé-
compofe en même tems. Le principe de ces dé-
compofitions, qui exigent prefque toutes l’aétion
du feu, dépend de la féparation de cet acide du
fulfate par le calorique : c’eft ainfi fpécialement
qu’il agit fur les nitrates. Si l’on dillille parties
égales de nitrate de potafle & de fulfate de fer
dans une cornue de grès, 011 obtient de l ’ac ide
nitrique d’abord foible , enfuite à l’état nitreux'-,
j?uis de l’acide fulfureux en très-petite quantité}
maïs fi on prend le nitrate de potafle fondu 8c
le fulfate de fer calciné au jaune, on n’a que très-
peu de produit acide , formé de deux liqueurs,
dont l’une rouge-brune , prefque noire, nage à la
furface de l’autre , qui eft plus lourde 8c moins
colorée. Il pafle enfuite, dans le col de la cornue 8c
dans i'alonge, une matière blanche/concrète, très-
cauftique, très-déliquefeente, qui fe diflout dans
l ’eau avec rapidité 8c efferyefcençe, en exhalant des
vapeurs rouges confidérables $ qui:fe combine à la
potafle & àlafoude en exhalant les mêmes vapeurs,
& forme des fulfates ; en un mot, de l’acide ful-
furique, devenu concret par la vapeur nitreufe ou
par l’oxide nitreux qui le fature. Les deux liqueurs
rouges font deux,acides nitreux différens,
qui Ce mêlent par l’agitation, 8c ne-font plus en-
fuite qu’un feul acide nitreux très-foncé, Buc-
quet avoit fait fur ce double produit nitreux, peu
connu encore 8c peu examiné par les chimiftes,
quelques expériences allezSingulières qu'il a communiquées
àT Académie des fciences. L'acide lur-
nageant ou le plus léger, mêlé avec de l'acide
fulfurique produifit une vive effervefcence, 8c
même une explofion dangereufe, puifque tout
l'acide nitreux fut réduit fur le champ en vapeur,
& l'acide fulfurique prit une forme concrète 8c~
criftalline par l’abforption 8c la condenfation de
l’oxide nitreux qu’il lui enleva dans l'exploiion
qui eut lieu î celui qui faifoit l’expérience eut la
figure 8c les mains couvertes de gouttes d’acide :
il s’éleva à l'inftant même;fur fon vifage des,boutons
rouges 8c enflammés, qui ont fuppuré comme
des pullules de petite: vérole. Les deux acides
nitriques obtenus dans, cette expérience ne font
feparés que parce que le fécond qui furnage l’autre
comme plus^ léger 8c plus chargé d'oxide nitreux,
arrive peu à peu, 8c fe raflemble lentement à fa
furface fans s’y mêler. On voit un même phénomène
dans l’acide fulfurique foible qu'on fait couler
au defliis de l'acide fulfurique concentrée 8c
qui le recouvre fans s'y unirj dans l'acide muriatique
formé au fond de l’eau par la condenfation
du gaz qu’on fait pafler pour préparer cet
acide , à l'aide de tubes qui plongent au bas de
ce liquide : dans cette dernière expérience, on
remarque une couche d'eau faturée d'acide, plus
denfe 8c bien diftinéte de l’eau non encore faturée
qui Ja recouvre. L’agitation produite par le
Saz 3 qui continue à pafler & à fe lever de plus
.en plus dans la liqueur à mefure que celle-ci fe
fature de bas en.haut, fait difparoître à la fin ces
deux,couches , comme elle le fait dans les deux
àcides nitreux qu’on, mêle. Le réfidu de la diftil-
lation du fulfate de fer & du nitrate de potafle
eft une efpèce de feorie ferrugineufe dont on
ne peut tirer que très ^ peu de fulfate de potafle
quand on a fortement chauffé le mélange. On en
retire beaucoup plus quand, on n’a pas donné un
Audi grand coup de feu.
93. Ôn décompofé les muriates, & fujtoyt le
Chimie, Tome IV,
muriate de foude, par le moyen du fulfate de
fer? à raifon du dégagement de l’acide fulfurique
qui fépare l’acide muriatique de fa bafe : c’eft un
des moyens d avoir de l’acide muriatique gazeux
très-abondant. Il pafle aulfi de l’acide muriatique
oxigéné, à caufe de l’a&ion de cet acide fur
l’oxide de fer : voilà pourquoi l’opération faite
avec le fulfate de fer donne de l’acide coloré
en jaunej a la fin il s’élève même un peu de muriate
de fer en vapeur. 11 refte du fulfate de foude
dans le réfidu} il eft cependant difficile à extraire,
parce que la forte chaleur qu'on a employée dans
l’opération, l’a combiné en une efpèce de fritte
avec l’oxide de fer: le muriate furoxigéné de potafle
altère Ja nature du fulfate de fer y & le fait
pafler à l’état furoxigéné ou rouge.
- 94. Les phofphates alcalins font dëcompofés
par le fulfaçe de fer qu'ils décompofent en même
tems } il fe fait un précipité de phofphate de fer,
& il refte des fulfates alcalins en difiolution. Les
borates, 8e furtout le borax ordinaire ,■ font dé-
cpmpofés par le fulfate.de fer. Par la. voix humide,
il fe fait un précipité de borate1 ferrugineux,
& il rtefte du fulfate de foude en difloiii-
tion dans la liqueur furnageante. Parla voie fèch^-
& en faifant cette expérience dans des vaifleaux
fublimatoires , on obtient de l’acide boracique,
fubhme &■ criftallifé à la faveur, de l'eau contenue
dans lé mélange. C'eft dans une pareille opération
que Homberg a découvert cette1 efpèce d'acide
qu'il croÿoit produit par le vitriol, & qu'il
avoit nommé, à caufe de cela, fel volatil narcotique
de vitriol. Les carbonates alcalins liquides décompofent
le fulfate de fer, Sc en précipitent du
carbonate déférions la forme d’une poudre grife,
qui diffère beaucoup du précipité donné par les
alcalis purs. II faut remarquer que tous les faits
décrits jufqu'ici fur les fulfates de fer prouvent
que l'oxide qui y eft contenu eft à l'état d'oxide
noir, ou n'elt chargé d'oxide qu'à la dofe de 0.25
à 0.29.. •
,9f. J'ai fait voir dans tout ce qui précède fur
le fujfate de fe r , que ce fel eft très-avide d’abfor-
ber l'oxigène, qu'il le prend à l'air, à l’eau aérée,
à l’acide nitrique, à l'acide muriatique oxigéné, 8c
furtout par l’agitation de fa diffolution avec l’air,
ou par l’évaporation dans des vaifleaux ouverts :
dans tous ces cas, le fulfate de/*r pafle à l'état
d'un fel furoxigéné, dont il eft important de connoître
les propriétés différentes. On obtient ce
fel furoxigéné en diflblvaht de l’oxide de fer rouge
dans l'acide fulfurique concentré à l'aide de la
chaleur : on l’a nommé eau-mère, parce qu’il en
refte toujours dans la diffolution qui a formé de
criftaux de fulfate de fer vert, & parce qu'outre
la couleur rouge qui le diftingue de ce dernier , il
n'eft pas criftallifable. comme fui. Déjà les chimiftes
avaient reconnu quelques différences entrer
les propriétés, de cette;eau-mère & celles du foL
fate de fer YëJt & criftallifé} ils en avoiënt annoncé V y